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18/04/2024 | FRANCE | N°20/08044

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 18 avril 2024, 20/08044


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/

SM/FP-D











Rôle N° RG 20/08044 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGGBN







[U] [K]





C/



S.A.R.L. TEKMA

























Copie exécutoire délivrée

le :

18 AVRIL 2024

à :

Me Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de GRASSE



Me Sop

hie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cannes en date du 09 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00391.





APPELANTE



Madame [U] [K], demeurant [Adress...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024

N° 2024/

SM/FP-D

Rôle N° RG 20/08044 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGGBN

[U] [K]

C/

S.A.R.L. TEKMA

Copie exécutoire délivrée

le :

18 AVRIL 2024

à :

Me Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de GRASSE

Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cannes en date du 09 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00391.

APPELANTE

Madame [U] [K], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A.R.L. TEKMA, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2015, la S.A.R.L. Tekma (l'employeur) a engagé Mme [U] [K] (la salariée) en qualité d'employée service commercial, coefficient E3, non cadre, la durée de travail hebdomadaire étant fixée à 35 heures et le salaire mensuel brut à la somme de 1 768,14 euros.

Aux termes d'un avenant du 13 février 2015, la période d'essai de Mme [K], venant à expiration le 2 mars 2015, a été renouvelée pour un mois.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation de France métropolitaine.

Au cours du mois de juillet 2016, la salariée a posé deux jours d'absence pour enfant malade les 19 et 20 juillet, et a repris le travail le 21 juillet 2016.

Mme [K] a ensuite été placée en arrêt de travail pour une maladie non professionnelle à compter du 23 juillet 2016.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 juillet 2016, la société a convoqué la salariée le 5 août 2016 en vue d'un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 août 2016, la société a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Madame,

Suite à notre entretien préalable du vendredi 05 août 2016 auquel nous vous avions convoqué en date du 26 juillet 2016 par lettre recommandée avec accusé de réception, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Votre contrat de travail sera définitivement rompu à la date de première présentation de cette lettre.

En ce qui concerne les motifs de licenciement il s'agit de ceux évoqués lors de l'entretien précité du vendredi 05 août 2016, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

Le jeudi 21 juillet 2016, lors de votre retour dans l'entreprise après votre absence, vous remettez un justificatif d'absence à notre comptable. Celle-ci vous fait savoir que le justificatif devait nous parvenir dans les 48 heures, et vous demande le motif de votre retard de ce jour, car si MR [F] [X] ne vous le demande pas, la comptable le fait, c'est alors que vous vous êtes emportée en disant « que de toutes façons MR [F] n'a pas de couilles ».

Cette attitude est inadmissible, cet incident s'étant produit en présence de notre comptable mais aussi de ma fille salariée très choquée par les insultes à l'égard de son père.

De plus, nous vous avions averti verbalement de certaines dérives dans votre travail, l'utilisation abusive de votre téléphone portable pendant les heures de bureau, alors que c'est interdit, ainsi que vos retards quotidiens, sans explication, à la reprise de 13H30.

Par conséquent, au regard de ces motifs nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration, puisque les faits que nous avons constatés constituent une faute grave justifiant ainsi votre licenciement sans indemnité ni préavis.

Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravite des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.

Vous voudrez donc bien vous rendre, à partir de cette date, au service du personnel, pour retirer votre solde de tout compte, votre attestation Pôle emploi, votre certificat de travail ainsi que les dernières sommes dues.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées.'

Suivant requête enregistrée au greffe le 26 avril 2017, la salariée a saisi le conseil des prud'hommes de Cannes à l'encontre de la S.A.R.L. Tekma aux fins de voir :

- dire le licenciement de Mme [U] [K] sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société Tekma à payer à Mme [U] [K] la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- dire l'ensemble des sommes productives d'intérêts de droit, capitalisés d'année en année, à compter de la citation devant le bureau de conciliation, et ce, jusqu'à parfait paiement,

- dire que l'ensemble des sommes sollicitées découlent du contrat de travail et sont donc exclues de l'article 10 du tarif des huissiers résultant du décret du 8 mars 2001,

- dire que les dommages et intérêts seront nets et donc exempts de toutes charges de CSG et de CRDS qui seront à la charge de l'employeur,

- ordonner l'exécution provisoire de la totalité de la décision à intervenir,

- condamner la société Tekma au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Suivant jugement du 9 juillet 2020, le conseil des prud'hommes de Cannes a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Madame [U] [K] est confirmé,

- débouté Madame [U] [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- dit qu'il n'y a pas de sommes productives d'intérêts de droit, capitalisés d'année en année, à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation, et ce, jusqu'à parfait paiement,

- dit qu'il n'y pas de sommes sollicitées découlant du contrat de travail et donc exclues de l'article 10 du tarif des huissiers résultant du décret du 8 mars 2001,

- dit qu'il n'y a pas de dommages et intérêts nets exempts de toutes charges de CSG et de CRDS à la charge de l'employeur,

- dit que les écritures, fins et conclusions de la société Tekma sont fondées et justifiées,

- débouté la société Tekma de sa demande reconventionnelle de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [U] [K] aux entiers dépens.

****

La cour est saisie de l'appel formé le 21 août 2020 par la salariée.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 22 juin 2021 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [U] [K] épouse [W] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Cannes

Et,

Statuant à nouveau

JUGER le licenciement de Madame [U] [K] sans cause réelle ni sérieuse.

En conséquence :

CONDAMNER la société TEKMA à payer à Madame [U] [K] les sommes suivantes :

- 12.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 2003,53€ bruts à titre de rappel de salaire sur préavis outre la somme de 200,53€ bruts au titre des congés payés y afférents

- 834,80€ nets au titre de l'indemnité de licenciement

DIRE l'ensemble des sommes productives d'intérêts de droit, capitalisés d'année en année, à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation, et ce, jusqu'à parfait paiement ;

DIRE que l'ensemble des sommes sollicitées découlent du contrat de travail et sont donc exclues de l'article 10 du tarif des huissiers résultant du décret du 8 mars 2001 ;

DIRE que les dommages et intérêts seront nets et donc exempts de toutes charges de CSG et de CRDS qui seront à la charge de l'employeur ;

DEBOUTER purement et simplement la société TEKMA de ses écritures, fins et conclusions, lesquelles sont manifestement infondées et injustifiées tant en fait qu'en droit, en leur principe et en leur quantum.

CONDAMNER la société TEKMA au paiement de la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 14 janvier 2021 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la S.A.R.L. Tekma, représentée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Cannes du 9 juillet 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de Madame [U] [K] est confirmé et parfaitement fondé,

En conséquence,

- débouter Madame [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Madame [K] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 janvier 2024.

MOTIFS :

1. Sur la rupture du contrat de travail :

La salariée souligne qu'aucun manquement ne peut lui être reproché pendant la relation contractuelle.

Elle indique produire de nombreuses attestations la décrivant comme une personne calme et posée et remet en cause l'objectivité des deux attestations de salariées produites par l'employeur, s'agissant de la comptable qui l'aurait agressée verbalement d'une part, et de la fille de l'employeur d'autre part., alors que d'autres salariés auraient entendu l'échange.

Elle fait enfin valoir que l'employeur ne produit aucun justificatif pour démontrer une utilisation abusive du téléphone et des retards quotidiens.

En réponse, l'employeur explique avoir averti Mme [K] des dérives qu'elle constatait dans son comportement professionnel, tant au niveau de l'usage de son téléphone portable personnel ou professionnel pendant les heures de bureau, que des retards à la reprise du travail à 13h30.

Il ajoute que le 21 juillet 2016, Mme [K] est revenue travailler après une absence de plusieurs jours et a tenu des propos insultants à son égard auprès de la comptable qui lui demandait le justificatif de son absence.

Il précise que ces insultes ont été entendues par d'autres salariés, dont sa fille.

Il estime inenvisageable, dans une entreprise comptant quatre salariés, de continuer à travailler avec une personne qui crie devant témoin qu'il 'n'a pas de couilles'.

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche à la salariée :

- de l'avoir insulté en présence de la comptable et à proximité de sa fille salariée qui a entendu la conversation,

- d'avoir utilisé son téléphone portable de manière abusive pendant les heures de bureau,

- d'être arrivée en retard quotidiennement à la reprise de 13h30.

L'employeur se prévaut des éléments suivants :

- une attestation établie par Mme [M], comptable, expliquant notamment : 'Je lui ai également demandé la cause de son retard en lui faisant remarquer qu'actuellement, c'est presque tous les jours matin et reprise après le déjeuner et en lui disant que si Mr [F] n'ose pas le lui demander, c'est moi qui te le demande. Elle m'a rétorqué que si Mr [F] n'a pas de couilles pour me le demander directement je réglerai le problème dès demain matin avec lui.'

- une attestation établie par Mme [F], employée administrative et fille de l'employeur, qui précise avoir entendu la salariée dire à la comptable : '...Si Monsieur [F] n'a pas de couilles...',

- une attestation de M. [G] affirmant ne pas se souvenir avoir entendu la conversation litigieuse.

L'employeur ne produit donc aucun élément objectif relatif à l'utilisation du téléphone portable par la salariée pendant ses heures de travail ; la cour dit en conséquence que ce fait n'est pas constitué et ne peut justifier le licenciement.

En outre, si Mme [M], comptable, évoque les retards de la salariée dans son attestation, la cour relève que ses affirmations ne sont nullement circonstanciées et que pour la journée du 21 juillet 2016, la salariée explique sa présence dans le bureau de la comptable à 9h05 par son passage préalable à son bureau pour déposer ses affaires, ce qui n'est pas contesté.

Faute de production de tout autre élément objectif et circonstancié, la cour dit que le fait tenant aux retards quotidiens de la salariée n'est pas établi et ne peut justifier son licenciement.

En revanche, en l'état des attestations circonstanciées versées par l'employeur, ce dernier démontre la réalité des propos attribués à la salariée aux termes du courrier de licenciement d'une part, et le fait que ces propos ont été entendus par deux des trois autres salariés d'autre part.

Si la salariée verse pour sa part de nombreuses attestations établies par son psychiatre, son entourage professionnel et amical aux fins de démontrer qu'elle est une personne calme et respectueuse et qu'elle ne profère pas de propos vulgaires, la cour dit que ces considérations d'ordre général sur sa personnalité ne permettent pas d'écarter les éléments précis et concordants produits par l'employeur.

Le fait tenant à l'insolence de la salariée est donc constitué.

Néanmoins, l'étude de l'ensemble des éléments versés au débat met en évidence que Mme [M], la comptable, a adressé plusieurs reproches à la salariée dès son retour d'arrêt maladie et que la réponse de Mme [K] visant M. [F] s'analyse davantage en une provocation de la salariée en réaction aux reproches qui lui étaient adressés par sa collègue qu'en une volonté d'amoindrir l'autorité de son supérieur hiérarchique.

Il s'ensuit que si les faits reprochés à la salariée constituent une cause réelle et sérieuse dès lors qu'il s'agit d'une insulte visant l'employeur prononcée en présence d'autres salariés dans une petite entreprise par une salariée justifiant de dix-huit mois d'ancienneté seulement au moment des faits, ils ne sauraient toutefois caractériser une faute grave privant Mme [K] de tout droit à indemnité au regard du contexte.

Le licenciement n'est donc pas fondé sur une cause grave mais sur une cause réelle et sérieuse, et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

2. Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

2.1 :Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

La salariée soutient qu'elle pouvait bénéficier d'un délai congé d'une durée d'un mois en application de la convention collective.

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois (...).

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L.1234-5 du même code dispose pour sa part que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L.1235-2.

L'article 12 de la convention collective applicable prévoit un délai-congé d'un mois au profit de l'employé totalisant moins de deux ans d'ancienneté de services continus chez le même employeur.

En l'espèce, il n'est pas discuté que Mme [K] bénéficiait d'une ancienneté d'un an et sept mois au moment de la rupture du contrat de travail.

Eu égard aux dispositions susvisées, la salariée a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis, avec les congés payés afférents, équivalente à un mois de salaire sur la base du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait travaillé pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de la rémunération.

Il ressort à ce propos du bulletin de salaire du mois de juin 2016, dernier mois complet travaillé par la salariée -soit hors maladie-, que celle-ci a perçu la somme brute de 2 003,53 euros.

L'employeur sera par conséquent condamné, par infirmation du jugement déféré, à lui payer la somme de 2 003,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 200,53 euros au titre des congés payés afférents.

2.2 :Sur l'indemnité de licenciement

La salariée indique que la convention collective nationale applicable prévoit une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté et soutient justifier d'une ancienneté de 1 an et 8 mois en incluant la période de préavis.

L'article L.1234-9 du code du travail prévoit que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R.1234-2 du même code, dans sa version en vigueur au jour du licenciement, dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Aux termes de l'article R.1234-4, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieur à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

En l'espèce, la salariée bénéficiait d'une ancienneté d'un an et huit mois en tenant compte du préavis.

Il ressort des pièces versées au débat qu'elle a perçu les sommes brutes suivantes :

- 1 810,03 euros au mois d'août 2015,

- 1 810,03 euros au mois de septembre 2015,

- 1 810,03 euros au mois d'octobre 2015,

- 1 810,03 euros au mois de novembre 2015,

- 1 810,03 euros au mois de décembre 2015,

- 1 810,03 euros au mois de janvier 2016,

- 1 810,03 euros au mois de février 2016,

- 1 810,03 euros au mois de mars 2016,

- 2 003,53 euros au mois d'avril 2016,

- 2 003,53 euros au mois de mai 2016,

- 2 003,53 euros au mois de juin 2016,

- 1 541,19 euros au mois de juillet 2016,

soit un salaire mensuel moyen de 1 836 euros sur les douze derniers mois et de 1 849,42 euros sur les trois derniers mois.

Cette dernière somme, plus favorable à la salariée, sera retenue comme base de calcul conformément aux dispositions susvisées.

Mme [K] peut par conséquent prétendre au paiement d'une indemnité de 770,59 euros sur ce fondement (soit 1 849,42 x 1/4 + 1 849,42 x 1/4 x 8/12).

L'employeur sera dès lors condamné à lui payer ladite somme, par infirmation du jugement déféré.

2.3 : Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La cour ayant jugé que le licenciement de Mme [K] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par suite, en l'absence de dommages et intérêts alloués à la salariée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas de dommages et intérêts nets exempts de toutes charges de CSG et de CRDS à la charge de l'employeur.

3. Sur les intérêts :

La cour dit que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Par ailleurs, en application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus pour une année entière seront eux-même productifs d'intérêts,

4. Sur l'application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 :

La cour rappelle qu'en application des articles R.444-52, R.444-53-3° et R.444-55 du code de commerce, lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail, le versement d'une provision avant toute prestation de recouvrement ne peut pas être mise à la charge du créancier.

La cour dit en conséquence que l'ensemble des sommes allouées aux termes de la présente décision seront exclues de l'article 10 du tarif des huissiers découlant du décret du 8 mars 2001.

5. Sur les autres demandes :

La S.A.R.L. Tekma, qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens, en ce compris les dépens de première instance.

Par ailleurs, il n'est pas inéquitable de laisser à la S.A.R.L. Tekma ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elle sera par conséquent déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la S.A.R.L. Tekma sera condamnée à payer à Mme [K] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes les dispositions qui lui sont dévolues, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dit qu'il n'y a pas de dommages et intérêts nets exempts de toutes charges de CSG et de CRDS à la charge de l'employeur,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour faute grave n'est pas justifié,

DIT que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A.R.L. Tekma à payer à Mme [U] [K] les sommes suivantes :

- 2 003,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 200,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 770,59 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

DIT que l'ensemble des sommes ainsi allouées sont exprimées en brut,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DIT que les intérêts échus pour une année entière seront eux-même productifs d'intérêts,

DIT que l'ensemble des sommes allouées aux termes de la présente décision seront exclues de l'article 10 du tarif des huissiers découlant du décret du 8 mars 2001,

CONDAMNE la S.A.R.L. Tekma au paiement des dépens,

CONDAMNE la S.A.R.L. Tekma à payer à Mme [U] [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la S.A.R.L. Tekma de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 20/08044
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;20.08044 ?
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