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11/04/2024 | FRANCE | N°24/00047

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 ho, 11 avril 2024, 24/00047


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO





ORDONNANCE

DU 11 AVRIL 2024



N° 2024/00047







Rôle N° RG 24/00047 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM2LE







[Y] [F]





C/



[P] [E]

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU

CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 6]















Copie délivrée :

contre émar

gement

le : 11 Avril 2024

au Ministère Public

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

- Le tiers









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de DIGNE LES BAINS en date du 25 Mars 2024 enregist...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO

ORDONNANCE

DU 11 AVRIL 2024

N° 2024/00047

Rôle N° RG 24/00047 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM2LE

[Y] [F]

C/

[P] [E]

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU

CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 6]

Copie délivrée :

contre émargement

le : 11 Avril 2024

au Ministère Public

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

- Le tiers

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de DIGNE LES BAINS en date du 25 Mars 2024 enregistrée au répertoire général sous le n°24/00040.

APPELANTE

Madame [Y] [F]

née le 21 Mars 1975 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne;

INTIMES :

Monsieur [P] [E]

né le 17 Août 1977 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Actuellement au CHS de [Localité 6];

comparant en personne, assisté de Me Emeline GIORDANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office;

MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 6], demeurant [Adresse 7]

avisé et non représenté;

PARTIE JOINTE :

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE, demeurant [Adresse 5]

non comparant, ayant déposé des réquisitions écrites;

*-*-*-*-*

DÉBATS

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2024, en audience publique, devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, délégué par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,

Greffier lors des débats : Madame Ida FARKLI,

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024 à 16h06,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et Madame Ida FARKLI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

SUR QUOI,

M. [P] [E] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète à la demande de Mme [Y] [F], son ancienne compagne, sur décision du directeur du centre hospitalier de [Localité 6] en date du 9 septembre 2023 en raison de troubles bipolaires.

Par décision du directeur du centre hospitalier en date du 12 octobre 2023, M. [E] a bénéficié d'un programme de soins sur la base du certificat médical du Docteur [X] daté du 10 octobre 2023 relevant la stabilité de son état clinique et le développement progressif d'un comportement et d'un discours adaptés. La praticienne pointait toutefois la fragilité de cet équilibre retrouvé au regard des changements récents dans les modes de vie du patient.

Par décision du 15 mars 2024, le directeur du centre hospitalier de [Localité 6] a ordonné la réhospitalisation de M. [E] sous la forme complète, à l'aune d'un certificat du Docteur [O] daté du même jour, évoquant une décompensation dépressive avec ruminations anxieuses, repli sur soi et clinophilie. La praticienne pointait par ailleurs une consommation éthylique ponctuelle à visée anxiolytique, source d'irritabilité. Elle ajoutait que l'intéressé n'adhérait plus à la prise en charge en hôpital de jour.

Par ordonnance en date du 25 mars 2024, le juge des libertés et de la détention de [Localité 6] a ordonné la poursuite des soins psychiatriques sous la forme complète de M [P] [E].

Par mail adressé au greffe de la cour d'appel le 2 avril 2024 à 8h22, Mme [Y] [F], tiers demandeur à la mesure d'hospitalisation sous contrainte initiale, a interjeté appel.

Le ministère public a conclu par écrit en date du 5 avril 2024 à la confirmation de l'ordonnance querellée, conclusions dont il a été fait lecture à l'audience par le président.

A l'audience, Mme [Y] [F] a comparu. Elle a développé les moyens contenus dans sa déclaration d'appel. Ainsi, elle expose avoir reçu la convocation à l'audience devant le premier juge à 13 heures le jour de cette audience, situation l'empêchant de fait de s'y rendre. Elle ajoute que l'audience s'est tenue hors la présence de M. [E], qui avait bénéficié d'une permission de sortie exceptionnelle pour se rendre aux obsèques de son oncle le même jour, reprochant au premier juge de ne pas avoir reporté l'examen du dossier. Elle émet ensuite des critiques sur la prise en charge actuelle de M. [E] à l'hôpital au regard de la dégradation de son état physique.

A l'audience, M. [P] [E] a comparu. Il ne s'est pas opposé à la publicité des débats. Il a déclaré:

'J'ai une adresse, au [Adresse 2]. Mon père m'a amené parce que j'ai eu une autorisation de sortir de hier 16h à ce soir 18h30. Pour la bipolarité, j'ai eu ma 1ère hospitalisation à 32 ans, aujourd'hui j'en ai 46. J'ai été hospitalisé 4 fois. A l'hiver 2022, j'étais très stressé. Je ne pouvais pas faire les démarches pour trouver un autre psychiatre car j'étais sous contrainte. J'ai essayé de retourner voir mon ancienne psychiatre et elle a refusé car je suis sous contrainte. Elle était de garde ce soir là. Je ne supporte pas, cela fait 3 semaines que j'ai réintégré l'hôpital. La plupart du temps je suis dans ma chambre, je ne supporte plus ce régime quasiment carcéral.'

Maître Emeline GIORDANO, avocate de M. [E], a invoqué l'irrégularité de la procédure, en ce qu'aucun avis médical actualisé n'est parvenu à la cour au moins 48 heures avant l'audience. Au fond, elle expose qu'aucun des certificats médicaux du dossier ne permet de conclure à la nécessité de l'hospitalisation. Elle considère enfin que l'appel de Mme [F], dont l'objet tend à la mainlevée de la mesure d'hospitalisation, devait automatiquement conduire le directeur du centre hospitalier a ordonné la mainlevée de la mesure.

M. [L] [E], père de M. [P] [E], a été autorisé par le président à s'exprimer. Il a déclaré : 'Au fur et à mesure qu'on avançait dans le temps, le pire en février, mars, on a vu sa santé se dégrader. Il était sous camisole chimique. Les psychiatres le reconnaissent. Quand le cerveau n'est pas oxygéné avec de l'air convenable, on ne va pas bien. Ses enfants ont mentionné l'inquiétude de leur père qui ne tenait pas debout, qui titubait. Ce sont ces symptômes qui ont conduit l'infirmière à accompagner [P] à l'hôpital de [Localité 6] pour faire un bilan physique, pas psychiatrique. On s'est aperçu au fur et à mesure de son séjour à l'hôpital, que l'hôpital est incapable de prendre en charge la santé de mon fils, il y a 20 minutes de temps médical, ce n'est pas satisfaisant. Il a des troubles très sérieux, notamment un kyste cervical découvert par l'hôpital le 27 septembre, aujourd'hui il doit faire le double. Hier, j'ai obtenu de l'hôpital que le directeur de la radiologie accepte de transmettre le CD qui permettra de voir un neurologue. Il m'a dit que c'est typique d'un AVC chez les jeunes. Le scanner nous a été apporté le 19 mars. J'ai réussi à avoir rendez-vous le 15 septembre. Aussi, on veut qu'il soit pris en charge par des gens compétents.

On s'engage à prendre en charge [P], on le fait depuis le mois d'octobre, à l'accompagner et trouver des professionnels. Il a des troubles de l'équilibre mais cela ne trouble pas les psychiatres. On est très inquiets. Je vous remets le courrier du responsable de la radiologie.'

Le directeur du centre hospitalier de [Localité 6], régulièrement convoqué, n'était ni présent, ni représenté.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de l'appel

Selon les dispositions de l'article R3211-18 du code de la santé publique, 'L'ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification.

Le ministère public peut, dans tous les cas, interjeter appel dans le même délai.'

Aux termes des dispositions de l'article R3211-19 du même code, 'Le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel. La déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

Le greffier de la cour d'appel avise sur-le-champ le greffier du tribunal judiciaire qui lui transmet sans délai le dossier.

Le greffier de la cour d'appel fait connaître par tout moyen la date et l'heure de l'audience aux parties, à leurs avocats et, lorsqu'ils ne sont pas parties, au tiers qui a demandé l'admission en soins et au directeur d'établissement. Les deux derniers alinéas de l'article R. 3211-13 sont applicables.'

Selon les dispositions de l'article 546 du code de procédure civile, 'Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.

En matière gracieuse, la voie de l'appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié.'

En l'espèce, l'ordonnance querellée a été rendue le 25 mars 2024. Mme [Y] [F], tiers demandeur à la mesure d'hospitalisation sous contrainte initiale, a interjeté appel en adressant une déclaration d'appel motivée au greffe de la cour le 2 avril 2024 à 8 heures 22. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré du défaut de production d'un certificat médical actualisant la situation du patient

Selon les dispositions de l'article L3211-12-4 alinéas 1, 2 et 3 du code de la santé publique, 'L'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 , L. 3211-12-1 ou L. 3222-5-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I.

Lorsque le premier président ou son délégué est saisi d'un appel formé à l'encontre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur le maintien d'une mesure d'isolement ou de contention prise sur le fondement de l'article L. 3222-5-1, il est fait application des dispositions prévues au III de l'article L. 3211-12-2. Le premier président ou son délégué statue dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

L'appel formé à l'encontre de l'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue alors à bref délai dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience.'

Aux termes des dispositions de l'article L3216-1 du même code, 'La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

Lorsque le tribunal judiciaire statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives mentionnées au premier alinéa, il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées.'

En l'espèce, le directeur du centre hospitalier de [Localité 6] n'a pas fait parvenir à la cour au moins 48 heures avant l'audience un avis rendu par un psychiatre de l'établissement actualisant la situation de M. [P] [E] et se prononçant sur l'éventuelle nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, et ce en dépit d'une relance du greffe de la cour par mail du 9 avril à 10h48. Le certificat médical le plus récent se trouvant au dossier est l'avis du Docteur [H] en date du 20 mars 2024. Cette carence fait nécessairement grief au patient et apparaît d'autant plus préjudiciable que l'intéressé semble avoir bénéficié d'une permission de sortie la veille de l'audience et a été conduit à la cour par son père et non par des infirmiers de l'établissement d'accueil, situation suscitant des interrogations sur l'amélioration de son état de santé.

Ainsi, la procédure est irrégulière. Il y a donc lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation contrainte sous la forme complète de M. [P] [E].

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public en application de l'article R 93-2° du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire, rendue en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel formé par Mme [Y] [F],

Déclarons la procédure irrégulière,

Ordonnons la mainlevée de la mesure d'hospitalisation contrainte sous la forme complète de M. [P] [E],

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 ho
Numéro d'arrêt : 24/00047
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;24.00047 ?
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