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18/04/2024 | FRANCE | N°20/07807

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 18 avril 2024, 20/07807


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/

SM/FP-D











Rôle N° RG 20/07807 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGFLY







S.A.R.L. [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE





C/



[F] [MJ]

















Copie exécutoire délivrée

le :

18 AVRIL 2024

à :

Me Kristel GORAN, avocat au barreau de GRASSE





Me Flor

ence GEMSA, avocat au barreau de NICE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 27 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00326.





APPELANTE



S.A.R.L. [E] HYGIENE MAI...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024

N° 2024/

SM/FP-D

Rôle N° RG 20/07807 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGFLY

S.A.R.L. [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE

C/

[F] [MJ]

Copie exécutoire délivrée

le :

18 AVRIL 2024

à :

Me Kristel GORAN, avocat au barreau de GRASSE

Me Florence GEMSA, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 27 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00326.

APPELANTE

S.A.R.L. [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Kristel GORAN, avocat au barreau de GRASSE,

et par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de LILLE

INTIME

Monsieur [F] [MJ], demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Florence GEMSA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat à durée indéterminée du 16 octobre 2008, la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service (l'employeur) a engagé M. [F] [MJ] (le salarié) en qualité de chef d'équipe, classification MP3, la durée de travail mensuelle étant fixée à 151,67 heures et le salaire mensuel brut à la somme de 2 158,08 euros.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

M. [MJ] s'est vu notifier plusieurs avertissements par l'employeur, aux termes de courriers recommandés avec accusé de réception en date des 7 janvier 2011, 23 octobre 2012, 6 décembre 2012, 23 janvier 2013 et 11 juin 2013.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 8 octobre 2013, la société a convoqué le salarié le 17 octobre 2013 en vue d'un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 octobre 2013, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Monsieur,

Je fais suite à l'entretien préalable du 17 octobre dernier, auquel vous vous êtes présenté seul.

Lors de cet entretien vous avez refusé que je vous expose les faits qui vous sont reprochés et qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour faute grave.

Vous m'avez répondu que ce n'était pas la peine car tout ce que l'on vous reproche est faux.

Vous avez affirmé que vous n'aviez jamais exercé le poste de Responsable de secteur car [L] vous faisait faire « tous les chantiers de merde ».

Vous avez ajouté que vous étiez aller voir l'inspection du travail et le Conseil de Prud'hommes, que vous aviez recueilli des attestations en votre faveur et que vous saviez quoi en faire.

Cette menace ne change rien au fait que malgré de nombreuses mises au point verbales et de nombreux avertissements formels : 7 janvier 2011, 7 juin 2012, 11 juillet 2012, 23 octobre 2012, 6 décembre 2012; 23 janvier 2013 et le 11 juin 2013 (ce dernier précisant bien qu'il s'agissait de votre dernière chance), vous ne faites pas votre travail de Responsable de secteur et nous recevons des plaintes de nos clients.

En effet, au cours du mois qui a précédé la procédure de licenciement, nous avons du faire face aux problèmes suivants :

- Le 9 septembre le directeur de l'Intermarché de [Localité 4] a appelé [L] pour se plaindre de l'état déplorable de son magasin, de l'absence de produits et du fait qu'il ne vous voyait plus. Il a ajouté qu'il était en train de faire visiter les locaux par le nouveau propriétaire et que nous risquions de perdre le marché.

Le même jour, Monsieur [K], Directeur de l'Intermarché de [Localité 7] Port, a appelé [L] car il vous demandait de faire les bâches depuis plusieurs semaines et qu'elles n'étaient toujours pas faites.

Il l'a également averti que vous disiez à tout le monde que [L] vous envoyait exprès sur d'autres chantiers et que vous n'aviez pas le temps de faire votre travail.

- Le 10 septembre, vous m'avez remis vos rapports d'activité mais il manquait la période du 23 au 31 août. Vous m'avez juste répondu que vous ne les aviez pas faits !

- Le même jour, j'ai vérifié la géolocalisation et j'ai constaté que vous n'aviez pas nettoyé les toilettes publiques de [Localité 4] de tout le mois de septembre.

[B] vous a appelé et vous lui avez répondu que vous ne l'aviez pas fait car les toilettes sont trop sals.

Devant son insistance vous avez affirmé que vous n'iriez qu'une fois par semaine (au lieu de 3 fois) car de toute façon cela ne servait à rien d'y aller plus souvent.

- Le 16 septembre, Monsieur [T], Patron de l'Intermarché de [Localité 12], a appelé le bureau pour nous avertir qu'il n'y avait pas eu de repasse pendant la maladie de [D] [R] la semaine du 9 au 14 septembre.

J'ai vérifié sur la géolocalisation et j'ai constaté que vous n'aviez fait la repasse que le jeudi 12.

Et vous n'avez pas organisé le chantier pour qu'un autre agent fasse la repasse si vous-même n'aviez pas le temps de le faire.

- Le 18 septembre, [L] a contrôlé le chantier de [Localité 5] et a constaté que le magasin et les bureaux étaient très sal, alors que vous remplaciez vous-même [G] [N] depuis le 1e septembre.

- Le même jour, le Directeur de l'Intermarché de [Localité 7] a appelé [L] pour se plaindre du fait que l'entrée du magasin n'était pas faite alors que c'est vous qui assuriez la prestation pendant les congés de l'agent.

- Le 24 septembre, vous deviez avertir [U] [W] de la fin de sa période d'essai mais vous ne l'avez pas fait. A la place vous lui avez dit de revenir le lendemain.

Nous avons donc dû le payer une journée supplémentaire pour rien.

- Le 27 septembre, alors que vous étiez en arrêt maladie nous avons constaté que vous vous serviez de votre véhicule de service, ce qui est absolument interdit.

- Le 30 septembre, [O] [LR], l'agent affecté sur l'Intermarché de [Localité 4], a dit à [C] qu'il vous avait réveillé dans votre voiture à plusieurs reprises.

- Le 30 septembre, [C] a été sur l'Intermarché de [Localité 11] pendant votre maladie et il a constaté que l'agent utilisait des chiffons noirs de saleté et qu'il n'avait plus de produits.

Ce dernier lui a dit qu'il vous demandait du matériel et des produits depuis un moment mais qu'il attendait toujours.

- Le 3 octobre, [M] [J] [KF], qui a démissionné le 21 septembre, a appelé le bureau pour nous dire que nous ne lui avions pas payé les heures qu'elle faisait le samedi dans les bureaux de Safe assurance.

Or, son contrat ne prévoyait pas du tout qu'elle fasse ces bureaux. Vous l'avez donc fait travailler sans autorisation.

De plus, vous n'avez jamais récupéré les clefs de ce magasin. Nous allons donc devoir demandé un double à notre client, qui risque de très mal prendre le fait que nous ayons perdu ses clefs.

- Le 7 octobre, Monsieur [T] a appelé le bureau car il n'arrive jamais à vous joindre et qu'il avait constaté depuis plusieurs jours que nos agents n'avaient plus de produits.

- Le 16 octobre, le magasin Mistigriff a appelé le bureau pour se plaindre du fait que la remplaçante d'[X] ne passait pas l'aspirateur et lavait directement le sol, laissant ainsi de grosses traces noires et également du fait que les vitres du magasin n'étaient jamais faites.

C'est vous qui avez mis l'agent en place vous auriez donc dû la former correctement.

Après notre entretien, j'ai appris de nouveau faits :

- alors que vous veniez simplement chercher une monobrosse sur le site, vous avez vu Monsieur [S], directeur de Vacances Bleues, et vous lui avez dit que [L] l'avait traité de «connard », et vous avez dénigré la société auprès de lui pendant une heure.

Vous vous en êtes vanté auprès de [P], l'une de nos salariés, et vous lui avez dit qu'avec tout le mal que vous aviez dit de [L] il allait « s'en prendre plein la tête ».

- dans la semaine du 14 octobre vous avez dit à l'un de vos agents, Monsieur [I] [A], que vous alliez vous venger de [L] et d'[C] et vous avez proféré des menaces à leur encontre.

A tous ces faits s'ajoute le fait que vous ne faites pas régulièrement les toilettes publiques de [Localité 6] et de [Localité 3] qui doivent pourtant être faits 3 fois par semaine.

Ainsi que le fait que vous utilisez la voiture que nous mettons à votre disposition à des fins personnelles tous les matins de 4h30 à 5h30 pour aller travailler pour votre propre compte.

Vous avez également montré à l'un de nos agents, Monsieur [Y] [H], l'arme à feu que vous transportiez dans notre véhicule. Ce dernier a eu très peur.

Je tiens aussi à vous faire remarquer que vous devez tenir propre et en bon état le véhicule que nous mettons à votre disposition. Or, quand nous l'avons récupéré après l'entretien il était dans un état lamentable : il manque une baguette de protection sur la porte latérale droite et l'habitacle est immonde (terre au niveau du siège passager, poussière, paquet de biscuits vide...).

La situation ne peux plus durer, tous les chantiers manquent de produits et de matériel, vous ne répondez plus aux appels de nos clients, de nos salariés et de vos collègues, nos clients se plaignent du fait que vous ne faites plus les contrôles et les chantiers dont vous assurez vous-même le nettoyage sont mal ou pas faits.

Pour mémoire, je vous rappelle que les Patrons des Intermarché de [Localité 9] et d'[Localité 2] ne veulent plus vous voir dans leur magasin, ni même sur leur parking ! Et que nous avons perdu l'Intermarché de [Localité 10] en grande partie à cause de votre manque de contrôle.

Nous ne pouvons pas attendre de perdre un nouveau client !!!

Nos clients n'ont plus confiance en vous et appellent directement [L] ou le bureau et plusieurs d'entre eux nous ont menacé de mettre un terme à nos relations commerciales.

Non seulement vous ne faites plus votre travail, mais en plus vous dénigrez la société auprès de nos clients.

De plus, vous ne suivez plus du tout nos directives. Le dernier exemple est celui de votre mise à pied conservatoire que vous n'avez pas respectée.

Lors de notre entretien vous avez été très hautain et vous vous êtes contenté d'affirmer que tout ce que l'on vous reprochait était faux et de nous menacer d'aller aux Prud'hommes.

Nous vous avons laissé plusieurs chances de vous reprendre. Notamment lors de notre dernier entretien du 7 juin 2013, qui a précédé l'avertissement du 11 juin, nous vous avons clairement dit ce que nous attendions de vous en terme de qualité de travail.

Malgré cela votre comportement s'est empiré et nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation inextricable qui ne peut plus durer.

C'est pourquoi, ne pouvant compter sur votre collaboration, nous vous informons par la présente, que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet ce jour, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Vos documents de fin de contrat et votre solde de tout compte sont disponibles au bureau du personnel. Vous pouvez prendre rendez-vous pour les récupérer dès réception de la présente.

D'autre part, nous vous informons que conformément à l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008, vous avez la possibilité de conserver le bénéfice de notre prévoyance pendant 9 mois, à condition d'être pris en charge par l'Assedic et de nous verser chaque mois la somme de 13.69 €.

Vous trouverez ci-joint une notice explicative concernant ce dispositif.

Enfin, nous vous précisons qu'à la date du 22 octobre 2013 vous aviez acquis 83 heures de Droit Individuels à la Formation.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.'

Suivant requête enregistrée au greffe le 22 octobre 2015, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Grasse à l'encontre de la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service.

Le 15 mars 2016, le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire qui a ensuite été réenrôlée le 14 mars 2018 à la demande du salarié.

Le 27 novembre 2018, le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire ; l'affaire a ensuite été réenrôlée le 17 mai 2019 à la demande du salarié.

Suivant jugement du 27 juillet 2020, le conseil des prud'hommes de Grasse a :

- constaté l'absence de péremption de l'instance,

- constaté l'absence de prescription de l'action,

- condamné la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service à payer à Monsieur [F] [MJ] les sommes suivantes :

- 16 214 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 713,23 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5 404,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [F] [MJ] de sa demande d'indemnité pour modification substantielle de son contrat de travail,

- débouté la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service de sa demande d'indemnité au titre de procédure abusive et de l'ensemble de ses autres fins et prétentions,

- condamné la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service aux dépens.

****

La cour est saisie de l'appel formé le 17 août 2020 par l'employeur.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 16 novembre 2020 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service (LHMS), représentée, demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de GRASSE n° RG 19/00326 en ce qu'il a rejeté les exceptions de procédure liées à la péremption et à la prescription de l'instance et a estimé que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse en condamnant la société à diverses indemnités, et a également débouté la société appelante de sa demande d'indemnité au titre de la procédure abusive,

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de GRASSE n° RG 19/00326 en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages intérêts pour une prétendue modification substantielle de son contrat de travail.

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que la présente instance est périmée,

DIRE ET JUGER que la présente instance est prescrite,

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave notifié au salarié est fondé

DEBOUTER l'intimé de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER le salarié intimé à la somme de 5.000 € au titre de la procédure abusive initiée par ses soins,

CONDAMNER le salarié intimé au paiement de la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles issus de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 16 février 2021 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] [MJ] demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'absence de péremption de l'instance, à l'absence de prescription de l'action, en ce que le Conseil a dit le licenciement de M. [MJ] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE à payer à M. [MJ] la somme de 16.214,00 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE à payer à M. [MJ] la somme de 2.713,23 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE à payer à M. [MJ] la somme de 5.404,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE de sa demande d'indemnité au titre d'une procédure abusive et de l'ensemble de ses autres fins et prétentions,

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [MJ] de sa demande d'indemnité pour modification de ses conditions de travail,

ET STATUANT A NOUVEAU DE CE CHEF :

CONDAMNER la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE à payer à M. [MJ] la somme de 10.000,00 €,

CONDAMNER la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE à payer à M. [F] [MJ] la somme de 3.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

CONDAMNER la SARL [E] HYGIENE MAINTENANCE SERVICE aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 janvier 2024.

MOTIFS :

1. Sur la péremption de l'instance :

L'employeur rappelle que la radiation n'interrompt pas le délai de prescription et soutient que la dernière diligence du salarié remonte au 22 octobre 2015, de sorte que la péremption était acquise au 23 octobre 2017, soit avant la demande de réenrôlement.

Il relève que le 14 mars 2018, le dossier a été réenrôlé par le biais d'un simple courrier et non de conclusions valant diligences.

Il reproche aux premiers juges d'avoir éludé la période antérieure au 15 mars 2016.

En réponse, le salarié affirme que le délai de péremption a commencé à courir à compter du 15 mars 2016, date de la radiation, et que ses conclusions ont été utilement notifiées dans le délai de deux ans, soit le 14 mars 2018.

Il relève que la convocation à l'audience de mise en état du 29 mai 2018 reprenait les demandes de condamnation contenues dans ses dernières conclusions et invitait l'employeur à conclure avant le 14 mai 2018, ce qui établirait la preuve du dépôt desdites conclusions.

L'article R.1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'instance conformément aux articles 8 et 45 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016, dispose qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

En application de cette disposition, le point de départ du délai de péremption de deux ans doit être fixé au regard des diligences expressément mises à la charge des parties par la juridiction.

Ne constituent pas de telles diligences les indications relatives à la fixation des délais données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail. Le délai de péremption ne court donc qu'au regard des diligences expressément mises à la charge des parties par le bureau de jugement.

En l'espèce, à la suite du dépôt de la requête le 22 octobre 2015, les parties ont été destinataires, le 7 décembre 2015 à l'issue de l'audience de conciliation, d'un bulletin de renvoi à la mise en état du 15 mars 2016 prévoyant la communication des pièces ou notes des parties dans les délais suivants :

- pour la partie demanderesse avant le 7 janvier 2016,

- pour la partie défenderesse le 7 mars 2016.

Toutefois, ladite fixation par le bureau de conciliation des délais donnés aux parties pour communiquer leur argumentaire et leurs pièces ne comporte aucune diligence particulière à la charge des parties au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail, de sorte que ni ce bulletin, ni les dates de ce calendrier ne sauraient constituer le point de départ du délai de péremption.

Le 15 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Grasse, constatant que les délais n'ont pas été respectés par les parties, a ordonné la radiation de l'instance et dit que la remise au rôle de l'affaire est subordonnée à la communication des conclusions et/ou du bordereau de communication de pièces.

Par courrier enregistré au greffe le 14 mars 2018, le salarié a ensuite sollicité le réenrôlement de l'affaire, ledit courrier étant accompagné de conclusions figurant au dossier de la cour.

Ainsi que le souligne le salarié, les chefs de demandes résultant desdites conclusions ont par ailleurs été récapitulées sur la convocation à l'audience de mise en état envoyée aux parties le 16 mars 2018.

Dans ces conditions, il est acquis que le salarié a conclu dans le délai de deux ans suivant la notification de la décision de radiation mettant à sa charge l'obligation de conclure.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a écarté la péremption de l'instance.

2. Sur la prescription :

L'employeur soutient que le délai de prescription de deux ans a commencé à courir à compter du licenciement, le 22 octobre 2013.

Il ajoute que ledit délai a été interrompu avec la saisine en référé le 14 novembre 2013 pour reprendre à l'issue de l'ordonnance de référé rendue le 14 février 2014 jusqu'au 22 octobre 2015, date de la saisine du conseil des prud'hommes, soit pendant 1 an et 8 mois.

Il estime enfin que l'interruption de l'instance retenue par les premiers juges est devenue sans objet au regard de la péremption de l'instance depuis le 23 octobre 2017.

En réponse, le salarié affirme que le délai de prescription de deux ans, qui était interrompu depuis l'introduction de la demande le 22 octobre 2015, a commencé à courir le 15 mars 2016, au moment de la radiation de l'affaire.

Il estime avoir ensuite interrompu la prescription par la notification de ses conclusions le 14 mars 2018.

L'article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoit en son premier alinéa que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En l'espèce, le délai de prescription a commencé à courir le 22 octobre 2013, date de notification du licenciement pour faute grave.

Le délai de prescription a ensuite été interrompu par la saisine du juge des référés le 14 novembre 2013 puis la saisine du conseil des prud'hommes le 22 octobre 2015, conformément à l'article 2241 du code civil.

L'article 2242 du code civil dispose par ailleurs que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

La cour rappelle à ce propos que la radiation n'emporte pas extinction de l'instance mais suspension de son cours, de sorte qu'elle ne met pas fin à l'interruption résultant de la demande en justice.

En outre, si l'article 2243 du même code prévoit que l'interruption est non avenue si le demandeur laisse périmer l'instance, il a été jugé ci-dessus qu'aucune péremption de l'instance n'était encourue en l'espèce.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté toute prescription des demandes.

3. Sur la rupture du contrat de travail :

L'employeur rappelle que le salarié a fait l'objet de nombreux avertissements dès l'année 2009, dont aucun n'a été contesté en justice.

Il précise chercher à maintenir l'ensemble des salariés à leur poste et avoir fait preuve de pédagogie envers M. [MJ] au regard de ses difficultés personnelles.

En l'absence d'évolution positive du salarié, il indique avoir néanmoins été contraint de le licencier.

En réponse aux justificatifs communiqués par le salarié, il fait valoir que M. [Z] n'était plus le directeur de l'intermarché de [Localité 4] au moment des faits.

Il ajoute qu'en qualité de responsable, M. [MJ] avait la charge de s'assurer du bon déroulement des chantiers et de prendre les mesures adéquates en cas de défaillance.

L'employeur souligne avoir averti le salarié à plusieurs reprises qu'il ne pouvait utiliser son véhicule professionnel à des fins personnelles et ajoute qu'il est intolérable qu'un responsable dorme sur son lieu de travail.

Il soutient enfin que le salarié ne peut valablement arguer du manque d'information des agents quant au besoin de réapprovisionnement en produits, alors que les contrôles de chantiers réguliers auraient dû l'alerter sur ce point.

En réponse, le salarié indique que les relations avec son employeur ont commencé à se détériorer courant 2012 alors qu'il donnait toute satisfaction jusqu'alors.

Il conteste les accusations portées à son encontre aux termes de la lettre de licenciement et indique produire des attestations au soutien de sa contestation.

Il relève qu'il n'entrait pas dans ses attributions de nettoyer les toilettes publiques puisqu'il occupait un poste de chef d'équipe de classification MP3.

Il précise avoir utilisé son véhicule de service à des fins personnelles de manière exceptionnelle et observe que l'employeur ne s'était jamais offusqué d'une telle utilisation par un salarié.

Il précise n'avoir jamais été prévenu d'un quelconque manque de matériel et avoir été remplacé dans ses fonctions d'encadrement au moment des faits reprochés.

Le salarié estime que l'employeur ne démontre pas la matérialité des faits reprochés en l'état de l'imprécision des justificatifs produits.

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié :

- une mauvaise exécution de ses missions et le non-respect des directives données par l'employeur,

- une utilisation du véhicule de service à des fins personnelles,

- un dénigrement de l'employeur.

A l'appui de sa demande, l'employeur verse notamment au débat :

- l'ensemble des courriers adressés au salarié depuis 2009, pour lui faire des reproches ou remarques sur l'exécution de son travail ou formaliser des avertissements,

- l'attestation de Mme [V], cheffe d'équipe, affirmant que M. [MJ] a insulté M. [L] [E] et les personnes travaillant sous ses ordres en sa présence, et qu'il lui a rapporté avoir insulté M. [E] devant les clients,

- des factures relatives à l'achat d'aspirateur poussière datées des 30 septembre 2023 et 31 octobre 2023.

La cour relève en premier lieu que l'employeur ne produit aucun justificatif des plaintes qui lui auraient été adressées par des clients ou d'autres salariés aux termes de la lettre de licenciement.

Ensuite, l'attestation de Mme [V] ne permet pas de démontrer que M. [MJ] a dénigré l'employeur auprès de clients, s'agissant de propos rapportés.

Ladite attestation, datée du 15 décembre 2015 -soit plus de deux années après le licenciement-, ne permet par ailleurs aucunement de s'assurer que les propos attribués à M. [MJ] ont été prononcés avant la rupture du contrat ; aucune précision n'est davantage apportée sur le contexte dans lequel ces propos auraient été tenus auprès de sa collègue de travail.

La cour dit en conséquence que cet unique justificatif ne permet pas d'établir la réalité du fait fautif tenant au dénigrement de l'employeur par le salarié.

Par ailleurs, la production de factures relatives à l'achat d'un aspirateur poussière avant le 16 octobre 2013 ne permet pas de démontrer que ce bien a été mis à la disposition de M. [MJ] et de son équipe, la société comptant de nombreux salariés.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service ne justifie pas que les faits imputés à M. [MJ] sont établis.

La cour observe toutefois, à l'instar de l'employeur, qu'en dépit de l'absence de justificatif produit par la société, le salarié reconnaît la réalité de certains faits aux termes de ses écritures.

M. [MJ] reconnaît ainsi avoir utilisé son véhicule professionnel à une reprise pendant son arrêt maladie.

Il précise néanmoins qu'il s'agissait de circonstances exceptionnelles liées à l'absence d'autre moyen de transport.

Dans ces conditions, cet usage ponctuel ne permet pas de caractériser une violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail et justifiant son licenciement.

La même observation sera formulée à l'égard de l'état de saleté du véhicule de fonction, au regard de la description faite par l'employeur aux termes du courrier de licenciement, à savoir 'terre au niveau du siège passager, poussière, paquet de biscuits vide', permettant uniquement d'établir un manque de propreté ponctuel et non une absence d'entretien régulier, alors que, comme le souligne le salarié, ce dernier ne pouvait savoir que l'employeur allait récupérer le véhicule en raison d'une mise à pied disciplinaire. L'employeur ne produit en revanche aucun justificatif de l'absence de baguette de protection sur la porte latérale, alors que M. [MJ] ne reconnaît pas ce fait aux termes de ses écritures.

De même, si M. [MJ] admet s'être reposé quelques instants dans son véhicule sur son lieu de travail le 30 septembre 2013, il explique qu'il avait commencé sa journée à 5 heures du matin et qu'il souffrait d'une migraine.

L'employeur ne produit aucun élément permettant de contredire les allégations du salarié sur ce point et sur le caractère exceptionnel de l'événement ; eu égard aux circonstances, ce fait ne justifie donc pas le licenciement de M. [MJ], présent dans la société depuis le 16 octobre 2008.

Ensuite, si le salarié reconnaît avoir demandé à Mme [KF] de travailler dans les bureaux de Safe assurance dans le cadre d'un remplacement, l'employeur ne produit pas le contrat de travail de l'employée faisant apparaître une définition précise de son lieu de travail permettant d'exclure lesdits bureaux. Le fait reproché n'est donc pas établi.

Concernant le transport d'une arme à feu, le salarié indique qu'il s'agissait en réalité d'une plaisanterie avec le pistolet de son fils et que M. [H] en était informé ; l'employeur ne produit aucun justificatif pour contester ces déclarations. Le fait reproché n'est donc pas établi.

Enfin, la cour relève que la mise à pied à titre conservatoire a été notifiée à M. [MJ] suivant courrier recommandé avec accusé de réception : faute de tout autre justificatif à ce titre, l'absence de réception dudit courrier explique la présence du salarié sur son lieu de travail immédiatement après son envoi, conformément à ses explications. Ce fait n'est donc pas établi.

En revanche, M. [MJ] admet également que les toilettes publiques de [Localité 4] n'ont pas été nettoyées pendant le mois de septembre 2013, précisant que 'la saleté des toilettes publiques était telle qu'aucune entreprise de nettoyage ne souhaitait s'en charger. Monsieur [MJ] a bien refusé de nettoyer les toilettes publiques. Ce n'est pas dans ses attributions !' (Page 9 des écritures du salarié).

La cour relève à ce propos que l'article 8 du contrat de travail décrit les tâches incombant à M. [MJ] en sa qualité de chef d'équipe, en précisant que la liste n'est pas exhaustive.

Entrent ainsi dans ses attributions :

'- Assurer les relations commerciales avec les clients quant aux interventions réalisées

- Assurer et veiller à l'efficacité des travaux et moyens mis en place

- Encadrer des équipes

- Assurer des contrôles adaptés

- Faire respecter les objectifs

Il sera amené à intervenir sur tous les chantiers de la société quelque soit le secteur d'activité (hôtellerie, supermarché, bureaux...)'.

Il ressort de ces éléments qu'en sa qualité de responsable d'équipe, M. [MJ] était le garant de la bonne exécution du travail et devait dès lors notamment veiller au nettoyage des toilettes publiques par les agents placés sous son autorité ou, le cas échéant, l'assurer directement en cas de difficulté.

Dans ces conditions, le fait tenant à l'absence de nettoyage des toilettes publiques de [Localité 4] pendant un mois permet de caractériser un manquement de M. [MJ] à ses obligations professionnelles, dès lors qu'il aurait dû, a minima, s'assurer de l'effectivité du travail en sa qualité de chef d'équipe.

M. [MJ] reconnaît également ne pas avoir trouvé de remplaçant à M. [R] la semaine du 9 au 14 septembre 2013 ; s'il indique avoir fait le nécessaire pour tenter de trouver un remplaçant, il ne produit aucun justificatif à ce titre et ne démontre pas avoir porté la difficulté à la connaissance de l'employeur.

Le manquement est donc établi à l'encontre de M. [MJ] qui devait veiller aux moyens mis en place en sa qualité de chef d'équipe.

Ensuite, le salarié ne conteste pas l'état de saleté du magasin et des bureaux de [Localité 5] mais explique que ce chantier nécessitait deux employés au lieu d'un seul.

Une fois encore, la cour dit que cette situation permet d'établir un manquement de M. [MJ] à ses missions de chef d'équipe en ce qu'il n'a pas veillé aux moyens mis en place pour assurer l'efficacité du travail, et n'a pas attiré l'attention de l'employeur sur ce point, entraînant ainsi l'insatisfaction du client.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service rapporte la preuve de faits qui constituent une violation par M. [MJ] des obligations découlant de son contrat de travail.

Néanmoins, si ces faits justifient le licenciement de M. [MJ], ils ne rendent pas impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis au regard de leur nature et de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Dans ces conditions, par infirmation du jugement déféré, la cour dit que le licenciement de M. [MJ] n'est pas fondé sur une faute grave mais qu'il procède d'une cause réelle et sérieuse.

4. Sur la conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

4.1 - Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au mois deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L.1234-5 du même code dispose pour sa part que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L.1235-2.

En l'espèce, M. [MJ] bénéficiait d'une ancienneté de cinq années au moment de son licenciement.

Les parties ne remettent pas en cause le montant du salaire mensuel brut retenu par les premiers juges pour calculer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à M. [MJ] la somme brute de 5 404,80 euros sur ce fondement.

4.2- Sur l'indemnité légale de licenciement :

L'employeur fait valoir que le salarié se fonde sur les modalités de calcul des ordonnances Macron de septembre 2017 et que cette demande ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'il n'appartenait pas au conseil de prud'hommes de rectifier cette demande.

L'article L.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

En vertu de l'article R.1234-2 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Aux termes de l'article R.1234-4 du même code, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

La cour observe en premier lieu que dans ses dernières conclusions, le salarié vise les dispositions reproduites ci-dessus, applicables au moment de son licenciement.

En l'espèce, les parties ne remettent pas en cause le montant du salaire moyen brut retenu par les premiers juges à hauteur de 2 702,41 euros.

M. [MJ], qui bénéficiait d'une ancienneté de 5 ans et deux mois en tenant compte du préavis, peut donc prétendre à une indemnité de 2 792,49 euros, soit 2 702,41/5 x 5 + 2 702,41/5 x 2/12.

Toutefois, dès lors que M. [MJ] a entendu limiter sa demande à la somme de 2 713,23 euros aux termes de ses écritures, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer ladite somme au titre de l'indemnité légale de licenciement.

4.3 - Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En l'espèce, dès lors qu'il a été jugé précédemment que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour dit que, par infirmation du jugement déféré, M. [MJ] est débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5. Sur la demande d'indemnité pour modification des conditions de travail :

Le salarié rappelle avoir été embauché en qualité de chef d'équipe de classification MP3, avec des fonctions d'encadrement.

Il soutient que l'employeur a exigé qu'il nettoie les toilettes publiques pour l'humilier, alors qu'il n'avait jamais consenti à un tel changement de ses missions.

En réponse, l'employeur rappelle que le salarié, en tant qu responsable, devait gérer les chantiers placés sous sa responsabilité ainsi que les agents et pouvait être amener à réaliser directement les prestations sans qu'il ne puisse y être vu une rétrogradation.

En l'espèce, il a été jugé précédemment qu'en sa qualité de responsable d'équipe, M. [MJ] était le garant de la bonne exécution du travail et devait dès lors notamment veiller au nettoyage des toilettes publiques par les agents placés sous son autorité ou, le cas échéant, directement en cas de difficulté.

Le salarié ne démontre par conséquent aucune modification de ses conditions de travail imposée par l'employeur.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [MJ] de sa demande d'indemnisation sur ce fondement.

6. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L'employeur souligne la longueur de la procédure en raison du manque de diligences du salarié, pourtant à l'origine de l'instance.

En réponse, le salarié soutient n'avoir commis aucun abus de droit en saisissant la justice pour voir reconnaître l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail.

L'article 1382 du code civil, dans sa rédaction application lors de l'introduction de l'instance, dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application de cette disposition, l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

En l'espèce, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de M. [MJ] une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir en justice.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement.

7. Sur les autres demandes :

La S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service, qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.

Par ailleurs, il n'est pas équitable de laisser à M. [MJ] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; l'employeur sera dès lors condamné à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service à payer à M. [MJ] la somme de 16 124 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour faute grave n'est pas fondé,

DIT que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE M. [F] [MJ] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service au paiement des dépens,

CONDAMNE la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service à payer à M. [F] [MJ] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la S.A.R.L. [E] hygiène maintenance service de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 20/07807
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;20.07807 ?
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