Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 juillet et 14 octobre 2024 et le 13 février 2025, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° CS-2024-24 du 28 mai 2024 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) lui a interdit, pendant une durée de trois ans :
- de participer, à quelque titre que ce soit, à une compétition autorisée ou organisée par une organisation signataire du code mondial antidopage ou l'un de ses membres, par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales non signataires, par une fédération sportive, ou donnant lieu à remise de prix en argent ou en nature ;
- de participer à toute activité, y compris les entraînements, stages ou exhibitions, autorisée ou organisée par une organisation signataire du code mondial antidopage ou l'un de ses membres, par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales non signataires, ou par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes reconnus d'éducation ou de réhabilitation en lien avec la lutte contre le dopage ;
- d'exercer les fonctions de personnel d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération sportive, d'une ligue professionnelle, d'une organisation signataire du code mondial antidopage ou de l'un de leurs membres ;
- de prendre part à toute activité sportive impliquant des sportifs de niveau national ou international et financée par une personne publique.
2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision de la commission des sanctions de l'AFLD en ramenant la durée des sanctions prononcées à une durée d'un mois ou à une durée maximum de deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code du sport ;
- la délibération n° 2020-51 du 17 décembre 2020 de l'AFLD ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julia Flot, auditrice,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, Feliers, avocat de M. A... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la directrice des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a donné mission à un agent habilité de procéder, le 1er juin 2023, à un contrôle antidopage sur la personne de M. A..., joueur de rugby à XV, à son domicile. Le préleveur s'étant présenté à 6h30, l'intéressé a fait valoir qu'il devait partir travailler et qu'un tel contrôle ne pouvait être réalisé à son domicile sans préavis. Le préleveur lui a montré son ordre de mission, lui a indiqué que ce contrôle durerait environ 15 minutes et lui a rappelé les sanctions encourues en cas de refus. M. A..., indiquant qu'il n'était pas un sportif professionnel, a refusé de se soumettre à ce contrôle et de signer la notification de ce contrôle comme de remplir le rapport complémentaire pour exposer les raisons de son refus. Par une décision du 28 mai 2024, la commission des sanctions de l'AFLD a prononcé à son encontre, au motif qu'il s'était soustrait au prélèvement d'un échantillon, une sanction comportant notamment l'interdiction, pendant une durée de trois ans, de participer à une manifestation sportive et à diverses activités sportives. M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler ou, subsidiairement, de réformer cette décision.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 232-9-2 du code du sport : " A l'occasion des opérations de contrôle prévues aux articles L. 232-12 à L. 232-16, il est interdit : / 1° De se soustraire au prélèvement d'un échantillon ; / 2° De refuser sans justification valable, après s'être vu notifier le contrôle, le prélèvement d'un échantillon ; / 3° De ne pas se soumettre, intentionnellement ou par négligence, sans justification valable après s'être vu notifier le contrôle, au prélèvement d'un échantillon. " En vertu du dernier alinéa de l'article D. 232-47 du même code : " Le refus de prendre connaissance, de signer ou de retourner la notification est constitutif d'une soustraction au prélèvement d'un échantillon au sens du 1° de l'article L. 232-9-2. "
3. Aux termes de l'article L. 232-21 du code du sport : " La violation des dispositions du présent titre peut emporter pour son auteur une ou plusieurs des conséquences suivantes : / 1° La suspension définie au 2° du I de l'article L. 232-23 ; / (...) / 3° La publication de la décision de la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (...) ". Aux termes de l'article L. 232-23 du même code : " I. - La commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage peut prononcer à l'encontre des personnes ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-9-2, L. 232-9-3, L. 232-10, L. 232-10-3, L. 232-10-4 ou L. 232-17 : / 1 ° Un avertissement ; / 2° Une suspension temporaire ou définitive : / a) De participer, à quelque titre que ce soit, à une compétition autorisée ou organisée par une organisation signataire du code mondial antidopage ou l'un de ses membres, par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales non signataires, par une fédération sportive, ou donnant lieu à remise de prix en argent ou en nature ; / b) De participer à toute activité, y compris les entraînements, stages ou exhibitions, autorisée ou organisée par une organisation signataire du code mondial antidopage ou l'un de ses membres, par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales non signataires, ou par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes reconnus d'éducation ou de réhabilitation en lien avec la lutte contre le dopage ; / c) D'exercer les fonctions de personnel d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération sportive, d'une ligue professionnelle, d'une organisation signataire du code mondial antidopage ou de l'un de leurs membres ; / d) Et de prendre part à toute activité sportive impliquant des sportifs de niveau national ou international et financée par une personne publique (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 232-23-3-4 du code du sport : " La durée des mesures de suspension mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement au 4° de l'article L. 232-10 et à l'article L. 232-9-2 est de quatre ans. / (...) Lorsque le manquement est commis par une personne protégée ou un sportif de niveau récréatif, la sanction est au minimum un avertissement et au maximum une suspension d'une durée de deux ans, en fonction du degré de la faute de l'intéressé. "
5. Enfin, aux termes du dernier alinéa du II de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport : " La durée des mesures de suspension prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".
Sur la régularité des opérations de contrôle :
6. Aux termes de l'article L. 232-13-1 du code du sport, les contrôles antidopage peuvent être réalisés : " 3° Dans tout lieu, y compris le domicile du sportif, permettant de réaliser le contrôle dans le respect de la vie privée du sportif et de son intimité ". Selon l'article L. 234-14 de ce code, les personnes habilitées à procéder aux contrôles, dans l'exercice de leurs missions, peuvent accéder aux lieux mentionnés au 1° et au 3° de l'article L. 232-13-1 entre 6 heures et 23 heures.
7. Si le requérant soutient qu'il avait informé l'agent de l'AFLD des obligations professionnelles qui lui interdisaient de retarder son départ de son domicile, cette seule circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le contrôle soit réalisé dans le respect de sa vie privée et de son intimité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la sanction contestée a été prise au terme d'opérations de contrôle effectuées en méconnaissance des dispositions de L. 232-13-1 du code du sport.
Sur l'existence d'une infraction :
8. Il résulte des dispositions des articles L. 232-9-2 et D. 232-7 du code du sport citées au point 2 que le refus de M. A... de signer le procès-verbal lui notifiant le contrôle suffit à caractériser une soustraction au prélèvement d'un échantillon au sens du 1° de l'article L. 232-9-2, sans qu'il puisse utilement invoquer, pour contester l'existence d'un manquement, la circonstance qu'il disposait d'une justification valable pour refuser de se soumettre à ce contrôle.
Sur la sanction :
9. Aux termes du IV de l'article L. 230-3 du code du sport, le sportif de niveau récréatif est défini comme : " Toute personne concourant dans un sport au niveau récréatif, selon la définition fixée par une délibération du collège de l'Agence française de lutte contre le dopage. Cette définition ne peut inclure aucune personne qui, dans les cinq ans précédant la commission d'une violation des règles relatives à la lutte contre le dopage, a été un sportif de niveau international ou un sportif de niveau national, a représenté un pays dans une manifestation internationale, à l'exclusion des compétitions limitées aux catégories de jeunes ou aux catégories par tranches d'âge, ou a été incluse dans un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles ou dans un autre groupe constitué par une fédération internationale ou une organisation nationale antidopage pour donner des informations sur la localisation. " L'article 1er de la délibération du 17 décembre 2020 de l'AFLD portant définition du sportif de niveau récréatif dispose que : " Est considéré comme sportif de niveau récréatif pour l'application des règles antidopage tout sportif qui, dans les 5 ans précédant la commission d'une violation des règles antidopage (...) n'a pas participé à un championnat de France organisé par une fédération délégataire, à l'exclusion des championnats réservés aux sportifs âgés d'au moins 50 ans ".
10. En premier lieu, d'une part, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1er de la délibération du 17 décembre 2020 de l'AFLD, en ce qu'elles excluent de la définition des sportifs de niveau récréatif les sportifs ayant participé dans les 5 ans précédant la commission d'une violation des règles antidopage à un championnat de France organisé par une fédération délégataire, méconnaitraient l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article L. 230-3 du code du sport n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. D'autre part, en mentionnant les championnats de France organisés par une fédération délégataire, cette délibération fait nécessairement référence aux championnats qualifiés comme tels par le règlement général de la fédération délégataire, seule compétente, en application de l'article L. 131-17 du code du sport, pour décerner une telle appellation. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'elle méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines.
11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a participé, dans les cinq années précédant le contrôle, d'une part, au cours de la saison 2021/2022, au championnat de fédérale 2 de rugby à XV, d'autre part, au cours de la saison 2022/2023, au championnat de fédérale 1 de rugby à XV, lesquels constituent des championnats de France au sens des règlements généraux de la fédération française de rugby. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il est un sportif de niveau récréatif et que la durée des mesures d'interdiction prononcées à son encontre n'aurait, en conséquence, pas dû excéder deux ans en application du dernier alinéa de l'article L. 232-23-3-4 du code du sport.
12. En revanche, il résulte de l'instruction que si, après avoir été informé par l'agent préleveur de ses obligations et des sanctions encourues, M. A... a refusé de signer la notification, d'une part, l'intéressé, sportif amateur, n'avait pas été informé par son club ni par sa fédération de ce qu'il était susceptible d'être soumis entre 6h et 23h à un contrôle antidopage à son domicile, qu'il ne pouvait refuser sans justification valable et sans en avoir signé la notification, d'autre part, il devait se rendre à son lieu de travail pour y animer une réunion de chantier. Si la commission des sanctions a tenu compte de certaines de ces circonstances pour réduire la durée des mesures de suspension prononcées à son encontre en application du dernier alinéa du II de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport, la durée de trois ans apparait disproportionnée au regard de l'ensemble de ces circonstances. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de réduire cette durée à un an. La présente décision, qui réforme la durée des interdictions prononcées par la décision du 28 mai 2024, publiée sur le site internet de l'AFLD, implique qu'il en soit fait mention sur ce même site internet.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le même fondement en mettant à la charge de l'AFLD une somme de 3 000 euros.
D E C I D E :
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Article 1er : La durée de la sanction d'interdiction faite à M. A... de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de manifestations sportives, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, et d'exercer des fonctions d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un de leurs membres, est ramenée à un an.
Article 2 : La décision du 28 mai 2024 de la commission des sanctions de l'AFLD est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera publiée sur le site internet de l'AFLD.
Article 4 : L'AFLD versera une somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'AFLD présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.
Copie en sera adressée au président de la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 avril 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et Mme Julia Flot, auditrice-rapporteure.
Rendu le 6 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Julia Flot
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard