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17/12/2024 | FRANCE | N°494878

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 17 décembre 2024, 494878


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 494878, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin et 14 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Collectif des citoyens exposés au trafic aérien (COCETA) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus née du silence gardé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur sa demande du 31 janvier 2024 tendant, premièrement à ce qu'il abro

ge le a, en tant qu'il prévoit un couvre-feu d'une amplitude horaire inférieure à huit heu...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 494878, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin et 14 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Collectif des citoyens exposés au trafic aérien (COCETA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus née du silence gardé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur sa demande du 31 janvier 2024 tendant, premièrement à ce qu'il abroge le a, en tant qu'il prévoit un couvre-feu d'une amplitude horaire inférieure à huit heures en semaine et à neuf heures le week-end, et le b du IV de l'article 1er de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes-Atlantique, ainsi que la décision de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) de n'établir aucun procès-verbal de manquement en cas de vol entre 0 h et 0h05 et entre 5h55 et 6 h, deuxièmement, à ce qu'il rende publiques les données détaillées de suivi du couvre-feu sur une base mensuelle et, troisièmement, à ce qu'il porte à 100 000 euros le montant maximal des sanctions administratives applicables aux personnes morales manquant aux mesures de restriction des vols de nuit ;

2°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, premièrement, de prendre les mesures nécessaires à l'instauration, à l'aérodrome de Nantes-Atlantique, d'un couvre-feu d'une amplitude horaire supérieure à huit heures en semaine et à neuf heures le week-end, deuxièmement, de rendre publiques les données détaillées de suivi du couvre-feu sur une base mensuelle et, troisièmement, de porter à 100 000 euros le montant maximal des sanctions administratives applicables aux personnes morales en cas de manquement aux mesures de restriction des vols de nuit, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 494880, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juin et 14 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association COCETA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus née du silence gardé par le préfet de la Loire-Atlantique sur sa demande du 31 janvier 2024 tendant à ce qu'il réalise une étude d'impact selon l'approche équilibrée prévue par le règlement (UE) n° 598/2014 en vue de renforcer les restrictions d'exploitation concernant les vols de nuit prévues par l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes-Atlantique ;

2°) d'enjoindre au préfet de réaliser l'étude d'impact demandée, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 496131, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 14 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association COCETA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, du 23 mai 2024 modifiant l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes-Atlantique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 594/2014 du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boucard-Maman, avocat de l'association COCETA, et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ministre de l'écologie, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) de l'aérodrome de Nantes-Atlantique pour la période 2020-2024 et à l'issue d'une étude d'impact selon l'approche équilibrée, telle que prévue par le règlement (UE) n° 598/2014 du 16 avril 2014 relatif à l'établissement de règles et de procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de l'Union, dans le cadre d'une approche équilibrée, le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, a, par un arrêté du 28 septembre 2021, soumis l'aérodrome de Nantes-Atlantique à des restrictions d'exploitation, parmi lesquelles un couvre-feu " de programmation " entre 0 h et 6 h, assorti de la possibilité, pour certains aéronefs, d'atterrir ou de décoller pendant ce créneau s'ils y sont contraints pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur.

2. Le 31 janvier 2024, l'association Collectif des citoyens exposés au trafic aérien (COCETA) a demandé au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires d'abroger les dispositions du a, en tant qu'il prévoit un couvre-feu d'une amplitude horaire inférieure à huit heures en semaine et à neuf heures le week-end, et le b du IV de l'article 1er '(de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes-Atlantique. Elle a par ailleurs demandé au ministre d'abroger la décision de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) de n'établir aucun procès-verbal de manquement en cas d'atterrissage ou de décollage entre 0 h et 0h05 et entre 5h55 et 6 h, de rendre publiques les données détaillées de suivi du couvre-feu sur une base mensuelle et de porter à 100 000 euros le montant maximal des sanctions administratives applicables aux personnes morales manquant aux mesures de restriction des vols de nuit. Le même jour, l'association a demandé au préfet de la Loire-Atlantique de réaliser une nouvelle étude d'impact selon l'approche équilibrée en vue de renforcer les restrictions d'exploitation concernant les vols de nuit à l'aérodrome de Nantes-Atlantique.

3. Par un arrêté du 23 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, ont complété l'arrêté du 28 septembre 2021, principalement pour y ajouter une liste non exhaustive d'évènements considérés comme des raisons indépendantes de la volonté du transporteur et instaurer une procédure de notification préalable par le transporteur d'un atterrissage ou d'un décollage susceptible d'intervenir entre 0 h et 6 h, auquel le ministre peut décider de s'opposer s'il méconnaît manifestement les prévisions de l'arrêté.

4. L'association COCETA demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de refus nées du silence gardé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et par le préfet de la Loire-Atlantique sur ses demandes du 31 janvier 2024, ainsi que l'arrêté du 23 mai 2024.

5. Ces requêtes présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les conclusions dirigées contre le refus de modifier la règlementation du couvre-feu de programmation à l'aérodrome de Nantes-Atlantique :

6. D'une part, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 598/2014 : " (...) 2. Les États membres veillent à ce que soit adoptée l'approche équilibrée en ce qui concerne la gestion des nuisances sonores liées au trafic aérien dans les aéroports où un problème de bruit a été identifié. A cette fin, les États membres veillent à ce que : / a) l'objectif de réduction du bruit pour l'aéroport concerné (...) soit défini ; / b) les mesures envisageables pour réduire les répercussions des nuisances sonores soient déterminées ; / (...) 3. Les États membres veillent à ce que, lorsque des mesures sont prises en matière de bruit, l'association suivante des mesures envisageables soit examinée, en vue de déterminer la mesure ou la combinaison de mesures présentant le meilleur rapport coût-efficacité : / a) l'effet prévisible d'une réduction à la source des nuisances sonores liées au trafic aérien ; / b) la planification et la gestion de l'utilisation des terrains ; / c) des procédures opérationnelles de réduction du bruit ; / d) des restrictions d'exploitation ne sont pas appliquées en première intention, mais seulement après examen des autres mesures de l'approche équilibrée. (...) / 6. Les mesures ou une combinaison de mesures prises conformément au présent règlement pour un aéroport donné n'entraînent pas de restrictions au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs environnementaux de réduction du bruit qui ont été fixés pour cet aéroport. (...) ". En vertu de l'article 6, paragraphe 2, du même règlement, l'édiction de nouvelles mesures de restriction d'exploitation doit s'accompagner de la définition d'une méthode permettant de tenir compte de la contribution de chaque mesure à la réduction des nuisances sonores, d'une évaluation du rapport coût-efficacité de ces nouvelles mesures et d'un processus de consultation des parties intéressées.

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 227-8 du code de l'aviation civile, applicable à la date de l'arrêté ministériel du 28 septembre 2021 : " (...) des restrictions d'exploitation (...) peuvent être imposées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile sur les aérodromes (...). Ces restrictions sont établies aérodrome par aérodrome en prenant en compte les caractéristiques propres de l'aérodrome considéré et les effets prévisibles de la réduction à la source du bruit généré par les aéronefs, des mesures d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de construction et des procédures de navigation aérienne et de conduite de vol visant à limiter le bruit pour les riverains, ainsi que des coûts et avantages que sont susceptibles d'entraîner, outre les restrictions envisagées, ces différentes mesures. " Aux termes de l'article R.* 227-8 du même code, applicable à la date de l'arrêté ministériel du 23 mai 2024 : " L'adoption de restrictions d'exploitation sur les aérodromes (...) au sens (...) du règlement (UE) n° 598/2014 (...) est précédée d'une évaluation dite 'étude d'impact selon l'approche équilibrée' conduite conformément aux dispositions du point 2 de l'article 6 du règlement précité, sous l'autorité du préfet coordonnateur (...) ". Aux termes de l'article R. 6360-3 du code des transports, également applicable à cette date : " (...) Le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre chargé de l'environnement peuvent, en se fondant sur les conclusions de l'étude d'impact selon l'approche équilibrée (...), imposer, par arrêté conjoint, des restrictions d'exploitation sur les aérodromes (...). / Le projet d'arrêté est soumis pour avis à la commission consultative de l'environnement compétente prévue à l'article L 571-13 du code de l'environnement et mis à la disposition du public selon la procédure prévue à l'article L. 123-19-1 du même code. Il est ensuite soumis pour avis à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires. "

8. Il ressort des pièces des dossiers que, dans le cadre du PPBE 2020-2024 de l'aérodrome de Nantes-Atlantique pour la période 2020-2024, les services de la direction générale de l'aviation civile, mettant en œuvre l'approche équilibrée prévue par les dispositions précitées, après avoir mesuré les émissions sonores de l'aérodrome de Nantes-Atlantique et dénombré les personnes vivant dans des habitations soumises pendant la nuit à un niveau d'exposition au bruit égal ou supérieur à 50 décibels (dB(A)) et celles subissant de fortes perturbations du sommeil, ou appelées à connaître ces situations à l'avenir, se sont fixé pour objectif de réduire de moitié au moins le nombre de ces personnes. Dans ce but, en complément de mesures autres que des restrictions d'exploitation, relevant des a à c de l'article 5, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 598/2014, énumérées dans le PPBE 2020-2024 et après avoir envisagé plusieurs scenarios dont ils ont évalué l'impact respectif, ils ont recommandé, au titre du d du même article 5, paragraphe 3, une interdiction des aéronefs certifiés ayant une marge acoustique cumulée réduite (inférieure à 13 EPNdB) entre 22 h et 6 h et une interdiction des vols programmés entre 0 h et 6 h, assortie de la possibilité, pour les aéronefs effectuant des vols programmés entre 21 h et 23h30 et entre 6h30 et 9 h, d'atterrir ou de décoller entre 0 h et 6 h s'ils y sont contraints pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur, ces mesures étant regardées comme permettant d'atteindre les objectifs d'ordre acoustique et sanitaire au prix de l'impact socio-économique le plus faible et comme présentant ainsi le meilleur rapport coût-efficacité. Si l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a émis le 6 septembre 2021 un avis défavorable sur le projet d'arrêté mettant en œuvre ce scénario, au motif, principalement, que le caractère imprécis des dérogations ne garantissait pas la maîtrise du nombre de mouvements nocturnes, ce projet a reçu un avis favorable de la commission consultative de l'environnement (CCE) de l'aérodrome de Nantes-Atlantique et recueilli 78 % d'opinions positives lors de la consultation publique. Les dispositions relatives au couvre-feu de programmation entre 0 h et 6 h ont été insérées aux a et b du IV de l'article 1er de l'arrêté du 28 septembre 2021.

9. Par l'arrêté du 23 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a, d'une part, donné une liste non exhaustive d'évènements qui, sous certaines conditions, peuvent être regardés comme des raisons indépendantes de la volonté des transporteurs et, d'autre part, instauré une procédure de notification préalable par le transporteur de tout mouvement susceptible d'intervenir entre 0 h et 6 h, auquel le ministre peut s'opposer s'il ne peut manifestement pas être regardé comme justifié par des raisons indépendantes de sa volonté.

10. En premier lieu, s'il résulte de l'article R.* 227-8 du code de l'aviation civile cité au point 7 que l'adoption d'une nouvelle mesure de restriction d'exploitation doit être précédée d'une étude d'impact selon l'approche équilibrée conduite conformément aux dispositions de l'article 6, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 598/2014, le c de ce paragraphe 2 précise toutefois que " les modifications mineures d'ordre technique apportées [aux] mesures [existantes], sans conséquence réelle en matière de capacité ou d'exploitation, ne sont pas considérées comme de nouvelles restrictions d'exploitation ". Les dispositions de l'arrêté du 23 mai 2024, exposées au point 9, si elles clarifient la portée et les modalités d'application des mesures de restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes-Atlantique fixées par l'arrêté du 28 septembre 2021, n'en affectent pas la consistance. Elles peuvent ainsi être regardées comme des modifications mineures d'ordre technique au sens des dispositions précitées du règlement (UE) n° 598/2014, de sorte que l'arrêté du 23 mai 2024 n'avait pas à être précédé d'une étude d'impact selon l'approche équilibrée.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers, notamment des bilans annuels publiés par les services de la direction générale de l'aviation civile en mars 2023 et mars 2024, que le nombre moyen de vols entre 0 h et 6 h à l'aéroport de Nantes-Atlantique est passé d'environ six par nuit à un par nuit à compter de l'application du couvre-feu et que 60 % des nuits n'ont connu aucun vol effectué en dérogation au couvre-feu, une proportion élevée de ces vols ayant au demeurant été comptabilisés en juillet et août. Par ailleurs, 30 % des vols ainsi comptabilisés entre avril 2022 et mars 2024 ont soit eu lieu dans les cinq minutes suivant le début ou précédant la fin du couvre-feu, soit correspondu à des vols sanitaires ou de sécurité qui auraient été autorisés, y compris en cas de couvre-feu strict. La chronique de ces vols ne révèle pas non plus de tendance à la hausse des vols de nuit, qui traduirait le caractère insuffisamment restrictif des dérogations autorisées ou le caractère insuffisamment dissuasif des poursuites et des sanctions prononcées.

12. Ainsi, en faisant le choix, dans le cadre d'une approche équilibrée qui incluait une série de mesures autres que des restrictions d'exploitation, d'un couvre-feu de programmation entre 0 h et 6 h, qui a permis de réduire significativement le nombre de vols de nuit à l'aérodrome de Nantes-Atlantique, donc l'exposition au bruit des populations avoisinantes, et dont il n'est pas contesté qu'il présentait un rapport coût-efficacité supérieur aux scénarios alternatifs envisagés, et en complétant ce dispositif par l'instauration de procédures visant à limiter toute utilisation injustifiée des dérogations possibles à ce couvre-feu, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a pas adopté des dispositions qui méconnaissent le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et le principe de prévention garantis par les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement, les exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, ou le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, il n'a, en tout état de cause, pas non plus méconnu le droit à un niveau élevé de protection de la santé et à un niveau élevé de protection de l'environnement reconnu par les articles 35 et 37 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni manqué de concourir à une politique visant à mettre en œuvre le droit de vivre dans un environnement sonore sain, ainsi que le prévoit l'article L. 571-1 A du code de l'environnement.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 598/2014 : " (...) 3. Les autorités compétentes assurent la surveillance et le suivi de la mise en œuvre des restrictions d'exploitation et prennent les mesures qui s'imposent. Elles veillent à ce que des informations pertinentes soient mises gratuitement à la disposition des riverains des aéroports et des autorités locales concernées, et à ce que ces informations soient facilement et rapidement accessibles. / 4. Ces informations peuvent comprendre : / a) dans le respect du droit national, des informations relatives aux violations présumées dues à des modifications des procédures de vol, au regard de leur incidence et des raisons qui ont motivé ces modifications ; (...) ". Si ces dispositions imposent que les usagers puissent accéder gratuitement, rapidement et facilement aux informations pertinentes relatives aux mesures de restrictions d'exploitation et à leur mise en œuvre, elles n'impliquent pas que ces informations soient communiquées sur une base mensuelle.

14. L'article 5 de l'arrêté attaqué prévoit qu'un bilan des vols effectués en dérogation au couvre-feu est présenté lors de chaque réunion de la CCE de l'aérodrome de Nantes-Atlantique, laquelle se réunit, en vertu de l'article R. 571-80 du code de l'environnement, au moins une fois par an en séance plénière. Au demeurant, ce même article prévoit que la commission se réunit également à la demande du tiers au moins de ses membres alors que les représentants des associations de riverains de l'aérodrome et des associations de protection de l'environnement et du cadre de vie concernées par l'environnement aéroportuaire, parmi lesquelles l'association COCETA, comptent, en application du 3° du XI de l'article L. 571-13 et du 3° du I de l'article R. 571-13 du même code, pour un tiers de ces membres. Ce même article 5 prévoit que ce bilan est rendu public également au moins une fois par an. Un bilan des vols effectués en dérogation au couvre-feu a ainsi été rendu public en avril 2023 et en avril 2024. Par ailleurs, en vertu du 2° de l'article L. 6361-7 du code des transports, l'ACNUSA a notamment pour mission de diffuser auprès du public, mais aussi de toute personne qui en fait la demande, notamment des associations de riverains, des informations sur le bruit résultant de l'activité aéroportuaire et des données, incluant l'identité des auteurs des manquements, relatives aux sanctions infligées notamment en cas de manquement aux mesures de restriction d'exploitation. Ainsi, les modalités d'information du public sur la mise en œuvre des restrictions d'exploitation de l'aéroport de Nantes-Atlantique, notamment l'article 5 de l'arrêté du 28 septembre 2021, ne méconnaissent ni les dispositions précitées du règlement (UE) n° 598/2014, ni, en tout état de cause, le principe de participation du public garanti par l'article 7 de la Charte de l'environnement.

15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions dirigées contre le refus de modifier les dispositions de l'arrêté du 28 septembre 2021 relatives au couvre-feu de programmation et contre l'arrêté du 28 mai 2024 doivent être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre le refus de réaliser une étude d'impact selon l'approche équilibrée en vue de renforcer les restrictions d'exploitation concernant les vols de nuit à l'aérodrome de Nantes-Atlantique :

16. La demande, adressée au préfet de la Loire-Atlantique, tendant à ce que soit réalisée une étude d'impact selon l'approche équilibrée prévue par le règlement (UE) n° 598/2014 en vue de renforcer les restrictions d'exploitation concernant les vols de nuit à l'aérodrome de Nantes-Atlantique visait à tirer les conséquences de l'illégalité alléguée de l'arrêté du 28 septembre 2021. Les conclusions dirigées contre le refus de modifier les dispositions litigieuses ayant été rejetées, celles dirigées contre le refus de donner suite à cette demande ne peuvent, en tout état de cause, que l'être également.

Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger la décision de n'établir aucun procès-verbal de manquement en cas de vol entre 0 h et 0h05 et entre 5h55 et 6 h :

17. En vertu de l'article L. 6361-14 du code des transports, les agents de la direction générale de l'aviation civile, particulièrement les agents de la DSAC, sont chargés de contrôler la mise en œuvre des restrictions d'exploitation des aérodromes et, en cas de manquement constaté, d'établir un procès-verbal, qui est notifié au transporteur concerné et communiqué à l'ACNUSA pour instruction et, le cas échéant, sanction. Il ressort toutefois des bilans annuels réalisés par les services de la direction générale de l'aviation civile que les vols effectués entre 0 h et 0h05 et entre 5h55 et 6 h ne donnent pas lieu à transmission d'un procès-verbal à l'ACNUSA, et le ministre admet, dans ses écritures en défense, l'existence d'une tolérance de cinq minutes autour de la plage horaire du couvre-feu, à laquelle il a refusé de mettre fin.

18. Il ressort toutefois des pièces des dossiers que cette tolérance administrative, qui ne vise que les retards ou, exceptionnellement, les anticipations de quelques minutes et a donc un impact limité sur la mise en œuvre du couvre-feu, est justifiée par la volonté de ne pas inciter les commandants de bord à hâter ou, exceptionnellement, retarder l'atterrissage ou le décollage de l'aéronef au mépris des règles de sécurité applicables. Il n'est en outre pas allégué que cette tolérance limitée serait abusivement exploitée par les compagnies aériennes. Ainsi, en accompagnant l'arrêté dont il était le signataire d'une telle instruction dans sa mise en oeuvre, le ministre s'est borné à prendre en considération les exigences inhérentes au transport aérien et n'a pas adopté des dispositions qui méconnaissent les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement, les exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ou l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, le droit à un niveau élevé de protection de la santé et à un niveau élevé de protection de l'environnement reconnus par les articles 35 et 37 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou l'article L. 571-1 A du code de l'environnement. Par suite, les conclusions dirigées contre le refus du ministre d'abroger cette instruction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre le refus de rehausser le montant maximal des sanctions administratives applicables aux personnes morales manquant aux mesures de restriction des vols de nuit :

19. Le montant maximal des sanctions applicables à des personnes morales en cas de manquement à des mesures de restriction d'exploitation d'un aérodrome, qui est actuellement de 40 000 euros par manquement constaté, est fixé à l'article L. 6361-13 du code des transports. Les conclusions de l'association doivent donc être regardées comme contestant le refus du ministre de déposer un projet de loi modifiant les dispositions de cet article dans les conditions prévues à l'article 39 de la Constitution. Un tel refus présentant le caractère d'un acte du pouvoir exécutif concernant ses rapports avec le Parlement, insusceptible de faire l'objet d'un recours contentieux, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'association COCETA n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions et de l'arrêté attaqués. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association COCETA la somme demandée à ce titre par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'association COCETA sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Collectif des citoyens exposés au trafic aérien, à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 17 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Pourreau

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 494878
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2024, n° 494878
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP BOUCARD-CAPRON-MAMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494878.20241217
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