Arrêt N° 32 H.D.
Du 13 mars 2002
SEGECA
C/
Y X B
RAPPORTEUR:
Renée BARO
MINISTERE PUBLIC:
Mohamed SONKO
AUDIENCE:
13 mars 2002
PRESIDENT:
Renée BARO
CONSEILLERS:
Aa A
Et
Awa Sow CABA
MATIERE:
Sociale
LA COUR :
Oui Madame Renée BARO, Président de Chambre, en son rapport ;
Oui Monsieur Mohamed SONKO, Avocat Général représentant le Ministère Public, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux premiers moyens tirés de la violation des articles L 216 et 217 du code du travail ;
Attendu que selon l'arrêt attaqué, la dame Y X B, engagée le 31 mars 1989 par la SEGECA en qualité de cadre, puis désignée le 7 mai 1990 comme déléguée du personnel avant d'être licenciée par lettre du 1er juin 1995, fit attraire l'ex-employeur devant le juge social pour entendre ordonner sa réintégration et la condamnation de la SEGECA à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement abusif et diverses autres indemnités ;
Que le premier juge ayant déclaré le licenciement nul et de nul effet et condamné la SEGECA à payer à l'employée des dommages et intérêts pour licenciement abusif, de même que 20 mois de salaires échus et une indemnité représentant le salaire du 13ème mois, la Cour d'Appel par l'arrêt attaqué a infirmé partiellement le jugement de première instance et condamné la SEGECA à payer, outre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, des indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité représentant le salaire du 13ème mois ;
Attendu que la demanderesse reproche à l'arrêt attaqué d'avoir violé les articles susvisés en ce qu'il a considéré que l'employée bénéficiait de la protection légale accordée au délégué du personnel pendant la période comprise entre la fin de son mandat et l'expiration des trois mois suivant le nouveau scrutin, alors qu'à la fin de son mandat, le 8 mai 1993, soit plus de deux ans avant son licenciement, l'employée s'est abstenue de saisir l'Inspecteur du Travail au cas où elle aurait estimé qu'il y avait violation des dispositions régissant la matière ; que par ailleurs à la date du 7 avril 1995 la SEGECA ne remplissait plus les conditions requises par la loi s'agissant d'élection de délégué du personnel ; que d'autre part, le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que la dame DIOP bénéficiait de la protection légale accordée au délégué du personnel, et de lui avoir alloué des dommages et intérêts en s'abstenant de faire application de l'article L 217, aux termes duquel, "en cas de licenciement nul, le délégué du personnel est réintégré d'office, avec paiement d'une indemnité égale au salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé" ;
Attendu que la protection légale prévue par l'article L 216 du Code du Travail qui est d'ailleurs la reproduction intégrale de l'article 188 de l'ancien Code du Travail, en vigueur au moment des faits, ne s'applique qu'aux candidats aux fonctions de délégué du personnel, pendant la période comprise entre la date de remise des listes au chef d'établissement et celle du scrutin ainsi qu'aux délégués sortants pendant la période comprise entre la fin de leur mandat et l'expiration des trois mois suivant le nouveau scrutin ;
Attenduqu'en l'espèce il est constant que la dame DIOP ne se trouvait dans aucun des deux ans précités et qu'en admettant même que son mandat ait été tacite:ment prorogé après le 8 mai 1993, dans la mesure où l'employeur avait négligé d'organiser un nouveau scrutin, il est certain que du fait de la modification intervenue dans la composition du personnel de la SEGECA limitée à 10 employés à compter du 7 avril 1995, l'organisation de nouvelles élections ne s'imposait plus ; d'où il suit que la dame DIOP¿qui avait perdu sa qualité de déléguée du personnel, ne pouvait plus bénéficier de la protection légale invoquée et ce, pour compter du 7 avril 1995 ;
Attendu qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont méconnu le sens et la portée des articles invoqués aux moyens ; que toutefois la Cour d'Appel ayant en définitive écarté l'application de ces textes et confirmé le jugement déféré en ce qu'il a considéré le licenciement de la dame DIOP comme abusif, il en résulte que les moyens soulevés par la SEGECA sont inopérants ;
Sur le troisième moyentiré du manque de base légale et insuffisance de motifs
Attendu que les décisions de justice doivent être motivées et que cette motivation doit être suffisante et explicite ;
Attendu que la SEGECA reproche à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à l'employée une indemnité correspondant au 13ème mois, en énonçant simplement que ce 13ème mois est reconnu aux travailleurs du secteur bancaire, alors que la question posée était de savoir si la requérante avait ou non rapporté la preuve dudit paiement, preuve que la demanderesse soutient avoir rapportée comme en fait foi le bulletin de paie produit aux débats ;
Attenduqu'en l'espèce, la Cour d'Appel, qui sans faire la moindre référence aux pièces versées au dossier par la SEGECA, a fait droit à la demande de la dame DIOP, a rendu sur ce point une décision insuffisamment motivée qui mérite cassation ;
Sur le quatrième moyen tiré de la dénaturation des faits ;
Attendu que la demanderesse reproche à la Cour d'Appel d'avoir dénaturé les faits en ce qu'elle s'est fondée uniquement sur la demande d'explication adressée le 7 avril 1995 à l'employée, pour décider que cette dernière avait répondu au fait à elle reproché d'un refus de réponse contenu dans la lettre de licenciement, alors que dans cette lettre il lui était fait grief d'avoir refusé de répondre à la demande d'explications du 21 avril 1995 et que précisément c'est parce que l'employée a refusé de répondre à cette lettre du 21 avril 1995 qu'elle a été licenciée ;
Mais attendu qu'il y a lieu de noter que la lettre de licenciement n'est pas versée au dossier, que toutefois il est constant que dans cette lettre il a été retenu contre la dame DIOP le fait d'avoir refusé de répondre à une demande d'explication relative à la destination du prêt octroyé pour l'achat d'un véhicule ;
Qu'il est également constant que dans la lettre du 21 avril 1995 l'employeur informait la dame DIOP d'une mesure de mise à pied la concernant, pour défaut de réponse à la lettre du 7 avril 1995 et réitérait la même question ;
Que compte tenu de ces faits, dans le cadre de leur pouvoir souverain d'appréciation, les juges d'appel ont pu, sans dénaturer les faits, considérer que le refus de réponse à la demande d'explication relative à la destination du prêt, faute qui au demeurant sans avoir été établie, avait été déjà sanctionnée par une mise à pied, ne pouvait plus faire l'objet d'une deuxième sanction ;
Qu'il échet en conséquence de rejeter le moyen comme mal fondé ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l'arrêt attaqué n° 308 rendu le 12 août 1999 par la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Dakar mais uniquement en ce qu'il a condamné la SEGECA à payer à la dame DIOP une indemnité correspondant au 13ème mois.
Président - Rapporteur : Renée BARO ; Les Conseillers : Aa A et Awa Sow CABA ; Avocat Général : Mohamed SONKO ; Avocats : Maîtres Ac Ad C, Ab Ae C.