Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2301664 du 14 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2023, M. A..., représenté par Me de Mesnard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon du 14 septembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Côte-d'Or du 1er juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- la décision ne fait état d'aucun élément de fait concernant son état de santé ;
- la décision relative au délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision stéréotypée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet de la Côte d'Or a produit des pièces, enregistrées le 2 mai 2024.
Par une décision du 20 décembre 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais né en 1993, est entré en France, selon ses déclarations, le 14 janvier 2022, et a présenté une demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés (OFPRA) le 10 juin 2022 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 25 avril 2023 devenue définitive. Par un arrêté du 1er juin 2023, le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. A..., qui n'établit pas avoir soumis au préfet, antérieurement à la décision attaquée, les éléments relatifs à son état de santé dont il se prévaut désormais, n'est pas fondé à soutenir que cette autorité, en ne portant aucune appréciation sur ce point, aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation, ou d'une insuffisance de motivation en fait.
3. En deuxième lieu, en vertu du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger résidant habituellement en France ne peut pas faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. Il ressort des pièces, en particulier médicales, du dossier que le requérant établit qu'il est atteint d'une hépatite B avec une forte charge virale et qu'il existe un risque que son état évolue vers une " fibrose hépatique significative " en l'absence d'une prise en charge adaptée. Toutefois, le premier juge a retenu qu'il n'apportait pas la preuve qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié au Bangladesh. En appel, M. A... produit de nouveau le compte-rendu émanant du service d'hépato-gastro-entérologie et cancérologie digestive du CHU de Dijon, du 28 avril 2023, faisant état de la gravité de son état de santé, ces constatations médicales ayant été réitérées le 6 octobre 2023. En se bornant à soutenir, sans apporter aucun élément concernant sa situation personnelle de nature à justifier ses allégations, qu'il ne peut assumer le coût de son traitement et qu'il vit éloigné des structures de soins dans son pays d'origine, M. A... ne conteste pas sérieusement l'analyse faite par le premier juge aux termes de laquelle il ne justifie pas qu'il ne pourrait, dans son pays d'origine, avoir accès aux soins que son état de santé requiert. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit par suite être écarté. Dans ces conditions, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
5. En troisième lieu, il résulte des trois points précédents que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, invoqué à l'encontre de la décision relative au délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, il y a également lieu d'écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, invoqué à l'encontre de la décision portant fixation du pays de retour.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. M. A..., dont la demande d'asile a été successivement rejetée par l'OFPRA et la CNDA et qui reproduit le récit présenté devant ces instances ainsi qu'un certificat médical du centre " médecine et droit d'asile " du 27 octobre 2022 concluant à un tableau clinique évocateur d'un état de stress persistant après un vécu traumatisant et une corrélation entre les cicatrices et son récit, antérieur à la décision de la CNDA, n'apporte aucun élément nouveau pour établir la réalité ou l'actualité des risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, et alors que le préfet a relevé, par une motivation suffisamment étayée, que les risques allégués par M. A... n'étaient pas justifiés par des documents probants, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. Pour les mêmes motifs, la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Florence Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03219