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16/05/2024 | FRANCE | N°23LY00215

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 16 mai 2024, 23LY00215


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.



Par un jugement n° 2108013 du 18 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier 2023 et 19 janvier 2024, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Camière, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 3 août 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 2108013 du 18 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier 2023 et 19 janvier 2024, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Camière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 3 août 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure suivie devant le conseil de discipline, qui a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire, méconnaît l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 ; son mémoire en défense n'a pas été lu en séance et ni lui ni son conseil n'ont été en mesure de le présenter oralement ; le conseil de discipline a auditionné différentes personnes impliquées dans le dossier dans un laps de temps très limité et son conseil et lui-même ont eu à peine le droit à la parole ; il a été mis fin abruptement à la séance sans que la parole ne lui soit donnée pour d'ultimes observations ;

- la procédure disciplinaire est irrégulière dans la mesure où il a fait l'objet de mesures illégales de la part de l'administration, laquelle n'a pas respecté ses droits en procédant à la fouille de son casier et de son véhicule et en le confrontant, lors de sa première audition administrative, à des éléments dont il n'avait pas eu connaissance ;

- la décision de révocation repose sur des faits matériellement erronés ;

- la sanction de révocation est disproportionnée au regard des faits qui peuvent réellement lui être reprochés, de son rang dans la hiérarchie et de sa personnalité.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 juin et 15 décembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 décembre 2023, l'instruction a été close au 19 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25octobre 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Fossi pour M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 avril 2024, présentée pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., titularisé le 18 décembre 2018 en qualité de gardien de la paix, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation. Par un jugement du 18 novembre 2022 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État visé ci-dessus : " Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...) et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. ". L'article 8 du même décret dispose : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les observations écrites de M. B... ont été adressées à l'ensemble des membres du conseil de discipline avant la séance. Par ailleurs, l'intéressé a eu la faculté de lire ses observations écrites en séance et a été mis à même de formuler des observations orales pour résumer ses observations écrites ou développer son argumentation. Dans ces conditions, la circonstance que les observations écrites de M. B... n'ont pas été lues au cours de la séance comme l'a été le mémoire disciplinaire n'a pas eu pour effet d'entacher d'irrégularité la procédure au regard des dispositions de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984. M. B... n'est pas plus fondé, pour les motifs exposés par le tribunal et qu'il y a lieu d'adopter, à soutenir qu'en méconnaissance de ces dispositions, le conseil de discipline aurait auditionné différentes personnes impliquées dans le dossier dans un laps de temps très limité, que son conseil et lui-même auraient eu à peine le droit à la parole et qu'il aurait été mis fin abruptement à la séance sans que la parole ne lui soit donnée pour d'ultimes observations.

5. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire serait irrégulière dans la mesure où il a fait l'objet de mesures illégales de la part de l'administration, laquelle n'a pas respecté ses droits en procédant à la fouille de son casier et de son véhicule et en le confrontant, lors de sa première audition administrative, à des éléments dont il n'avait pas eu connaissance. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ce moyen.

6. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour décider de révoquer M. B..., l'administration s'est fondée sur le comportement de ce dernier lors d'une opération de lutte contre les ventes à la sauvette au parc de Miribel le 18 août 2019 ainsi qu'au cours de l'enquête qui a été ensuite menée.

7. L'administration s'est en particulier fondée sur la soustraction, lors de cette opération de lutte contre les ventes à la sauvette, de divers biens et le vol par M. B... de champagne, de boissons non alcoolisées, d'un pantalon et de 50 euros environ. M. B... a été condamné par jugement du 3 avril 2023 du tribunal correctionnel de Lyon, devenu définitif, à une peine de sept mois d'emprisonnement avec sursis pour les faits de vol en réunion par personnes dépositaires de l'autorité publique, à une peine de prison avec sursis, sans mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour avoir, le 18 juin 2019, frauduleusement soustrait divers objets mobiliers, notamment des bouteilles d'alcool, des chaises pliantes, des vêtements et la somme de 50 euros. Ces faits sont, par suite, établis. Il n'est nullement indiqué dans l'arrêté litigieux que M. B... aurait été à l'initiative de ces faits. L'administration s'est également fondée sur la fouille opérée par M. B..., en dehors de tout cadre légal, d'un véhicule dans lequel il a saisi des bouteilles. Après avoir nié les faits, M. B... a reconnu au cours de l'audition judiciaire avoir procédé à cette fouille illégale en présence d'une adjointe de sécurité. Il n'apparaît pas qu'il ait procédé à cette fouille sur ordre de son supérieur hiérarchique. L'administration lui a également fait grief d'avoir procédé avec le brigadier au partage des bouteilles saisies. Contrairement à ce qu'il allègue désormais, il a reconnu dans le cadre de l'enquête administrative, et au cours de sa seconde audition judiciaire, avoir procédé avec son supérieur hiérarchique à la répartition des bouteilles, ainsi qu'en attestent d'ailleurs plusieurs témoignages.

8. L'administration a également retenu qu'à son initiative, une agente du parc s'est rendue au commissariat afin de récupérer les marchandises volées dans le coffre de son véhicule, avant que des vérifications ne soient effectuées par des officiers du commissariat. S'il a déclaré au cours de l'enquête judiciaire que c'est un adjoint de sécurité qui a eu l'idée de solliciter cette agente de surveillance équestre du parc, il a ensuite reconnu, lors de son interrogatoire du 6 juillet 2020, avoir demandé à une adjointe de sécurité de contacter l'agente du parc pour qu'elle vienne en urgence récupérer les sacs et qu'elle s'en débarrasse à la déchetterie. En toute hypothèse, il a pleinement participé à cette opération de dissimulation dans la mesure où il a dû confier les clefs de son véhicule, qui ont été lancées par une fenêtre, pour que la marchandise soit récupérée.

9. Il lui a également été reproché son attitude pendant l'enquête au cours de laquelle il a cherché à connaître des éléments confidentiels, s'est concerté avec ses quatre collègues afin de proposer une même version mensongère des faits, a menti aux officiers de nuit ainsi qu'aux enquêteurs et a donné l'instruction de détruire les marchandises détournées afin de dissimuler les faits. L'administration ne lui a pas reproché d'être à l'initiative de la concertation, ni n'a retenu à son encontre des faits de subornation de témoin, de sorte que le fait que le juge en charge de l'instruction ait décidé, par ordonnance, au demeurant dépourvue d'autorité de chose jugée en matière pénale, de prononcer un non-lieu sur ce chef de poursuite, n'est pas de nature à démontrer que les faits retenus par l'administration à son encontre, établis par différents témoignages et écoutes, ne seraient pas avérés. S'il apparaît au vu de différents témoignages que le brigadier impliqué dans les faits litigieux a donné l'ordre de détruire les biens saisis, M. B... a également demandé à l'agente de surveillance équestre de porter à la déchetterie ce qui était resté dans son coffre.

10. Enfin, M. B... ne conteste ni qu'il s'est abstenu de dénoncer à sa hiérarchie le procès-verbal mensonger de vente à la sauvette qui omettait de mentionner la saisie de bouteilles d'alcool alors que la quantité était estimée à cent-cinquante bouteilles de bière, et de plusieurs bouteilles de vin, whisky, rhum et champagne ainsi que la découverte de 50 euros environ, ni qu'il n'a pas spontanément reconnu les faits lors de l'enquête interne qui a eu lieu le soir même.

11. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de révocation reposerait sur des faits matériellement erronés doit être écarté.

12. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

13. Les faits reprochés à M. B... sont, eu égard aux fonctions exercées par l'intéressé, chargé, en qualité d'agent de police, d'assurer le respect des lois ainsi que la protection des personnes et des biens, et aux obligations de probité et d'exemplarité qui pèsent sur ces fonctions, constitutifs d'une faute d'une particulière gravité. De par son comportement au cours de l'enquête administrative, il a rompu le lien de confiance avec sa hiérarchie. Il n'apparaît pas, au vu des pièces du dossier, que, en dépit de son peu d'ancienneté dans la police et de sa situation sous les ordres d'un brigadier, il aurait été dans l'incapacité, à la différence de certains de ses collègues, de refuser de participer aux faits qui lui sont reprochés ou de les dénoncer. Il apparaît au contraire qu'il a joué un rôle particulièrement actif dans la réalisation de ces infractions. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé, qui était par ailleurs militaire de réserve et donnait à ce titre entière satisfaction, disposait jusqu'alors d'une bonne notation, avait fait preuve de son implication dans ses fonctions ainsi que dans différentes missions et associations de la police et n'avait pas déjà participé à de telles exactions, la sanction de révocation prononcée à son encontre n'apparaît pas disproportionnée.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00215

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00215
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : AXIPITER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23ly00215 ?
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