A l'audience publique de vacation du vendredi dix sept septembre mil neuf cent
quatre vingt dix neuf ;ENTETE
La CAISSE DE SECURITE SOCIALE SISE à Dakar, Place de l'O.I.T mais ayant élu domicile en l'étude de Me Ahmet BA, avocat à la Cour, 22, avenue Ab Ad,
DAKAR ;
MM. Ac B et 31 autres ex-employés de la C.S.S. demeurant à Dakar, mais
ayant élu domicile en l'étude de Me Mamadou LO, avocat à la Cour, 11, rue Parchappe,
DAKAR;
VU la déclaration de pourvoi présentée par Me Ahmet BA Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Caisse de Sécurité Sociale ;
LADITE déclaration enregistrée au Greffe de la Troisième Chambre de la Cour de Cassation le 3 juillet 1992 et tendant à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt n°154 en date du 18 mars 1992 par lequel la Cour d'Appel a confirmé purement et simplement le jugement attaqué ;
CE FAISANT, attendu que l'arrêt attaqué a été pris en violation de la loi (principe de la non--
rétroactivité des lois) ; mauvaise compréhension de la notion d'avantages acquis ; insuffisance de motifs ;
VU l'arrêt attaqué ;
VU les pièces produites et jointes au dossier ;
VU la lettre du Greffe en date du Il décembre 1992 portant notification de la déclaration de
pourvoi au défendeur ;
VU le mémoire en défense produit pour le compte de Ac B et autres ;
Ledit mémoire enregistré au greffe de la Cour de Cassation le 17 juin 1993 et tendant au rejet du pourvoi ;
VU le code du Travail ;
VU la loi organique n°92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de Cassation ;
OUI madame Renée BARa, Président de Chambre, en son rapport ;
OUI Monsieur Aa A, Premier Avocat Général, représentant le Ministère Public en ses conclusions ;
APRES en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les moyens réunis tirés d'une mauvaise compréhension de la notion des avantages acquis, de la violation du principe de la non-rétroactivité des lois et d'une insuffisance de motifs
ATTENDU que selon l'arrêt attaqué, Ac B et 31 autres, tous employés de la Caisse de Sécurité Sociale ont été invités à faire valoir leurs droits à la retraite à 55 ans et ce, en
application du décret n° 80-3532 du 10 avril 1980 portant règlement d'établissement de la Caisse
de Sécurité Sociale qui renvoie au décret n° 122 du 3 février 1976 ; que les travailleurs soutenant avoir été recrutés sous l'empire de la Convention Collective du 19 juillet 1958 aux termes de
laquelle l'âge de la retraite était fixé à 60 ans, firent attraire leur ex-employeur par devant le juge social afin d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif et des
indemnités de rupture ;
ATTENDU que la demanderesse reproche à l'arrêt confirmatif attaqué qui a fait droit aux
demandes des travailleurs, d'avoir considéré que le fait de prendre la retraite à 60 ans au lieu de 55 ans était un avantage alors que la Campagne menée dans le monde par les travailleurs et les
syndicats pour l'abaissement de l'âge de la retraite prouve exactement le contraire ; qu'elle lui
reproche d'autre part d'avoir méconnu le sens et la portée du principe de la non-rétroactivité des lois en ce qu'il a considéré que les décrets n°80-353 du 10 avril 1980 et n°76-128 du 3 février
1976 pris en application de la loi n°72-80 du 26 juillet 1972 n'étant pas rétroactifs, les travailleurs concernés étaient toujours régis par la Convention Collective du 19 juillet 1958 alors que le
principe invoqué ne peut s'appliquer qu'entre deux textes de même nature ; qu'enfin elle lui fait grief d'être entaché d'une insuffisance de motifs en ce qu'il a considéré que la Convention
Collective de 1958 était seule applicable au litige conformément au principe de la non-
rétroactivité des lois et règlements alors qu'un tel raisonnement soulève le problème du maintien des avantages individuels acquis, que l'application de ce principe suppose trois conditions dont
l'arrêt n'a pas vérifié l'existence ; que ni la loi n°72-80 du 26 juillet 1972 ni ses décrets
d'application précités ne contiennent aucune disposition expresse prévoyant le maintien des
avantages acquis sous l'empire de la Convention Collective de 1958 laquelle, au demeurant ,n'a jamais fait l'objet d'un dépôt légal conditionnant son applicabilité ;
Mais attendu que les juges du fond sont souverains pour apprécier si l'âge de la retraite à 60 ans est un avantage ou non ;
ATTENDU d'autre part que s'il est exact que la loi n°72-80 du 26 juillet 1972 instituant le régime général applicable au personnel des établissements à caractère industriel et commercial, que le
décret n076-122 du 3 février 1976 fixant l'âge de la retraite des travailleurs à 55 ans par renvoi
aux dispositions relatives à l'IPRAO et que le décret n°80-353 du 10 avril 1980 portant règlement d'établissement de la Caisse de Sécurité Sociale qui renvoie au décret n°76-122 précité ; ont
abrogé la Convention Collective du 19 juillet 1958 et sont d'application immédiate, il n'en
demeure pas moins que la loi n°75-104 du 20 décembre 1975 abrogeant et remplaçant les articles 1,3 et 4 de la loi n°72-80 dispose notamment que les agents des établissements publics à
caractère industriel et commercial, continuent à bénéficier jusqu'à l'expiration des contrats en
cours, des avantages qui leur ont été consentis par lesdits contrats lorsque ceux-ci sont supérieurs à ceux que leur reconnaît le décret pris pour son application ;
Ainsi par ce motif de pur droit, la décision attaquée se trouve légalement justifiée et le moyen ne peut être accueilli ;
SUR le moyen soulevé d'office et pris de la violation de l'article 51 du Code du travail (alinéa 5); ATTENDU que le salaire est la contrepartie du travail et que, d'autre part ,le texte susvisé
dispose que le montant des dommages et intérêts est fixé compte tenu en général de tous les
éléments qui peuvent justifier l'existence et l'étendue du préjudice causé et notamment de la
nature des services, de l'ancienneté des services, de l'âge du travailleur et des droits acquis … ;
Il s'ensuit qu'en confirmant le jugement déféré qui, après avoir condamné la Caisse à payer à
chaque demandeur des indemnités de préavis et de licenciement pour rupture abusive du contrat, a évalué le préjudice subi en se fondant sur le montant des salaires qu'il aurait dû percevoir
jusqu'à l'âge de 60 ans, la Cour d'Appel a méconnu le sens et la portée des principes rappelés ci- dessus et la cassation de l'arrêt est encourue sur ce point ;
Casse et annule l'arrêt n°154 rendu le 18 mars 1992 par la Chambre sociale de la Cour d'Appel, en ce qu'il a confirmé le jugement déféré sur le mode de calcul du montant des
dommages et intérêts à allouer à chaque demandeur en indemnisation du préjudice subi ;
Renvoie la Cause et les parties devant la Cour d'Appel autrement composée pour y être statué à nouveau ;
DIT qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général prés la Cour de Cassation le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la Cour d'Appel en marge ou à la suite de l'arrêt attaqué; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Troisième
Chambre, statuant en matière sociale en son audience publique de vacation des jour, mois et an que dessus, à laquelle siégeaient :
Mme Renée BARO, Président de Chambre, Président-Rapporteur ;
Mme Awa Sow CABA,
M. Papa Makha NDIAYE, Conseillers ;
En présence de Monsieur Aa A, Premier Avocat Général, représentant le Ministère
Public et avec l'assistance de Me Abdou Razakh DABO, Greffier ;
ET ont signé le présent arrêt, le Président-Rapporteur, Les Conseillers et le
Greffier.