Caisse de Sécurité Sociale
C/
MM. Ab A et 31 autres ex-employés de la C.S.S
MAUVAISE COMPRÉHENSION DE LA NOTION DES AVANTAGES ACQUIS -NON- JUGES DU FOND SONT SOUVERAINS POUR APPRÉCIER SI L'ÂGE DE LA RETRAITE À 60 ANS EST UN AVANTAGE OU NON. VIOLATION DU PRINCIPE DE LA NON-RÉTROACTIVITÉ DES LOIS- NON- DÈS LORSQU'UNE LOI DISPOSE QUE LES TRAVAILEURS CONTINUENT À BÉNÉFICIER JUSQU'À EXPIRATION DES CONTRATS EN COURS, DES AVANTAGES CONSENTIS PAR LESDITS CONTRATS ET QUI SONT SUPÉRIEURS À CEUX QUI LEUR RECONNAÎT LA NOUVELLE LÉGISLATION. -INSUFFISANCE DES MOTIFS NON SOULÈVE D'OFFICE: VIOLATION DE L'ARTICLE 51 ALINÉA 5 DU CODE DU TRAVAIL. (OUI)- DOMMAGES ET INTÉRÊTS: MONTANT DOIT ÊTRE FIXÉ COMPTE TENU DE TOUS LES ÉLÉMENTS QUI PEUVENT JUSTIFIER L'EXISTENCE ET L'ÉTENDUE DU PRÉJUDICE CAUSÉ.
Des employés de la Caisse de Sécurité Sociale ont été incités à faire valoir leurs droits à la retraite à 55 ans en application des deux décrets pris en 76 et 80 soutenant avoir été recrutés sous l'empire de la Convention Collective du 19/07/1958 aux termes de laquelle l'âge de la retraite était fixé à 60 ans firent attraire leur ex employeur devant le juge social afin d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Ils obtinrent gain de cause en 1er instance et en appel.
Chambre sociale
ARRET N° 77 DU 17 SEPTEMBRE 1999
LA COUR:
OUI madame Renée BARO, Président de Chambre, en son rapport ;
OUI Monsieur Birame DIENG, Premier Avocat Général, représentant le Ministère Public en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur les moyens réunis tirés d'une mauvaise compréhension de la notion des avantages acquis, de la violation du principe de la non-rétroactivité des lois et d'une insuffisance de motifs;
ATTENDU que selon l'arrêt attaqué, Ab A et 31 autres, tous employés de la Caisse de Sécurité Sociale ont été invités à faire valoir leurs droits à la retraite à 55 ans et ce, en application du décret ,0 80-353 du 10 avril 1980 portant règlement d'établissement de la Caisse de Sécurité Sociale qui renvoie au décret n° 122 du 3 février 1976 ; que les travailleurs soutenant avoir été recrutés sous l'empire de la Convention Collective du 19 juillet 1958 aux termes de laquelle l'âge de la retraite était fixé à 60 ans, firent attraire leur ex-employeur par devant le juge social afin d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif et des indemnités de ruptures;
ATTENDU que la demanderesse reproche à l'arrêt confirmatif attaqué qui a fait droit aux demandes des travailleurs, d'avoir considéré que le fait de prendre la retraite à 60 ans au lieu de 55 ans était un avantage alors que la Campagne menée dans le monde par les travailleurs et les syndicats pour l'abaissement de l'âge de la retraite prouve exactement le contraire; qu'elle lui reproche d'autre part d'avoir méconnu le sens et la portée du principe de la non-rétroactivité des lois en ce qu'il a considéré que les décrets n° 80-353 du 10 avril 1980 et n° 76-128 du 3 février 1976 pris en application de la loi n° 72-80 du 26 juillet 1972 n'étant pas rétroactifs, les travailleurs concernés étaient toujours régis par la Convention Collective du 19 juillet 1958 alors que le principe invoqué ne peut s'appliquer qu'entre deux textes de même nature; qu'enfin elle lui fait grief d'être entaché d'une insuffisance de motifs en ce qu'il a considéré que la Convention Collective de 1958 était seule applicable au litige conformément au principe de la non-rétroactivité des lois et règlements alors qu'un tel raisonnement soulève le problème du maintien des avantages acquis, que l'application de ce principe suppose trois conditions dont l'arrêt n'a pas vérifié l'existence; que ni la loi n° 72-80 du 26 juillet 1972 ni ses décrets d'application précités ne contiennent aucune disposition expresse prévoyant le maintien des avantages acquis sous l'empire de la Convention Collective de 1958 laquelle, au demeurant, n'a jamais fait l'objet d'un dépôt légal conditionnant son applicabilité ;
MAIS ATTENDU que les juges du fond sont souverains pour apprécier si l'âge de la retraite à 60 ans est un avantage ou non ;
ATTENDU d'autre part que s'il est exact que la loi n° 72-80 du 26 juillet 1972 instituant le régime général applicable au personnel des établissements à caractère industriel et commercial, que le décret n° 76-122 du 3 février 1976 fixant l'âge de la retraite des travailleurs à 55 ans par renvoi aux dispositions relatives à l'IPRAO et que le décret n° 80-353 du 10 avril 1980 portant règlement d'établissement de la Caisse de Sécurité Sociale qui renvoie au décret n° 76-122 précité, ont abrogé la Convention Collective du 19 juillet 1958 et sont d'application immédiate, il n'en demeure pas moins que la loi n° 75-104 du 20 décembre 1975 abrogeant et remplaçant les articles 1, 3 et 4 de la loi n° 72-80 dispose notamment que les agents des établissements publics à caractère industriel et commercial, continuent à bénéficier jusqu'à l'expiration des contrats en cours, des avantages qui leur ont été consentis par lesdits contrats lorsque ceux-ci sont supérieurs à ceux que leur reconnaît le décret pris pour son application;
Ainsi par ce motif de pur droit, la décision attaquée se trouve légalement justifiée et le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le moyen soulevé d'office et pris de la violation de l'article 51 du Code du Travail (alinéa 5);
ATTENDU que le salaire est la contrepartie du travail et que, d'autre part, le texte susvisé dispose que le montant des dommages et intérêts est fixé compte tenu en général de tous les éléments qui peuvent justifier l'existence et l'étendue du préjudice causé et notamment de la nature des services, de l'ancienneté des services, de l'âge du travailleur et des droits acquis;
Il s'ensuit qu'en confirmant le jugement déféré qui, après avoir condamne la Caisse à payer à chaque demandeur des indemnités de préavis et de licenciement pour rupture abusive du contrat, a évalué le préjudice subi en se fondant sur le montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'âge de 60 ans, la Cour d'Appel a méconnu le sens et la portée des principes rappelés ci-dessus et la cassation de l'arrêt est encourue sur ce point;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l'arrêt n° 154 rendu le 18 mars 1992 par la Chambre Sociale de la Cour d'Appel, en ce qu'il a confirmé le jugement déféré sur le mode de calcul du montant des dommages et intérêts à allouer à chaque demandeur en indemnisation du préjudice subi;
Renvoie la Cause et les parties devant la Cour d'Appel autrement composée pour y être statué à nouveau;
Dit qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la Cour d'Appel en marge ou à la suite de l'arrêt attaqué;
Président: Mme Renée BARO, Président de Chambre, Président Rapporteur; Mme Awa Sow CABA, M. Papa Makha NDIAYE, Conseillers; Avocat Général: Birame DIENG ; Avocats: Maîtres Aa B, Ac C.