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02/07/2024 | FRANCE | N°23NC02038

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 juillet 2024, 23NC02038


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2201770 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. >


Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2201770 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. A... C... B..., représenté par Me Jacquin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- la décision en litige méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas justifiée dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle n'a pas été prise dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit, des engagements internationaux et des critères énoncés par la loi ;

- sa présence en France ne peut constituer un trouble à l'ordre public ; il ne s'est jamais soustrait à une précédente mesure d'éloignement et il a tissé des liens sur le territoire français ; l'interdiction de retour n'est pas justifiée, ni motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2023, la préfète de

Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2019. A la suite de son interpellation par les services de police pour des faits de viols et de violences sur conjoint, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 21 juin 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 12 mois. M. B... fait appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père d'un enfant, qu'il a au demeurant reconnu, né en France le 25 février 2021, de sa relation avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 9 avril 2032. Il justifie, par la production de quelques tickets de caisse portant sur des achats alimentaires et d'une attestation du service de la protection maternelle et infantile d'avril 2022, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Les photographies, à différents âges de l'enfant, produites par l'intéressé permettent également d'établir la réalité des liens l'unissant à son fils. Si M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa sœur, il n'en demeure pas moins que l'exécution de la mesure d'éloignement aura pour effet de le séparer de son fils dès lors qu'il ne réside plus avec la mère de ce dernier dont il était séparé depuis plusieurs mois à la date de la décision en litige. Dans ces conditions et dès lors que la menace à l'ordre public n'est étayée par aucune pièce du dossier, la décision portant obligation de quitter le territoire français porte au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et doit, par suite, être annulée ainsi que, par voie de conséquence, celles refusant d'accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 12 mois.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Jacquin, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jacquin la somme demandée de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 septembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à Me Jacquin, avocat de M. B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jacquin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie de l'arrêt sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC02038 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02038
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : JACQUIN FLORIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23nc02038 ?
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