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28/05/1997 | SéNéGAL | N°068

Sénégal | Sénégal, Cour de cassation, 28 mai 1997, 068


Texte (pseudonymisé)
A l'audience publique ordinaire du mercredi vingt huit mai mil neuf cent quatre vingt dix sept ;ENTETE
MM Ac Al et autres demeurant à Dakar mais ayant élu domicile en l'étude de Me Doudou et Yérim Thiam, Avocats à la Cour, 68, rue Af C, Dakar ;ENTRE Les I.C.S. Km, 17, Route de Rufisque, MBao, Zone Ao Ag, ayant élu
domicile en l'étude de Mes Ai Aj et Associés, avocats à la Cour, 33, avenue Ab An Ae, Dakar ;
VU la déclaration de pourvoi présentée par Me Yérim Thiam,avocat à la Cour,au nom et pour le compte de Ac Al et autres ;
Ladite déclaration enregistrée au greffe

de la Cour de Cassation le 9 février 1995 et tendant à ce qu'il plaise à la...

A l'audience publique ordinaire du mercredi vingt huit mai mil neuf cent quatre vingt dix sept ;ENTETE
MM Ac Al et autres demeurant à Dakar mais ayant élu domicile en l'étude de Me Doudou et Yérim Thiam, Avocats à la Cour, 68, rue Af C, Dakar ;ENTRE Les I.C.S. Km, 17, Route de Rufisque, MBao, Zone Ao Ag, ayant élu
domicile en l'étude de Mes Ai Aj et Associés, avocats à la Cour, 33, avenue Ab An Ae, Dakar ;
VU la déclaration de pourvoi présentée par Me Yérim Thiam,avocat à la Cour,au nom et pour le compte de Ac Al et autres ;
Ladite déclaration enregistrée au greffe de la Cour de Cassation le 9 février 1995 et tendant à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt n°397 en date du 26 Juillet 1994 par lequel la Cour
d'Appel a condamné les ICS à payer à chacun des travailleurs la somme 1.500.000 frs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive à la réintégration et a rejeté les autres
demandes;
Ce faisant, attendu que l'arrêt attaqué a violé la loi,
-pêché par excès de pouvoir, dénaturation des faits et des conclusions des parties ; contrariété de jugement, erreur manifeste d'appréciation, manque de base légale ;
VU l'arrêt attaqué ;
VU les pièces produites et jointes au dossier ;
VU le mémoire ampliatif produit par le demandeur et reçu au greffe le 27 Février 1995 ;
VU le mémoire en défense produit en date du 5 Avril 1995 ;
ledit mémoire enregistré au greffe de la Cour de Cassation le 11 Avril 1995 et tendant au rejet du pourvoi ;
VU le mémoire en réponse au mémoire ampliatif produit en date du 16 juillet 1996 ;
ledit mémoire enregistré au greffe le 17 Juillet 1996 et tendant au rejet du pourvoi ;
VU le mémoire en réplique produit en date du 7 Août1995 et enregistré au greffe le 11
Août1996 et tendant à adjuger aux demandeurs l'entier bénéfice de leur pourvoi ;
VU le Code du Travail ;
VU la loi organique n°92-25 du 30 Mai 1992 sur la Cour de Cassation ;

OUI Madame Renée BARO, Président de Chambre en son rapport ;

OUI Monsieur Cheikh Tidiane FAYE, avocat général délégué représentant le Ministère
Public en ses conclusions;
APRES en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen tiré de l'excès de pouvoir, dénaturation des faits et des conclusions des parties -
Attendu qu'il apparaît des énonciations de l'arrêt attaqué que le 3 Février 1986 Ac Al et 21 autres travailleurs tous employés aux ICS furent licenciés pour motif économique ; que les travailleurs saisirent la Cour Suprême d'un recours en annulation de la décision ministérielle autorisant leur licenciement ensuite, leur recours étant encore pendant devant la Cour
Suprême, Coly et autres ayant appris que les ICS procédaient à des recrutements d'autres
travailleurs pour l'un de ces établissements, firent attraire cette société devant la juridiction
sociale pour obtenir sa condamnation au paiement de D.1. pour licenciement abusif et pour
non-respect de la priorité d'embauche ; que la Cour Suprême ayant rendu le 1er Avril 1987
une décision d'annulation de la décision ministérielle, les travailleurs saisirent une nouvelle fois le tribunal du Travail pour obtenir leur réintégration dans l'entreprise avec paiement des salaires depuis la date du licenciement jusqu'à celle de leur réintégration effective et des D.1. pour résistance abusive;
Qu'en cet état le tribunal rendit un premier jugement ordonnant la réintégration des
travailleurs et les déboutant de toutes leurs autres demandes ; que la deuxième procédure
aboutit à un autre jugement déboutant les intéressés de leur demande de réintégration au motif que cette mesure avait déjà été ordonnée, et leur allouant des D.I pour résistance abusive à la réintégration ;
- Que statuant sur les appels interjetés contre ces deux décisions, la Cour d'Appel rendit un
premier arrêt qui fut cassé par la Cour de Cassation le 13 Janvier 1993 au motif que
l'annulation d'une décision ministérielle autorisant le licenciement a pour effet juridique de
ramener les travailleurs à la situation antérieur.:au licenciement c'est-à-dire à les réintégrer et ce, quel que soit le délai dans lequel intervient l'annulation de la décision ministérielle i
- Que la Cour d'Appel rendit enfin le 26 Juillet 1994 l'arrêt déféré à la censure de la Cour de Cassation, par lequel elle a ordonné la réintégration des travailleurs, déclaré fondée leur
demande en paiement de D.I. pour résistance abusive à la réintégration et les a déboutés de
toutes leurs autres demandes ;
Attendu que le moyen reproche à la Cour d'Appel d'avoir considéré que les travailleurs
avaient demandé des D.I. pour licenciement dans la première procédure alors que s'il est vrai que ce chef de demande figurait par erreur dans le P.V. de non-conciliation du 7 Novembre 1986, les travailleurstant devant le Tribunal du travail que devant la Cour d'Appel, n'ont
réclamé des D.I. que pour violation de la priorité d'embauche ; qU'en particulier les
conclusions du 4 Juin 1993 déposées devant la Cour d'Appel auraient dû être interprétées par cette juridiction comme une renonciation au moins implicite à une demande en paiement de
D.1. pour licenciement abusif; que les demandeurs en concluent que l'arrêt mérite cassation
pour dénaturation des faits et conclusions des parties et également pour excès de pouvoir en ce que les juges du fond n'ont nullement respecté les limites du litige
Mais attendu que le grief de dénaturation n'est recevable que lorsque les juges ont méconnu les termes claires et précis d'un écrit ;
Mais attendu d'autre part que l'excès de pouvoir donnant ouverture à cassation est une notion à laquelle on se réfère lorsque le juge porte atteinte à des principes fondamentaux de la
procédure, notamment lorsqu'il méconnaît les limites du litige ;
Attendu que les conclusions déposées par les travailleurs devant le tribunal ne figurent pas au dossier; que pour réfuter l'augmentation des mêmes travailleurs telle que développée dans
leurs conclusions du 4 Juin 1993 la Cour d'Appel a examiné les documents de la cause et en a tiré la conviction que la demande en paiement de D.I. pour licenciement abusif avait bien été

présentée au tribunal dans le cadre de la première procédure et rejetée à bon escient par cette juridiction ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a exactement répondu aux conclusions des parties et respecté les limites du litige ;
qu'il échet donc de rejeter le moyen ;
Sur le 2é moyen tiré du défaut de base légale -
Attendu que les demandeurs reprochent à la Cour d'Appel de n'avoir pas donné de base légale à sa décision en ce qu'elle a affirmé que Coly et autres ne prouvaient pas,par les documents
versés au dossier,que les emplois offerts à l'embauche relevaient de la même catégorie que
ceux occupés par eux avant le licenciement,alors que le juge a l'obligation d'indiquer la nature et l'origine des documents qui ont servi à motiver sa décis-on et qu'en outre lorsqu'il n'est pas suffisamment éclairé sur les circonstances de fait d'un litige, il a l'obligation d'ordonner une
enquête ;
Attendu que la décision entachée d'un défaut de base légale est celle qui ne contient pas toutes les constatations nécessaires pour permettre à la Cour de Cassation de vérifier si les
conditions d'application de la loi sont réunies ;
Attendu qu'après avoir rappelé les conditions d'application de l'article 47 du CT les juges du fond, pour rejeter la demande de D.I. pour non-respect des dispositions relatives à la priorité d'embauche, se sont déterminées par le seul visa des documents de la cause ; que si la Cour
d'Appel n'avait nullement l'obligation d'énumérer ces documents qui l'ont été de manière
précise par les travailleurs eux-mêmes dans leurs conclusions déposées devant la Cour
d'Appel le 18 mai 1989, il apparaît que ces pièces qui ne figurent pas dans le dossier soumis aux juges de cassation n'ont fait l'objet d'aucune analyse détaillée par les parties sur la
question de savoir si les emplois offerts à l'embauche relevaient de la même catégorie que
ceux occupés par les travailleurs avant leur licenciement, les ICS s'étant contentées de leur
dénier toute valeur probante à cet égard ;
Qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel n'a pas fondé sa décision sur des motivations suffisantes pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ;
Qu'il échet donc de casser l'arrêt attaqué sur ce point ;
Sur le 3é moyen tiré de la contrariété de jugements et dénaturation des faits.-
Attendu que le moyen reproche à la Cour d'Appel d'avoir considéré que les ICS n'ont pas
violé les dispositions de l'article 47 du CT dans la procédure de licenciement et dit en
conséquence qu'il ne pouvait être fait application dudit article ordonnant la réintégration
d'office avec paiement des salaires que les travailleurs auraient perçus s'ils avaient travaillé
depuis leur licenciement,ces dispositions n'étant prévues qu'en cas de violation de l'article 47 dans la procédure de licenciement, alors que ; d'une part (la Cour Suprême, dans son arrêt du ler Avril 1987 a relevé une violation par les ICS de l'article 47; ce qui permet de dire que
l'arrêt de la Cour d'Appel est en contradiction avec celui de la Cour Suprême que d'autre part, la Cour d'Appel ne pouvait sans dénaturer les faits de la cause affirmer qu'il n'était pas
contesté que les ICS n'avaient pas violé les dispositions de l'article 47 ; que 3é la Cour
d'Appel ne pouvait pas non plus sans dénaturer les conclusions des parties affirmer que la
requête introductive ne reposait sur aucune violation de l'article susvisé puisque la prétention relative au paiement d'une indemnité égale aux salaires était justement fondée sur la violation de cet article ; que 4é il n'existe dans la loi aucune distinction entre le cas d'un licenciement
prononcé en l'absence totale d'autorisation administrative et le cas du licenciement prononcé à la suite d'une autorisation annulée ultérieurement, la réintégration et le paiement de
l'indemnité pour salaire étant prévus par le même texte dans les deux cas ; qu'enfin en
réservant un sort différent à des demandes (réintégration et indemnité égale aux salaires) qui étaient soumises aux mêmes conditions et en constatant que ces conditions pourtant

identiques étaient réunies pour l'un des chefs de demande mais pas pour l'autre, la Cour
d'Appel a adopté des motifs contradictoires, ce qui équivaut à un défaut de motifs ;
Mais attendu que l'article 47 paragraphe 4 al 6 du Code du Travail ne prévoit la réintégration du travailleur licencié pour motif économique avec paiement d'une indemnité égale au salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé, que dans deux cas bien précis: en cas de licenciement
prononcé par l'employeur sans que l'autorisation préalable de l'Inspecteur du Travail ait été
sollicitée ou malgré le refus opposé par ce dernier et en cas d'annulation par le Ministre de la décision de l'Inspecteur autorisant le licenciement ;
Que l'article 47 susvisé qui précise que la décision du Ministre peut être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir, ne donne aucune indication relative aux conséquences que peut avoir, au niveau de l'entreprise, l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir, de la
décision d'autorisation de licenciement donnée par le Ministre ;
Que s'il est certain cependant que la décision de la Cour Suprême annulant la décision du
Ministre autorisant le licenciement, doit avoir pour effet de ramener les parties à la situation antérieure au licenciement, c'est-à-dire à obliger l'employeur à réintégrer les employés, la
disparition de l'autorisation administrative à la suite du recours ôtant à la mesure de
licenciement une condition essentielle de validité ; qu'en revanche le paiement au travailleur d'une indemnité égale au salaire qu'il aurait perçu depuis la date de son licenciement jusqu'à celle de sa réintégration effective, ne peut sans la contrepartie du travail et en l'absence de
toute disposition expresse de la loi concernant cette hypothèse particulière, être ordonné,
- Qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel n'encourt aucun des
reproches qui lui est fait par le moyen qu'il échet de rejeter -
Sur le 4é moyen tiré d'un défaut de base légale, violation de la loi, erreur manifeste
d'appréciation.
Attendu que le moyen reproche à la Cour d'Appel d'avoir alloué à chacun des travailleurs la somme de 1.500.000 frs à titre de D.1. pour réparer le préjudice subi du fait de la résistance abusive des ICS à sa demande de réintégration, alors QUE ce motif qui procède par voie de simple affirmation caractérise un défaut de base légale ;
que cette affirmation est en contradiction avec les affirmations préalables de l'arrêt qui a
constaté que les ICS avaient abusivement résisté à la réintégration des travailleurs bien
qu'elles aient eu connaissance de l'arrêt de la Cour Suprême du 1er Avril 1987 ; que la
constatation de la faute des ICS aurait du amener la Cour à en déduire que cette situation avait empêché les travailleurs de recevoir leurs salaires au moins depuis cette date, étant entendu que ce salaire, pour la plupart de ces travailleurs était supérieur à la somme de 1.500.000 frs par an ; qu'enfin en refusant d'allouer aux requérants des sommes qui les auraient au moins
indemnisés de l'intégralité du préjudice subi du fait du refus fautif de réintégration, l'arrêt a violé les dispositions de l'article 134 al 1 du COCC ;
Attendu que l'article 134 al | du COCC pose le principe selon lequel les D.I. doivent être fixés de telle sorte qu'ils soient pour la victime la réparation intégrale du préjudice subi ;
Attendu que l'article 51 al 5 du CT précise que le montant des D.I. est fixé compte tenu de
tous les éléments qui peuvent justifier l'existence et déterminer l'étendue du préjudice causé ; Qu'en considérant que : " les travailleurs sont des pères de famille et sont sans travail et sans ressources depuis que la Cour Suprême et même avant, a annulé la décision autorisant leur
licenciement ; qu'eu égard à ces considérations, la Cour dispose d'éléments d'appréciation
suffisante pour allouer à chacun des travailleurs la somme de 1.500.000 frs à titre de
Dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de la résistance abusive des ICS à la demande de réintégration." il apparaît que la Cour d'Appel a énoncé des motifs partiellement contradictoires et insuffisants pour permettre à la Cour de Cassation de vérifier s'il a été fait une application correcte des textes susvisés
Qu'il échet donc de casser la décision attaquée sur ce point ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 068
Date de la décision : 28/05/1997

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.cassation;arret;1997-05-28;068 ?
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