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17/10/2008 | FRANCE | N°07/01862

France | France, Conseil de prud'hommes de Bordeaux, Ct0077, 17 octobre 2008, 07/01862


RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Mme X... a été engagée, à compter du 08 septembre 1998, en qualité de serveuse, par le centre BEAULIEU en CDI à temps complet.

Depuis son entrée dans l'établissement elle a toujours perçu tous les mois la somme de 91,30 € correspondant à une prime repas.

Le 26 décembre 2006, l'employeur, unilatéralement, a informé cette dernière de la suppression de cette prime. considérant qu'il n'avait pas à recueillir son accord.

Le salaire de Mme X... était amputé d'une partie de son salaire à compter de janvier 2007.
> Après plusieurs réclamations demeurées vaines, Mme X... a saisi le Conseil des Prud'hommes en ré...

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

Mme X... a été engagée, à compter du 08 septembre 1998, en qualité de serveuse, par le centre BEAULIEU en CDI à temps complet.

Depuis son entrée dans l'établissement elle a toujours perçu tous les mois la somme de 91,30 € correspondant à une prime repas.

Le 26 décembre 2006, l'employeur, unilatéralement, a informé cette dernière de la suppression de cette prime. considérant qu'il n'avait pas à recueillir son accord.

Le salaire de Mme X... était amputé d'une partie de son salaire à compter de janvier 2007.

Après plusieurs réclamations demeurées vaines, Mme X... a saisi le Conseil des Prud'hommes en référé.

Ce dernier a considéré qu'il existait une contestation sérieuse.

Elle a donc saisi le Conseil au fond. La conciliation s'est tenue mais n'a pu aboutir.

MOYENS DE LA DEMANDERESSE

Depuis 1998 la somme de 91,30 € a été versée tous les mois au titre de prime de repas ; cette somme a été versée pendant 10 ans et a toujours été du même montant.

Il en résulte que l'employeur a consenti un avantage contractuel inclus dans la rémunération, avantage auquel il ne pouvait unilatéralement mettre fin.

La Cour de Cassation l'a d'ailleurs rappelé récemment dans un arrêt en date du 8 mars 2007 (cahiers sociaux du barreau de Paris).

Il conviendra donc de condamner l'adversaire à régler à Mme X... la somme de

1.956,00 € (91,30 x 12) et celle de 109,56 € au titre des congés payés afférents.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour la défense de ses intérêts.

Il conviendra donc de les fixer à la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Sur l'exécution provisoire

Afin d"éviter tout appel dilatoire. il conviendra d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. en application de l'article 515 du Code de Procédure Civile.

MOYENS DU DEFENDEUR

Le défendeur rappelle que l'avantage en espèces est une somme d'argent payée par l'employeur au salarié. Alors que l'avantage en nature « consiste dans la fourniture ou la mise à disposition par l'employeur d'un bien ou d'un service permettant au salarié de faire l'économie de dépenses qu'il aurait dû normalement supporter » (Circ. DIRRES no 2004-176 du 28 décembre 2004).

Le contrat de travail ne prévoit qu'un avantage en nature : les stipulations contractuelles en cause sont celles de l'avenant no1 du 9 septembre 1999 :« Mme X... bénéficiera de tous les droits et avantages reconnus aux salariés du Centre Beaulieu : avantages en nature (repas) »

II n'est inscrit nulle part que Mme X... a droit à autre chose qu'à un repas gratuit par jour de travail.

Cet avantage en nature n'a jamais été supprimé.

L'avantage en espèces (« prime repas ») a été supprimé légalement par l'employeur et n'était pas prévu par le contrat de travail.

La référence à l'usage dans le contrat de travail est faite à titre simplement indicatif ; si le contrat rappelle cet avantage, c'est parce que l'embauche à temps partiel rendait obligatoire la mention que Mme X... bénéficierait des avantages collectifs accordés au reste du personnel.

La mention de l'avantage en nature se rapporte donc à un avantage collectif.

Or, selon la Cour de Cassation, la référence à un avantage collectif dans le contrat de travail ne donne pas à cet avantage un caractère contractuel :

• La modification d'un usage par l'employeur n'apporte aucune modification aux contrats de travail :

o Cass. soc., 13-02-1996, no 93-42.309

o Cass. soc., 06-07-2005, no 04-44.995, FS-P+8

La remise en cause d'un usage, d'un accord atypique ou d'un engagement unilatéral est opposable aux salariés, même si elle concerne la rémunération :

o Cass. soc., 07-04-1998, no 95-42.992

Le contrat de travail fait donc bien référence à l'usage d'entreprise.

II ne s'agit donc pas d'un avantage qui trouverait sa source dans le contrat individuel.

Dans ses lettres, Mme X... réclame l'ouverture de négociations et de discussions avec les représentants du personnel, ce qui est le propre des avantages collectifs.

II n'y a en effet pas lieu de consulter les représentants du personnel pour la suppression d'un avantage individuel.

Ce n'est qu'ensuite que Mme X... a prétendu que l'avantage en nature résultait de son contrat de travail, ainsi qu'elle l'a écrit à l'employeur dans sa lettre du 16 avril 2007 avec copie à l'inspecteur du travail.

II est évident que la salariée se contredit.

Les négociations et des discussions ont eu lieu pendant plus de 6 mois, tant avec le personnel, le délégué syndical Mme X..., qu'avec les délégués du personnel.

Un vote a été organisé auprès du personnel, qui a pleinement approuvé le changement décidé par l'employeur et le personnel et les délégués du personnel ont bien été associés à cette décision au cours de réunions qui ont eu lieu :

a. Réunion avec l'ensemble du personnel : 8 juin 2006

b. Réunions de concertation avec les délégués du personnel sur le remplacement de la « prime repas » (avec toutefois maintien de l'avantage en nature) par les chèques-déjeuner.

• 11 juillet 2006

• 21 septembre 2006

• 19 octobre 2006

• 16 novembre 2006

• 15 décembre 2006

c. Vote favorable du personnel le 15 novembre 2006.

Une déclaration sur en-tête de la CGT en date du 5 mars 2007 indique bien que ces réunions ont eu lieu.

L'avantage en nature n'a pas été supprimé ; tout salarié peut encore aujourd'hui continuer de bénéficier du repas gratuit par jour de travail, comme cela a toujours été fait. La seule chose qui a changé, c'est que les salariés qui décidaient de ne pas bénéficier des repas ne voient plus figurer une « prime repas » sur leurs bulletins de salaire, mais ils bénéficient depuis le 1er janvier 2007 de chèques-déjeuner. Le gain net par rapport à la « prime repas » est d'ailleurs très substantiellement supérieur, au bénéfice des salariés.

Les salariés dans leur ensemble sont très satisfaits de cette situation, ainsi que M. le Responsable du Service des Ressources humaines l'a écrit à Mme X... par lettre recommandée en date du 26 mars 2007 : « les salariés ont d'ailleurs bien compris qu'il ne s'agit pas d'une baisse de salaire et que ce dispositif augmente leur pouvoir d'achat. Ainsi, alors même que l'achat de chèques-déjeuner n'est pas obligatoire, ils en commandent presque tous le maximum auquel ils peuvent prétendre ».

C'est au demeurant ce que Mme X... elle-même a fait depuis le début du mois de janvier à fin mars 2007... jusqu'à ce que de manière très artificielle et pour les seuls besoins de la présente procédure, elle ait cessé brutalement de le faire.

En fait la salariée réclame un cumul illicite d'avantages ayant le même objet. Les chèques-déjeuners ont le même objet que la « prime repas ».

II s'agit bien d'avantages pécuniaires se rapportant tous deux au déjeuner au cours d'une journée de travail.

La Cour de Cassation juge que les chèques-déjeuner sont une rémunération au même titre qu'une prime : Cass. soc. 29 nov. 2006, no 05-42.853, The Timken, FS-P+

Par ailleurs, Mme X... réclame « le paiement d'un avantage en nature repas depuis le 1er janvier 2007 », alors que ses bulletins de salaire font apparaître, depuis janvier 2007, qu'elle a bénéficié de chèques déjeuner à sa demande.

Ni avant, ni après la dénonciation de l'usage, ce dernier n'a jamais obligé l'employeur à accorder aux salariés cumulativement deux avantages.

Les deux avantages ont toujours été alternatifs.

L'URSSAF interdit formellement à tout employeur d'accorder des chèques-déjeuner s'il accorde en même temps les repas comme avantage en nature.

La cour de cassation juge que lorsqu'il y a concurrence entre deux avantages ayant le même objet, on applique le plus favorable pour l'ensemble des salariés : Cass. soc. 19 février 1997, no 94-45.286, Cie gale Géophysique Cass. soc. 18 janv. 2000: TPS 2000, comm. 92

Cass. soc., 24-06-2003, no 02-41.231, Matra Systèmes Cass. soc., 25-01-1984, no 81-41.609, Baze

En cas de concours entre deux conventions collectives, la détermination du régime le plus favorable doit résulter d'une appréciation tenant compte des intérêts de l'ensemble des salariés et non de tel ou tel d'entre eux : Cass. soc. 19 févier1997, no 94-45.286, Cie gale Géophysique

La cour de cassation précise bien que l'on doit « tenir compte des intérêts de l'ensemble des salariés et non de tel ou tel d'entre eux ».

L'appréciation du caractère plus favorable se fait en analysant et comparant les avantages respectivement procurés par les accords concurrents de manière à déterminer le régime le plus favorable en considération des intérêts de l'ensemble des salariés : Cass. soc. 24-06-2003, no 02-41.231, inédit.

L'appréciation du caractère plus favorable doit se faire en tenant compte de l'ensemble des avantages ayant une même cause. Ont une même cause la détermination du taux horaire et la majoration qui s'y applique pour la rémunération des heures de nuit : Cass. soc. 25-10-2006, no 04-20.413, syndicat CFDT Agroalimentaire, F-D.

Or il est évident que le nouvel avantage est plus favorable que le précédent pour le personnel: la « prime repas » concernait seulement 10 salariés sur les 40 de l'association. Le chèque-déjeuner concerne tout le personnel.

Même pour les salariés qui percevaient antérieurement la prime repas, le chèque déjeuner s'est traduit par une augmentation de leur pouvoir d'achat. Cela apparaît clairement sur le tableau récapitulatif (Pièce 18).

L'employeur dépense aujourd'hui plus d'argent pour les chèques-déjeuner en 2007, qu'il ne le faisait pour les primes repas en 2006 (v. pièce 18).

Ces documents (pièce 18) comparent le nombre de salariés concernés par le chèque-déjeuner (ensemble du personnel) et ceux qui étaient concernés par la prime repas (personnel de l'établissement seulement).

Il est démontré que les deux avantages ont le même objet et que le nouvel avantage est plus favorable pour le personnel.

Mme X... ne peut donc sérieusement prétendre au paiement de l'avantage en nature sous forme d'une « prime repas ».

De plus, elle a bénéficié de chèques déjeuner depuis janvier 2007 (v. bulletins de salaire), ce qui montre qu'elle se contredit.

L'inspecteur du travail, systématiquement interpellé par la CGT, n'a jamais réagi.

L'inspecteur du travail a été rendu destinataire de tous les courriers du syndicat CGT et de Mme X... à l'employeur.

II n'a trouvé strictement rien à redire au comportement de l'employeur, notamment lors d'une visite effectuée au siège en mars 2007.

Si l'inspecteur du travail, parfaitement informé de la situation, avait constaté la moindre infraction de la part de l'employeur, il n'aurait évidemment pas manqué de le lui écrire en adressant une copie de sa lettre tant à la CGT qu'à Mme X....

Or aucune infraction n'a été relevée par l'Inspecteur du travail.

Le but de la demande de la salariée relève de la négociation collective et non du débat judiciaire : Mme X... ne présente ses demandes que pour des raisons strictement syndicales qui n'appartiennent qu'au domaine de la revendication et de la contestation.

Mme X... est en effet délégué du personnel, délégué syndical de l'établissement.

Ses revendications étaient d'autant plus vives qu'elle était la principale intéressée ainsi qu'elle l'écrit dans son courrier du 16 avril 2007, où elle transforme sa revendication collective en contestation individuelle.

Ainsi, parfois Mme X... agit comme délégué du personnel délégué syndical, parfois elle agit comme simple salariée.

Le Conseil de prud'hommes ne peut souffrir pareille instrumentalisation et rejettera les demandes de plus fort.

Au demeurant, le Conseil de Prud'hommes est incompétent pour statuer sur les demandes ayant un caractère collectif, il ne peut statuer que sur les demandes individuelles.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les demandes sont injustifiées.

II serait inéquitable de laisser à la charge du défendeur les frais irrépétibles qu'il a dû exposer pour sa défense.

SUR QUOI LE CONSEIL

Attendu qu'il n'est pas contesté que la somme de 91,30 € figure depuis de très nombreuses années sur la fiche de paie de la salariée à la rubrique « prime de repas », cette somme a le caractère d'un avantage contractuel acquis auquel il ne peut être mis fin de manière unilatérale.

Or le demandeur s'est toujours opposé à cette remise en cause arguant de la contractualité d'une part et du caractère plus avantageux d'autre part.

En conséquence le Conseil dit que l'employeur devra reprendre le versement de cette somme et payer le retard soit du 01/01/07 au 07/04/08 soit 15 mois à 91,30 = 1.369,50 €, augmentée des congés payés 136,95 € ; au total 1.495,50 €.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil, après en avoir délibéré, jugeant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Condamne L'ASSOCIATION DIOCESAINE DE BORDEAUX à verser à Mme Marie José X... les sommes suivantes :

- MILLE TROIS CENT SOIXANTE NEUF EUROS ET CINQUANTE CENTIMES (1.369,50 €) à titre de rappel de prime de repas,

- CENT TRENTE SIX EUROS QUATRE VINGT QUINZE CENTIMES (136.95€) à titre de congés payés afférents.

- SEPT CENTS EUROS (700,00 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne L'ASSOCIATION DIOCESAINE DE BORDEAUX à remettre à Mme X... les bulletins de paie rectifiés.

Déboute Mme X... du surplus de sa demande.

Déboute L'ASSOCIATION DIOCESAINE de sa demande reconventionnelle et la condamne en outre aux entiers dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Conseil de prud'hommes de Bordeaux
Formation : Ct0077
Numéro d'arrêt : 07/01862
Date de la décision : 17/10/2008

Références :

ARRET du 05 octobre 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 octobre 2010, 08-45.467, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.prud'hommes.bordeaux;arret;2008-10-17;07.01862 ?
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