ARRET N° 106
Du 17 juillet 2002
Aa B
Maître Abdou Khaly DIOP
C/
SGBS - Ayants-droit de feu Omaïs BADAOUI
RAPPORTEUR:
Nicole DIA
MINISTERE PUBLIC:
Mohamed SONKO
AUDIENCE:
17 juillet 2002
PRESIDENT:
Nicole DIA
CONSEILLERS:
Ab X
ET
Kaïré FALL
GREFFIER:
Ae Ad Ac Af A
C:
Civile et commerciale
A l'audience publique ordinaire du mercredi dix sept juillet deux mille deux
LA COUR :
OUI, Madame Nicole DIA, Président de Chambre, en son rapport ;
OUI, Monsieur Mohamed SONKO, Avocat Général, représentant le Ministère Public, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
VU la loi organique n° 92.25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la Société Générale de Banques au Sénégal que sur le pourvoi principal formé par Aa B ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le sieur Aa B avait signé le 12 décembre 1984 avec la SGBS un contrat d'ouverture de crédit portant sur la somme de 70.000.000 F remboursable en 59 mensualités d'environ 1.738.226 F chacune, devant servir au financement du rachat d'un fonds de boulangerie dénommé "Le Bruxelles" ; que pour garantir ce financement, Aa B a signé au profit de la SGBS le 13 décembre 1984, deux actes de nantissement de fonds de commer étendus au matériel à hauteur de 50.000.000 F pour la boulangerie de l'Islam et à hauteur de 70.000.000 F pour la boulangerie le Bruxelles ; que B ayant arrêté de payer les mensualités convenues, la SGBS lui servit une assignation le 11 décembre 1987 en vue de la réalisation de sa garantie ; que B répliqua en agissant la SGBS et les héritiers de Omaïs BADAOUI en annulation des contrats de vente et du prêt ;
Attendu que par l'arrêt déféré, la Cour d'appel a confirmé le jugement du Tribunal Régional de Dakar du 21 mai 1988 en ce qu'il a déclaré nulle la vente du fonds de commerce "Le Bruxelles" par application de la loi 77-85 du 10 août 1977, et en conséquence de nul effet le nantissement sur ledit fonds de commerce consenti par Aa B, débouté ce dernier de sa demande en annulation du prêt ; a infirmé ledit jugement en ce qu'il a ordonné la vente du fonds de commerce "Boulangerie de l'Islam", et par réformation annulé le nantissement consenti sur ledit fonds de commerce ;
Sur le pourvoi principal ;
Sur le premier moyen pris de la dénaturation et de la mauvaise qualification des faits en ce la Cour d'appel a d'une part, dans ses relations des faits de la cause, procédé par des affirmations tout à fait erronés en déclarant "qu'il n'est pas discuté que Aa B avait signé le 12 décembre 1984 avec la SGBS un contrat d'ouverture de crédit portant sur la somme de 70.000.000 F..." alors que cela est radicalement contesté par le sieur B et d'avoir affirmé que celui-ci, avait, la veille de la "convention de crédit", donné par écrit un ordre de virement de la somme sus-indiquée au profit de Monsieur BADAOUI Omaïs" alors qu'aussi bien la vente que le crédit étaient encore à l'état de projet et qu'il n'a jamais été question, comme l'affirme la Cour, pour B d'arrêter ou même de commencer quelque paiement que ce soit, d'autre part, scindé les contrats de vente et de prêt qui étaient indivisibles et indissociables " ;
Mais attendu qu'un grief de dénaturation ne saurait porter sur l'interprétation d'un fait matériel et que les juges du fond apprécient souverainement lesdits faits ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen pris de la contrariété de motifs en ce que le juge d'appel a fait application de la théorie de l'accessoire, pour déclarer nulle et de nul effet les actes de nantissement de fonds de commerce garantissant la vente nulle, alors qu'il n'a pas fait utilisation de la même théorie pour prononcer la nullité du prêt qui tire sa substance et trouve sa raison d'être dans la vente du fonds de commerce déclarée nulle ;
Mais attendu que le grief de contradiction de motifs n'est recevable que si la contradiction alléguée existe entre des motifs de fait, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de l'article 77 du Code des Obligations Civiles et Commerciales et de l'insuffisance de motifs ;
Mais attendu que le moyen est rédigé de telle façon qu'il est impossible de savoir ce qui est reproché à la décision attaquée ; qu'il ne peut donc qu'être déclaré irrecevable ;
Sur le pourvoi incident ;
Sur le premier moyen pris de la violation de l'article 395 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, de la loi 77-85 du 10 août 1977 et de l'article 95 du Code des Obligations Civiles et Commerciales en ce que la Cour d'appel, d'une part, a considéré que Aa B n'est pas inscrit au registre du commerce sous les enseignes "Boulangerie de l'Islam" et "Le Bruxelles" pour en tirer un motif d'annulation de la vente du fonds de commerce alors que ni l'article 395 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, ni aucune des dispositions qui n'a pas été passée par écrit, d'autre part, a ajouté au texte de la loi 77-85 du 10 août 1977 en considérant que cette loi est destinée à protéger l'ordre public économique et qu'en l'absence d'une autorisation administrative préalable, toute transaction relative à un fond de commerce est nulle de plein droit alors que ladite loi n'est pas d'ordre public ;
Mais attendu que si en vertu de l'article 395 du Code des Obligations Civiles et Commerciales la vente de fonds de commerce se forme et se prouve librement, la loi 77-85 du 10 août 1977 dont le rapport de présentation précise "qu'il est indispensable de soumettre à autorisation préalable les transactions immobilières les plus importantes dans le double souci de protection économique et d'équilibre social", dispose expressément en son article premier "pour être valable certaines transactions portant sur les immeubles ou des fonds de commerce doivent être préalablement autorisés" ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen pris d'un manque de base légale, de la contrariété de motifs, de la violation des articles 851, 852, 872 et suivants du Code des Obligations Civiles et Commerciales en ce que la Cour d'appel a considéré que la vente pour laquelle les nantissements avaient été pris ayant été déclarée nulle, il va de soi que les nantissements doivent en conséquence être déclarés nuls alors que la SGBS est tout à fait étrangère à l'opération commerciale de vente entre feu Omaïs BADAOUI et le sieur Aa B et que les nantissements dont dispose la banque n'ont pas été pris en raison de la vente mais plutôt en raison du contrat de prêt dont ils forment l'accessoire et la garantie ;
Attendu que pour annuler le nantissement consenti sur le fonds de commerce "Boulangerie de l'Islam", la Cour d'appel énonce que "le nantissement est une sûreté mobilière qui doit, en tant qu'accessoire suivre le sort de l'acte principal qui lui sert de fondement ; que la vente pour laquelle les nantissements avaient été pris été déclarée nulle, il va de soi que les nantissements doivent en conséquence être déclaré nuls" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le nantissement de "la Boulangerie de l'Islam" consenti pour garantir le prêt accordé à Aa B par la SGBS porte sur un bien dont B est propriétaire, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi principal formé par Aa B ;
Sur le pourvoi incident, casse et annule l'arrêt mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement en sa disposition ordonnant la vente du fonds de commerce "Boulangerie de l'Islam" et en ce qu'il a annulé le nantissement consenti sur ledit fonds ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel autrement composée ;
Condamne Aa B aux dépens ;
Ordonne la restitution de l'amende consignée ;