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06/02/2020 | FRANCE | N°18/08749

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 06 février 2020, 18/08749


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 1-9





ARRÊT AU FOND


DU 06 FÉVRIER 2020





N° 2020/112




















Rôle N° RG 18/08749 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCPT4











SA FIMAS


SARL SAMAC








C/





S... F...
































Copie exécutoire dél

ivrée


le :


à :





Me ERMENEUX


Me TURRILLO


























Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06043.








APPELANTES





SA FIMAS Agissant poursuite et diligence de son représentant légal en exercice domicilié en cette...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 06 FÉVRIER 2020

N° 2020/112

Rôle N° RG 18/08749 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCPT4

SA FIMAS

SARL SAMAC

C/

S... F...

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me ERMENEUX

Me TURRILLO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06043.

APPELANTES

SA FIMAS Agissant poursuite et diligence de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège demeurant [...]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Sylvie TRASTOUR de la SCP GINET - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

SARL SAMAC Agissant poursuite et diligence de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [...]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Sylvie TRASTOUR de la SCP GINET - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIMEE

Madame S... F...

née le [...] à CALAIS (62100), demeurant [...]

représentée par Me Jonathan TURRILLO, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVIGNAC.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Février 2020,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par exploit en date du 31 octobre 2013, les Sociétés SAMAC et FIMAS ont fait assigner Mme S... F... devant le tribunal de grande Instance de Grasse en contestation d'un commandement de payer délivré le 19 septembre 2013 pour une somme de 93.040 € au titre de la TVA et indexation.

Par exploit en date du 24 mars 2015, les Sociétés SAMAC et FIMAS ont à nouveau fait assigner Mme S... F... devant le tribunal de grande Instance de Grasse en opposition à un commandement de payer délivré le 24 mars 2015 pour une somme de 7.358,88 € au titre de factures exigibles en exécution d'un accord conventionnel.

Les Sociétés SAMAC et FIMAS ont, dans un premier temps, revendiqué à titre principal la nullité des commandements de payer et demandé à titre subsidiaire, que la créance soit déclarée non fondée puis elles ont ensuite invoqué au visa de l'article 1108 du Code Civil, la nullité d'un accord régularisé le 22 décembre 2006, sollicité que soit donnée injonction à Madame F... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODAN et que Mme F... soit condamnée à leur restituer la provision de 40.646 € allouée par le juge de la mise en état par ordonnance du 7 avril 2017.

Au cours de l'instance, Mme F... avait précisé qu'elle n'entendait pas donner suite aux commandements délivrés les 19 septembre 2013 et 24 mars 2015.

Par jugement du 9 avril 2018 dont appel du 25 mai 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- Dit que les commandements de payer des 19 septembre 2013 et 24 mars 2015 sont dépourvus d'effets ;

- Donné acte en tout état de cause à madame T... veuve F... de ce qu'elle n'entend pas les exécuter ;

- Déclaré irrecevables les société FIMAS et SAMAC en leur demande de nullité de l'accord du 22 décembre 2006;

- Déclaré irrecevable la société SAMAC en sa demande de caducité de l'accord du 22 décembre 2006 ;

- Déclaré irrecevables les société FIMAS et SAMAC en leur demande tendant à faire injonction à madame T... veuve F... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN ;

- Rejeté toute autre demande ;

- Dit que l'exécution provisoire du présent jugement est dépourvu d'objet ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laissé aux société FJMAS et SAMAC la charge des dépens.

Le tribunal énonce en ses motifs :

- l'accord en application duquel les sommes mentionnées dans les commandements ont été réclamées ne lie pas la société SAMAC mais exclusivement la société FIMAS,

- la nullité soulevée au visa des articles R 221-1 et R 323-1 du code des procédures civiles d'exécution ne peut être retenue en ce que les exigences énoncées par ces articles ne sont imposées qu'au commandement valant saisie, ce qui n'est pas le cas du commandement litigieux du 19 septembre 2013,

- les incohérences des deux décomptes des sommes réclamées ne permettent pas à son destinataire de connaître précisément le montant de la réclamation et de vérifier le bien-fondé du calcul, de sorte que l'acte est dépourvu d'effet et il sera, à titre superfétatoire, donné acte à Mme F... qu'elle n'entend pas donner suite aux commandements querellés,

- la société SAMAC ne peut invoquer la nullité de l'accord du 22 décembre 2006 auquel elle n'a en effet pas pris part et s'agissant de la société FIMAS, elle est irrecevable pour cause de prescription en sa demande de nullité dès lors qu'elle a exécuté l'accord pendant plusieurs années,

- faute de démontrer la disparition de la cause réelle de l'engagement suite au décès de M. F..., la caducité de l'accord ne saurait être constatée, le versement de la somme forfaitaire n'ayant pas pour seul objet l'assistance de ce dernier car si tel avait été le cas, l'accord n'aurait pas prévu que le versement se poursuivrait au bénéfice de son épouse et par ailleurs, M. F... n'avait l'obligation d'apporter son assistance que « tant que sa santé ne permettrait »,

- l'accord du 22 décembre 2006 n'étant ni nul ni caduque, la condamnation à restitution de la provision allouée par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 7 avril 2017 ne peut être prononcée,

- s'agissant de la sommation interpellative adressée à Mme F..., il n'existe aucun lien contractuel entre la société SAMAC et la SCI RODHAN avant le 13 février 2007, date à laquelle Mme F... est devenue porteur de parts sociales de la société SAMAC, de sorte que celle-ci n'avait aucun motif de connaître les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN et au surplus, les sociétés FIMAS et SAMAC ne démontrent pas que la simple lecture d'un extrait RCS de cette société ne leur permettrait pas de connaître l'adresse de son gérant.

Vu les dernières conclusions déposées le 15 février 2019 par la SAS FIMAS et la SARL SAMAC, appelantes, aux fins de voir :

- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté la recevabilité des sociétés FIMAS et SAMAC en leur demande de nullité de l'accord du 22.12.2006 et en leur demande de caducité dudit accord, comme en leur demande relative à l'injonction faite à Mme T... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN.

- Confirmer en ce qu'elle a dit que les commandement de payer des 130.09.2013 et 24.03.2015 étaient sans effet, du fait de l'imprécision qu'ils comportaient ;

- Prononcer l'annulation, ou subsidiairement la caducité, de l'accord du 22 décembre 2006 ;

- Donner injonction à Madame S... T... veuve F... de communiquer à la SAMAC et à la SA FIMAS les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN ;

- Débouter Madame S... T... veuve F... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Dire et juger irrecevable, à tout le moins infondée, la demande de Mme T... s'agissant de sa demande de condamnation de la somme de 35.880 € ;

En conséquence,

- Condamner Madame S... T... veuve F... à restituer aux concluantes la provision de 40.646 € allouée par le juge de la mise en état le 7 avril 2017 et toute autre relative à l'appel de ladite ordonnance ;

- Condamner Madame S... T... veuve F... à verser à la SARL SAMAC et à la SA FIMAS la somme de 8.000 € chacune en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Madame S... T... veuve F... aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP ERMENEUX ARNAUX GAUCHI et associés.

SAS FIMAS et la SARL SAMAC font valoir :

- que le litige porte sur la réalité de la cause de l'engagement du 22 décembre 2006, à savoir un contrat de fortage, lequel n'est parfait que si le cessionnaire du droit d'exploitation bénéficie effectivement de toutes les autorisations administratives lui permettant de mettre en service l'exploitation, or ni M.F... ni sa veuve ne sont susceptibles de disposer de titres concernant l'occupation des parcelles concernées ni même d'une autorisation d'exploiter dans la mesure il n'est pas contestable que le propriétaire des parcelles où est exploitée la carrière est la SCI RODHAN, raison pour laquelle elles réclamaient les coordonnées du gérant,

- que la seule personne de droit ayant obtenu une autorisation d'exploiter une carrière est la société SAMAC qui peut donc soulever la nullité du contrat de fortage et elle ne peut être reconnue prescrite sur sa demande de nullité dès lors qu'il s'agit d'un contrat à exécution successive comme cela ressort des échanges entre la société FIMAS, agissant pour le compte de la société SAMAC, et M. F... qui prévoient bien des obligations réciproques puisqu'il s'agit d'une rémunération pour ce dernier du fait « de son action et de son assistance pour obtenir des services compétents les autorisations d'extraction et d'exploitation d'une carrière de marbre ... », obligations qui ont un caractère successif,

- que le versement est expressément prévu en contrepartie de l'assistance de M. F... et en fonction de l'activité de l'exploitation et donc de l'ouverture de la carrière, et l'engagement a été pris en lieu et place par le futur actionnaire de référence à savoir la société FIMAS mais pour le compte du futur exploitant, à savoir la société SAMAC, laquelle n'aurait pu s'engager à un tel versement puisqu'à l'époque elle n'avait aucune activité,

- qu'elles sont donc fondées à voir reconnaître la caducité de la convention d'assistance compte tenu de la disparition de la cause des versements qui ont été réalisés et du fait de l'absence de justification par Mme F... d'un droit à un contrat de fortage pas plus que d'une assistance technique et encore moins d'une obligation morale,

- que l'engagement pris a été accepté selon les conditions énoncées par M. F... dans son pli manuscrit du 27 décembre 2006 qui ne reprend pas le bénéfice du versement au profit de son épouse en cas de décès,

- que l'autorisation administrative porte notamment sur des informations importantes relatives à la SCI RODHAN et aux liens qui pouvaient exister entre elle et M. F..., or cette société n'a ni bureau ni siège et encore moins d'établissement en France et son gérant, qui est inconnu en France, à son domicile au Koweït et comment Mme F... peut revendiquer un droit de créancière de loyer pour la SCI RODHAN sans justifier reverser elle-même lesdits loyers au propriétaire légitime des parcelles occupées,

- que la demande de condamnation provisionnelle complémentaire est irrecevable car nouvelle en appel et en outre, elle n'est même pas expliquée quant au montant.

Vu les dernières conclusions déposées le 15 novembre 2018 par Mme S... T... veuve F..., intimée, aux fins de voir :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Y ajoutant,

- Condamner La Société SAMAC et la Société FIMAS à payer à Madame S... T... veuve F... la somme provisionnelle de 35.880 € à titre de complément de provision pour les mois de septembre 2017 à décembre 2018,

- Condamner solidairement les sociétés SAMAC et FIMAS au paiement d'une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Les condamner aux entiers dépens de l'instance.

Mme S... T... veuve F... fait valoir :

- que les échéances mensuelles prévues par l'engagement du 22 décembre 2006 ont été régulièrement réglées pendant 9 ans, à M. F... puis, suite à son décès, à Mme F..., or l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté,

- que le seul fait que le contrat prévoit des versements échelonnés dans le temps ne suffit pas à lui conférer le caractère de contrat exécution successive et la rente mensuelle devant être versé à M. F... puis après son décès à son épouse, ces versements n'avaient pas pour contrepartie une obligation d'assistance technique dans la mesure où ce dernier n'était tenu d'assister la société FIMAS que tant que son état de santé le permettrait,

- à titre subsidiaire, que l'engagement souscrit par la société FIMAS le 22 décembre 2006 peut être considéré comme une obligation naturelle dans la mesure où il résultait clairement de cet engagement que la société s'est reconnue moralement redevable à l'égard de Mme F..., à la suite à la cession des parts de la société SAMAC consentie le 13 février 2007, et elle a transformé son obligation naturelle en une obligation civile parfaite dont elle ne peut plus solliciter la répétition et dont son bénéficiaire peut exiger l'exécution forcée, de sorte qu'il y a lieu de rejeter les moyens tirés de l'absence ou de la disparition de la cause de l'engagement souscrit le 22 décembre 2006 par la société FIMAS,

- que la société FIMAS, qui indique qu'elle n'a jamais exécuté l'accord et que seule la société SAMAC a réglé l'échéance mensuelle, ne peut se dégager de ses propres obligations au motif qu'elle en aurait fait supporter la charge à une de ses filiales,

- que l'accord n'étant ni nul, ni caduc, il n'y a lieu à restitution de la provision de 40646 € allouée par ordonnance du juge de la mise en état du 7 avril 2017, étant précisé que cette décision a été confirmée par un arrêt du 25 janvier 2018 qui a ajouté une condamnation au paiement d'une somme provisionnelle de 19136 € pour les mois de décembre 2016 à août 2017,

- que le contrat de fortage a été signé le 11 février 2002 par la SCI RODHAN et M. F... et il n'existait aucun lien contractuel entre la SAMAC et la SCI RODHAN avant le 13 février 2007, de sorte que Mme F... n'avait aucun motif de connaître les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN.

Vu l'ordonnance de clôture du 22 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que comme cela résulte des termes des courriers des 22 et 27 décembre 2006 versés aux débats, l'engagement pris trouve sa cause dans les conventions de fortage relatifs à la carrière de Saint Pons signés le 11 février 2002 ;

Que par un premier acte sous-seing privé du 11 février 2002 expressément dénommé contrat de foretage, la SCI RODHAN, propriétaire d'un terrain sis à [...] ) a concédé une autorisation de concession de carrière à M. W... F... puis par un second acte sous seing privé du même jour et également dénommé contrat de foretage, ce dernier a lui-même concédé une autorisation de concession de carrière à la SARL SAMAC ;

Que le contrat de fortage, qui ne repose pas sur des textes légaux, consiste en l'institution d'une pratique par laquelle le propriétaire d'une carrière, par l'effet de l'article 552 du Code civil qui dispose que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, en concède le droit d'exploitation à une autre, contre redevance ;

Qu'ainsi, les deux actes sont indissociables dans la mesure où au regard des dispositions de l'article 552 du Code civil, une telle autorisation ne peut être donnée que par le propriétaire du terrain, ce que n'est pas M. W... F..., mais le premier acte du 11 février 2002 prévoit que ce dernier peut se substituer toute société qu'il jugera utile, de sorte que la bénéficiaire du droit d'exploitation est nécessairement la société SAMAC, et elle seule puisque qu'elle s'est donc substituée à M. F... ;

Que le second acte sous seing privé du 11 février 2002 ne peut ainsi avoir d'autre objet que la substitution de la société SAMAC à M. F..., comme permis par le premier acte du même jour, puisqu'il n'est pas contesté que ce dernier n'était pas et n'a jamais été propriétaire des parcelles en question ;

Que d'ailleurs, c'est bien le gérant de la société SAMAC que la DRIRE a informé le 31 août 2017 que suite au dossier de demande d'exploitation d'une carrière de marbre établi par le bureau d'études ATDx, le projet nécessitait une autorisation de défrichement et que l'autorisation serait limitée à une exploitation pendant 15 ans ;

Que la société SAMAC a donc bien qualité à agir ;

Qu'il est certes relevé qu'au jour de la signature du contrat de foretage souscrit à son profit le 11 février 2002, la société SAMAC n'avait pas d'existence légale puisqu'elle n'a été constituée que le 21 septembre 2006 et qu'au jour de l'engagement pris par la société FIMAS le 22 décembre 2006, cette dernière ne détenait aucune part de la société bénéficiaire du contrat de foretage, la SARL SAMAC, puisqu'elle n'en a acquis des parts, 80 % , que le 13 février 2007 ;

Qu'il s'induit toutefois des termes des courriers en date des 22 et 27 décembre 2006, et des faits, que l'engagement pris le 22 décembre 2006 par un courrier à en-tête de la société FIMAS signé par le directeur général délégué de cette société, s'inscrit dans le cadre d'une convention à l'issue de laquelle, par un jeu de cessions successives de parts entre des membres de la famille de M. W... F... et la société FIMAS, il était prévu que cette même société FIMAS devienne l'actionnaire majoritaire de la société bénéficiaire du contrat de foretage, la SARL SAMAC ;

Que dans le cadre de cette opération, Mme F..., dernière détentrice des 800 parts de la société SAMAC, va effectivement les céder en totalité le 13 février 2017, dont 640 à la société FIMAS et 60 à son directeur général délégué et son épouse, les 100 parts restantes étant acquises par M. R... qui sera nommé gérant de la société SAMAC ;

Et attendu que comme déjà évoqué ci avant, la société SAMAC est nécessairement seule bénéficiaire du contrat de fortage puisqu'un tel contrat ne peut être concédé que par le propriétaire des parcelles, à savoir la SCI RODHAN ;

Que d'ailleurs, dans son courrier du 31 août 2007, le directeur régional de la préfecture région Languedoc-Roussillon précise bien au gérant de la société SAMAC que dans le cadre de sa demande d'autorisation d'exploitation de la carrière de marbre, celui-ci doit attester qu'il est propriétaire des terrains ou qu'il a obtenu du propriétaire le droit de les exploiter ;

Qu'il est toutefois relevé que les sociétés appelantes versent aux débats des factures en date des 31 décembre 2008, 31 décembre 2009, 3 janvier 2010 et 2 avril 2013 émises non pas par la SCI RODHAN mais par M. W... F... ;

Qu'il est en outre relevé que ces factures portent réclamation d'une somme mensuelle de 1500 € au titre d'un « loyer », alors que le contrat qui a pour objet de permettre d'extraire et de disposer du produit d'une carrière, et qui conduit donc à une atteinte à la substance, ne peut être qualifié de bail mais constitue un contrat de vente de meubles par anticipation donnant lieu à redevance d'exploitation ;

Que ces factures portent également réclamation, pour celles des 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009, d'une « redevance d'exploitation » de 5000 € ; qu'il résulte des termes des courriers des 22 et 27 décembre 2006 que la société FIMAS, agissant donc pour le compte de la société SAMAC, s'est effectivement engagée à l'égard de M. W... F... au versement d'un telle somme, forfaitaire, à compter du début d'exploitation de la carrière ;

Que cet engagement est distinct de la redevance d'exploitation, improprement dénommée loyer dans les factures évoquées ci avant ; qu'il résulte en effet des termes du contrat du 11 février 2002 intervenu entre M. W... F... et la société SAMAC que celle-ci « devra verser une redevance d'un montant fixé à 100 € par m3 commercialisé. Cette redevance est établie sur la base d'une commercialisation de 15 par m3 par mois. », soit donc une somme mensuelle de 1500 € ;

Qu'il faut donc considérer que M. W... F... encaissait cette somme mensuelle de 1500 € pour le compte de la SCI RODHAN, à laquelle il devait en principe la reverser, moins la somme qu'il prenait sur cette opération puisque dans le contrat du 11 février 2002 intervenu entre la SCI RODHAN et M. W... F..., la redevance due par ce dernier ne s'élevait qu'à la somme mensuelle de 1050 € ;

Qu'il s'en déduit nécessairement que la somme mensuelle de 5000 €, improprement dénommée redevance, trouve sa contrepartie dans l'action et l'assistance de M. F... pour obtenir des services compétents les autorisations d'extraction et d'exploitation d'une carrière de marbre, selon les propres termes des sociétés appelantes ;

Que sur la portée de l'engagement, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, il ne résulte pas du courrier du 27 décembre 2006 aux termes duquel M. W... F... demande simplement que les 5000 € mensuels ne soit versés qu'une fois que le dossier sera approuvé par la DRIRE de Montpellier et que sera obtenu l'accord de la préfecture, que M. F... a renoncé à la disposition par laquelle la société FIMAS, qui agissait donc pour le compte de la société SAMAC, s'est engagée au paiement de la somme mensuelle forfaitaire de 5000 € jusqu'à son décès et celui de son épouse s'il venait à disparaître avant elle ;

Attendu que les sociétés appelantes soulèvent à titre principal la nullité de l'accord du 22 décembre 2006 ;

Mais attendu que les sociétés appelantes versent elles-mêmes aux débats les comptes balances dont il résulte que la société SAMAC a réglé les sommes facturées par M. F... jusqu'en décembre 2012, notamment les 5000 € mensuels improprement dénommés redevance, or la nullité soulevée par voie d'exception n'est recevable que si l'acte n'a pas commencé à être exécuté ;

Que les sociétés appelantes ne peuvent en conséquence voir prospérer leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'accord intervenu le 22 décembre 2006 ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, les sociétés appelantes soulèvent la caducité de l'accord du 22 décembre 2006 ;

Qu'elles font valoir que la rémunération due à M. F... l'est du fait « de son action et de son assistance pour obtenir des services compétents les autorisations d'extraction et d'exploitation d'une carrière de marbre », obligations qui ont un caractère successif et que dès lors qu'elles ont été réalisées, la cause des versements a disparu et la convention est devenue caduque ;

Que toutefois, si les courriers en date des 22 et 27 décembre 2006, qui s'inscrivent dans le cadre d'une opération de foretage, portent effectivement sur une convention à exécution successive qui commence en 2002 avec la signature d'un contrat de fortage par M. W... F... - qui n'est pas propriétaire de la carrière ni en mesure de l'exploiter lui-même - et la création parallèlement de la société SAMAC - qui doit assurer cette exploitation et qui doit donc se substituer à M. F... dans l'opération de foretage - puis le rachat de la totalité des parts de la société SAMAC par la société FIMAS et se poursuit par l'assistance de M. F... dans les démarches relatives à la demande d'autorisation d'exploitation et une assistance « tant que sa santé le lui permettra », les sociétés appelantes ne peuvent soutenir que la cause du versement des 5000 € a disparu à partir du moment où les autorisations étaient obtenues et que l'exploitation pouvait commencer, dès lors qu'aux termes de l'accord du 22 décembre 2006, l'obligation au paiement de cette somme prend précisément effet à cette date et se poursuit « jusqu'au décès de M. F... et jusqu'à celui de son épouse s'il décède avant elle », ce qui constitue une échéance consentie par la société FIMAS agissant pour le compte de la société SAMAC, en toute connaissance de cause puisque l'accord mentionne également que M. F... n'assurera une assistance que tant que sa santé le lui permettra, sans qu'il soit précisé que l'obligation de la société SAMAC cessera alors ; que l'étendue de l'engagement n'est pas en contradiction avec ce qui en constitue la cause, à savoir le contrat de foretage ;

Que par ailleurs, Mme veuve F... ne s'est pas engagée à fournir personnellement une assistance ;

Que les sociétés appelantes ne peuvent en conséquence voir prononcer la caducité de l'accord du 22 décembre 2006 au motif que la cause des versements a disparu avec l'obtention des autorisations d'extraction et d'exploitation de la carrière ;

Que les sociétés appelantes restent en conséquence redevables, en exécution de l'accord conclu par courriers des 22 et 27 décembre 2006, du paiement de la somme mensuelle de 5000 € que Mme veuve F... a accepté de réduire à la somme forfaitaire de 2392€ TTC par acte du 10 juillet 2013 ;

Que les sociétés appelantes ne peuvent en conséquence voir prospérer leur demande de restitution de la somme allouée par le juge de la mise en état par ordonnance du 7 avril 2017 confirmée par un arrêt du 25 janvier 2018 ;

Attendu que les sociétés appelantes demandent qu'il soit donné injonction à Mme veuve F... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN ;

Mais attendu que rien ne démontre que Mme veuve F... les connaît et qu'elle tient des propos mensongers lorsqu'elle dit qu'elle n'a aucun motif de les connaître ;

Que l'intervention de Mme veuve F... dans l'opération de foretage se limite en effet à l'acquisition des parts de la société SAMAC le 16 janvier 2007 et leur revente, moins d'un mois plus tard, le 13 février 2007, à la société FIMAS ; que Mme veuve F... n'apparaît ensuite qu'au décès de son époux en ce qu'en exécution des courriers des 22 et 27 décembre 2006, elle devient bénéficiaire à compter de cette date de la somme mensuelle de 5000 € qui était due à ce dernier en contrepartie de son assistance pour obtenir les autorisations d'extraction et d'exploitation de la carrière ;

Que Mme veuve F... a certes revendiqué, au travers d'un courrier de son conseil Me X... en date du 23 juillet 2013, être seule bénéficiaire dans le cadre de la succession de son époux du contrat de foretage signé avec la SCI RODHAN mais il est rappelé que la société SAMAC s'est substituée à M. F... par l'effet du deuxième contrat de foretage du 11 février 2002 et c'est pour obtenir paiement des 5000 € dus à son époux jusqu'au décès de celui-ci que Mme veuve F... a pu se prévaloir du contrat de foretage du 11 février 2002 qui constitue bien la cause de l'accord conclu par courriers des 22 et 27 décembre 2006 en vertu duquel elle reste fondée à réclamer cette somme, qu'elle a accepté de réduire à 2392 €, jusqu'à son propre décès et il est d'ailleurs relevé que les commandements, auxquels elle a finalement renoncé, ne portent que sur cette somme ;

Que les sociétés appelantes, qui arguent de ce qu'elles pensaient que M. F... avait un mandat de la SCI RODHAN, ne peuvent rechercher auprès de Mme veuve F... ce qu'elle n'aurait pu obtenir que de M. F... ;

Que les sociétés appelantes ne peuvent donc voir prospérer leur demande tendant à ce qu'il soit donné injonction à Mme veuve F... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN ;

Et attendu qu'il doit donc être fait droit à la demande de Mme veuve F... tendant à obtenir paiement de la somme provisionnelle de 35.880 € à titre de complément de provision pour les mois de septembre 2017 à décembre 2018 ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable la société SAMAC en sa demande de caducité de l'accord du 22 décembre 2006;

- Déclaré irrecevables les société FIMAS et SAMAC en leur demande tendant à faire injonction à madame T... veuve F... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN;

Et statuant à nouveau sur les chef infirmés,

Dit que la SARL SAMAC a qualité et intérêt à agir et déclare en conséquence celle ci recevable en ses demandes ;

Déboute la SAS FIMAS et la SARL SAMAC de leur demande tendant à voir prononcer la caducité de l'accord intervenu le 22 décembre 2006 ;

Déboute la SAS FIMAS et la SARL SAMAC de leur demande tendant à ce qu'il soit donné injonction à Mme veuve F... de leur communiquer les coordonnées du gérant de la SCI RODHAN ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS FIMAS et la SARL SAMAC leur demande tendant à voir condamner Mme S... T... veuve F... à leur restituer la provision de 40.646 € allouée par le juge de la mise en état le 7 avril 2017 et toute autre relative à l'appel de ladite ordonnance ;

Condamne la SARL SAMAC à payer à Mme S... T... veuve F... la somme provisionnelle de 35.880 € à titre de complément de provision pour les mois de septembre 2017 à décembre 2018 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes ;

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;

Condamne la SAS FIMAS et la SARL SAMAC aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 18/08749
Date de la décision : 06/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°18/08749 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-06;18.08749 ?
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