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15/10/2020 | FRANCE | N°18/12765

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 15 octobre 2020, 18/12765


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 15 OCTOBRE 2020



N° 2020/235













Rôle N° RG 18/12765 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3TM







Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (MMA IARD)

Compagnie d'assurances MMA IARD





C/



S.A.R.L. E.G. CLEMENSON





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me REINA



Me JOURDAN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 18 Juin 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017000067.





APPELANTES



Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (MMA IARD), venant aux...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 15 OCTOBRE 2020

N° 2020/235

Rôle N° RG 18/12765 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3TM

Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (MMA IARD)

Compagnie d'assurances MMA IARD

C/

S.A.R.L. E.G. CLEMENSON

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me REINA

Me JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 18 Juin 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017000067.

APPELANTES

Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (MMA IARD), venant aux droits de COVEA RISKS,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Joanne REINA de la SELARL PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Rachel AKACHA, avocat au barreau de MARSEILLE, substituant Me Joanne REINA

Compagnie d'assurances MMA IARD, venant aux droits de COVEA RISKS,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Joanne REINA de la SELARL PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Rachel AKACHA, avocat au barreau de MARSEILLE, substituant Me Joanne REINA

INTIMEE

S.A.R.L. E.G. CLEMENSON, représentée par son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Benoît LAMBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme GERARD, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL EG Clemenson exerce une activité de fabrication et négoce de bois rétifiés, vente de produits bois et prestations concernant le bois. Elle a, pour réaliser son objet social, pris à bail, suivant contrat du 1er mai 2005, trois bâtiments situés sur la commune de [Localité 2] appartenant à la SCI Clem investissements : le bâtiment A abrite un atelier de menuiserie, le bâtiment B est destiné au stockage et au séchage du bois, le bâtiment C comporte des bureaux, un espace de présentation au public et le logement du gardien.

Les installations ont été assurées auprès de la société Azur assurances aux droits de laquelle est venue la SA Covea Risks, puis la société d'assurance mutuelle à cotisations fixes MMA IARD assurances mutuelles et la SA MMA IARD, selon une police 'Azur multipro' n°19325339ZC.

Les 8 et 9 novembre 2011, la SARL EG Clemenson a été victime d'inondations à la suite de la crue du fleuve côtier la Giscle.

La SARL EG Clemenson a déclaré le sinistre à la SA Covea Risks et accepté, le 23 juillet 2012, après expertise du cabinet Cunnigham & Lindsey, l'évaluation des dommages matériels, vétusté déduite, à la somme de 166 070,07 euros HT. Elle a accepté également, le 4 octobre 2012, la fixation de son préjudice d'exploitation à la somme de 67 287,47 euros.

La SARL EG Clemenson a été à nouveau victime d'inondations le 14 décembre 2012 et une nouvelle déclaration de sinistre, au titre d'une catastrophe naturelle, a été établie le 17 décembre 2012. L'état de catastrophe naturelle a été déclaré par arrêté du 20 février 2013.

Une seconde expertise amiable a été réalisée par le cabinet Cunningham & Lindsey et un rapport de reconnaissance a été établi le 28 décembre 2012.

La SARL EG Clemenson a réclamé en vain le paiement d'indemnités au titre de ce second sinistre.

Par ordonnance du 7 octobre 2013, le président du tribunal de commerce de Fréjus a désigné [W] [J] en qualité d'expert et condamné la SA Covea Risks au paiement de la somme de 180 000 euros à titre de provision. Cette somme a été ramenée à celle de 170 000 euros par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 juillet 2014.

Le rapport d'expertise a été déposé le 13 octobre 2016.

LA SARL EG Clemenson a fait assigner la société MMA IARD assurances mutuelles et SA MMA IARD devant le tribunal de commerce de Fréjus en réparation de son préjudice.

Par jugement du 18 juin 2018, ce tribunal a :

- dit que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA ne sont pas fondées à se prévaloir des dispositions de l'article 246 du code de procédure civile,

- dit que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD ne peuvent se prévaloir de fraudes de la société EG Clemenson pour prétendre à la déchéance de garantie d'assurance,

- dit que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de la société Covea Risks étaient les assureurs du bien sinistré au moment de la catastrophe naturelle ayant fait l'objet d'un arrêté du ministère de l'intérieur en date du 20 février 2013,

- fixé la perte de marchandises, matériels et stock à un montant global de 157 571, 40 €,

- fixé au titre des travaux de mise en sécurité et décontamination, une indemnité d'un montant global de 78 190, 50 €,

- fixé au titre des travaux concernant les postes intégralement repris à la suite du sinistre de 2011 avant le nouveau sinistre de 2012, une indemnité d'un montant global de 86 180,82 €,

- condamné in solidum les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de la société Covea Risks au paiement de la somme de 289 748, 45 € (321 942, 72€ moins la franchise de 10%) au titre des pertes matérielles de la société EG Clemenson avec intérêts à compter de la remise de l'état des pertes, soit à compter de la date de première mise en demeure, soit le 23 mai 2013, dont à déduire le montant des provisions versées soit 170 000 €,

- condamné in solidum les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MM IARD SA venant aux droits de la société Covea Risks à payer à la société EG Clemenson la somme de 137 200, 58 € au titre de sa perte d'exploitation du sinistre de l'année 2012 (202 604 - 65 403, 42) avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- fixé le montant de la franchise de trois jours à la somme de 13 472,64 €,

- condamné in solidum les IARD assurances mutuelles et MM IARD SA venant aux droits de la société Covea Risks à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA ont interjeté appel le 27 juillet 2018.

Par conclusions du 27 janvier 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société d'assurances mutuelles à cotisations fixes MMA IARD assurances mutuelles et la SA MMA IARD demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 18 juin 2018,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- dire et juger que les trois factures n°2376, 2377 et 2378 en date du 30 octobre 2012, qualifiées à tort par l'expert judiciaire de « factures de régularisation », sont des factures de complaisance,

- dire et juger que la communication de ces factures constitue une fraude,

- dire et juger que les conditions applicables au contrat d'assurance souscrit par la Société EG Clemenson auprès d'Azur Assurances, aux droits de laquelle sont successivement venues Covea Risks et aujourd'hui MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, prévoient une clause de déchéance de l'intégralité du droit à garantie en cas de fausse déclaration sur la nature et les causes, circonstances ou conséquences d'un sinistre,

- dire et juger que la Société EG Clemenson a procédé à une fausse déclaration sur les conséquences de son sinistre survenu les 8 et 9 novembre 2011 en produisant trois factures n° 2376, 2377 et 2378 datées du 30 octobre 2012 qui ne correspondaient pas à la réalité des travaux exécutés afin de débloquer le complément d'indemnité « valeur à neuf »,

- dire et juger qu'il a été établi avec certitude, notamment dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire confiées à M. [W] [J], que les travaux mentionnés dans la facture n°2377 en date du 30 octobre 2012 ne correspondent pas à la réalité des travaux exécutés,

- dire et juger que la société EG Clemenson s'est prévalue des travaux réalisés dans ces trois factures, et notamment de ceux réalisés dans la facture n°2377, pour justifier de l'étendue de son préjudice matériel suite à la survenance d'un second sinistre le 14 décembre 2012,

- dire et juger que la société EG Clemenson a ainsi procédé à une exagération frauduleuse de son préjudice matériel suite à la survenance du premier sinistre les 8 et 9 novembre 2011 mais aussi à une exagération frauduleuse de son préjudice matériel suite à la survenance du second sinistre le 14 décembre 2012,

- dire et juger que la Société EG Clemenson a donc procédé à des fausses déclarations sur les conséquences de ses préjudices consécutifs à ces deux sinistres,

en conséquence,

- dire et juger que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA sont fondées à opposer la déchéance de garantie, prévue à la page 52 des conditions générales, à la société EG Clemenson s'agissant des deux sinistres respectivement intervenus les 8 et 9 novembre 2011 et le 14 décembre 2012,

- dire et juger que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA sont fondées à réclamer la répétition des sommes indûment perçues par la société EG Clemenson suite à la survenance du premier sinistre en date des 8 et 9 novembre 2011,

- condamner la société EG Clemenson à rembourser la somme 204 791,76 € assortie des intérêts au taux légal, aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA , à compter de leur règlement par ces dernières,

- dire et juger que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA sont fondées à réclamer la répétition des sommes indûment perçues par la société EG Clemenson suite à la survenance du second sinistre en date 14 décembre 2012 et perçues dans le cadre de l'exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence en date du 3 juillet 2014,

- condamner la société EG Clemenson à rembourser la somme de 170 000 € assortie des intérêts au taux légal, aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA , à compter de leur règlement par ces dernières,

à titre subsidiaire, si par impossible, il n'était pas fait droit à la demande des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA , il est demandé à la cour de :

- sur le préjudice matériel de la société EG Clemenson :

- dire et juger que le préjudice matériel total de la société EG Clemenson est limité à 177 204,15 € dont à déduire la somme de 170 000 € versée dans le cadre de l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 3 juillet 2014,

- sur le préjudice immatériel de la société EG Clemenson :

- dire et juger que la méthode de calcul retenue par l'expert judiciaire pour évaluer la perte d'exploitation consécutive au sinistre survenu le 14 décembre 2012 ne saurait être appliquée pour déterminer le préjudice de la société EG Clemenson en l'état de l'accord définitif intervenu entre les parties au titre du préjudice d'exploitation lié au sinistre survenu les 8 et 9 novembre 2011,

- dire et juger que, au regard des années de référence et des limites du contrat d'assurance, la société EG Clemenson ne saurait se voir allouer aucune somme au titre de la perte d'exploitation, suite au sinistre survenu le 14 décembre 2012,

- dire et juger que la société EG Clemenson n'a subi aucune perte d'exploitation au titre du sinistre survenu le 14 décembre 2012,

en tout état de cause,

- dire et juger que les franchises prévues dans les conditions particulières du contrat d'assurance sont opposables à la société EG Clemenson,

en tout état de cause,

- rejeter les demandes de la société EG Clemenson formulées dans le cadre de l'appel incident formé par conclusions notifiées le 16 janvier 2019 comme infondées,

- condamner la société EG Clemenson à verser la somme de 15 000 € aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et la MMA IARD SA en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EG Clemenson aux entiers dépens distraits au profit de Me Joanne Reina de la SELARL Plantavin-Reina & associés, avocat au barreau de Marseille, en ceux compris les frais relatifs au constat d'huissier du 9 avril 2013 et les frais d'expertise judiciaire, conformément aux termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 24 janvier 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL EG Clemenson demande à la cour de :

- dire et juger que les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles ne tirent aucune conséquence des prétendues violations du principe du contradictoire qu'elles reprochent à l'expert judiciaire d'avoir enfreint et n'ont pas soulevé in limine litis la nullité du rapport,

- confirmer le jugement rendu le 18 juin 2018 par le tribunal de commerce de Fréjus en ce qu'il a retenu que les désordres objectivés par l'expert judiciaire ont eu pour cause déterminante l'événement catastrophe naturelle ayant fait l'objet d'un arrêté du ministère de l'intérieur en date du 20 février 2013,

- confirmer le jugement rendu le 18 juin 2018 par le tribunal de commerce de Fréjus en ce qu'il a retenu que les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks étaient les assureurs du bien sinistré au moment de la catastrophe naturelle ayant fait l'objet d'un arrêté du ministère de l'intérieur en date du 20 février 2013,

- confirmer le jugement rendu le 18 juin 2018 par le tribunal de commerce de Fréjus en ce qu'il a débouté les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles de leurs demandes de déchéance de garantie et de condamnation de la société EG Clemenson en remboursement des indemnités perçues,

- sur l'infirmation partielle du jugement entrepris au titre du quantum des dommages matériels :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant de l'indemnisation des pertes matérielles de la société EG Clemenson à la somme de 321.942,75 € avant déduction de la franchise de 10% soit une condamnation à hauteur de 289.748,85 €,

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks à payer à la société EG Clemenson la somme de 339.742,69 € (377.491,88 € moins la franchise de 10 %) au titre des pertes matérielles avec intérêts à compter de la remise de l'état des pertes, soit à compter de la date de première mise en demeure soit le 23 mai 2013, dont à déduire le montant des provisions versées aux termes de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence le 03 juillet 2014 soit 170.000,00 €,

- sur l'infirmation partielle du jugement entrepris au titre du quantum des dommages immatériels :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la perte d'exploitation au titre du sinistre de l'année 2012 pouvait être déterminée en déduisant l'indemnité versée par la société Covea Risk au titre du sinistre de 2011 du montant global déterminé par l'expert au titre des deux sinistres consécutifs,

- confirmer le jugement rendu le 18 juin 2018 par le tribunal de commerce de Fréjus en ce qu'il a dit et jugé que la franchise légale sur les pertes d'exploitation ne pourra excéder la somme de 13.472,64 €,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'hypothèse la plus basse évoquée par l'expert au titre de la perte d'exploitation et limité le préjudice de la société EG Clemenson à ce titre à la somme de 137.200,58 € (232.604,00 € retenu par l'expert ' 65.403,42 € d'indemnité versée au titre du sinistre de 2011),

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée au titre du coût d'intervention d'un expert d'assuré prévu au titre du volet pertes d'exploitations dans le cadre du contrat d'assurance,

en conséquence,

- condamner in solidum, les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risk à payer à la société EG Clemenson la somme de 279.931,51 € au titre de sa perte d'exploitation (345.335,00 ' 65.403,42) avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation outre 16.795,88 € TTC au titre des frais d'expert amiable,

- à titre subsidiaire, si le calcul incluant l'exercice comptable 2010 était retenu, condamner in solidum, les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks à payer à la Société EG Clemenson la somme de 137.200,58 € au titre de sa perte d'exploitation (202.604 ' 65.403,42) avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation outre 8.232,03 €TTC au titre des frais d'expertise amiable,

en tout état de cause,

- condamner in solidum, les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la Société Covea Risks à payer à la société EG Clemenson la somme de 6.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner in solidum, les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la déchéance de garantie :

Les sociétés appelantes soutiennent que la SARL EG Clemenson a, d'une part, émis et produit trois factures faisant état de travaux de remplacement non réalisés pour bénéficier de l'indemnité valeur à neuf et, d'autre part, exagéré les pertes consécutives au sinistre de 2012 en sollicitant une indemnisation pour ces mêmes travaux. Elles font valoir que les conditions générales du contrat d'assurance contiennent une clause de déchéance en cas de fausse déclaration sur la survenance d'un sinistre, que même l'expert judiciaire a pu constater que les factures n°2376 et 2377 ne correspondaient pas à la réalité des travaux réellement réalisés et que cette clause, qui figure dans un encadré et rédigé en lettres appuyées est parfaitement opposable à l'assuré.

La SARL EG Clemenson réplique que l'analyse des factures ne permet pas d'affirmer qu'elle aurait prétendu avoir changé ou réparé les parquets sur l'ensemble de la surface du bâtiment C mais permet uniquement de constater qu'elle a affirmé avoir changé du parquet pour un montant de 26 040 euros hors pose, sans qu'elle n'ait jamais précisé à quel endroit les travaux sont intervenus. Elle ajoute que sa réclamation initiale était deux fois plus élevée que celle obtenue et qu'elle n'a pu remplacer l'ensemble des éléments abîmés spécialement dans la salle de dessin, le bureau de direction et le local informatique. Elle affirme que les appelantes ne peuvent démontrer ni qu'elle a accepté une indemnité pour réfection de l'ensemble des surfaces, ni qu'elle a prétendu avoir changé l'ensemble du parquet dans le cadre des factures transmises pour le déblocage de l'indemnité différée, aucun des documents produits ne comportant de métré. S'agissant de la clause de déchéance de garantie, elle soutient qu'elle ne figure pas en caractères très apparents et qu'elle est inapplicable puisqu'il s'agit uniquement des modalités de déblocage de l'indemnité et non des conséquences du sinistre.

La clause litigieuse, figurant en page 52 des conditions générales du contrat, au paragraphe obligations de l'assuré, dans un encadré, en caractères gras, est libellée comme suit : ATTENTION si l'assuré fait sciemment de fausses déclarations sur la nature et les causes, circonstances ou conséquences d'un sinistre, il est déchu de tout droit à la garantie pour ce sinistre.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, elle est donc stipulée en caractères très apparents et de manière à attirer l'attention du souscripteur de sorte qu'elle lui est parfaitement opposable.

Il appartient cependant à l'assureur de prouver la mauvaise foi de l'assuré pour chacun des sinistres.

- le sinistre du 8/9 novembre 2011 :

Il est constant que par actes sous signatures privées des 23 juillet 2012 et 4 octobre 2012, la SARL EG Clemenson, après une expertise amiable, a accepté l'évaluation de ses dommages matériels à la somme de 166 070,07 euros, vétusté déduite, et celle de la perte d'exploitation et des frais annexes à la somme de 67 287,47 euros, franchise déduite.

Il n'est pas plus discuté qu'aux termes du contrat, pour bénéficier d'une indemnisation « valeur à neuf » l'assurée devait justifier de la réalisation des travaux déterminés par l'expertise amiable, le contrat stipulant expressément (page 53 clause 13-2) que l'indemnité valeur à neuf est versée au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

C'est dans ce cadre que la SARL EG Clemenson a fait parvenir à l'assureur les trois factures litigieuses n°2376, 2377 et 2378, datées du 30 octobre 2012, concernant, respectivement, la réfection des cloisons intérieures et séparatives du bâtiment C, la réfection des parquets du bâtiment C (bureau showroom) et la remise en état de l'isolation verticale des panneaux extérieurs dans le bâtiment A.

La réclamation de la SARL EG Clemenson et l'état des dommages figurant en annexe du rapport d'expertise amiable concerne l'ensemble des dommages affectant le bâtiment C au titre des cloisons et du parquet sinistrés en totalité lors de l'inondation de 2011 et l'indemnité attribuée visait par conséquent à la réparation de l'ensemble de ces dommages.

Or, il n'est pas sérieusement discuté, ainsi que cela résulte des propres pièces de l'intimée (pièce 18) que le parquet du bureau n'a pas été refait à la suite de l'inondation de 2011, comme l'expert judiciaire l'a également constaté, ni même l'intégralité des parquets de ce bâtiment.

S'agissant de la facture 2376 concernant les revêtements muraux intérieurs, l'expert n'a pas été en mesure de dire si tous les travaux inscrits sur cette facture avaient été réellement réalisés, notamment au regard de l'absence de devis initial et de métrés.

En revanche, il n'est pas démontré par l'assureur que la facture 2378 qui concerne le bâtiment A n'est pas conforme à la réalité.

En émettant, à elle-même, les factures 2376 et 2377, qui ne sont qu'une copie des postes de préjudices figurant dans la proposition d'indemnisation faite par l'assureur et qu'elle avait acceptée le 23 juillet 2012, alors qu'elle savait qu'elle n'avait pas réalisé l'intégralité des travaux visés dans ladite proposition d'indemnisation, la SARL EG Clemenson a, de mauvaise foi, fait une fausse déclaration sur les conséquences du sinistre du 8 novembre 2011 et elle doit être déchue de la garantie au titre de ce sinistre.

La déchéance de garantie emporte pour l'intimée l'obligation de rembourser les sommes perçues au titre de ce sinistre soit la somme de 204 791,76 euros , ce montant n'étant pas discuté par l'intimée, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ordonnant la restitution.

- le sinistre du 14 décembre 2012 :

Les appelantes soutiennent s'agissant du sinistre du 14 décembre 2012, que la SARL EG Clemenson a entendu à nouveau être indemnisée pour des travaux concernant les agencements déjà indemnisés mais qui n'ont en réalité jamais fait l'objet de travaux de réparation et que l'expert judiciaire a relevé l'impossibilité pour la SARL EG Clemenson de percevoir une seconde indemnisation. Elles font valoir que la production des factures faisant état de travaux de remplacement non réalisés dans le cadre du sinistre de 2011 et l'exagération des pertes consécutives sont de nature pour les assureurs à opposer la déchéance de garantie pour ce second sinistre.

Mais il n'est pas discutable qu'à nouveau le 14 décembre 2012, tous les locaux de la SARL EG Clemenson ont été inondés et ont subi des dommages comme le relate le rapport de reconnaissance de l'expert des appelantes : « l'ensemble des bâtiments situés dans l'enceinte de l'établissement (') ont subi une montée des eaux d'environ 40 à 50 cm. Malgré une surélévation du bâtiment administratif à l'entrée, les locaux ont une nouvelle fois, eux aussi, été inondés. »

Le fait que l'état des pertes adressé à l'assureur par l'expert amiable de la SARL EG Clemenson comporte les postes de réfection du parquet, effectivement endommagé et qui l'aurait été tout autant si les travaux avaient été intégralement refaits avant le second sinistre, ne caractérise par la mauvaise foi de l'assuré pouvant conduire à la déchéance de garantie au titre du second sinistre.

- Sur l'indemnisation du sinistre du 14 décembre 2012 :

-1- les dommages matériels :

-1-1- les travaux de mise en sécurité et de décontamination :

La SARL EG Clemenson fait valoir que ses réclamations n'avaient pas été contestées par les assureurs lors de la procédure de référé et que c'est à tort que le premier juge a réduit le poste des travaux de nettoyage, tri et déblais qu'elle a assuré elle-même à la somme de 5 000 euros au motif que ce poste ferait double emploi avec la perte d'exploitation, ses coûts salariaux constituant une charge fixe. Elle soutient qu'en faisant réaliser ces travaux en interne elle a contribué à limiter son préjudice et qu'elle aurait été totalement indemnisée si elle avait fait réaliser ces travaux par une entreprise extérieure.

Les appelantes font valoir au contraire que c'est à tort que le tribunal a alloué une somme forfaitaire qui méconnaît le principe de la réparation intégrale et elles demandent la réformation du jugement sur ce point, aucune somme ne devant être allouée à la SARL EG Clemenson pour ce poste de préjudice.

Les sommes relatives aux factures Belfor, décontamination, PCL, mise en sécurité et réfection, pour un total de 73 190,50 (56 844 + 2 415,25 + 13 931,25) euros ne sont pas discutées par les sociétés appelantes.

Pour justifier des coûts de nettoyage, la SARL EG Clemenson a produit aux débats deux factures établies par elle-même et une facture de location d'une benne et des frais de décharge.

Si ce dernier coût (695,40 euros HT) est parfaitement justifié et doit être alloué au titre de l'indemnisation due par l'assureur, il n'en va pas de même des factures établies à raison de l'utilisation par la SARL EG Clemenson de son propre personnel pour la réalisation des travaux de nettoyage qui ne reposent sur aucune justification objective et participent de son préjudice au titre de la perte d'exploitation comme l'a énoncé le tribunal de commerce, sans qu'il y ait lieu toutefois, de forfaitiser des « frais supplémentaires » non justifiés. La décision est réformée sur ce point et il est alloué la somme totale de 73 885,50 euros (73 190,50 + 695,40).

-1-2- la perte de marchandises, matériel et stock :

Les sociétés appelantes s'opposent au règlement de la somme de 70 748,68 euros HT au titre du stock, somme qu'elles estiment faire double emploi avec celle de 69 268 euros, non discutée, allouée au titre de la perte de marchandises. Les appelantes précisent que ce poste n'avait jamais été réclamé par la SARL EG Clemenson.

Cette dernière expose que la somme de 69 268 euros a fait l'objet d'un chiffrage contradictoire, antérieur à la procédure de référé, et ne concernait que le poste des bois transformés, c'est-à-dire ayant subi le procédé de rétification qui constitue son objet social. Elle n'a toutefois pas été indemnisée des pertes qu'elle a subies relativement à ses stocks de bois brut conservés à l'extérieur de l'entrepôt qui ont été chiffrés par l'expert judiciaire après examen des états comptables de stocks.

Il résulte des pièces produites et notamment de l'état des pertes de la SARL EG Clemenson (pièce 12 des appelantes) que la somme de 69 268 euros, entérinée par l'expert amiable et l'expert judiciaire concernait uniquement au titre des marchandises, le bois stocké après traitement (page 6). La première note du sapiteur, [N] [X], du 17 septembre 2015 (pièce 23 page 15) énonce qu'il résulte des pièces produites que « l'expert de Covea Risk a estimé la perte de matière première bois à 70 748,68 euros pour les inondations de 2012. Dans la valorisation du stock au 31 décembre 2012, il est indiqué « bois déclarés sinistrés » : 70 000 € et une écriture comptable a été mentionnée pour 70 748,68 euros. ». le sapiteur ajoute en page 16 de cette même note que « il est indiqué dans les écritures de l'expert [O] pour la société EG Clemenson, avec détails et factures à l'appui, qu'il y a eu aussi les pertes suivantes : état des pertes marchandises 69 268 euros. »

Les sociétés appelantes ont formulé un dire le 26 février 2016, postérieurement à l'établissement de cette note, critiquant les modalités d'évaluation de la perte d'exploitation mais n'ont jamais contesté l'évaluation des pertes de marchandises et de stock, lesquelles ont été reprises dans le pré-rapport de l'expert judiciaire puis dans son rapport définitif.

Ainsi, l'indemnisation, non contestée dès l'origine, des bois stockés après traitement et celle des bois, matière première, n'est pas une double indemnisation et c'est à bon droit que le tribunal de commerce a alloué les deux sommes sus-visées.

Le montant de ce poste de préjudice, s'élevant au total à 157 571,40 euros est confirmé.

-1-3- les dommages aux bâtiments :

* les revêtements de sol :

Les sociétés appelantes soutiennent que seuls les parquets effectivement refaits après l'inondation de 2012 doivent être indemnisés, soit en l'espèce le showroom pour un montant de 13 357,79 euros, les montants réclamés étant exagérés ;

La SARL EG Clemenson réplique que l'indemnisation doit comprendre outre le showroom, les parquets effectivement refaits après l'inondation de 2011 et porte sa réclamation à ce titre à la somme de 57 125,74 euros.

Il n'a pas été discuté que le parquet du showroom a effectivement été refait à la suite de l'inondation de 2011 et l'expert a déterminé que suite à cette inondation, environ 180 m² avaient été effectivement refais au lieu des 255 m² prévus.

Compte tenu de cette réfection partielle à la suite de l'inondation de 2011, il y a lieu de retenir uniquement les surfaces réellement refaites avant l'inondation de 2012 et au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a fixé à 57 125,74 euros HT la somme due par les sociétés appelantes à la SARL EG Clemenson.

* les revêtements muraux :

Les appelantes font valoir à juste titre qu'aucune somme ne doit être allouée de ce chef, l'expert n'ayant pas été en mesure de déterminer la chronologie, ni même si les travaux concernant la réfection de ces revêtements muraux intérieurs du bâtiment C avaient bien été réalisés à la suite de l'inondation de 2011 et le jugement est infirmé de ce chef.

* le bardage bois et l'isolation du bâtiment C :

Ce poste n'a pas été indemnisé après le sinistre de 2011, les assureurs ayant refusé la prise en charge de ces travaux.

Les sociétés appelantes soulignent que ce poste de préjudice n'entrait pas dans la mission de l'expert, qu'il s'agit d'un désordre consécutif au sinistre de novembre 2011 et qu'il n'est pas possible de déterminer la date d'apparition de ce sinistre.

Or s'il résulte qu'en 2011, l'expert amiable de l'assureur, après consultation d'un bureau d'études (cf. pièce 3 page 5 des appelantes), a pu énoncer qu'il n'était pas nécessaire d'intervenir sur l'ossature et les contreventements, ce même expert amiable a constaté en 2012 des désordres au revêtement bois extérieur, au revêtement de mur et à la laine de verre. L'expert judiciaire quant à lui a pu constater, sans être utilement contredit, que le bardage et l'isolant thermique avaient été altérés par les inondations.

Il n'y a donc aucune incertitude sur la date d'apparition de ce sinistre exclusivement imputable à l'inondation de 2012 et l'assureur doit sa garantie.

Les sociétés appelantes ne justifiant d'aucune autre évaluation probante, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 16 657 euros HT.

-2- les dommages immatériels :

-2-2- la perte d'exploitation :

Les appelantes, qui s'appuient sur le rapport de leur expert conseil, soutiennent qu'il n'y a lieu à aucune indemnisation à ce titre, que le sapiteur a de manière erronée retenu une base annuelle et non mensuelle sans scinder les années 2011 et 2012 et qu'il y a lieu de prendre en compte, au titre des années de référence, l'année 2010 pendant laquelle l'intimée n'a subi aucun sinistre. Elles rappellent que compte tenu de la date du sinistre et du mode d'exploitation de l'intimée, l'impact du sinistre de décembre 2012 est limité aux deux semaines restant à courir sur 2012 voire aux deux premiers mois de 2013 et que la SARL EG Clemenson n'a subi qu'une perte de 6 % de son stock de sorte que la production pouvait reprendre rapidement sans attendre de nouvelles livraisons. Elles s'opposent aux demandes de la SARL EG Clemenson dans le cadre de son appel incident.

La SARL EG Clemenson a formé un appel incident pour voir fixer sa perte d'exploitation à la somme de 279 931,51 euros, hypothèse la plus haute de l'expert, le calcul excluant l'année 2010 et déduction faite des sommes versées au titre du sinistre de 2011.

Elle estime que le sapiteur aurait dû prendre en compte la tendance haussière de son chiffre d'affaires, conformément aux dispositions contractuelles, et exclure les années postérieures à 2009 qui a vu la survenance d'un premier sinistre.

Les conditions générales du contrat d'assurance stipulent qu'est indemnisée la perte de marge brute consécutive à la baisse du chiffre d'affaires de commissions ou d'honoraires, résultant d'un événement garanti. Les dommages au titre de la perte de chiffre d'affaires sont constitués par la perte de marge brute calculée en appliquant le taux de marge brute à la différence entre le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé, à dire d'expert, pendant la période d'indemnisation en l'absence de sinistre et le chiffre d'affaires effectivement réalisé pendant cette même période.

Le contrat d'assurance prévoit également que :

- le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé est établi en tenant compte de la tendance générale de l'évolution de l'entreprise et des facteurs intérieurs ou extérieurs susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité professionnelle de l'assuré et ses résultats ;

- pour le règlement d'un sinistre, le chiffre d'affaires annuel, les commissions ou honoraires annuels, la marge brute annuelle, le taux de marge brute sont calculés à partir des comptes des exercices antérieurs et en tenant compte de la tendance générale de l'évolution de l'activité professionnelle assurée.

L'établissement d'une tendance générale de l'évolution de l'entreprise et des facteurs intérieurs ou extérieurs susceptibles d'avoir eu une influence sur le sinistre impose que soient prises en compte les années antérieures exemptes de sinistre et c'est à juste titre que les experts ont intégré dans les calculs l'année 2010 en l'absence de preuve de l'existence d'un sinistre significatif ayant eu une quelconque incidence sur le chiffre d'affaires de la SARL EG Clemenson, aucune indemnisation n'ayant été réclamée ou versée à ce titre. Cette méthode a fait l'objet d'un accord entre les parties lors de la réunion du 27 juillet 2016 selon le rapport d'expertise judiciaire.

C'est à tort en revanche que les appelantes entendent minorer le chiffre d'affaires de 2008, alors que le sapiteur a pu constater des ratios achats consommés sur le chiffre d'affaires similaires avec 2009 et l'impossibilité de ne pas prendre en compte les travaux immobiliers intervenus en 2008 sans les frais associés, de sorte que le chiffre d'affaires de 2008 s'établit bien au montant déterminé par l'expertise.

Il n'est pas possible d'entériner le rapport en ce qu'il a évalué le préjudice d'exploitation de manière globale pour les années 2011 et 2012 sans distinction, puisque, d'une part, cette méthode est en contradiction avec celle contractuellement prévue et rappelée ci-dessus et, d'autre part, la perte d'exploitation subie à la suite du sinistre de 2011 a fait l'objet d'un accord entre les parties le 4 octobre 2012 prévoyant le versement d'une indemnité compensant la perte d'exploitation imputable à ce sinistre, de sorte qu'il n'y a pas lieu de déterminer une perte d'exploitation différente de celle convenue entre les parties.

Si le sinistre de 2012 a eu lieu en toute fin d'année, son impact ne saurait être nul pour cette année 2012, comme le soutiennent les sociétés appelantes, dans la mesure où l'activité de l'entreprise a été perturbée par les travaux de nettoyage, remises en sécurité et en service. L'expert amiable des appelantes a indiqué dans son rapport du 28 décembre 2012 que l'activité normale ne pourrait reprendre que le 3 janvier 2013. Par ailleurs, ce même expert amiable a précisé que, compte tenu des modes d'approvisionnement en bois (en provenance de Nouvelle-Zélande de Finlande ou de France), et du délai de reconstitution des stocks, la perturbation sur le chiffre d'affaires pourrait être d'environ deux mois.

La perte d'exploitation exclusivement imputable au sinistre du 14 décembre 2012 aurait donc dû être calculée par l'expert sur le seul mois de décembre 2012 et sur 2013.

C'est également à tort que les appelantes font valoir que le sapiteur aurait dû déterminer le taux de marge sur coût variable sur la seule année 2012 alors que c'est celle qui subit le sinistre.

La SARL EG Clemenson n'ayant pas fourni au sapiteur et à l'expert judiciaire, malgré leurs demandes, les états mensuels du chiffre d'affaires, il convient de procéder à une évaluation annuelle, comme l'a fait l'expert judiciaire, mais ramenée pour l'année 2012 à la période postérieure au sinistre du 14 décembre, les pertes d'exploitation antérieures n'étant évidemment pas imputables audit sinistre.

Le calcul de l'expert doit être repris de la manière suivante :

- moyenne des chiffres d'affaires des années antérieures (2007 à 2010) témoignant de la tendance générale de l'évolution de l'entreprise, hors années ayant subi des inondations, conformément aux stipulations contractuelles : 2 685 722 euros

- perte globale de chiffre d'affaires par rapport à cette moyenne pour l'ensemble de l'année 2012 : 2 685 722 ' 2 372 002 = 313 720 euros.

- perte ramenée au prorata de la durée restant à courir en 2012 après le sinistre du 14 décembre 2012 : 313 720 x 17/366 = 14 571,69 euros

- perte de chiffre d'affaires 2013 imputable au sinistre du 14 décembre 2012 selon le rapport du sapiteur, non contesté sur ce point : 3 079 euros

- application du taux de marge brute 52 % (taux retenu par le sapiteur et l'expert judiciaire) aux pertes du chiffre d'affaires 2012 et 2013 imputables au seul sinistre du 14 décembre 2012 : (14 571,69 € + 3 079 €) x 52 % = 9 178,36 euros.

La franchise, que le tribunal de commerce a exactement calculée, s'établit à 13 472,64 euros de sorte qu'il n'est rien dû à la SARL EG Clemenson sur ce poste de préjudice.

-2-3- les demandes annexes :

La SARL EG Clemenson réclame la somme de 16 795,88 euros au titre des honoraires de son propre expert qui sont indemnisés aux termes du contrat d'assurance à hauteur de 5 % de l'indemnité au titre des pertes d'exploitation.

Les sociétés appelantes s'y opposent en soutenant que le contrat d'assurance ne prévoit pas une telle prise en charge.

Mais elles omettent leurs propres conditions particulières qui prévoient une indemnisation des honoraires d'expert à hauteur de 5 % des dommages directs indemnisés au titre de la perte d'exploitation (pièce 1 des appelantes page 11). En revanche, aucune perte d'exploitation n'étant indemnisée, l'assureur ne doit rien au titre de cette garantie.

- Synthèse :

Les sommes dues au titre des dommages matériels, telles que rappelées ci-dessus s'établissent à : 73 885,50 +157 571,40 + 57 125,74 +16 657 =305 239,64 euros HT, dont il convient de déduire la somme de 30 523,96 euros au titre de la franchise de 10 %, et les sociétés appelantes sont condamnées à régler à la SARL EG Clemenson la somme de 274 715,68 euros au titre de son préjudice matériel sous déduction des provisions déjà versées.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné les appelantes à régler des sommes au titre de la perte d'exploitation.

Il y a lieu d'ordonner la compensation entre les sommes dues à la SARL EG Clemenson et celles dues par cette dernière au titre de la déchéance de garantie.

Il n'est nullement équitable, compte tenu des circonstances de l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Dans la mesure où chacune d'entre elles a succombé dans une grande part de ses prétentions, il est fait masse des dépens qui sont partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 18 juin 2018,

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement la société d'assurances mutuelles à cotisations fixes MMA IARD assurances mutuelles et la SA MMA IARD à payer à la SARL EG Clemenson la somme de 274 715,68 euros, franchise déduite, au titre des dommages matériels consécutifs au sinistre du 14 décembre 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2013, sous déduction des provisions versées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 juillet 2014,

Déboute la SARL EG Clemenson du surplus de ses demandes au tit re du sinistre du 14 décembre 2012,

Dit que la SARL EG Clemenson est déchue de la garantie au titre du sinistre des 8/9 novembre 2011,

Condamne en conséquence la SARL EG Clemenson à rembourser à la société d'assurances mutuelles à cotisations fixes MMA IARD assurances mutuelles et la SA MMA IARD la somme de 204 791,76 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ordonnant la restitution,

Ordonne en tant que de besoin la compensation judiciaire entre les sommes dues à la SARL EG Clemenson et celles dues par celle-ci aux sociétés MMA IARD,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié entre d'une part la SARL EG Clemenson et, d'autre part, la société d'assurances mutuelles à cotisations fixes MMA IARD assurances mutuelles et la SA MMA IARD,

Dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/12765
Date de la décision : 15/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°18/12765 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-15;18.12765 ?
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