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18/09/2024 | FRANCE | N°23DA00488

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 septembre 2024, 23DA00488


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 octobre 2020 par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.



Par un jugement n° 2103388 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mars 2023 et le 20 novembre 20

23, M. A... C..., représenté par Me Fortunato, demande à la cour :



1°) d'ordonner la communication par le préfet d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 octobre 2020 par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 2103388 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mars 2023 et le 20 novembre 2023, M. A... C..., représenté par Me Fortunato, demande à la cour :

1°) d'ordonner la communication par le préfet du Nord de l'entier dossier relatif à sa demande de regroupement familial ;

2°) d'annuler le jugement du 21 février 2023 du tribunal administratif de Lille ;

3°) d'annuler la décision du 5 octobre 2020 du préfet du Nord ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de son épouse, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet du Nord ne pouvait légalement lui opposer l'absence de production d'un titre de séjour conforme aux dispositions de l'article R. 411-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans lui avoir préalablement demandé de produire ce titre, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il disposait à la date de la décision contestée d'un certificat de résidence pour ressortissant algérien d'une durée de dix ans, qui est au nombre des titres de séjour ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial visés à l'article R. 411-1, alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit l'ensemble des conditions de fond lui permettant d'obtenir le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, prévues par les dispositions de l'article L. 411-5, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne rentre dans aucun cas d'exclusion du regroupement familial énoncés par les dispositions de l'article L. 411-6, alors en vigueur, de ce code ;

- la décision contestée n'est pas fondée ni sur la méconnaissance des conditions prévues à cet article L. 411-5, ni sur l'application des dispositions de l'article L. 411-6, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée, le 17 mars 2023, au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 novembre 2023.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2023.

Les parties ont été informées, par courrier du 22 août 2024, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, tiré de ce que les dispositions de l'article R. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour estimer que M. C... ne disposait pas d'un titre de séjour lui permettant de solliciter le bénéfice du groupement familial ne sont pas applicables aux ressortissants algérien, dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les conjoints et les enfants mineurs de ressortissants algériens peuvent s'installer en France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 6 octobre 1943 a demandé, le 15 novembre 2019, le bénéfice du regroupement en faveur de son épouse, Mme B... D... née le 17 septembre 1963, également de nationalité algérienne, avec laquelle il a contracté mariage en Algérie le 29 mars 1980. Par une décision du 5 octobre 2020 le préfet du Nord a rejeté sa demande au motif qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial. Il relève appel du jugement du 21 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France / (...) ".

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est titulaire d'un certificat de résidence pour ressortissant algérien valable dix ans, du 6 septembre 2016 au 5 septembre 2026. Il n'est pas contesté par le préfet du Nord que, résidant depuis soixante ans en France, où il a travaillé dans le secteur de l'amiante, il effectuait des séjours réguliers en Algérie, où demeure son épouse avec laquelle il a eu sept enfants. Il n'est pas davantage contesté par le préfet du Nord que l'état de santé de M. C..., qui bénéficie d'une carte de mobilité inclusion (CMI) priorité, lui rend désormais ces déplacements particulièrement difficiles. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision du 5 octobre 2020 refusant d'accorder à M. C... le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et méconnaît, par suite, les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le bénéfice du regroupement familial soit accordé à M. C... en faveur de son épouse. Il a lieu de prescrire au préfet du Nord une injonction en ce sens, en lui impartissant à cet effet un délai de deux mois. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Caroline Fortunato, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à cette avocate de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103388 du 21 février 2023 du tribunal administratif de Lille et la décision du 5 octobre 2020 du préfet du Nord sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord d'accorder à M. C... le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Fortunato la somme de 1 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sous réserve que Me Fortunato renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Caroline Fortunato, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA00488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00488
Date de la décision : 18/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : FORTUNATO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-18;23da00488 ?
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