A l'audience publique du mercredi dix neuf janvier deux mille ;ENTETE
Le Centre d'Information et de Documentation publicitaire dit CIDOP dont le siège est à Dakar - 7, rue Parchappe, élisant domicile … l'étude de Me Yérim Thiam, avocat à la
Cour ;
DEMANDEUR,
Le sieur Aj Ac, employé au CIDOP, demeurant à Dakar, Avenue Lamine Guèye,
Ai Ag, élisant domicile … l'étude de Me Yérim Thiam, avocat à la Cour ;
DEMANDEUR ;
Le sieur Ah Ab, employé à l'Hôtel Novotel à Dakar, ès-qualité de sa fille
Ad Ae Ab ;
X ;
STATUANT sur les pourvois formés suivant requêtes enregistrées au greffe de la Cour de Cassation le 23 mai 1990 par la CIDOP d'une part et Aj Ac d'autre part,
ayant tous deux pour conseils Mes Doudou et Yérim Thiam contre l'arrêt n° 254 rendu le 22 février 1990 par la Cour d'appel de Dakar dans le litige les opposant à Ah Ab ès-
qualité de sa fille Ad Ae Ab ;
VU les certificats attestant la consignation des amendes de pourvois ;
VU la signification des pourvois au défendeur par exploits du 31 mai 1990 de Me Yacine
Ndoye, huissier de justice ;
OUI Madame Célina CISSE, Conseiller, en son rapport ;
OUI Monsieur Cheikh Tidiane FAYE, Avocat général, en ses conclusions ;
APRES en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de Cassation ;
Vu l'ordonnance n° 60-17 du 3 septembre 1960 portant loi organique sur la Cour suprême ; Joignant le pourvoi n° 12390 formé par la CIDOP et le pourvoi n° 12590 formé par Aj Ac qui attaquent le même arrêt ;
1 ° - Sur le pourvoi du CIDOP :
Sur le 1er moyen tiré de la violation de l'article 119 du Code des obligations civiles et
commerciales et de l'insuffisance de motifs en ce que la Cour d'appel a retenu la
responsabilité du CIDOP aux motifs que «celui-ci qui est la société éditrice du dépliant
touristique a, au même titre que Ac, engagé sa responsabilité pour n'avoir pas pris toutes
les précautions pour savoir, avant de procéder à la publication, si les autorisations en bonne et due forme ont été obtenues» alors que d'une part, selon une jurisprudence constante, l'éditeur d'une photographie n'a pas l'obligation de vérifier si les autorisations du modèle ont été
obtenues lorsque comme en l'espèce, la photographie a été remise par une agence spécialisée, d'autre part, pour permettre à la Cour suprême d'exercer son contrôle, la Cour d'appel aurait
dû expliquer les raisons pour lesquelles elle a écarté la règle jurisprudentielle invoquée ;
MAIS ATTENDU que la Cour d'appel ayant considéré «qu'en tout état de cause, le CIDOP
qui prend sur lui de sortir la plaquette publicitaire se devait, en tant que société de publicité, de s'assurer de toutes les garanties nécessaires et que ne l'ayant pas fait, il a commis une faute caractérisée », a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen est mal fondé ;
Sur le 2é moyen tiré de la violation de l'article 49 in fine et de l'insuffisance de motifs en ce
que la Cour d'appel d'une part, a déclaré que le Cidop a commis une faute à l'égard des parents alors que l'assignation a été faite sur la base de la faute qui aurait été commise à l'égard de la jeune Ad Ae Ab, modifiant ainsi la cause de la demande, d'autre part, a condamné le Cidop à payer des dommages intérêts à Ad Ae Ab, sans avoir constaté
l'existence d'une faute à son égard ;
MAIS ATTENDU que la responsabilité du Cidop étant fondée sur la faute, et celle-ci ayant
été retenue par la Cour d'appel, les griefs du moyen sont inopérants ;
Sur le 3é moyen tiré de l'insuffisance de motifs en ce que pour évaluer le préjudice de la
victime à 5 000000 F, la Cour d'appel se borne à affirmer sans le démontrer que la plaquette publicitaire litigieuse a fait l'objet d'un grand tirage et qu'il est indéniable que la victime a subi un énorme préjudice ;
MAIS ATTENDU qu'en énonçant «que la photographie d'une jeune fille figurant en bonne
place dans un grand tirage fait du dépliant touristique lui cause un énorme préjudice, d'autant plus qu'il est vendu à travers tout le Sénégal, et même ailleurs, et exposé à tous les hôtels et
autres endroits similaires; que ce seul fait peut laisser croire que les parents ont laissé faire à des fins purement mercantiles, alors qu'il n'en est rien; que le contraire, en tous cas, n'a pas été démontré, ni même soutenu … », la Cour d'appel a suffisamment motivé sa décision ;
D'où il suit que le moyen est mal fondé ;
2° - Sur le pourvoi de Aj Ac :
Sur le 1er moyen pris de l'insuffisance de motifs et de la violation de l'article 119 du Code des obligations civiles et commerciales en ce que pour déclarer Aj Ac responsable, la
Cour d'appel énonce que« c'est bien Ac qui est à l'origine de l'usage irrégulier, sans
autorisation des parents, de la photo de la jeune fille à la société Publitam ; qu'il' n'a d'ailleurs pas cru devoir appeler dans la cause, pour l'entendre déclarer éventuellement responsable
alors qu'il faisait cette remise à titre de publicité commerciale … » alors que d'autre part, il ne résulte ni des pièces du dossier, ni des pièces visées par les conclusions des parties, que
Ac ait remis la photographie à son employeur à titre de publicité commerciale, d'autre
part, aucun texte, aucune règle jurisprudentielle ne subordonne à l'autorisation par un employé à son employeur surtout lorsque comme en l'espèce, l'employé ignorait l'utilisation
commerciale que l'employeur voulait en faire ;
MAIS ATTENDU que par l'énonciation relevée dans le moyen, la Cour d'appel a
suffisamment motivé sa décision quant à la faute et à la responsabilité de Ac ;
D'où il suit que le moyen est mal fondé ;
Sur le 2é moyen tiré de l'insuffisance de motifs en ce que pour évaluer le préjudice de la
victime à 5 000 000 F, la Cour d'appel se contente d'affirmer sans le prouver «qu'il est
indéniable que la photographie d'une jeune fille figurant en bonne place dans un grand tirage fait du dépliant touristique, lui cause un énorme préjudice» ;
MAIS ATTENDU qu'il a été répondu à ce moyen sous le troisième moyen du pourvoi du
REJETTE les pourvois du CIDOP et de Aj Ac ;
CONDAMNE les demandeurs aux dépens ;
DIT que le présent arrêt sera imprimé; qu'il sera transcrit sur les registres de la Cour d'appel, en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
AINSI fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, deuxième chambre statuant en matière civile et commerciale, en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Mesdames et Messieurs:
Nicole DIA, Président de chambre, Président ;
Célina CISSE, Conseiller-Rapporteur ;
El Hadji Mansour TALL, Conseiller;
Cheikh Tidiane FAYE, Avocat général ; Ousmane SARR, Greffier.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, le Conseiller-Rapporteur, le
Conseiller et le Greffier.