Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 11 mai 1979 par MM Alain Vivien, Joseph Franceschi, Roch Pidjot, Daniel Benoist, Georges Lemoine, André Billardon, Michel Crépeau, Raymond Julien, Alain Bonnet, Jean-Michel Boucheron, Pierre Lagorce, André Delelis, Dominique Dupilet, Jacques Mellick, Alain Savary, Arthur Notebart, Louis Mermaz, Bernard Derosier, Raoul Bayou, Gilbert Sénès, Joseph Vidal, Henri Emmanuelli, Hubert Dubedout, André Chandernagor, Georges Fillioud, Alain Richard, Jean-Pierre Cot, Claude Michel, Laurent Fabius, Guy Bêche, Jean Auroux, Philippe Marchand, Gérard Bapt, Maurice Brugnon, François Autain, Edmond Vacant, Jacques-Antoine Gau, Jean-Pierre Chevènement, Christian Nucci, Lucien Pignion, Alain Chénard, Maurice Pourchon, Philippe Madrelle, Claude Evin, Roger Duroure, Robert Aumont, Mme Edwige Avice, MM Christian Laurissergues, Marcel Garrouste, Yvon Tondon, Pierre Joxe, Jacques Cambolive, Louis Besson, Roland Huguet, Louis Le Pensec, Jean Laborde, Alain Faugaret, André Laurent, Paul Duraffour, André Delehedde, André Cellard, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi modifiant les modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'Etat, notamment des articles 3 et 8-II de ladite loi ;
Saisi le 16 mai 1979 par MM Marcel Champeix, Maxime Javelly, Georges Dagonia, Marcel Mathy, Maurice Vérillon, Roger Quilliot, Pierre Noé, Raymond Courrière, Philippe Machefer, André Méric, Jacques Carat, Gilbert Belin, Emile Durieux, Louis Perrein, Jean Nayrou, Franck Sérusclat, Noël Berrier, Robert Schwint, Robert Pontillon, Robert Guillaume, Gérard Minvielle, Bernard Parmantier, Roland Grimaldi, Jean Geoffroy, Georges Spénale, Marcel Brégégère, Léon Eeckhoutte, Félix Ciccolini, Charles Alliès, Maurice Janetti, Michel Moreigne, René Chazelle, André Barroux, Roger Rinchet, Edgard Pisani, Mlle Irma Rapuzzi, MM Michel Darras, Robert Laucournet, Guy Durbec, Claude Fuzier, Jean Péridier, Albert Pen, Henri Tournan, Louis Longequeue, Antoine Andrieux, Jean Varlet, Marcel Souquet, Tony Larue, Robert Lacoste, Bernard Chochoy, Marcel Debarge, Paul Mistral, Maurice Pic, Abel Sempé, Edouard Soldani, Emile Vivier, Jacques Bialski, Georges Dayan, Henri Duffaut, Edgar Tailhades et, le 23 mai 1979, par MM Paul Pillet, Marcel Rudloff, René Tinant, Pierre Vallon, Daniel Millaud, Raoul Vadepied, Roger Boileau, Pierre Ceccaldi-Pavard, Jean Gravier, Pierre Schiélé, Edouard Le Jeune, Jean Colin, Paul Séramy, Jean-Pierre Blanc, François Prigent, Francis Palmero, Jean Francou, René Jager, Raymond Bouvier, Georges Lombard, Jean David, Michel Labéguerie, André Rabineau, François Dubanchet, Jean-Marie Bouloux, Baudouin de Hauteclocque, Jean Mezard, Etienne Dailly, France Léchenault, Auguste Billiémaz, Joseph Raybaud, Victor Robini, Josy Moinet, Jacques Verneuil, Gaston Pams, Henri Caillavet, Henri Moreau, André Morice, Jean Béranger, Bernard Legrand, Max Lejeune, Jean Mercier, Charles Beaupetit, André Jouany, Hubert Peyrou, Emile Didier, Pierre Jeambrun, François Giacobbi, Lionel Cherrier, Jean de Bagneux, Jacques Thyraud, Michel d'Aillières, Michel Miroudot, Jean-François Pintat, Jacques Larché, Jules Roujon, Michel Sordel, Louis Martin, Pierre Jourdan, Pierre-Christian Taittinger, Hubert Martin, Louis de la Forest, Albert Sirgue, Pierre Croze, Jean Benard-Mousseaux et Pierre Louvot, sénateurs dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi modifiant les modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil du gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'Etat, notamment de l'article 8-I de ladite loi ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que la demande des députés et les deux demandes des sénateurs sont relatives à la même loi et qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ;
Sur la demande des députés :
2. Considérant que, pour contester la conformité à la Constitution de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, les auteurs de cette demande soutiennent, d'une part, que les dispositions de l'article 3 de cette loi seraient contraires à l'article 4 de la Constitution parce qu'elles subordonnent la restitution du cautionnement versé et le remboursement des frais de propagande à l'obtention par les listes en présence d'un pourcentage de 5 p 100 des suffrages exprimés ; qu'ils font valoir, d'autre part, que les dispositions de l'article 8-II de la même loi auraient été adoptées sans qu'il ait été procédé à la consultation de l'assemblée territoriale intéressée, ainsi que l'exige l'article 74 de la Constitution ;
En ce qui concerne les dispositions de l'article 3 :
3. Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la Constitution les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage et qu'ils se forment et exercent leur activité librement ; que cette disposition, dont il appartient à la loi d'assurer la mise en oeuvre, ne fait pas obstacle à ce que celle-ci subordonne la restitution d'un cautionnement et le remboursement des frais de propagande à l'obtention d'un nombre minimum de suffrages ;
En ce qui concerne les dispositions de l'article 8-II :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution l'organisation particulière des territoires d'outre-mer "est définie et modifiée par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée" ;
5. Considérant que cette disposition doit être entendue en tenant compte des règles de la Constitution relatives à la procédure législative et, plus précisément, de celles des articles 40, 41 et 44 concernant le droit d'amendement ; qu'aucune de ces règles ne comporte l'obligation pour l'Assemblée nationale ou le Sénat d'interrompre le déroulement d'un débat en cours pour permettre la consultation, sur un amendement, d'un organisme extérieur au Parlement ; que, par suite, et en l'absence d'une disposition formelle de l'article 74, ce dernier ne saurait être interprété, sous peine de porter atteinte aux prérogatives du Parlement, comme faisant obligation de soumettre, au cours d'un débat parlementaire, le texte d'un amendement à l'avis de l'assemblée territoriale intéressée ;
6. Considérant que, dans ces conditions, l'amendement devenu l'article 8-II de la loi déférée au Conseil constitutionnel, qui, d'ailleurs, procède elle-même d'un projet de loi ayant fait l'objet d'une consultation de l'assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie et dépendances avant son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, n'avait pas à être renvoyé pour avis à cette assemblée territoriale ; que la circonstance que, par son objet, cet amendement sortirait du cadre du projet initial, alors même qu'elle eût été susceptible d'affecter sa recevabilité en vertu des règlements des assemblées parlementaires, serait sans influence sur la constitutionnalité de la procédure suivie puisqu'un amendement n'a pas à être renvoyé pour avis à une assemblée territoriale ;
Sur les deux demandes des sénateurs :
7. Considérant que les auteurs de chacune de ces deux demandes soutiennent que l'article 8-I de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est contraire à la séparation des pouvoirs législatif et exécutif institués par la Constitution et, plus spécialement, à ses articles 20, 21, 34, 37 et 72, dans la mesure où la dissolution de l'assemblée territoriale et du conseil du gouvernement est prononcée par la loi elle-même au lieu de l'être par décret en conseil des ministres ; qu'en outre, la disposition de cet article 8-I relative à l'assemblée territoriale n'ayant pas été soumise à l'avis de celle-ci est contraire à l'article 74 de la Constitution ;
8. Considérant que l'article 8-I a pour objet de préciser la date et les modalités d'entrée en vigueur de la réforme des modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il prévoit, notamment, que les élections renouvelant l'assemblée territoriale auront lieu dans les soixantes jours qui suivront la promulgation de la loi et que les fonctions des conseillers de gouvernement élus le 14 novembre 1978 prendront fin à la date de cette promulgation ;
9. Considérant, d'une part, que, si les dispositions ainsi arrêtées ont pour effet de mettre fin implicitement pour l'assemblée territoriale et explicitement pour le conseil de gouvernement au mandat des membres de ces deux institutions, elles ne sauraient être regardées comme prononçant une dissolution tant en raison des termes mêmes dans lesquels elles sont rédigées que des règles qu'elles définissent pour le renouvellement de ces deux institutions, règles qui diffèrent sur plusieurs points de celles applicables en cas de dissolution ; qu'elles s'analysent, en définitive, comme une mesure d'abréviation du mandat de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement dont la durée est fixée par la loi et ne peut être modifiée qu'en la même forme ; qu'en tirant les conséquences, au regard du mandat des membres de cette assemblée et de ce conseil, d'une entrée en application immédiate du nouveau régime électoral, le législateur n'a donc fait qu'user des pouvoirs qui lui appartiennent de fixer les conditions de mise en vigueur des règles qu'il édicte ; que, dès lors, il n'a méconnu ni le principe de la séparation des pouvoirs, ni les dispositions constitutionnelles qui le mettent en oeuvre ou qui consacrent la libre administration des collectivités territoriales ;
10. Considérant, d'autre part, que, n'étant pas de nature réglementaire, les dispositions de l'article 8-I n'entrent pas dans le champ d'application des règles des articles 34 et 37 de la Constitution sur la répartition des compétences entre la loi et le règlement ;
11. Considérant, enfin, que l'article 8-I, qui est issu d'un amendement, n'avait pas, comme il a été dit ci-dessus, à être soumis pour avis à l'assemblée territoriale en vertu de l'article 74 de la Constitution ;
12. Considérant, qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
La loi modifiant les modes d'élection de l'assemblée territoriale et du conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'Etat est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.