Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 3 décembre 1976, par le Président de la République, en application des dispositions de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si la décision du conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976, relative à l'élection de l'Assemblée au suffrage universel direct, comporte une clause contraire à la Constitution ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le traité du 18 avril 1951 instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique ;
Vu la convention du 25 mars 1957 relative à certaines institutions communes aux communautés européennes ;
Vu le traité du 8 avril 1965 instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes ;
Vu le traité du 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes ;
Vu le traité du 22 juillet 1975 portant modification de certaines dispositions financières des traités instituant les communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes ;
Vu la décision du conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976 et l'acte qui y est annexé ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que la décision du conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976 et l'acte qui y est annexé ont pour seul objet de stipuler que les représentants à l'Assemblée des peuples des Etats réunis dans la Communauté sont élus au suffrage universel direct et de fixer certaines conditions de cette élection ;
2. Considérant que si le préambule de la Constitution de 1946, confirmé par celui de la Constitution de 1958, dispose que, sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix, aucune disposition de nature constitutionnelle n'autorise des transferts de tout ou partie de la souveraineté nationale à quelque organisation internationale que ce soit ;
3. Considérant que l'acte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel ne contient aucune disposition ayant pour objet de modifier les compétences et pouvoirs limitativement attribués dans le texte des traités aux communautés européennes et, en particulier, à leur Assemblée par les Etats membres ou de modifier la nature de cette Assemblée qui demeure composée de représentants de chacun des peuples de ces Etats ;
4. Considérant que l'élection au suffrage universel direct des représentants des peuples des Etats membres à l'Assemblée des communautés européennes n'a pour effet de créer ni une souveraineté ni des institutions dont la nature serait incompatible avec le respect de la souveraineté nationale, non plus que de porter atteinte aux pouvoirs et attributions des institutions de la République et, notamment, du Parlement ; que toutes transformations ou dérogations ne pourraient résulter que d'une nouvelle modification des traités, susceptible de donner lieu à l'application tant des articles figurant au titre VI que de l'article 61 de la Constitution ;
5. Considérant que l'engagement international du 20 septembre 1976 ne contient aucune stipulation fixant, pour l'élection des représentants français à l'assemblée des communautés européennes, des modalités de nature à mettre en cause l'indivisibilité de la République, dont le principe est réaffirmé à l'article 2 de la Constitution ; que les termes de "procédure électorale uniforme" dont il est fait mention à l'article 7 de l'acte soumis au Conseil constitutionnel ne sauraient être interprétés comme pouvant permettre qu'il soit porté atteinte à ce principe ; que, de façon générale, les textes d'application de cet acte devront respecter les principes énoncés ci-dessus ainsi que tous autres principes de valeur constitutionnelle ;
6. Considérant que la souveraineté qui est définie à l'article 3 de la Constitution de la République française, tant dans son fondement que dans son exercice, ne peut être que nationale et que seuls peuvent être regardés comme participant à l'exercice de cette souveraineté les représentants du peuple français élus dans le cadre des institutions de la République ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'acte du 20 septembre 1976 est relatif à l'élection des membres d'une assemblée qui n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française et qui ne participe pas à l'exercice de la souveraineté nationale ; que, par suite, la conformité à la Constitution de l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel n'a pas à être appréciée au regard des articles 23 et 34 de la Constitution, qui sont relatifs à l'aménagement des compétences et des procédures concernant les institutions participant à l'exercice de la souveraineté française.
Déclare : Article premier :
Sous le bénéfice des considérations qui précèdent, la décision du conseil des communautés européennes en date du 20 septembre 1976 et l'acte qui y est annexé ne comportent pas de clause contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 29 et 30 décembre 1976.