Arrêt N° 09
du 18 décembre 2002
Banque Sénégalo-Tunisienne dite BST
c/
La Société Les Moulins SENTENAC
Rapporteur:
Papa Makha NDIAYE
Ministère Public:
Aminata MBAYE
Audience:
18 décembre 2002
Président:
Ibrahima GUEYE
Conseiller:
Awa Sow CABA
Matières:
Civil et Commercial
LA COUR
Oui Monsieur Papa Makha NDIAYE, Conseiller, en son rapport ;
Oui Madame Aminata MBAYE, Avocat général représentant le ministère public en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la loi organique n° 92.25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;
Attendu que, le 30 mars 1989, la Banque Mauritanienne pour le Commerce Extérieur (BMCE) a invité la Banque Sénégalo-Tunisienne (BST) à notifier à la Société Les Moulins SENTENAC, en y ajoutant sa confirmation, l'ouverture d'un crédit documentaire d'un montant de 16.800.000 F (seize millions huit cent mille francs) pour le compte des établissements Ac Ad Ab contre remise des documents à l'exportation énumérés dans l'accréditif ; que, cependant, après l'accomplissement de ses prestations et la présentation à la BST des documents justifiant ses expéditions, la société les Grands Moulins n'a pu obtenir le règlement du crédit, car, sur les instructions de la BMCE qui, eu égard aux risques que comportaient les incidents opposant le Sénégal à la Mauritanie, avait demandé, le 2 mai 1989, la mise en veilleuse du crédit documentaire et, aussi, à raison de l'ordre de geler tous les avoirs des ressortissants mauritaniens que le ministre de l'économie et des finances du Sénégal avait donnés aux établissements financiers et bancaires de ce pays, ensuite la banque émettrice ayant contesté la conformité des documents contre lesquels le paiement devait être effectué, la BST a refusé d'honorer le crédit ;
Sur le premier moyen, en sa première branche ;
Attendu que la BST fait grief à l'arrêt attaqué d'être insuffisamment motivé, en ce que la Cour d'Appel a considéré "qu'il est établi que les documents présentés à la BST par les Moulins SENTENAC sont conformes au crédit documentaire" alors qu'elle n'explique pas en quoi les documents seraient conformes au crédit documentaire ;
Mais attendu, qu'après avoir relevé que le crédit documentaire n'a pas prévu de délai de présentation des documents, rappelé que l'article 47 des règles et usances uniformes, en l'occurrence, applicable, prévoit un délai de 21 jours (vingt et un) dont le non respect peut amener les banques à refuser les documents présentés, et énoncé que la BST qui n'a pas refusé les documents qui lui ont été présentés par la société les Moulins SENTENAC et qui, les ayant reçus, ne s'est souvenue du délai de présentation de 21 jours que 3 (trois) mois après la réception, la Cour d'Appel a pu souverainement estimer que la BST est mal venue à soulever une quelconque irrégularité des documents liée au non respect de ce délai et en déduire la conformité des documents avec les conditions du crédit, justifiant légalement sa décision.
D'où il suit que le moyen en sa première branche, n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen en sa seconde branche ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu les conclusions, en ce que la Cour d'Appel a retenu que "même si les instructions contenues dans la circulaire ministérielle du 3 mai 1989 n'étaient pas levées, la BST serait tenue d'exécuter ses engagements vis à vis des Moulins SENTENAC", se bornant ainsi à affirmer que le blocage a été levé par les accords signés entre la Mauritanie et le Sénégal, alors que la BST avait soutenu tant en instance qu'en appel que les événements ayant éclaté courant avril 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal et les instructions gouvernementales qui s'en sont suivies de geler tous les avoirs des mauritaniens pouvaient être considérés comme des évènements entraînant l'interruption des activités de la BST avec sa correspondante mauritanienne, constituant des obstacles majeurs au maintien de l'engagement de la BST, alors surtout que les documents n'étaient pas conformes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le crédit documentaire met à la charge de la banque confirmatrice une obligation autonome, distincte et indépendante vis à vis du bénéficiaire, la Cour d'Appel qui a estimé que même si les instructions ministérielles étaient demeurées en vigueur, la BST n'en serait pas moins tenue vis à vis des Moulins SENTENAC, a répondu implicitement aux conclusions tendant à faire admettre que les documents prétendument irréguliers ainsi que les évènements ayant éclaté courant avril et mai 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie constituent une cause indépendante de la volonté de la banque, présentant le caractère d'un obstacle majeur au maintien de ses engagements ;
D'où il suit que le moyen en sa seconde branche, n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les règles et usances du crédit documentaire en ce que la Cour d'Appel a retenu que la BST serait tenue d'exécuter ses engagements vis à vis des Moulins SENTENAC même si les instructions contenues dans la circulaire ministérielle du 3 mai 1989 n'étaient pas levées, alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 19 de la publication n° 400, révision 1983 des règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires et auxquelles se réfère le crédit documentaire litigieux "les banques n'assurent aucune responsabilité quant aux conséquences pouvant résulter de l'interruption de leurs activités provoquée par des émeutes, troubles civils, insurrections, guerres et cas de force majeure ou toute autre cause indépendante de leur volonté, ainsi que par des grèves ou lock-out, d'autre part, sauf autorisation expresse les banques ne s'engagent à effectuer aucun paiement différé, ni n'effectueront aucun paiement, aucune acceptation ou négociation après avoir repris leurs activités, dans le cas de crédit venu à expiration au cours d'une interruption de leurs activités" ;
Mais attendu que l'article 19 des règles et usances qui écarte la responsabilité du banquier chargé de notifier l'accréditif au bénéficiaire ne reçoit application qu'en cas de notification tardive du crédit provoquée par un cas de force majeure ou toute autre cause indépendante de la volonté de celui-ci ;
Et attendu que s'agissant de la réalisation du crédit, la Cour d'Appel a exactement décidé que compte tenu de son engagement direct, personnel et autonome la BST demeure tenue vis à vis du bénéficiaire du crédit documentaire irrévocable alors que les instructions ministérielles sont toujours en vigueur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt n° 170 rendu le 26 avril 1996 par la Cour d'Appel de Dakar ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ordonne la confiscation de l'amende consignée.
Président : Ibrahima GUEYE ; Conseiller - Rapporteur : Papa Makha NDIAYE ; Conseiller : Madame Awa Sow CABA ; Avocat général : Madame Aminata MBAYE ; Avocats : Aa B et Associés ; Ae A A.