ARRET N°007/2000
Du 19 /05/ 2000
AffaireX Y C/ B Z
Objet: Pourvoi en cassation contre l'arrêtn°140/1998 du 04/08/1998 de la Cour d'Appel de N'Djaména
REPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
SECTION PENALE
En son audience publique tenue au siège de ladite cour, le dix neuf Mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant:
- M. MAKI ADAM ISSAKA, Président;
- M. DOLOTAN NOUDJALBAYE, Conseiller;
- Mme RUTH- YANEKO ROMBA, Conseiller;
En présence de M. ISSA SOKOYE, Avocat Général;
Avec l'assistance de Me RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier en Chef;
Statuant sur la demande en révision introduite par la Y (SDV);
Contre l'arrêt n°140/98 du 04.08.98 de la Cour d'Appel de N'Djaména;
Apres lecture du rapport de M. DOLOTAN NOUDJALBAYE, Conseiller Rapporteur;
Les observations de Mes BETEL NINGANADJI MARCEL et NELSON EKANDJE et RIBARD KLADOUM, Avocats;
Les conclusions de M. ISSA SOKOYE, Avocat Général;
Vu la loi n°006/PR/98/ du 07/08/98 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême;
Vu les mémoires ampliatifs produits ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
LA COUR
Vu les articles 403 al.4 et 404 al.2 du C.P.P. et les articles 136 et 138 du C.P.;
Attendu que la Y (SDV) demande la révision de l'arrêt n°85/98 du 16.06.98 en sa basant sur la seconde lettre du Ministre du Développement Industriel et de l'Artisanat qui affirme qu'il n'existe pas de texte spécifique organisant précisément l'exercice de la profession de commissaire aux avaries au Tchad et impartissant des obligations et conditions préalables pour son accès; alors que la première lettre sur laquelle la Cour d'Appel a fondé sa décision indique que la Y ( SDV) ne remplit pas les conditions pour l'exercice de commissaire aux avaries ; que cette seconde lettre justifie largement la survenance d'un fait nouveau depuis la décision de la Cour d'Appel permettant ainsi l'ouverture de la révision;
Attendu que la Cour d'Appel de N'Djaména, Chambre Correctionnelle, qui dans la procédure suivie contre Y TCHAD du chef d'usurpation de titre et de fonction a confirmé dans son aspect pénal le jugement déclarant Y, prise sur la personne de son représentant A Aa, coupable du délit d'usurpation de titre et de fonction, le condamne à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et cinquante mille francs d'amende ferme, le reformant quant aux intérêts civils, condamne Y, prise en la personne de A Aa, son représentant, à payer 15.000.000 F FCA à la partie civile B Z C; que pour justifier et motiver la confirmation du jugement déféré à la Cour, l'arrêt énonce que Y prétend s'être établie au Tchad depuis la nuit des temps et qu'elle est en situation régulière alors que par la lettre n°12 du 15 Janvier 1998 du Ministère de Commerce de la république du Tchad indique la Y ne remplit pas les conditions pour l'exercice de commissaire aux avaries.
Sur le premier moyen
Attendu qu'en statuant ainsi les juges de la Cour d'Appel n'ont pas assis leur décision sur une règle de droit en l'occurrence l'article 138 du Code pénal., mais ils se sont basés sur une lettre qui n'a aucun fondement juridique pour prendre une décision ; que l'usurpation de titre implique une immixtion dans une fonction ou une profession légalement réglementée. Les juges d'Appel n'ont pas cherché à connaître si la profession de commissaire aux avaries est réglementée au Tchad et que la Y en pratiquant la même profession sans titre apparent a violé les textes régissant cette profession;
Que les textes de loi, les règlements ou les normes jurisprudentielles énoncent les conditions de leur application, le juge doit constater dans sa décision que ces conditions sont remplies;
Qu'en statuant ainsi, les juges d'appel n'ont pas donné une base légale à cette partie de leur décision; qu'il s'en suit que ce moyen est pertinent et doit être accueilli.
Sur le second moyen
Attendu que, d'une part, les juges d'appel ont purement et simplement confirmé le jugement d'instance dans son aspect pénal et civil. L'arrêt confirmatif énonce que la Société Y, représentée par A Aa s'était immiscée dans les fonctions de commissaires d'avaries au Tchad aux place et lieu de la partie civile; que ni le jugement ni l'arrêt attaqué n'établit les éléments et les faits caractérisés établissement que l'immixtion a été perpétrée dans les services et les prérogatives de la partie civile; qu'un jugement ou arrêt non motivé est nul;
Que d'autre part la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être engagée que si la loi le prévoit; que l'article 138 du Code pénal est silencieux sur la question;
Qu'en entrant en condamnation pénale contre la Y (SDV), prise en la personne de son représentant A, du délit d'usurpation de titre et de fonction, les magistrats de la Cour d'Appel n'ont pas de ce chef légalement justifié leur décision et mérite de ce fait la censure.
PAR CES MOTIFS
- Casse et annule l'arrêt de la Cour d'Appel de N'Djaména en date
04.08.98 sous le numéro 140/98.
Et évoque:
- Dit qu'il n'y a pas usurpation de titre et de fonction;
- Relaxe le représentant de la Y en la personne de A
Aa pour infraction non constituée;
- Condamne B Z C à verser à la
Y la somme de 10.000.000 ( dix millions ) F CFA à titre de dommages intérêts pour tous préjudices confondus;
- Déboute la Y des autres chefs de demandes;
- Le condamne aux dépens.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, le
Rapporteur et le Greffier en Chef.