ARRET N°38
Du 10 mars 1999
:
La Société SOMAR
Maître Yérim Thiam
C/
M. Ad B
Maître Ousmane Sané
A :
Maïssa DIOUF
MINISTERE PUBLIC :
Cheikh Tidiane FAYE
AUDIENCE :
10 mars 1999
PRESIDENT :
Renée BARO, Président de chambre, Président ;
CONSEILLE:S:
Maïssa DIOUF ;
ET
Mansour SY ;
GREFFIER :
Abdou Razakh DABO ;
MATIERE :
SOCIALE
A l'audience publique ordinaire du mercredi dix mars mil neuf cent quatre vingt dix neuf
ENTRE :
La Société SOMAR sise à Dakar, 9, rue Ac Ab mais ayant élu domicile en l'étude de Me Yérim THIAM, avocat à la Cour, Dakar ;
ET :
M. Ad B demeurant à Guédiawaye HLM n°609 mais ayant élu domicile en l'étude de Me Ousmane SANE, avocat à la Cour, Avenue Ae Aa Af, Dakar ;
Vu les déclarations de pourvois présentées par Me Yérim Thiam, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la société SOMAR ,
les dites déclarations enregistrées au greffe de la Cour de Cassation le 6 décembre 1996 et tendant à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt sans numéro du 9 avril 1996 et celui n°372 du 11 septembre 1996 par lesquels la Cour d'appel a :
ordonné une enquête,
et confirmé le jugement entrepris en réformant uniquement sur le montant de l'indemnité de licenciement ;
Ce faisant, attendu que l'arrêt attaqué a été pris en violation des règles de procédure ;
Excès de pouvoir et violation des articles 228, 216 et 213 du code du Travail ; perte de fondement juridique ; dénaturation des faits de la cause ; défaut de base légale ; défaut de réponses aux moyens soutenus ;
Vu l'arrêt attaqué ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier desquelles il résulte qu'il n'a pas été produit de mémoire en défense pour Ad B ;
Vu la lettre du greffe en date du 9 décembre 1996 portant notification des déclarations de pourvois au défendeur ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi organique n°92-25 du 30 mai 1992, sur la Cour de Cassation ;
LA COUR :
Oui Monsieur Maïssa DIOUF, Conseiller, en son rapport ;
Oui Monsieur Cheikh Tidiane FAYE, Avocat général représentant le Ministère Public en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la jonction ;
Attendu que les deux arrêt, dont pourvois ont été formés à la même date, concernant les mêmes parties et sont relatifs à la même affaire, il échet de les joindre pour être statué sur le tout par un seul et même arrêt.
Sur les moyens des pourvois
Attendu que pour demander la Cassation de l'arrêt n°372 du 11 septembre 1996 par lequel la chambre sociale de la Cour d'Appel a condamné la Société SOMAR à payer à Ad B la somme de 1.161.394 francs à titre d'indemnité de licenciement par réformation, confirmé pour le surplus, la société requérante fait valoir au premier moyen la violation des règles de procédure notamment l'article 230 - 1er du code du Travail combiné avec l'article 73 du code de Procédure Civile, en ce que la Cour n'a pas mentionné le dispositif des conclusions de la SOMAR ; au second moyen, la perte de fondement juridique, en ce que la Cour pour rendre sa décision, s'est fondée sur les conclusions de l'enquête diligentée le 7 mai 1996, en vertu de l'arrêt avant dire droit du 9 avril 1996 frappé de pourvoi en cassation, alors que cet arrêté mérite cassation pour tous moyens pris de ce que l'arrêt avant dire droit n'a pas été dactylographié, ni rédigé en minute en violation de l'article 72 du code de Procédure Civile, qu'il n'a pas été motivé, et que les juges du fond ont excédé leur pouvoir en violant certains principes fondamentaux de l'Organisation judiciaire et de la procédure comme la violation des droits de la défense, notamment en ne citant pas régulièrement les parties ; casser pour violation de la loi et excès de pouvoir ; au troisième moyen, la dénaturation des faits, en ce que la Cour estime que la SOMAR a été régulièrement informée de la date de l'enquête, alors qu »elle n'a pas été convoquée à celle-ci, conformément à l'article 213 du code du Travail puis l'article du 9 avril ordonnant cette enquête, ne lui a pas été notifié ; au quatrième moyen également, la dénaturation des faits et défaut de base légale en ce que, 1er branche, la Cour a jugé que la SOMAR n'a pas rapporté la preuve de la légitimité du licenciement, qu'il n'est pas établi que B refusait de lever la boite postale n°59 de la société RUFSAC qui travaille en relation avec la SOMAR, dans la période du 17 septembre 1990 au 4 janvier 1991, période où il était d'ailleurs en repos médical, alors que, dans ses conclusions, la SOMAR à l'enquête, a déclaré sans être démenti, que B avait reçu le trousseau contenant celles de toutes les boîtes postales que, 2ème tranche, la cour a omis de faire une appréciation d'ensemble des éléments de la cause, alors que B n'a jamais contesté avoir reçu le trousseau contenant les trois clefs, lors de l'enquête en 1ère instance, avec les instructions précises du chef de Service, que le repos médical de 21 jours, commencé en septembre, ne pouvait se terminer en janvier comme affirmé ; et au 5ème moyen, le défaut de réponse aux moyens soutenus par la Somar, tant en première instance qu'en cause d'appel, alors que relativement à la prétendue maladie de B, la SOMAR a conclu en appel le 26 septembre 1995, le 12 février 1996 et le 22 juillet 1996, renvoyant également à ses conclusions de 1ère instance ; le défaut également de réponse aux moyens tirés des conclusions de l'enquête ;
ATTENDU que B, recruté en qualité de chauffeur, s'est vu confier une tâche supplémentaire consistant à lever des boîtes postales en remplacement du planton indisposé par un accident, mais explique à l'enquête que le planton ne lui avait pas remis la 3ème clef relative à la boîte postale de la RUFSAC et qu'il était d'ailleurs en repos médical du 17 septembre 1990 au 4 janvier 1991 ;
ATTENDU que, sur le premier moyen, la Cour, en relevant les arguments de la SOMAR favorables à la légitimité du licenciement et campant la position de la SOMAR qui demande à ce que B soit débouté de toutes ses demandes a nécessairement reproduit l'essentiel du dispositif des conclusions de la SOMAR ; il s'ensuit que le moyen manque en fait ;
ATTENDU qu'il échet de réunir le second moyen du pourvoi de fond avec les trois autres moyens pris contre l'arrêt avant dire droit pour cause de connexité ;
ATTENDU qu'aux termes de l'article 15 alinéa 3 de la loi organique, et sous réserve des dispositions de l'article 53 et de l'appréciation de la Chambre saisie dans l'intérêt de l'ordre public ou de la bonne administration, le recours en cassation contre les jugements et arrêts préparatoires, comme en l'espèce, peut en toute matière et même sur la compétence, n'être reçu qu'après le jugement ou l'arrêt définitif sur le fond ;
Qu'en outre, si le juge trouve en la cause des éléments de preuve précis, concordants et suffisants de nature à asseoir sa conviction, il n'est pas obligé de recourir à l'enquête prévue à l'article 51 du code de Travail ;
ATTENDU que les juges du fond, en relevant que « l'employeur n'a pas rapporté la preuve de la légitimité du licenciement de l'intimé contre qui aucune preuve de refus de relever la boîte postale de la RUFSAC ; . qu'à ladite enquête, seul l'intimé B était présent, l'appelante n'ayant pas comparu, ni été représentée bien que régulièrement informée de la date de l'enquête », usant de leur pouvoir souverain d'appréciation, ont pu estimer que l'employeur ne s'est pas acquitté de son obligation de rapporter la preuve d'un motif légitime de licenciement, preuve qui pèse sur lui, ont donné une base légale à leur décision, et n'ont ni violé les droits de la défense, ni excédé leur pouvoir, les mentions selon lesquelles l'employeur a été régulièrement informé de la date de l'enquête mais n'a ni comparu, ni été représenté, étant équivalentes à une convocation régulière et étant valables jusqu'à inscription de faux ;
ATTENDU qu'il échet de réunir les troisième, quatrième et cinquième moyens, pris de la dénaturation des faits, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions ;
MAIS ATTENDU que la dénaturation des faits suppose la dénaturation des termes clairs et précis d'un écrit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il s'ensuit que ce moyen est irrecevable ; qu'en outre, la Cour d'Appel, en motivant sa décision comme il est dit précédemment, lui a donné une base légale et a nécessairement répondu aux conclusions de l'employeur ;
ATTENDU , par contre,, que l'article 56 alinéa 3 de la loi organique sur la Cour de Cassation dispose que « si la Cour de cassation relève dans la décision attaquée une violation de la loi qui n'a pas été invoquée, elle doit la soulever d'office » ;
ATTENDU que pour confirmer le montant de dix millions de francs alloué à titre de dommages et intérêts, la Cour d'Appel se borne à relever l'ancienneté du travailleur (30 ans), en violation de l'article 51 alinéa 5 du Code du Travail, aux termes duquel, le juge doit tenir compte de tous les éléments, qui peuvent justifier l'existence et déterminer le préjudice causé, notamment des usages, de la nature des services engagés, de l'âge du travailleur et des droits acquis à quelque titre que ce soit ;
Il s'ensuit qu'il échet de casser et annuler l'arrêt attaqué mais uniquement pour insuffisance de motifs sur le montant des dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS :
Ordonne la jonction des deux pourvois ;
Rejette le pourvoi formé le 6 décembre 1996 contre l'arrêt avant dire droit du 9 avril 1986 ;
Casse et annule l'arrêt n° 372 du 11 septembre 1996, mais uniquement pour insuffisance de motifs sur le montant des dommages et intérêts ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel autrement composée pour y être statué à nouveau ;
Dit qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la Cour d'Appel en marge ou à la suite de l'arrêt attaqué ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, troisième Chambre statuant en matière sociale, en son audience publique et ordinaire des jour, mois et an que dessus à laquelle siégeaient :
Madame Renée BARO, Président de Chambre ;
MM. Maïssa DIOUF Conseiller rapporteur ;
Mansour Sy Conseiller ;
En présence de Monsieur Cheikh Tidiane FAYE, Avocat Général, représentant le Ministère public et avec l'assistance de Me Abdou Razakh DABO, Greffier ;
Et ont signé le présent arrêt, le Conseiller rapporteur, le Conseiller et le greffier.