A l'audience publique ordinaire du mercredi dix neuf février deux mille
La Société BERNABE Sénégal, domiciliée à Dakar au km 2,5 Boulevard du
Centenaire de la Commune de Dakar, demanderesse, élisant domicile … l'étude de Maîtres
Doudou et Moustapha NDOYE, Avocats à la Cour ;ENTRE
1°) L'Etat du Sénégal, représenté par l'Agent Judiciaire de l'Etat, en ses bureaux au
Ministère des Finances, 10ème étage, Avenue Carde, Dakar ;
2°) La Société SENEMATEL, Société Anonyme, domiciliée au km 3, Boulevard de la
Commune de Dakar ;
Tous deux défendeurs ;
Statuant sur le pourvoi formé suivant requête enregistrée au Greffe de la Cour de cassation le 18 janvier 1993 par Maîtres Doudou et Moustapha NDOYE, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société BERNABE Sénégal, contre le jugement
n°2734 du 16 octobre 1992 rendu par le Tribunal régional Hors Classe de Dakar dans la cause l'opposant à L'Etat du Sénégal et La Société SENEMA TEL
VU le certificat attestant la consignation de l'amende de pourvoi ;
VU la signification du pourvoi aux défendeurs par exploits des 20 et 22 janvier 1993 de
Maître Bernard SAMBOU, Huissier de Justice ;
VU le mémoire en réponse présenté pour le compte de l'Etat du Sénégal et tendant au rejet du pourvoi ;
OUI, Madame Awa SOW CABA, Conseiller, en son rapport ;
OUI, Monsieur Mohamed SONKO, Avocat Général, représentant le Ministère Public, en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
VU la loi organique n°92.25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;
Attendu que l'immeuble objet du titre foncier n07255DG a été saisi sur la SENEMA TEL
S.A par la société BERNABE Sénégal et par procès-verbal en date du 15 septembre 1992, le
Tribunal Régional de Dakar, statuant en matière de criées, l'a adjugé à cette dernière pour la somme de 33.000.000 F.
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi divisé en trois branches:
Sur la première branche du moyen en ce que la Société BERNABE Sénégal reproche au juge des Criées d'avoir violé l'article 2 du décret n°70-1216 du 7 novembre 1970 en ce qu'il a
estimé que le mot domaine vise plutôt le domaine national, c'est-à-dire tous les litiges
touchant à cette propriété de l'Etat et en a déduit qu'en la matière il s'agit d'un bien privé et
que toute personne y compris l'Etat peut faire surenchère par l'intermédiaire de son
représentant qui est l'Agent Judiciaire de l'Etat alors que l'article 2 du décret précité exclut
expressément la compétence de l'Agent Judiciaire de l'Etat pour exercer les poursuites
destinées au recouvrement des créances de l'Etat liées à l'impôt et pour exercer un acte
relevant du domaine ;
Qu'elle lui reproche aussi d'avoir violé les articles 55 et 56 du même décret qui exigent l'avis d'une commission avant toute acquisition d'immeuble et celle des articles 11 et 23 du décret d'application 81-557 qui exigent l'avis de la Direction de l'Enregistrement et des Domaines et qui donnent compétence exclusive à cette direction pour dresser et passer des actes intéressant le domaine privé de l'Etat ;
Mais attendu que s'agissant de l'acquisition d'un bien immobilier à la barre des criées, c'est à bon droit que le juge des criées a énoncé que toute personne y compris l'Etat du Sénégal peut faire surenchère, par l'intermédiaire de son représentant qu'est l'Agent Judiciaire de l'Etat ;
D'où il suit que la première branche du moyen n'est pas fondée ;
Sur la deuxième branche et troisième branche du premier moyen pris de la violation de
l'article 509 du Code de Procédure Civile, des articles 23, 55 et 56 de la loi n°76-66 et 11 et 23 du décret 81-557 et de la loi n°84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l'Ordre des
Avocats en ce que le juge des criées a déclaré recevable la déclaration de surenchère faite par Maître KA YOSSI, Avocat stagiaire substituant Maître Ousmane SANE, Avocat à la Cour,
agissant au nom et pour le compte de l'Agent Judiciaire de l'Etat représentant l'Etat du
Sénégal, alors d'une part qu'il appartient à la personne qui envisage de surenchérir de faire la déclaration elle-même à moins de donner pouvoir à un avocat, pouvoir qui doit être joint à la requête et, d'autre part, que ni l'Agent Judiciaire de l'Etat, ni l'Avocat stagiaire n'étaient
habilités à faire cette déclaration de surenchère ;
Mais attendu que, d'une part, ni les dispositions de l'article 509 du Code de Procédure Civile, ni celles de la loi n°84-09 du 4 janvier 1984 n'interdisent que la déclaration de surenchère soit faite par un Avocat stagiaire ou par l'Agent Judiciaire de l'Etat, et n'exigent aucun pouvoir ou mandat spécial, et, d'autre part, le moyen tiré de la violation des articles 23, 55 et 56 de la loi 76-66 et 11 et 23 du décret 81-57 n'a pas été soumis aux juges du fond ;
D'où il suit que la deuxième et troisième branches du premier moyen ne sauraient être
accueillies ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 508 du Code de Procédure Civile et du défaut de base légale en ce que la requérante reproche à l'Etat du Sénégal de n'avoir versé
aucune somme au moment de la surenchère alors qu'aucun texte ne le dispense du versement de la somme exigée par le texte susvisé et le Juge des Criées d'avoir entaché sa décision du
défaut de base légale en ce qu'il a déclaré valable la déclaration de surenchère de l'Etat sans indiquer le texte de loi qui accorde une dispense de versement à l'Etat ;
Mais attendu qu'en retenant que le surenchérisseur, fût-il l'Etat, n'est pas obligé de verser une somme d'argent au moment de la déclaration de surenchère, la Cour d'appel, loin d'avoir
méconnu le texte invoqué, en a fait l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Rejette le pourvoi de la Société BERNABE Sénégal dirigé contre le jugement numéro 2734 rendu le 16 octobre 1992 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ordonne la confiscation de l'amende consignée ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu'il sera transcrit sur les registres du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation, Deuxième Chambre, statuant en matière Civile et Commerciale en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Mesdames et Messieurs :
Ab A, Conseiller-Doyen, Président ;
Awa SOW CABA, Conseiller-Rapporteur ;
Papa Makha NDIAYE, Conseiller ;
Mohamed SONKO, Avocat Général, représentant le Ministère Public ;
Fatou DIA BA, Greffier.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, le Conseiller-Rapporteur, le
Conseiller, et le Greffier.