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25/07/2024 | FRANCE | N°491908

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 juillet 2024, 491908


Vu la procédure suivante :



M. A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la communauté de communes du grand Langres d'assurer l'exécution des articles 1, 2 et 4 de l'arrêté du 7 décembre 2023 du président de cette communauté de communes, en prenant en charge son hébergement temporaire et celui de son épouse et en procédant aux travaux confortatifs de leur logement préconisés par l'expert désigné par l'

ordonnance du 20 novembre 2023 du président du tribunal administratif de Châlons...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à la communauté de communes du grand Langres d'assurer l'exécution des articles 1, 2 et 4 de l'arrêté du 7 décembre 2023 du président de cette communauté de communes, en prenant en charge son hébergement temporaire et celui de son épouse et en procédant aux travaux confortatifs de leur logement préconisés par l'expert désigné par l'ordonnance du 20 novembre 2023 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Par une ordonnance n° 2400101 du 29 janvier 2024, le juge des référés a rejeté sa demande et rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes du grand Langres.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 4 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle rejette ses conclusions ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du grand Langres la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. C... et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la communauté de communes du grand Langres.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. " Saisi sur le fondement de cet article d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation : " En cas de danger imminent, manifeste ou constaté par le rapport mentionné à l'article L. 511-8 ou par l'expert désigné en application de l'article L. 511-9, l'autorité compétente ordonne par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu'elle fixe (...) ". Aux termes de l'article L. 511-18 : " Lorsque l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application des articles L. 511-11 et L. 511-19 est assorti d'une interdiction d'habiter à titre temporaire ou lorsque les travaux nécessaires pour remédier au danger les rendent temporairement inhabitables, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer l'hébergement des occupants dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre (...) ". Aux termes de l'article L. 521-3-1 : " I.- Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction temporaire d'habiter ou d'utiliser ou que les travaux prescrits le rendent temporairement inhabitable, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer aux occupants un hébergement décent correspondant à leurs besoins. / A défaut, l'hébergement est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2. Son coût est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant. (...) ". Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 521-3-2 : " Lorsque l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité mentionné à l'article L. 511-11 ou à l'article L. 511-19 comporte une interdiction définitive ou temporaire d'habiter ou que les travaux prescrits rendent temporairement le logement inhabitable, et que le propriétaire ou l'exploitant n'a pas assuré l'hébergement ou le relogement des occupants, l'autorité compétente prend les dispositions nécessaires pour les héberger ou les reloger ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une ordonnance du 20 novembre 2023, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a désigné un expert aux fins de se prononcer sur l'état de l'immeuble du 11, rue de la Gare, à Marcilly-en-Bassigny (Haute-Marne), appartenant à M. et Mme B... et pris à bail par M. et Mme C.... L'expert ayant conclu à l'existence d'un état de péril imminent, le président de la communauté de communes a pris au visa des articles L. 511-19 et suivants du code de la construction et de l'habitation cités ci-dessus un arrêté du 7 décembre 2023 dont l'article 1er met le propriétaire en demeure de faire réaliser des travaux de confortement conformes aux préconisations de l'expert dans un délai d'un mois, dont l'article 2 prévoit qu'en cas de carence de sa part dans l'exécution de ces travaux, la communauté de communes se substituera à lui en les faisant exécuter pour son compte et à ses frais, dont l'article 3 prévoit que l'immeuble sera évacué de ses occupants et dont l'article 4 prévoit que le propriétaire assurera l'hébergement provisoire des occupants dans les conditions prévues aux article L. 521-1 à L. 521-3-2 du même code, la communauté de communes se substituant à lui pour assurer cet hébergement à ses frais en cas de carence de sa part. M. C... demande l'annulation de l'ordonnance du 29 janvier 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la communauté de communes du grand Langres d'assurer l'exécution des articles 1, 2 et 4 de cet arrêté.

Sur le non-lieu à statuer :

4. La circonstance que M. et Mme C... aient été contraints de prendre, à leurs frais, un nouveau logement à bail le 28 février 2024 ne prive pas d'objet leur pourvoi, qui tend à l'exécution des prescriptions de l'arrêté du président de la communauté de communes du grand Langres relatives tant à l'exécution de travaux dans leur logement qu'à leur relogement aux frais de son propriétaire ou, en cas de carence de celui-ci, de la communauté de communes. La communauté de communes n'est dès lors pas fondée à soutenir que le pourvoi de M. C... aurait, de ce fait, perdu son objet.

Sur le pourvoi :

5. Pour juger que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-3 du code de justice administrative ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme remplie, le juge des référés a retenu que l'absence d'exécution des articles 1, 2 et 4 de l'arrêté du 7 décembre 2023 était imputable à M. et Mme C..., qui s'étaient maintenus dans les lieux après avoir refusé les offres de relogement que le propriétaire leur avait adressées par deux courriers des 12 et 22 décembre 2023. En se prononçant par ces motifs, sans répondre à l'argumentation par laquelle M. C... soutenait que ces offres, qui n'étaient pas adaptées à leurs besoins, n'étaient pas de nature à satisfaire aux prévisions de l'arrêté du 7 décembre 2023, il a insuffisamment motivé son ordonnance. Il y a lieu, par suite, de l'annuler en tant qu'elle se prononce sur les conclusions de M. C..., sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire dans cette mesure au titre de la procédure de référé engagée par M. C..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, au lieu d'exécuter l'obligation d'assurer l'hébergement temporaire de M. et Mme C... mise à sa charge par l'article 4 de l'arrêté du 7 décembre 2023, M. B... s'est borné à les orienter vers des offres locatives du parc social, sans prévoir aucune prise en charge des loyers correspondants. Il ne peut dès lors, en tout état de cause, être regardé comme ayant rempli cette obligation, que sa carence reporte sur la communauté de communes, en application des articles L. 521-3-1 et L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation, et conformément au même article 4 de l'arrêté du 7 décembre 2023. Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, la communauté de communes du grand Langres se soit substituée au propriétaire pour assurer, aux frais de M. B..., l'hébergement de M. et Mme C..., qui présente un caractère d'urgence du fait des faibles revenus des intéressés, alors même que ceux-ci auraient temporairement pris, à leurs frais, un nouveau logement à bail le 28 février 2024. Cette mesure, qui présente un caractère provisoire, est utile et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Il en va de même de la réalisation des travaux de confortement prescrits par l'expert à raison d'un état de péril imminent et visés par les articles 1er et 2 de l'arrêté du 7 décembre 2023 du président de la communauté de communes du grand Langres qui mettent M. B... en demeure de les faire réaliser et prévoient qu'en cas de carence de sa part dans l'exécution de ces travaux, la communauté de communes se substituera à lui en les faisant exécuter pour son compte et à ses frais. Il y a lieu dès lors, d'une part, d'enjoindre à la communauté de communes du grand Langres d'assurer l'hébergement de M. et Mme C..., le cas échéant par la prise en charge du loyer qu'ils acquittent, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, dans l'hypothèse où M. B... ne se serait pas conformé à la mise en demeure qui lui a été adressée, de se substituer à lui pour faire exécuter les travaux de confortement prescrits, pour son compte et à ses frais, dans le même délai et sous peine de la même astreinte.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du grand Langres la somme de 4 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'instance de cassation et l'instance de référé. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que la somme demandée par la communauté de communes du grand Langres soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 29 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions de M. C....

Article 2 : Il est enjoint à la communauté de communes du grand Langres, d'une part, d'assurer l'hébergement de M. et Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, dans le même délai et sous peine de la même astreinte, faute pour M. B..., propriétaire du logement qui leur était loué, d'avoir réalisé les travaux de confortement visés par l'arrêté du 7 décembre 2023 du président de la communauté de communes du grand Langres, de se substituer à lui en les faisant exécuter pour son compte et à ses frais.

Article 3 : La communauté de communes du grand Langres versera la somme de 4 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du grand Langres au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et à la communauté de communes du grand Langres.

Copie en sera adressée à M. A... B... et à la Section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Coralie Albumazard

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 491908
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 491908
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491908.20240725
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