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26/03/2009 | TOGO | N°044/09

Togo | Togo, Cour d'appel de lomé, 26 mars 2009, 044/09


Texte (pseudonymisé)
Nommé gérant d’une SARL, l’appelant s’est également fait attribuer 5% des parts sociales par une clause des statuts. Prétendant que la société lui doit des arriérés de salaires et de dividendes alors que le "Directeur" s’apprêtait à quitter le pays, il fit pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels de la société et de son Directeur. Le Tribunal de Première Instance estime que les parties étaient liées par un contrat de travail et non par un contrat de société. Un appel fut interjeté. Selon la Cour, la qualité d’associé résulte de la déten

tion de parts sociales au sein d’une société. Cette qualité ne saurait donc êtr...

Nommé gérant d’une SARL, l’appelant s’est également fait attribuer 5% des parts sociales par une clause des statuts. Prétendant que la société lui doit des arriérés de salaires et de dividendes alors que le "Directeur" s’apprêtait à quitter le pays, il fit pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels de la société et de son Directeur. Le Tribunal de Première Instance estime que les parties étaient liées par un contrat de travail et non par un contrat de société. Un appel fut interjeté. Selon la Cour, la qualité d’associé résulte de la détention de parts sociales au sein d’une société. Cette qualité ne saurait donc être déniée à celui qui les détient pour son compte, peu important la façon dont elles ont été acquises (1) ;
Les fonctions de gérant d’une SARL sont gratuites ou rémunérées. Il est loisible au gérant de convenir avec la société d’un contrat de travail qui implique nécessairement un salaire. Lorsque la fonction de gérant est rémunérée et que celui-ci bénéficie d’un contrat de travail avec la société qu’il dirige, le litige découlant de ses rémunérations ou salaires non perçus relève respectivement du Tribunal de Première Instance et du Tribunal du travail (2) ;
Un associé ne peut prétendre aux dividendes que si les états financiers de synthèse ont été approuvés par une assemblée générale et que l’existence d’un bénéfice a été constatée. En l’absence de preuve de la tenue de l’assemblée générale, aucune action en ce sens ne peut prospérer (3).
ARTICLE 144 AUSCGIE ARTICLE 325 AUSCGIE
Cour d’appel de Lomé, arrêt n°044/09 du 26 mars 2009, Sieur A Aa // Ab Ac Automobile, Sieur Ac Bail
La Cour ;
Ouï les conseils des parties en leurs conclusions respectives ;
Vu le jugement N° 1088/03 rendu le 18 Juillet 2003 par le Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ; Ouï le Vice-président YABA en son rapport ;
Et après en avoir délibéré ;
EN LA FORME
Attendu que l’appel interjeté le 10 Juin 2004 par le sieur A Aa contre le jugement N° 1088/03 rendu le 18 Juillet 2003 par le Tribunal de Première Instance de Lomé, jugement dont la date de signification n’est pas indiquée, recevable ;
AU FOND
Attendu que courant année 1995 la société Ac AUTOMOBILE, une société à responsabilité limitée, a été créée entre le sieur Ac Bail de nationalité allemande et le sieur A Aa de la nationalité togolaise, que le sieur A, coassocié de Ac fut nommé gérant statutaire et la société entreprit ses activités, arguant en 2001 que le contrat de société matérialisé par les statuts lui attribuait 5% des parts sociales et faisait de lui le gérant statutaire de la société avec un salaire mensuel de 150. 000 FCFA des émoluments spéciaux ultérieurement convenus par chaque type de la transaction effectuée, mais que depuis la création de la société aucun de ses salaires ni dividendes ne lui avait été versé et qu’il disposait ainsi d’une créance totale de 70 400 000 F CFA sur la société Ac AUTOMOBILE et son directeur Ac, créance composée de 5 400 000 F CFA au titre des arriérés de salaires et 65 000 000 F CFA au titre des dividendes de 1995 à 2000 et qu’il disait être en péril en raison de la situation obérée de la société et des préparatifs de départ du sieur Ac qui s’apprêtait à quitter le TOGO, le sieur A fit pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels de la société et du sieur Ac Bail puis assigna par exploit d’huissier de justice en date du 07 novembre 2001 suivi d’avenir le 13 janvier 2002, les susnommés devant le tribunal le premier Instance de Lomé pour voir valider les saisies, les voir commuer en saisie-vente et voir ordonner l’enlèvement immédiat des biens saisis ; que le Tribunal, sur les arriérés de salaires, a estimé qu’il était compétent et que son action à ce titre relevait de la compétence de la juridiction prud’homale , parce qu’il y avait une relation de subordination entre le sieur A et le sieur Ac , relation qui, conjuguée avec l’acceptation par celui-ci du salarié au sens du Code du travail nonobstant sa position de gérant statutaire et de coassocié avec lequel le statut de salarié n’est pas incompatible ; sur les intérêts et dividendes, il a débouté le sieur A de sa demande au motifs que les bénéfices engrangés n’ont pas été établis parce que le sieur A n’a pas produit les bilans annuels chiffrés de la société sur la base desquels ces bénéfices sont calculés, les bilans qu’il a fournis ne pouvant pas valoir parce que confectionnés par lui-même et non appuyés par les quittances de paiement des impôts ;
Attendu que l’appelant reproche au jugement entrepris d’avoir retenu qu’il était lié à l’intimé Ac Bail par un contrat de travail alors qu’il était lié à lui par un contrat de société ; que c’est dans le cadre de ce contrat de société qu’ il bénéficiait d’une prime mensuelle de 150 000F CFA, prime fixée d’accord parties par les associés conformément aux dispositions de l’articles 325 al.1 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et GIE ; que s’il s’était agi d’un contrat de travail, la prime devait lui être imposée ; que ses contradicteurs ne rapportent pas en tout cas la preuve du contrat de travail dont ils se prévalent ; que ses
qualités d’associé et gérant statutaire sont expressément stipulées dans les statuts de la société Ac et que dans ses relations avec cette société il s’était toujours comporté comme son représentant légal conformément aux statuts ; que vouloir l’assimiler à un salarié embauché par le sieur Ac Bail, c’est faire une confusion entre la société personne morale et la personne physique qu’est le sieur Ac, associé majoritaire et surtout violer les statuts de la société qui constituent la loi commune des parties ; à propos des dividendes il écrit que le sieur Ac, associé majoritaire, influençait considérablement la gestion de la société, que c’est ainsi qu’il s’est toujours opposé à l’établissement des bilans allant jusqu’à déchirer ceux qu’il lui soumettait, qu’ainsi aucune assemblée générale n’a été organisée aux fins d’approbation des états financiers de synthèse ; qu’en sa qualité de gérant, seule personne censée fournir des éléments à la confection des bilans, il avait gardé certaines copies des bilans proposés, copies qu’ils a produites au premier juge et qui peuvent servir de base à la détermination du quantum des dividendes, que c’est à tort que le juge les a rejetés au motif qu’ils ont été confectionnés par lui ; qu’il sollicite en conséquence de tout ce qui précède, qu’il plaise à la cour infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, condamner les intimés à lui payer la somme totale de soixante-dix millions quatre cent mille (70 400 000F CFA) dont 5 .400 000 F CFA au titre des arriérés de prime et 65 000 000 F CFA au titre des intérêts dus de 1995 à Février 2000 ;
Attendu qu’en réponse à l’appelant les intimés soutiennent que la société a été créée par le sieur Ac Bail qui a fait appel au sieur A pour être gérant, qu’une rémunération mensuelle de 150.000 F CFA lui était allouée et que pour le motiver à la tache, Ac lui avait cédé 5% du capital social, que sieur A n’était qu’un salarié et non pas un associé comme il prétend, toute société commerciale pouvant convenir d’un contrat de travail avec un gérant pour une durée illimitée ; qu’en matière de contrat de travail l’écrit n’est pas toujours exigé et que le contrat peut être verbal ; que les indices d’une relation de travail sont le lien d’une subordination entre l’employeur et l’employé puis le salaire versé à l’employé ; que dans leur présent cas un écrit n’existe pas certes, mais que les indices de la relation de travail sont évidents et établissent qu’ils étaient dans une relation d’employeur-employé, que par conséquent l’action en réclamation des salaires relève de la compétence du tribunal du travail et est d’ailleurs prescrite ; à propos des dividendes ils écrivent qu’il résulte de l’article 144 al.1 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et GIE que c’est après approbation des états financiers de synthèse que l’Assemblée Générale détermine la part de bénéfice à distribuer et que l’appelant ne peut valablement prétendre à des dividendes sans établir qu’il a pris part à une Assemblée Générale ayant pour ordre du jour l’approbation des états financiers ; qu’ils concluent en conséquence au débouté et sollicitent qu’il plaise à la Cour, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et renvoyer le sieur A à se pourvoir devant la juridiction prud’homale pour le paiement de ses prétendus arriérés de salaires.
Attendu que l’existence même de la société Ac AUTOMOBILE n’est pas contestée, que même s’ils dénient au sieur A la qualité d’associé, les intimés ne contestent pas qu’il détenait 5% des parts sociales au sein de ladite société ;
Attendu que la qualité d’associé résulte de la détention des parts sociales au sein de la société pour son compte, peu important la façon dont ces parts sociales ont été acquises, que parce que le sieur A détenait 5% des parts sociale dans la société susdite, il était bien un associé, qu’on ne saurait par conséquent lui dénier cette qualité ;
Attendu que coassocié du sieur Ac Bail, la sieur HOUKPEDJI était en même temps gérant de la société Ac AUTOMOBILE, une société à responsabilité limitée ( SARL) , que cette qualité ne lui est d’ailleurs pas contestée par les intimés ;
Attendu que le gérant d’une SARL est son mandataire, que comme tel il la représente et l’engage dans les conditions définies par l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et GIE et est personnellement responsable envers cette société ou envers les tiers ;
Attendu qu’aux termes de l’article 325 de l’Acte Uniforme susdit ses fonctions sont gratuites ou rémunérées ; qu’il en résulte que lorsqu’elles sont rémunérées la rémunération versée n’est pas un salaire et que le gérant, en cette qualité, n’est pas un salarié au sens du Code du travail ;
Attendu qu’il est certes loisible aux parties de convenir avec le gérant d’un contrat de travail, mais qu’il s’agit dans ce cas de la superposition de deux statuts, à savoir celui de gérant et celui de salarié, que le gérant ou mandataire de la société n’est pas, pour cette fonction qui peut être gratuite, lié par un contrat de travail, lequel contrat implique nécessairement un salaire ;
Attendu que les intimés reconnaissent eux-mêmes que le sieur A, gérant de la société susdite percevait une rémunération mensuelle ; qu’il n’est donc pas allégué que ses fonctions de gérant étaient gratuites, que parce qu’elle n’est pas payée, elle peut être réclamée devant le Tribunal du travail ; qu’elle doit plutôt l’être devant le juge du droit commun ;
Attendu que le principe de la rémunération des gérants de SARL est énoncé par l’article 325 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et GIE, que toute réclamation portant sur cette rémunération relève de la compétence du tribunal compétent pour appliquer cet acte, au Togo le Tribunal de Première Instance aujourd’hui ;
Attendu que dans le cas d’espèce c’est la rémunération à lui due au titre de ses fonctions de gérant de la société Ac AUTO que le sieur A réclame même si à tort il l’appelle quelquefois salaire ; que parce que cette rémunération n’est pas un salaire, il ne pouvait porter sa réclamation que devant le Tribunal de Première Instance comme il l’a fait, que c’est à tort que celui-ci s’est déclaré incompétent ;
Sur les arriérés au titre des rémunérations
Attendu que les intimés ne contestent pas le principe des arriérés ; qu’ils ont estimé simplement qu’ils sont des salaires que le juge de droit commun était incompétent pour connaître de l’action les touchant d’une part et que cette action était d’ailleurs prescrite en vertu des dispositions du Code du travail d’autre part ;
Or attendu qu’il vient d’être démontré que cette rémunération prévue par les textes sur les sociétés commerciales et GIE n’est pas un salaire au sens du Code du travail et que toute action y afférente relève de la compétence de la juridiction chargée d’appliquer ces textes ; qu’il convient dès à présent de statuer sur les arriérés ;
Attendu que l’appelant soutient que le montant mensuel de sa rémunération était 150 000 F
CFA alors que les intimés parlent de 50 000 F CFA ; que ni l’un, ni l’autre ne produit d’écrit pour appuyer sa thèse ; que puisque c’est l’appelant qui la réclame mais ne prouve pas le montant, il y a lieu de retenir le montant mensuel reconnu par celui qui doit, soit 50 000 F CFA par mois ;
Attendu que suivant les calculs faits par l’appelant si on divise 5 400 000 F par 150 000 F, on obtient 36 mensualités ; qu’en considérant 50 000 F par mois on doit obtenir 50 000 F X 36 = 1 800 000 F CFA ;
Attendu qu’il résulte des calculs ci-dessus que les intimés restaient devoir 36 mois d’arriérés à raisons de 50 000 F le mois ; qu’il convient de les condamner à payer à l’appelant 50 000 F X 36 = 1 800 000 F CFA la somme de un million huit cent mille au titre des arriérés de rémunération ;
Sur les dividendes
Attendu que l’article 144 de l’Acte Uniforme susdit dispose : « Après approbation des états financiers de synthèse et constatation de l’existence de sommes distribuées, l’assemblée Générale détermine …la part de bénéfices à distribuer, selon le cas, aux actions ou aux parts sociales…. » ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que les actionnaires ne peuvent prétendre aux dividendes que si les états financiers de synthèse ont été approuvés par une assemblée générale et si cette assemblée a constaté l’existence de bénéfices ; qu’a contrario lorsque les états financiers de synthèse ne sont pas approuvés comme ci-dessus indiqué et qu’il n’est pas constaté l’existence de bénéfices, les actionnaires ne peuvent pas prétendre aux dividendes ;
Attendu que le sieur A ne prouve pas qu’il y a eu une ou des assemblées générales, lesquelles auraient d’une part approuvé les bilans dont il produit les copies et d’autre part constaté l’existence des bénéfices, qu’en l’absence de cette preuve il doit être débouté de sa demande au titre des dividendes ;
PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en appel ;
En la forme, reçoit le sieur A Aa en son appel ;
Au fond, infirme le jugement n° 1088/2003 du 18 Juillet 2003 en ce qu’il a débouté le sieur A Aa la somme de Un million huit cent mille (1 800 000 F CFA) au titre des arriérés de rémunération ;
Confirme le jugement en tous ses autres points non contraires ;
Condamne les intimés aux dépens ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre civile, les jours, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier./-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de lomé
Numéro d'arrêt : 044/09
Date de la décision : 26/03/2009

Analyses

DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES - QUALITE D'ASSOCIE - DETENTION DE PARTS SOCIALES DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES - SARL - FONCTIONS DE GERANT - REMUNEREE OU GRATUITE - ARTICLE 325 AUSCGIE - CONTRAT DE TRAVAIL - CUMUL (OUI) - COMPETENCE - TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE ET TRIBUNAL DU TRAVAIL DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES - DIVIDENDE - BENEFICE - ASSEMBLEE GENERALE - ETAT FINANCIERS DE SYNTHESE - ABSENCE DE PREUVE - ARTICLE 144 AUSCGIE - APPLICATION (NON)


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.appel.lome;arret;2009-03-26;044.09 ?
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