A l'audience publique ordinaire du mercredi vingt deux mars deux mille; Mmes et MM. Ac A et autres ex-agents de l'ex -OPTS demeurant à Dakar et autres localités du Sénégal ; mais ayant tous élu domicile aux études de Mes MBaye DIENG ET Yérim THIAM , avocats à la Cour respectivement aux n°s 30 et 68 rue Ab Z,
la SONATEL, sise à Dakar, 6, rue Ab Z, mais ayant élu domicile aux études de
Mes LO et KAMARA, Issa SAYEGH et Guéde1 NDIAYE, avocats à la Cour à DAKAR ; VU la déclaration de pourvoi présentée par Me MBaye DIENG, Avocat à la Cour,
agissant au nom et pour le compte de Ac A et autres ;
LADITE déclaration enregistrée au greffe de la Troisième Chambre de la Cour de Cassation le 14 août 1997 et tendant à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt n°339 en date du 31 juillet 1996 par
lequel la Cour d'Appel a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CE FAISANT, attendu que l'arrêt attaqué a été pris en violation de la loi:
- dénaturation des termes du litige ;
- Violation des articles 4 de la loi n°85-36 du 23 juillet 1985 et 1er du code du travail ;
- défaut de base légale et erreur de droit ;
VU l'arrêt attaqué ;
VU les pièces produites et jointes au dossier ;
VU la lettre du greffe en date du 14 août 1997 portant notification de la déclaration de pourvoi au défendeur ;
VU le mémoire en défense produit pour le compte de la Société Nationale des télécommunications
Ledit mémoire enregistré au greffe de la Cour de Cassation le 6 octobre 1997 et tendant au rejet du pourvoi ;
VU le code du Travail ;
VU la loi organique n°92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de Cassation ;
OUI Madame Renée BARO, Président de Chambre, en son rapport ;
OUI les parties en leurs observations orales ;
OUI Monsieur Af Ad Y, Auditeur, représentant le Ministère Public, en ses conclusions ; APRES en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le 1er moyen tiré de la dénaturation des termes du litige-
ATTENDU qu'il apparaît tant des énonciations de l'arrêt attaqué que de celles du jugement déféré, qu'en 1994 Ac A et 133 autres, tous ex-agents de l'O.P.T, de l'ex-Télé Sénégal et de la SONATEL, firent attraire cette dernière société par-devant le juge social afin d'obtenir le paiement d'une prime d'ancienneté pour toutes les périodes acquises au service de l'O.P.T, de l'ex-Télé
Sénégal et de la SONATEL et le paiement d'une indemnité de départ à la retraite ; que les
demandeurs exposaient qu'ils étaient tous des agents recrutés par la Fonction Publique pour être
affectés à l''O.P.T et qu'à ce titre ils étaient régis par le statut de la Fonction Publique ;
Que certains d'entre eux étaient passés au service de l'ex-Télé Sénégal mais qu'avec l'avènement de la loi n°85-36 de juillet 1985 portant création de la SONATEL en remplacement de Aa Ae, tous les fonctionnaires de cette société et de l'ex -O.P.T avaient rejoint la nouvelle société et qu'ils ne pouvaient dès lors être considérés comme des fonctionnaires en vertu de la loi qui précise que
tous les agents affectés par 1'O.P.T à la gestion des Communications sont pris en charge par la
Société Nationale des Télécommunications ; qu'ils demeurent régis par le règlement
d'établissement ou le Statut Général de la Fonction Publique jusqu'à l'entrée en vigueur d'un accord d'établissement applicable à l'ensemble du personnel de la SONATEL ;
Que cet accord d'établissement intervenu en 1990 prévoyant, en faveur du personnel, une prime
d'ancienneté et une indemnité de départ à la retraite, les demandeurs en concluaient que la décision leur refusant le bénéfice de ces avantages n'était pas justifiée ;
Que le tribunal du Travail donna gain de cause aux travailleurs mais l'arrêt attaqué infirmant cette décision considéra que les intéressés avaient conservé leur qualité de fonctionnaires nonobstant la mise en place de l'accord d'établissement de la SONATEL et dit en conséquence que le juge social était incompétent ratione materiae, pour connaître de cette action ;
ATTENDU que les demandeurs reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir méconnu les termes du litige en ce que pour rejeter leurs demandes, sans faire référence aux conclusions des parties, il s'est
essentiellement fondé sur l'accord d'établissement prévu par l'article 4 de la loi n°85-36 du 23
juillet 1985 et a indiqué que l'objet de cet accord tel que précisé par l'article 91 du Code du Travail ne concerne pas la modification du régime juridique applicable aux travailleurs à régir, alors que le principal argument de ces derniers a toujours été qu'ils ont été versés dans l'ensemble harmonisé
des travailleurs de la SONATEL de par la loi de 1985 et devaient être régis par le droit du travail
dès l'avènement de l'accord d'établissement, étant entendu que l'intégration des agents au sein de la SONATEL découle de l'article 4 de la loi précitée et que l'accord d'établissement marque
simplement le point de départ de cette intégration ;
MAIS ATTENDU que la question étant celle de savoir si les demandeurs avaient ou non changé de Statut de par la loi relative à la SONATEL, les juges du fond qui ont répondu par la négative en se fondant sur l'accord d'établissement dont ils ont rappelé l'objet au regard de l'article 91 du Code du Travail, ont implicitement mais nécessairement admis au préalable qu'aucune disposition de la loi de 1985 n'apportait de modification au régime juridique des fonctionnaires de l'ex -O.P.T mis
désormais à la disposition de la SONATEL ; qu'en effet dans le cas contraire, toute référence audit accord aurait été manifestement inutile ;
-D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le 2ème moyen tiré de la violation de la loi
ATTENDU que le moyen reproche à la Cour d'Appel d'avoir violé l'article 4 de la loi n° 83-36 du 23 juillet 1985 et l'article 1er du Code du Travail en ce qu'elle a considéré que les demandeurs
étaient des fonctionnaires en position de détachement consécutivement à l'entrée en vigueur de la loi de 1985 mettant à la disposition de la SONATEL les fonctionnaires de l'ex -OPT et que par
conséquent c'est à tort que le Tribunal du Travail s'était déclaré compétent pour connaître de leur
action alors que la loi de 1985, en son article 4, dispose: « Les agents affectés par l'ex -OPT à la
gestion des télécommunications sont pris en charge par la SONATEL .…. Ils demeurent régis par le règlement d'établissement de l'OPT ou le Statut Général de la Fonction Publique jusqu'à l'entrée en vigueur d'un accord d'établissement applicable à l'ensemble du personnel de la SONATEL. »
MAIS ATTENDU que la loi n°72-80 du 26 juillet 1972 fixant le régime général applicable au
personnel des établissements publics à caractère industriel et commercial dispose en son article 2, 5è que ses dispositions s'appliquent notamment aux fonctionnaires de l'OPT en service dans ces
établissements, ces agents devant demeurer régis par leur statut particulier ;que l'article 3 de la
même loi précise cependant que ces agents seront constitués en corps d'extinction mais qu'ils
pourront dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, opter entre le
nouveau régime ou leur statut d'origine ;
Que le décret n°76-122 du 30 février 1976 portant règlement général d'application de la loi de 1972 précise que les fonctionnaires de l'OPT qui n'auront pas renoncé à leur statut dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur du présent décret demeureront régis par leur statut particulier
consécutivement à la constitution en corps d'extinction;
Que le décret 78-729 du 26 juillet 1978 a prorogé ce délai d'une nouvelle période d'un an ;
qu'enfin le maintien de la qualité de fonctionnaires des agents n'ayant pas opté, a été réaffirmé à
travers les décrets n°s 78-235 bis du 14 mars 1970 et 83-1060 du 1er octobre 1983 ;
ATTENDU que la loi n°85-36 du 23 juillet 1985 relative à la SONATEL n'abroge ni expressément ni implicitement ces textes comme l'ont très justement estimé les juges du fond qui, pour conforter leur position, se sont référés à l'article 1er de l'accord d'établissement de 1990 qui, énumérant les
agents auxquels s'applique ledit accord, vise« les fonctionnaires en position de détachement régis par la loi du 15 juin 1961 relative au Statut des fonctionnaires et le Décret n°78-235 bis du 14 mars 1978 portant statut particulier du cadre des fonctionnaires des PTT, modifié par le décret n°83-160 du 1er octobre 1983» ;
-D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'Appel n'a nullement violé la n° 85-36 du 23 juillet 1985 ;
SUR le 3ème moyen tiré du défaut de base lé2ale et d'une erreur de droit ;
Sur la 1ère branche
ATTENDU que les demandeurs reprochent à l'arrêt attaqué de leur avoir dénié le droit aux
indemnités réclamées en procédant à l'analyse des cinq points suivants :
- L'article 1er de l'accord d'établissement portant champ d'application et faisant référence aux
«fonctionnaires en détachement. »
- Deux arrêts de la Cour suprême rendus respectivement le 16 avril et le 5 juillet 1989 ;
- Les dispositions transitoires de l'accord d'établissement-
- Les bulletins de solde des 6 derniers mois d'agents retraités-
- Les décrets et arrêtés portant admission à la retraite de certains agents, alors que la mention de
leur prétendu qualité de fonctionnaires en détachement dans le texte de l'accord de 1990 ne
suffisait pas pour leur maintenir cette qualité ; que les arrêts susvisés de la Cour suprême ont été
rendus en 1989 soit à une date antérieure à celle à laquelle les travailleurs concernés pouvaient
bénéficier des avantages prévus par l'accord d'établissement du 1er octobre 1990 ; que les
dispositions transitoires de cet accord comportent« les règles d'intégration du personnel en service à la date de la signature des accords dans la nouvelle grille des salaires» lesquelles s'appliquent à
tous les agents définis à l'article 1er portant« Champ d'application de l'accord. » ; que les bulletins de solde des 6 derniers mois d'agents qui ne sont plus en activité contiennent à la fois des éléments constitutifs de la somme globale de tout fonctionnaire et des éléments de paie insusceptibles de se trouver dans la solde d'un fonctionnaire ; qu'enfin si la carrière des requérants est gérée par des
décrets et des arrêtés alors que pour les autres agents de la SONATEL ces actes de gestion relèvent de la compétence exclusive du Directeur Général de ladite société, cette situation manifestement
illégale ne saurait créer un droit ;
MAIS ATTENDU que si le texte de l'accord de 1990 précise qu'il s'applique aux fonctionnaires
détachés et notamment à ceux régis par les textes portant statut particulier du cadre des
fonctionnaires des PTT, cette disposition s'explique par le fait que les agents intéressés n'ont
nullement changé de statut du fait de l'intervention de la loi de 1985 et précisément cette loi ne
permet d'apporter aucune modification au classement du personnel de l'OPT en 3 catégories
distinctes tel qu'établi par la Cour suprême dans l'arrêt n°79 rendu le 5 juillet 1989 dans l'affaire
opposant l'OPT à Ah X et autres ;
SUR les 3 derniers points-
ATTENDU que les dispositions transitoires de l'accord fixant les conditions d'intégration dans les nouvelles grilles de salaire ne concernent que les agents classés dans des catégories
professionnelles ce qui exclut ipso facto les fonctionnaires ; qu'enfin au vu des bulletins de solde produits au dossier il apparaît que ces documents comportent tous les éléments constitutifs de la
solde du fonctionnaire et mentionnent en outre les retenues obligatoires, en particulier la cotisation au FNR, ce qui ne pourrait pas être le cas si les agents concernés n'étaient pas des fonctionnaires ; Que dans ces conditions les juges du fond ont à juste titre admis que la carrière de ces agents était gérée par les autorités administratives seules détentrices du pouvoir réglementaire en matière de
gestion de carrière des fonctionnaires ;
Sur la 2ème branche du moyen-
ATTENDU que les demandeurs font grief à la Cour d'appel d'avoir considéré qu'ils étaient des
fonctionnaires en position de détachement consécutivement à l'entrée en vigueur de la loi de 1985 alors que ni ce texte ni d'ailleurs aucun texte législatif ou réglementaire ne consacre ce
détachement ;
MAIS ATTENDU que si les fonctionnaires régis par le statut particulier de l'OPT et constitués en corps en voie d'extinction lorsqu'ils n'ont pas renoncé à leur statut dans le délai qui leur était
imparti, constituent une catégorie d'agents différente de celle des fonctionnaires détachés auprès de l'OPT, néanmoins la confusion faite par la Cour sur ce point est sans influence aucune sur la
solution qu'elle a apportée au litige ;
D'où il suit que le 3ème moyen doit être rejeté comme les précédents ;
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt n°339 rendu le 31 juillet 1996 par la
Chambre sociale de la Cour d'appel de DAKAR ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Troisième
Chambre, statuant en matière sociale, en son audience publique ordinaire des jour, mois et an que dessus à laquelle siégeaient :
Mme Renée BARO, Président de Chambre, Rapporteur ;
M. Maïssa DIOUF,
Mme Awa Sow CABA, Conseillers ;
En présence de Monsieur Af Y , Auditeur, représentant le Ministère Public et avec
l'assistance de Me Abdou Razakh DABO, Greffier ;
ET ont signé le présent arrêt le Président-Rapporteur, les Conseillers et le
Greffier.
articles 4 de la loi n°85-36 du 23 juillet 1985
articles 1”, 91 du Code du Travail
loi n°72-80 du 26 juillet 1972 fixant le régime général applicable au personnel des établissements publics à caractère industriel et
commercial
décret n°76-122 du 30 février 1976 portant règlement général d'application de la loi de 1972
décret et 83-1060 du 1er octobre 1983
Décret n°78-235 bis du 14 mars 1978