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23/04/2015 | FRANCE | N°13/24414

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 2e chambre, 23 avril 2015, 13/24414


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 AVRIL 2015

N°2015/168

Rôle N° 13/24414

SA V. MANE FILS

C/

Société COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 AVRIL 2015

N°2015/168

Rôle N° 13/24414

SA V. MANE FILS

C/

Société [Z]

[G] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

-Me Olivier TARI

- Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Ju

gement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 23 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00278.

APPELANTE

SA V. MANE FILS,

demeurant [Adresse 5]

[Adresse 1]

représenté...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 AVRIL 2015

N°2015/168

Rôle N° 13/24414

SA V. MANE FILS

C/

Société COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 AVRIL 2015

N°2015/168

Rôle N° 13/24414

SA V. MANE FILS

C/

Société [Z]

[G] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

-Me Olivier TARI

- Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 23 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00278.

APPELANTE

SA V. MANE FILS,

demeurant [Adresse 5]

[Adresse 1]

représentée par Me Olivier TARI, avocat au barreau de MARSEILLE, et plaidant par Me Jean-Pierre STOULS, avocat au barreau de LYON.

INTIMEE

Société [Z]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Michaël SKAARUP, avocat au barreau de PARIS.

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [G] [O],

appelant incidemment

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 4]

99 TUNISIE

comparant en personne, assisté de Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Michaël SKAARUP, avocat au barreau de PARIS.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Greffière lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015.

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente et Madame Charlotte COMBARET, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Un pour la parfumerie prenant effet le 17 janvier 1994 a été signé le 21 septembre suivant entre la S.A. V. MANE FILS ayant son siège à BAR SUR LOUP (06), et la société parisienne FRANCE MED DIFFUSION représentée par Monsieur [G] [O].

Ce premier contrat a été annulé et remplacé par un pour les mêmes produits et pays, signé le 28 février 1995 par la société FRANCE MED DIFFUSION et le 7 février 1996 par la société MANE.

Cette dernière a résilié ce deuxième contrat le 8 mars 2006, et à la place a signé le 30 juin suivant, pour le pays précité et les matières premières aromatiques ainsi que les compositions d'arômes et de parfums, un avec la S.A.R.L. tunisienne [Z] ayant pour gérant Monsieur [O] qui en est associé à hauteur de 90 %.

Par lettre du 30 mars 2012 la société MANE a rompu le contrat en reprochant à la société [Z] de graves manquements à ses obligations, mais lui a accordé un préavis d'une durée de 6 mois.

Le 29 novembre 2012 la société [Z] et Monsieur [O] ont fait assigner la société MANE devant le Tribunal de Commerce de GRASSE, qui par jugement du 23 septembre 2013 retenant que la troisième ne démontre pas la faute grave de la deuxième à remplir ses engagements a :

* débouté la société MANE de toutes ses demandes ;

* condamné la même à payer à la société [Z] la somme de 950 000 € 00 au titre des 3 années de commissions ;

* constaté que durant la procédure la société MANE s'est acquittée de la somme de

192 721 € 07 au titre des commissions ; lui en a donné acte ;

* débouté la société [Z] de sa demande de dommages-intérêts ;

* débouté Monsieur [O] de ses demandes en dommages-intérêts ;

* ordonné l'exécution provisoire ;

* condamné la société MANE à payer la somme de 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Une ordonnance de référé rendue le 14 février 2014 par le Premier Président de cette Cour a notamment :

* rejeté la demande d'arrêt pur et simple de cette exécution provisoire ;

* autorisé la société MANE à consigner la somme de 970 000 € 00 entre les mains de la CARPA de l'Ordre des Avocats du Barreau d'AIX-EN-PROVENCE sur un compte spécialement affecté avant le 24 mars 2014 ;

* dit qu'à défaut de consignation de la totalité de cette somme dans ce délai, l'exécution provisoire retrouvera son entier effet.

La S.A. V. MANE FILS a régulièrement interjeté appel le 20-24 décembre 2013 mais uniquement contre la société [Z]. Par conclusions du 3 mars 2015, elle soutient notamment que :

- elle n'a pas formé son appel contre Monsieur [O], et ce dernier bien qu'ayant fait signifier le jugement le 20 décembre 2013 n'en a pas interjeté appel dans le délai de 2 mois ;

- les poursuites judiciaires par les autorités algériennes et tunisiennes contre Monsieur [O], et les démêlés graves qu'il a eus avec ses salariés ou partenaires en ALGERIE, l'ont interdit de séjour dans ce dernier pays ce qui l'empêchait d'y travailler ; bien que personnels de tels faits ont eu un impact sur la société [Z] qui ne pouvait assurément remplir ses obligations (visites aux clients), et sur les image et réputation d'elle-même sur le marché algérien ;

- elle conteste avoir mis en place un système financier de double facturation demandé ou imposé à la société [Z], ces pratiques étant du fait exclusif de cette dernière qui n'apporte aucune preuve de l'implication d'elle-même ; les contacts en ALGERIE étaient avec cette seule société ; elle-même a refusé ce système quitte à perdre du chiffre d'affaires ;

- la faute grave d'un agent commercial fait obstacle à l'octroi d'un préavis ainsi qu'à son indemnisation ; cette dernière est fréquemment évaluée à 2 années de commissions, et non 3 comme l'a décidé le jugement sans justification ni motivation ;

- la société [Z]n'a pas répondu à sa lettre du 26 octobre 2011 lui reprochant un défaut de visite des clients d'ALGERIE ainsi qu'une non-résidence dans ce pays, et les éléments produits par cette société datent tous de 2010 ; elle-même n'était plus représentée dans ledit pays ;

- la croissance continue de son chiffre d'affaires sur 2011 est dû uniquement à ses vendeurs et en aucun cas à la société [Z] ;

- cette dernière ne justifie ni d'un compte bancaire ni d'une domiciliation bancaire ;

- les problèmes judiciaires de Monsieur [O] empêchent la société [Z] d'assumer l'exécution de son mandat d'agent commercial ;

- la faute grave reprochée à cette société est caractérisée, et sa notification dans la lettre de rupture du 30 mars 2012 exclut tout préavis, même si pour ne pas nuire à son marché algérien elle-même a octroyé un délai de prévenance de 6 mois ;

- cette rupture n'est pas due aux déboires de Monsieur [O], mais à l'absence de nouvelles de la société [Z] et au fait qu'elle n'allait plus en ALGERIE ;

- elle n'a pas commis de faute à l'origine de ces absence et abstention ; la société [Z] avait dans ce pays bien d'autres clients en dehors d'elle-même, et n'a jamais été son distributeur exclusif ;

- dans les courriels la société [Z] ne cesse de raconter des histoires, et il difficile de faire la part du vrai et du faux dans ses annonces de revenir en ALGERIE ;

- le préjudice dont se plaint cette société ne lui est pas imputable ; il découle de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même, et correspond au manque à gagner pendant la durée normale du préavis ; la moyenne annuelle des commissions perçues par la société [Z] a été de 260 683 € 66 ;

- cette société n'a pas subi de préjudice moral du fait de la rupture du contrat ;

- Monsieur [O] bien que gérant de la société [Z] n'est pas partie au contrat d'agent commercial avec elle-même, ce qui exclut son préjudice suite à la rupture de ce contrat ; il invoque sa responsabilité délictuelle mais sur des faits découlant du contrat, et ne peut être détaché de cette fonction de gérant, ce qui exclut tout préjudice personnel ; elle n'a pas contraint et forcé celui-ci à réaliser les opérations qui lui sont reprochées, dont la double facturation qui pourrait être à l'origine de son éviction d'ALGERIE.

L'appelante demande à la Cour, vu les articles 528 alinéa 2 et 549, 15 et 16 du Code de Procédure Civile, de :

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué à la société [Z] la somme de

950 000 € 00 au titre de 3 années de commissions ;

- dire et juger irrecevable l'appel provoqué de Monsieur [O] ;

- dire et juger que la société [Z] n'a pas respecté ses obligations issues du contrat d'agence commerciale du 30 juin 2006, et que c'est à bon droit qu'elle-même a résilié ledit contrat telle qu'elle y a procédé ;

- dire et juger que la rupture de ce contrat a été faite à bon droit par elle aux torts exclusifs de la société [Z] pour manquements graves ;

- très subsidiairement, réformer le jugement en ce qu'il a alloué 3 années de chiffres d'affaires et réduire les sommes allouées dans de très notables proportions, et dire que l'indemnité ne peut être que de 2 ans de chiffre d'affaires duquel il y a lieu de déduire le chiffre d'affaires du préavis de 6 mois exécuté, soit la somme de 391 025 € 49 au maximum ;

- confirmer le jugement pour le reste, en particulier en ce qu'il a débouté Monsieur [O] ;

- débouter la société [Z] de toutes demandes de dommages et intérêts comme mal fondées et injustifiées ;

- en tout cas, dire et juger irrecevables et mal fondées toutes les prétentions de Monsieur [O] et l'en débouter ;

- condamner la société [Z] à lui payer la somme de 100 000 € 00 de dommages-intérêts pour procédure téméraire, abusive et vexatoire ;

- condamner la société [Z] à lui payer la somme de 100 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 26 février 2015 la société [Z] et Monsieur [G] [O] répondent notamment que :

- ils ont été impliqués dans un système de double facturation mis en place par la société MANE sur le marché algérien, en totale infraction avec la réglementation des changes en ALGERIE, d'où des poursuites pénales contre Monsieur [O] avec perte de ses actifs, et la saisie des biens de la société [Z] ; celle-ci a senti mi-2010 un changement d'attitude de la société MANE qui souhaitait la remplacer ;

- les pièces 26 et 40 de la société MANE, parce que non traduites, doivent être écartées des débats ;

- la lettre de rupture du contrat n'est pas motivée par une faute grave, puisqu'elle accorde un préavis de 6 mois qui est incompatible ; les prétendus manquements invoqués par la société MANE n'en sont pas ; il s'agit d'apprécier la société [Z] et non la situation personnelle et privée de Monsieur [O] ;

- la réorganisation latente de la société MANE tentait d'écarter peu à peu la société [Z] du marché algérien ; en 2010 et 2011 la seconde a respecté ses obligations, organisé des visites de la première, veillé aux commandes et livraisons ; Monsieur [O] a été blanchi de tout soupçon d'infraction à la législation sur les changes en ALGERIE, et reconnu victime ; le même n'a jamais été interdit de séjour dans ce pays ; le chiffre d'affaires de la société [Z] a cru continûment pour atteindre 3 000 000 € 00 en 2011 ; la société MANE a tenté de récupérer en totalité sans frais le marché algérien en développant en parallèle une nouvelle organisation commerciale ; l'ALGERIE réserve de nombreuses subtilités ou dangerosités qui ont été supportées et surmontées par la société [Z] ;

- cette dernière et Monsieur [O] sont totalement transparents vis-à-vis des difficultés de la double facturation pour en avoir informé la société MANE début 2009 ; le contrat ne permet pas à la société [Z] de passer des commandes, qui doivent être adressées directement à la société MANE ; bien que société tunisienne la société [Z] pouvait s'occuper de vendre les produits de la société MANE en ALGERIE, et a organisé des visites clients 2 fois en 2010 et 2 fois en 2011 ; la prétendue mise en demeure du 26 octobre 2011 n'existe pas ; Monsieur [O] n'a rien caché de ses difficultés personnelles à la société MANE ; le chiffre d'affaires de celle-ci n'a pu croître de lui-même ;

- cette société bénéficie depuis 1994 du marché algérien avec un chiffre d'affaires conséquent qui est passé de 849 868 € 00 en 2002 à 3 103 482 € 00 en 2011 grâce à l'intervention efficace de la société [Z]; la moyenne annuelle des commissions perçues par celle-ci a été de 260 683 € 66 ; la somme de 950 000 € 00 allouée par le Tribunal répare notamment la perte des commissions, la privation de la possibilité de transmettre à titre onéreux le mandat à un successeur et la perte du bénéfice ;

- la société [Z] a subi un préjudice moral tout à fait conséquent pour sa notoriété voire son image ;

- Monsieur [O] peut faire un appel provoqué, sans être tenu par le délai de 2 mois à compter de la signification du jugement ; la double facturation consistait pour la société MANE à passer la Douane française avec la facture réelle, puis à envoyer au client algérien une facture minorée pour qu'il puisse procéder à son dédouanement en ALGERIE afin de réduire son chiffre d'affaires vis-à-vis du Fisc de ce pays, avec paiement du différentiel en euros et en espèces par ledit client soit à la société [Z] soit à des responsables export de la société MANE ; ce système a pris fin en 2009 compte tenu de l'évolution de la législation ; la société [Z] et Monsieur [O] sont économiquement soumis et dépendants envers la société MANE et ont dû accepter la mise en place de cette double facturation à leurs risques sans en tirer aucun bénéfice, puisqu'ils devaient récupérer ce différentiel ce qui est contraire au contrat d'agent commercial ; Monsieur [O] a ainsi été victime d'une faute délictuelle de la société MANE et a perdu son activité, ses avoirs et ses actifs ainsi que des postes mobiliers et immobiliers ; le même a été abandonné à ses problèmes découlant de cette double facturation d'où un préjudice moral.

Les intimés demandent à la Cour, vu les articles L.134-1 et suivants du Code de Commerce, 1134 et 1382 du Code Civil, de :

- dire et juger irrecevable et subsidiairement mal fondée la société MANE en son appel et en l'ensemble de ses demandes ;

- écarter des débats les pièces adverses numéros 26 et 40 ;

- débouter la société MANE en l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 950 000 € 00 à titre

d'indemnité, outre 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- infirmer pour le surplus ;

- condamner la société MANE à payer à Monsieur [O] les sommes suivantes :

. 2 600 000 € 00 pour l'indemnisation du préjudice lié à la perte d'activité de la

société [Z] ALGERIE et de tous les actifs possédés en ALGERIE liés aux conséquences de la double facturation ;

. 50 000 € 00 au titre de la réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société MANE à verser à la société [Z] les sommes de :

. 10 000 € 00 au titre de la réparation de son préjudice moral ;

. 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- ordonner le transfert des 970 000 € 00 détenus par la CARPA de l'Ordre des Avocats du Barreau d'AIX-EN-PROVENCE au profit du compte CARPA, sous compte affaire

[Z] de Maître Michael SKAARUP, Avocat au Barreau de PARIS.

L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience le 12 mars 2015.

----------------------

M O T I F S D E L ' A R R E T :

Sur la recevabilité de l'appel provoqué de Monsieur [O] :

Selon l'article 914 alinéa 1 du Code de Procédure Civile 'Le Conseiller de la Mise en Etat est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour (...) déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel (...)'. Ce texte concerne tous les appels quelle que soit leur nature (principal, incident, provoqué), et par suite vise notamment l'appel provoqué interjeté par Monsieur [O]. Le dessaisissement du Conseiller de la Mise en Etat étant intervenu juste avant l'ouverture des débats lors de l'audience de plaidoiries, c'est à tort que la société MANE demande à la Cour de dire et juger irrecevable cet appel provoqué.

Sur la faute grave de la société [Z] :

Les manquements contractuels qualifiés de graves par la société MANE dans sa lettre du 30 mars 2012 rompant le contrat d'agent commercial avec la société [Z] sont les suivants :

- condamnation par la justice algérienne au motif d'infraction à la réglementation des changes, suivie du départ d'Algérie il y a 2 ans ;

- suite à cette condamnation interpellation par la police italienne au cours du premier semestre 2010 ;

- aucun contact professionnel depuis janvier 2012 ;

- selon la presse tunisienne implication directe dans une affaire extrêmement grave de trafic d'antiquités ;

- toujours pas de joignabilité à ce jour à son adresse tunisienne ;

- absence du territoire algérien depuis 2 ans sans assurer les obligations des articles 2.3 (visites régulières des clients et prospects, promotion des produits du mandant), 2.4 (information régulière du même sur les produits, le marché et les clients) et 5.1 (soins et moyens en personnel et matériel pour promouvoir les ventes de produits et entretenir les relations avec les clients) du contrat d'agence commerciale.

Cependant les griefs à examiner sont uniquement ceux reprochés à la société [Z] seul agent commercial de la société MANE, qualité que n'a pas Monsieur [O] personnellement même si celui-ci est le gérant dudit agent, sauf à ce que le comportement de l'intéressé retentisse sur l'activité de la société [Z].

Par courriels des 8 avril et 5 septembre 2008, 5 juin 2009 et 22 février 2010, confirmés par son attestation du 6 septembre 2012 soit peu après la rupture litigieuse, Monsieur [M] [Q] un des responsables de la société MANE expose clairement que celle-ci pratique une double facturation illicite pour réduire les droits de douane à l'entrée de ses marchandises en ALGERIE, même si elle ajoute que cette pratique n'est plus tenable ; c'est donc à tort que cette société impute à la société [Z] la seule responsabilité de ladite facturation, d'autant que par courriel du 26 juillet 2011 il lui était réclamé divers documents dont les factures clients.

Monsieur [O] a quitté l'ALGERIE en juin 2009 pour se réfugier en TUNISIE. L'incertitude des situations politique et économique en ALGERIE fait qu'il est bien difficile de déterminer si les éléments exposés par la société [Z] à la société MANE pour expliquer son absence du territoire contractuel qu'est l'ALGERIE sont vraies ou fausses.

Les poursuites pénales en TUNISIE contre Monsieur [O] ont donné lieu le 11 juin 2014 à un arrêt de la Cour d'Appel de TUNIS qui :

- l'a condamné pour possession d'objets archéologiques provenant de fouille, et pour défaut d'avis de possession d'objets archéologiques, à 2 amendes mais en supprimant les peines d'emprisonnement prononcées en première instance ;

- a prononcé un non-lieu pour le délit de destruction et détérioration de monuments historiques retenu en première instance.

Il n'est pas établi que le mandat d'arrêt international émis contre Monsieur [O] le 29 mars 2010 par un Juge d'Instruction algérien, comme la demande d'extradition formée le 25 avril suivant par un Procureur Général algérien auprès des autorités italiennes, aient été suivis d'effet.

La révocation en mars 2009 de Monsieur [V] ou [P] [J] de ses fonctions de gérant salarié de la société [Z], suite à la découverte de ses détournements de fonds et de la destruction des contenus des ordinateurs de celle-ci depuis plusieurs années, ne peut être reprochée à cette société. De plus, un jugement d'un Tribunal algérien du 20 mai 2010 a condamné l'intéressé pour vols au préjudice de Monsieur [O] avec confirmation par un arrêt de la Cour d'Appel d'ALGER du 8 novembre suivant, outre des dommages et intérêts pour abus de confiance accordés en première instance le 8 mars 2011 et confirmés en appel le 9 juin suivant.

Informée de certains de ces événements la S.A. V. MANE FILS a néanmoins affirmé dans un courriel de son contact commercial Monsieur [Y] [N] du 20 janvier 2011 que Monsieur [O] [et donc la société [Z] restait son agent commercial. Les 29 septembre et 10 octobre suivant la société [Z] elle-même a informé la société MANE des difficultés à exercer son mandat d'agent commercial en ALGERIE, et cette mandante a répondu le 12 décembre en proposant une réunion.

Les résultats de vente annuels de la société [Z] ont triplé entre 2002 et 2008, et la diminution de 30 % entre 2008 et 2010 n'est pas significative. De juin 2010 à juillet 2011, soit au cours des mois précédant la lettre de rupture du 30 mars 2012, la société MANE s'est rendue à 4 reprises en ALGERIE où elle a rencontré à sa satisfaction plusieurs de ses clients par l'intermédiaire de son agent commercial la société [Z].

Enfin accordant à la société [Z] un préavis de 6 mois, qui est inconciliable avec la gravité des manquements qu'elle lui reproche, la société MANE ne peut utilement invoquer des fautes graves devant la Cour.

Les divers éléments précités, comme l'a retenu à bon droit le jugement, ne permettent pas de caractériser la faute grave de l'agent commercial la société [Z], et donc de priver celle-ci de l'indemnité ci-après due par la société MANE.

Sur les demandes chiffrées de la société [Z] :

En vertu de l'article L. 134-12 alinéa 1 du Code de Commerce cette société 'a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi'. Cette indemnité a été justement évaluée par le jugement à la somme de 950 000 € 00, même si elle correspond à 3 années de commissions, dans la mesure où les relations contractuelles auront duré de 1994 à 2012 soit pendant 18 années qui représentent une très longue période, et autorisent plus que les 2 années de commissions offertes très subsidiairement par la société MANE.

Par contre le préjudice moral invoqué par la société [Z] n'est nullement caractérisé, et ne peut en conséquence être indemnisé par la société MANE.

Sur les demandes chiffrées de Monsieur [O] à titre personnel :

Ce dernier n'a eu à ce titre aucune relation contractuelle avec la société MANE, et invoque un préjudice qui, non détachable de sa fonction de gérant de la société [Z], ne peut être distingué de celui subi par cette dernière. Le jugement est par suite confirmé pour avoir débouté l'intéressé de ses demandes en dommages-intérêts, que ce soit pour son préjudice matériel ou pour son préjudice moral.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Se déclare incompétente pour statuer sur l'irrecevabilité invoquée par la S.A. V. MANE FILS de l'appel provoqué interjeté par Monsieur [G] [O].

Confirme le jugement du 23 septembre 2013.

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne la S.A. V. MANE FILS à payer à la société [Z] une indemnité de 10 000 € 00 au titre des frais irrépétibles d'appel.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la S.A. V. MANE FILS aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.

[G] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

-Me Olivier TARI

- Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 23 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00278.

APPELANTE

SA V. MANE FILS,

demeurant [Adresse 5]

[Adresse 1]

représentée par Me Olivier TARI, avocat au barreau de MARSEILLE, et plaidant par Me Jean-Pierre STOULS, avocat au barreau de LYON.

INTIMEE

Société [Z]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Michaël SKAARUP, avocat au barreau de PARIS.

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [G] [O],

appelant incidemment

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 4]

99 TUNISIE

comparant en personne, assisté de Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Michaël SKAARUP, avocat au barreau de PARIS.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Greffière lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015.

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Présidente et Madame Charlotte COMBARET, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Un pour la parfumerie prenant effet le 17 janvier 1994 a été signé le 21 septembre suivant entre la S.A. V. MANE FILS ayant son siège à BAR SUR LOUP (06), et la société parisienne FRANCE MED DIFFUSION représentée par Monsieur [G] [O].

Ce premier contrat a été annulé et remplacé par un pour les mêmes produits et pays, signé le 28 février 1995 par la société FRANCE MED DIFFUSION et le 7 février 1996 par la société MANE.

Cette dernière a résilié ce deuxième contrat le 8 mars 2006, et à la place a signé le 30 juin suivant, pour le pays précité et les matières premières aromatiques ainsi que les compositions d'arômes et de parfums, un avec la S.A.R.L. tunisienne [Z] ayant pour gérant Monsieur [O] qui en est associé à hauteur de 90 %.

Par lettre du 30 mars 2012 la société MANE a rompu le contrat en reprochant à la société [Z] de graves manquements à ses obligations, mais lui a accordé un préavis d'une durée de 6 mois.

Le 29 novembre 2012 la société [Z] et Monsieur [O] ont fait assigner la société MANE devant le Tribunal de Commerce de GRASSE, qui par jugement du 23 septembre 2013 retenant que la troisième ne démontre pas la faute grave de la deuxième à remplir ses engagements a :

* débouté la société MANE de toutes ses demandes ;

* condamné la même à payer à la société [Z] la somme de 950 000 € 00 au titre des 3 années de commissions ;

* constaté que durant la procédure la société MANE s'est acquittée de la somme de

192 721 € 07 au titre des commissions ; lui en a donné acte ;

* débouté la société [Z] de sa demande de dommages-intérêts ;

* débouté Monsieur [O] de ses demandes en dommages-intérêts ;

* ordonné l'exécution provisoire ;

* condamné la société MANE à payer la somme de 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Une ordonnance de référé rendue le 14 février 2014 par le Premier Président de cette Cour a notamment :

* rejeté la demande d'arrêt pur et simple de cette exécution provisoire ;

* autorisé la société MANE à consigner la somme de 970 000 € 00 entre les mains de la CARPA de l'Ordre des Avocats du Barreau d'AIX-EN-PROVENCE sur un compte spécialement affecté avant le 24 mars 2014 ;

* dit qu'à défaut de consignation de la totalité de cette somme dans ce délai, l'exécution provisoire retrouvera son entier effet.

La S.A. V. MANE FILS a régulièrement interjeté appel le 20-24 décembre 2013 mais uniquement contre la société [Z]. Par conclusions du 3 mars 2015, elle soutient notamment que :

- elle n'a pas formé son appel contre Monsieur [O], et ce dernier bien qu'ayant fait signifier le jugement le 20 décembre 2013 n'en a pas interjeté appel dans le délai de 2 mois ;

- les poursuites judiciaires par les autorités algériennes et tunisiennes contre Monsieur [O], et les démêlés graves qu'il a eus avec ses salariés ou partenaires en ALGERIE, l'ont interdit de séjour dans ce dernier pays ce qui l'empêchait d'y travailler ; bien que personnels de tels faits ont eu un impact sur la société [Z] qui ne pouvait assurément remplir ses obligations (visites aux clients), et sur les image et réputation d'elle-même sur le marché algérien ;

- elle conteste avoir mis en place un système financier de double facturation demandé ou imposé à la société [Z], ces pratiques étant du fait exclusif de cette dernière qui n'apporte aucune preuve de l'implication d'elle-même ; les contacts en ALGERIE étaient avec cette seule société ; elle-même a refusé ce système quitte à perdre du chiffre d'affaires ;

- la faute grave d'un agent commercial fait obstacle à l'octroi d'un préavis ainsi qu'à son indemnisation ; cette dernière est fréquemment évaluée à 2 années de commissions, et non 3 comme l'a décidé le jugement sans justification ni motivation ;

- la société [Z] n'a pas répondu à sa lettre du 26 octobre 2011 lui reprochant un défaut de visite des clients d'ALGERIE ainsi qu'une non-résidence dans ce pays, et les éléments produits par cette société datent tous de 2010 ; elle-même n'était plus représentée dans ledit pays ;

- la croissance continue de son chiffre d'affaires sur 2011 est dû uniquement à ses vendeurs et en aucun cas à la société [Z] ;

- cette dernière ne justifie ni d'un compte bancaire ni d'une domiciliation bancaire ;

- les problèmes judiciaires de Monsieur [O] empêchent la société [Z] d'assumer l'exécution de son mandat d'agent commercial ;

- la faute grave reprochée à cette société est caractérisée, et sa notification dans la lettre de rupture du 30 mars 2012 exclut tout préavis, même si pour ne pas nuire à son marché algérien elle-même a octroyé un délai de prévenance de 6 mois ;

- cette rupture n'est pas due aux déboires de Monsieur [O], mais à l'absence de nouvelles de la société [Z] et au fait qu'elle n'allait plus en ALGERIE ;

- elle n'a pas commis de faute à l'origine de ces absence et abstention ; la société [Z] avait dans ce pays bien d'autres clients en dehors d'elle-même, et n'a jamais été son distributeur exclusif ;

- dans les courriels la société [Z] ne cesse de raconter des histoires, et il difficile de faire la part du vrai et du faux dans ses annonces de revenir en ALGERIE ;

- le préjudice dont se plaint cette société ne lui est pas imputable ; il découle de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même, et correspond au manque à gagner pendant la durée normale du préavis ; la moyenne annuelle des commissions perçues par la société [Z] a été de 260 683 € 66 ;

- cette société n'a pas subi de préjudice moral du fait de la rupture du contrat ;

- Monsieur [O] bien que gérant de la société [Z] n'est pas partie au contrat d'agent commercial avec elle-même, ce qui exclut son préjudice suite à la rupture de ce contrat ; il invoque sa responsabilité délictuelle mais sur des faits découlant du contrat, et ne peut être détaché de cette fonction de gérant, ce qui exclut tout préjudice personnel ; elle n'a pas contraint et forcé celui-ci à réaliser les opérations qui lui sont reprochées, dont la double facturation qui pourrait être à l'origine de son éviction d'ALGERIE.

L'appelante demande à la Cour, vu les articles 528 alinéa 2 et 549, 15 et 16 du Code de Procédure Civile, de :

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué à la société [Z] la somme de

950 000 € 00 au titre de 3 années de commissions ;

- dire et juger irrecevable l'appel provoqué de Monsieur [O] ;

- dire et juger que la société [Z] n'a pas respecté ses obligations issues du contrat d'agence commerciale du 30 juin 2006, et que c'est à bon droit qu'elle-même a résilié ledit contrat telle qu'elle y a procédé ;

- dire et juger que la rupture de ce contrat a été faite à bon droit par elle aux torts exclusifs de la société [Z] pour manquements graves ;

- très subsidiairement, réformer le jugement en ce qu'il a alloué 3 années de chiffres d'affaires et réduire les sommes allouées dans de très notables proportions, et dire que l'indemnité ne peut être que de 2 ans de chiffre d'affaires duquel il y a lieu de déduire le chiffre d'affaires du préavis de 6 mois exécuté, soit la somme de 391 025 € 49 au maximum ;

- confirmer le jugement pour le reste, en particulier en ce qu'il a débouté Monsieur [O] ;

- débouter la société [Z] de toutes demandes de dommages et intérêts comme mal fondées et injustifiées ;

- en tout cas, dire et juger irrecevables et mal fondées toutes les prétentions de Monsieur [O] et l'en débouter ;

- condamner la société [Z] à lui payer la somme de 100 000 € 00 de dommages-intérêts pour procédure téméraire, abusive et vexatoire ;

- condamner la société [Z] à lui payer la somme de 100 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 26 février 2015 la société [Z] et Monsieur [G] [O] répondent notamment que :

- ils ont été impliqués dans un système de double facturation mis en place par la société MANE sur le marché algérien, en totale infraction avec la réglementation des changes en ALGERIE, d'où des poursuites pénales contre Monsieur [O] avec perte de ses actifs, et la saisie des biens de la société [Z] ; celle-ci a senti mi-2010 un changement d'attitude de la société MANE qui souhaitait la remplacer ;

- les pièces 26 et 40 de la société MANE, parce que non traduites, doivent être écartées des débats ;

- la lettre de rupture du contrat n'est pas motivée par une faute grave, puisqu'elle accorde un préavis de 6 mois qui est incompatible ; les prétendus manquements invoqués par la société MANE n'en sont pas ; il s'agit d'apprécier la société [Z] et non la situation personnelle et privée de Monsieur [O] ;

- la réorganisation latente de la société MANE tentait d'écarter peu à peu la société [Z] du marché algérien ; en 2010 et 2011 la seconde a respecté ses obligations, organisé des visites de la première, veillé aux commandes et livraisons ; Monsieur [O] a été blanchi de tout soupçon d'infraction à la législation sur les changes en ALGERIE, et reconnu victime ; le même n'a jamais été interdit de séjour dans ce pays ; le chiffre d'affaires de la société [Z] a cru continûment pour atteindre 3 000 000 € 00 en 2011 ; la société MANE a tenté de récupérer en totalité sans frais le marché algérien en développant en parallèle une nouvelle organisation commerciale ; l'ALGERIE réserve de nombreuses subtilités ou dangerosités qui ont été supportées et surmontées par la société [Z] ;

- cette dernière et Monsieur [O] sont totalement transparents vis-à-vis des difficultés de la double facturation pour en avoir informé la société MANE début 2009 ; le contrat ne permet pas à la société [Z] de passer des commandes, qui doivent être adressées directement à la société MANE ; bien que société tunisienne la société [Z] pouvait s'occuper de vendre les produits de la société MANE en ALGERIE, et a organisé des visites clients 2 fois en 2010 et 2 fois en 2011 ; la prétendue mise en demeure du 26 octobre 2011 n'existe pas ; Monsieur [O] n'a rien caché de ses difficultés personnelles à la société MANE ; le chiffre d'affaires de celle-ci n'a pu croître de lui-même ;

- cette société bénéficie depuis 1994 du marché algérien avec un chiffre d'affaires conséquent qui est passé de 849 868 € 00 en 2002 à 3 103 482 € 00 en 2011 grâce à l'intervention efficace de la société [Z] ; la moyenne annuelle des commissions perçues par celle-ci a été de 260 683 € 66 ; la somme de 950 000 € 00 allouée par le Tribunal répare notamment la perte des commissions, la privation de la possibilité de transmettre à titre onéreux le mandat à un successeur et la perte du bénéfice ;

- la société [Z] a subi un préjudice moral tout à fait conséquent pour sa notoriété voire son image ;

- Monsieur [O] peut faire un appel provoqué, sans être tenu par le délai de 2 mois à compter de la signification du jugement ; la double facturation consistait pour la société MANE à passer la Douane française avec la facture réelle, puis à envoyer au client algérien une facture minorée pour qu'il puisse procéder à son dédouanement en ALGERIE afin de réduire son chiffre d'affaires vis-à-vis du Fisc de ce pays, avec paiement du différentiel en euros et en espèces par ledit client soit à la société [Z] soit à des responsables export de la société MANE ; ce système a pris fin en 2009 compte tenu de l'évolution de la législation ; la société [Z] et Monsieur [O] sont économiquement soumis et dépendants envers la société MANE et ont dû accepter la mise en place de cette double facturation à leurs risques sans en tirer aucun bénéfice, puisqu'ils devaient récupérer ce différentiel ce qui est contraire au contrat d'agent commercial ; Monsieur [O] a ainsi été victime d'une faute délictuelle de la société MANE et a perdu son activité, ses avoirs et ses actifs ainsi que des postes mobiliers et immobiliers ; le même a été abandonné à ses problèmes découlant de cette double facturation d'où un préjudice moral.

Les intimés demandent à la Cour, vu les articles L.134-1 et suivants du Code de Commerce, 1134 et 1382 du Code Civil, de :

- dire et juger irrecevable et subsidiairement mal fondée la société MANE en son appel et en l'ensemble de ses demandes ;

- écarter des débats les pièces adverses numéros 26 et 40 ;

- débouter la société MANE en l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 950 000 € 00 à titre

d'indemnité, outre 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- infirmer pour le surplus ;

- condamner la société MANE à payer à Monsieur [O] les sommes suivantes :

. 2 600 000 € 00 pour l'indemnisation du préjudice lié à la perte d'activité de la

société [Z] ALGERIE et de tous les actifs possédés en ALGERIE liés aux conséquences de la double facturation ;

. 50 000 € 00 au titre de la réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société MANE à verser à la société [Z] les sommes de :

. 10 000 € 00 au titre de la réparation de son préjudice moral ;

. 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- ordonner le transfert des 970 000 € 00 détenus par la CARPA de l'Ordre des Avocats du Barreau d'AIX-EN-PROVENCE au profit du compte CARPA, sous compte affaire

[Z] de Maître Michael SKAARUP, Avocat au Barreau de PARIS.

L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience le 12 mars 2015.

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M O T I F S D E L ' A R R E T :

Sur la recevabilité de l'appel provoqué de Monsieur [O] :

Selon l'article 914 alinéa 1 du Code de Procédure Civile 'Le Conseiller de la Mise en Etat est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour (...) déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel (...)'. Ce texte concerne tous les appels quelle que soit leur nature (principal, incident, provoqué), et par suite vise notamment l'appel provoqué interjeté par Monsieur [O]. Le dessaisissement du Conseiller de la Mise en Etat étant intervenu juste avant l'ouverture des débats lors de l'audience de plaidoiries, c'est à tort que la société MANE demande à la Cour de dire et juger irrecevable cet appel provoqué.

Sur la faute grave de la société [Z] :
Les manquements contractuels qualifiés de graves par la société MANE dans sa lettre du 30 mars 2012 rompant le contrat d'agent commercial avec la société [Z] sont les suivants :

- condamnation par la justice algérienne au motif d'infraction à la réglementation des changes, suivie du départ d'Algérie il y a 2 ans ;

- suite à cette condamnation interpellation par la police italienne au cours du premier semestre 2010 ;

- aucun contact professionnel depuis janvier 2012 ;

- selon la presse tunisienne implication directe dans une affaire extrêmement grave de trafic d'antiquités ;

- toujours pas de joignabilité à ce jour à son adresse tunisienne ;

- absence du territoire algérien depuis 2 ans sans assurer les obligations des articles 2.3 (visites régulières des clients et prospects, promotion des produits du mandant), 2.4 (information régulière du même sur les produits, le marché et les clients) et 5.1 (soins et moyens en personnel et matériel pour promouvoir les ventes de produits et entretenir les relations avec les clients) du contrat d'agence commerciale.

Cependant les griefs à examiner sont uniquement ceux reprochés à la société [Z] seul agent commercial de la société MANE, qualité que n'a pas Monsieur [O] personnellement même si celui-ci est le gérant dudit agent, sauf à ce que le comportement de l'intéressé retentisse sur l'activité de la société [Z].

Par courriels des 8 avril et 5 septembre 2008, 5 juin 2009 et 22 février 2010, confirmés par son attestation du 6 septembre 2012 soit peu après la rupture litigieuse, Monsieur [M] [Q] un des responsables de la société MANE expose clairement que celle-ci pratique une double facturation illicite pour réduire les droits de douane à l'entrée de ses marchandises en ALGERIE, même si elle ajoute que cette pratique n'est plus tenable ; c'est donc à tort que cette société impute à la société [Z] la seule responsabilité de ladite facturation, d'autant que par courriel du 26 juillet 2011 il lui était réclamé divers documents dont les factures clients.

Monsieur [O] a quitté l'ALGERIE en juin 2009 pour se réfugier en TUNISIE. L'incertitude des situations politique et économique en ALGERIE fait qu'il est bien difficile de déterminer si les éléments exposés par la société [Z] à la société MANE pour expliquer son absence du territoire contractuel qu'est l'ALGERIE sont vraies ou fausses.

Les poursuites pénales en TUNISIE contre Monsieur [O] ont donné lieu le 11 juin 2014 à un arrêt de la Cour d'Appel de TUNIS qui :

- l'a condamné pour possession d'objets archéologiques provenant de fouille, et pour défaut d'avis de possession d'objets archéologiques, à 2 amendes mais en supprimant les peines d'emprisonnement prononcées en première instance ;

- a prononcé un non-lieu pour le délit de destruction et détérioration de monuments historiques retenu en première instance.

Il n'est pas établi que le mandat d'arrêt international émis contre Monsieur [O] le 29 mars 2010 par un Juge d'Instruction algérien, comme la demande d'extradition formée le 25 avril suivant par un Procureur Général algérien auprès des autorités italiennes, aient été suivis d'effet.

La révocation en mars 2009 de Monsieur [V] ou [P] [J] de ses fonctions de gérant salarié de la société [Z], suite à la découverte de ses détournements de fonds et de la destruction des contenus des ordinateurs de celle-ci depuis plusieurs années, ne peut être reprochée à cette société. De plus, un jugement d'un Tribunal algérien du 20 mai 2010 a condamné l'intéressé pour vols au préjudice de Monsieur [O] avec confirmation par un arrêt de la Cour d'Appel d'ALGER du 8 novembre suivant, outre des dommages et intérêts pour abus de confiance accordés en première instance le 8 mars 2011 et confirmés en appel le 9 juin suivant.

Informée de certains de ces événements la S.A. V. MANE FILS a néanmoins affirmé dans un courriel de son contact commercial Monsieur [Y] [N] du 20 janvier 2011 que Monsieur [O] [et donc la société [Z] restait son agent commercial. Les 29 septembre et 10 octobre suivant la société [Z] elle-même a informé la société MANE des difficultés à exercer son mandat d'agent commercial en ALGERIE, et cette mandante a répondu le 12 décembre en proposant une réunion.

Les résultats de vente annuels de la société [Z] ont triplé entre 2002 et 2008, et la diminution de 30 % entre 2008 et 2010 n'est pas significative. De juin 2010 à juillet 2011, soit au cours des mois précédant la lettre de rupture du 30 mars 2012, la société MANE s'est rendue à 4 reprises en ALGERIE où elle a rencontré à sa satisfaction plusieurs de ses clients par l'intermédiaire de son agent commercial la société [Z].

Enfin accordant à la société [Z] un préavis de 6 mois, qui est inconciliable avec la gravité des manquements qu'elle lui reproche, la société MANE ne peut utilement invoquer des fautes graves devant la Cour.

Les divers éléments précités, comme l'a retenu à bon droit le jugement, ne permettent pas de caractériser la faute grave de l'agent commercial la société [Z], et donc de priver celle-ci de l'indemnité ci-après due par la société MANE.

Sur les demandes chiffrées de la société [Z] :

En vertu de l'article L. 134-12 alinéa 1 du Code de Commerce cette société 'a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi'. Cette indemnité a été justement évaluée par le jugement à la somme de 950 000 € 00, même si elle correspond à 3 années de commissions, dans la mesure où les relations contractuelles auront duré de 1994 à 2012 soit pendant 18 années qui représentent une très longue période, et autorisent plus que les 2 années de commissions offertes très subsidiairement par la société MANE.

Par contre le préjudice moral invoqué par la société [Z] n'est nullement caractérisé, et ne peut en conséquence être indemnisé par la société MANE.

Sur les demandes chiffrées de Monsieur [O] à titre personnel :

Ce dernier n'a eu à ce titre aucune relation contractuelle avec la société MANE, et invoque un préjudice qui, non détachable de sa fonction de gérant de la société [Z], ne peut être distingué de celui subi par cette dernière. Le jugement est par suite confirmé pour avoir débouté l'intéressé de ses demandes en dommages-intérêts, que ce soit pour son préjudice matériel ou pour son préjudice moral.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Se déclare incompétente pour statuer sur l'irrecevabilité invoquée par la S.A. V. MANE FILS de l'appel provoqué interjeté par Monsieur [G] [O].

Confirme le jugement du 23 septembre 2013.

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne la S.A. V. MANE FILS à payer à la société [Z] une indemnité de 10 000 € 00 au titre des frais irrépétibles d'appel.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la S.A. V. MANE FILS aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 13/24414
Date de la décision : 23/04/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2015-04-23;13.24414 ?
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