La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/1996 | SéNéGAL | N°66

Sénégal | Sénégal, Cour de cassation, 23 octobre 1996, 66


Texte (pseudonymisé)
G.I.E BEAUFUR
C/
B Jean Pierre

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE ABUSIVE DU CONTRAT DE TRAVAIL
1) CONTRAT DE TRAVAIL PASSE ENTRE EMPLOYEUR ET TRAVAILLEUR NE PEUT ETRE REGI QUE PAR LE CODE DU TRAVAIL (ARTICLE 1 DU CODE DU TRAVAIL)

2) MODIFICATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE L'EMPLOYEUR ENTRAINE LE MAINTIEN DES CONTRATS EN COURS (ARTICLE 54 DU CODE DU TRAVAIL)

3) RESILIATION DU CONTRAT A DUREE INDETERMINEE EST SUBORDONNEE A UN PREAVIS CONFORMEMENT AUX ARTICLES 47, 48 ET 49 DU CODE DU TRAVAIL

4) CONTRAT DE TRAVAIL CONCLU POUR ETRE EXECUTE AU SENEGAL E

ST SOUMIS AUX DISPOSITIONS DU CODE DU TRAVAIL SENEGALAIS (ARTICLE 32 DU CODE DU ...

G.I.E BEAUFUR
C/
B Jean Pierre

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE ABUSIVE DU CONTRAT DE TRAVAIL
1) CONTRAT DE TRAVAIL PASSE ENTRE EMPLOYEUR ET TRAVAILLEUR NE PEUT ETRE REGI QUE PAR LE CODE DU TRAVAIL (ARTICLE 1 DU CODE DU TRAVAIL)

2) MODIFICATION DE LA SITUATION JURIDIQUE DE L'EMPLOYEUR ENTRAINE LE MAINTIEN DES CONTRATS EN COURS (ARTICLE 54 DU CODE DU TRAVAIL)

3) RESILIATION DU CONTRAT A DUREE INDETERMINEE EST SUBORDONNEE A UN PREAVIS CONFORMEMENT AUX ARTICLES 47, 48 ET 49 DU CODE DU TRAVAIL

4) CONTRAT DE TRAVAIL CONCLU POUR ETRE EXECUTE AU SENEGAL EST SOUMIS AUX DISPOSITIONS DU CODE DU TRAVAIL SENEGALAIS (ARTICLE 32 DU CODE DU TRVAIL)

5) CLASSEMENT DU TRAVAILLEUR RELEVE DE L'APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND COMPTE TENU DES CRITERES DEGAGES PAR LA CONVENTION COLLECTIVE ET LES USAGES - REJET

Chambre Sociale

ARRET N° 66 DU 23 Octobre 1996

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi;

Sur le moyen tiré de la violation de l'effet obligatoire du contrat entre les parties - violation des articles 31 et 32 du Code du Travail;

ATTENDU qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que Ac Ab B et les Ad C, Société anonyme (L8-SA) étaient liés par le contrat de Travail à durée indéterminée depuis le 20 Juillet 1984 ; que le 8 Janvier 1991 un contrat dit de «Mandat d'intérêt commun» a été signé entre B et le GIE B-II auquel les Ad C ont été intégrés pour une durée indéterminée d'un an ; que par lettre du 16 Septembre 1991 le GIE informait B de sa décision de ne pas renouveler ce contrat pour compter du 31 Décembre 1991 ; que B estimant alors avoir été victime d'un licenciement abusif fait attraire son cocontractante devant le Tribunal du Travail qui fit droit à des demandes et cette décision fut confirmée par l'arrêt attaqué ;

ATTENDU que le demandeur reproche à la Cour d'Appel d'avoir violé le principe de l'effet obligatoire de contrat comme les textes visés au moyen en ce qu'elle a estimé que: cela signature pour compter du 1er Janvier 1991 d'un contrat de mandat d'intérêt commun entre le GIE B-I.I d'une part et B d'autre part, ne peut être analysée comme la manifestation d'une volonté commune de mettre fin au sens de l'article 47 du Code du Travail, le contrat du Travail à durée indéterminée signé en 1984, ce alors qu'il est de principe que le contrat est la loi des parties et qu'en toute matière les parties peuvent librement souscrire, modifier ou rompre leurs conventions en respectant simplement les limites imposées par l'ordre public, les bonnes mours ou les dispositions légales ou conventionnelles;

ATTENDU que les articles 42 et 97 du Code des Obligations et Civiles et Commerciales posent le principe de la liberté contractuelle et l'article 31 du Code du Travail pour le même principe en matière sociale sous la condition de respecter les dispositions des articles 33, 35, 36, 37, 40,41 et 44 du même Code;
Qu'il en résulte que les parties peuvent d'un commun accord, souscrire, modifier ou rompre leurs conventions en respectant les limites rappelées ci-dessus ;

MAIS ATTENDU qu'en vertu des dispositions de l'article premier du Code du Travail qui sont d'ordre public, un employeur et un travailleur n'ont pas la possibilité de convenir que le contrat passé entre eux ne serait pas régi par le Code du Travail et qu'en application des dispositions de l'article 54 du même Code en cas de modification de la situation juridique de l'employeur et si l'activité initiale se poursuit comme c'est le cas de l'espèce, les contrats de travail en cours au moment de la modification subsistent entre le nouvel employeur et l'entreprise;

Que par suite c'est à bon droit que la Cour d'Appel a considéré que «le mandat d'intérêt commun» signé le 8 Janvier 1991 entre B et son nouvel employeur ne pouvait en aucun cas avoir pour effet de résilier le contrat de travail à durée indéterminée signé en 1984 avec les Ad C;
Qu'il échet donc de rejeter le moyen;

Sur le deuxième moyen tiré de la dénaturation des actes entraînant la dénaturation des faits:
ATTENDU que le demandeur reproche à la Cour d'Appel d'avoir gravement dénaturé les actes et en conséquence les faits de la cause, en ce que, d'une part, elle a énoncé qu'il ne résulte ni des pièces du dossier ni des débats que le contrat de travail passé le 20 Juillet 1984 entre B et les Ad C ait été rompu de convention expresse ou sur l'initiative de l'une des parties et que d'autre part, elle a également énoncé que le second contrat ne peut être regardé que comme un authentique contrat de travail à durée indéterminée, alors que l'article 11-3 alinéa 2 du Mandat d'intérêt commun dispose expressément «le Présent mandat annule et remplace en toutes dispositions, tous accords, arrangements ou conventions quelconques qui auraient pu être conclus entre les parties ou avec l'une quelconque des sociétés membres du GIE BEAUFOUR-IPSEN, antérieurement aux présents» et que de même les parties ont exclu de la Convention toute notion de contrat de travail; que semblable reproche peut être fait aux énonciations de l'arrêt relatives au préavis en ce que la Cour d'Appel soutient que la rupture de la Convention survenue le 3 Décembre 1991 s'est faite sans préavis, ce qui est rigoureusement inexact au regard des termes de la lettre du 16 Septembre 1991 adressée à B par le GIE ;

MAIS ATTENDU qu'étant constant que le contrat de travail à durée indéterminée signé en 1984 par les Ad C et B n'a pas été résilié par ces parties, la Cour d'Appel qui, en application des articles premier et 54 du Code du Travail susvisés, a très justement déclaré que le contrat de Mandat d'intérêt commun signé le 8 Janvier 1991 entre B et le nouvel employeur ne pouvait pas avoir pour effet de résilier le précédent contrat conclu entre B et les Ad C, ne pouvait qu'en tirer la conséquence que le second contrat devait être regardé commun un authentique contrat de travail à durée indéterminée, en raison précisément de la continuité du lien contractuel;
D'où il suit le grief de dénaturation n'est pas fondé;

Qu'en ce qui concerne le préavis,
ATTENDU qu'en application des articles 47, 48 et 49 du Code du Travail, la résiliation du contrat à durée indéterminée est subordonnée à un préavis notifié par écrit par la partie qui prend l'initiative de la rupture; que pendant la durée du préavis le travailleur bénéficiera d'un jour de liberté par semaine, payé à plein salaire, en vue de la recherche d'un autre emploi; que toute rupture du contrat à durée indéterminée sans préavis et sans que le délai de préavis ait été intégralement observé emporte obligation pour la partie responsable, de verser à l'autre partie une indemnité dont le montant correspond à la rémunération et avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis qui n'aura pas été effectivement respecté;

ATTENDU qu'une simple lettre informant le travailleur de la rupture prochaine de son contrat de travail ne saurait s'analyser comme un préavis au sens des dispositions législatives susvisées, qu'il s'ensuit que la Cour d'Appel a, à juste titre alloué à B une indemnité de préavis calculée conformément aux dispositions des articles 32 et 24 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle ;

Sur le 3e moyen tiré d'une insuffisance de motifs et défaut de base légale:
ATTENDU qu'il est fait grief à la Cour d'Appel d'avoir insuffisamment motivé sa décision en ce que d'une part, elle a affirmé que les relations entre l'employeur français et B sont régies par le droit sénégalais alors qu'il ne résulte point des énonciations de l'arrêt un élément de fait ou de droit dont la Cour puisse déduire l'application de la loi sénégalaise, et en ce que d'autre part, elle a affirmé que le Mandat d'intérêt Commun par lequel les parties ont expressément mis au précédent contrat de travail doit être regardé comme un contrat à durée indéterminée, sans indiquer les critères sur lesquels elle se fonde ;

MAIS ATTENDU que l'article 32 du Code du Travail dispose que: «quels que soient le lieu de la conclusion du contrat et la résidence de l'une ou l'autre partie, tout contrat de travail conclu pour être exécuté au Sénégal est soumis aux dispositions du Code du Travail sénégalais» ; qu'en vertu de l'article 54 du Code du Travail expressément visé par la Cour d'Appel en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, le nouvel employeur est lié par les contrats de travail qu'il n'a pas conclus personnellement mais qui étaient en cours au moment de la modification;
Qu'il en résulte qu'il ne peut être fait aucun reproche à la Cour d'Appel qui a fait une stricte application de ces textes;

ATTENDU qu'en sa 3ième branche le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir par l'allocation d'une indemnité de préavis classé de façon arbitraire B dans la catégorie des cadres, sans fondement légal et en violation des dispositions de l'article 39 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle qui précise que «le classement du travailleur est fonction de l'emploi qu'il occupe au sein de l'entreprise» ;

MAIS ATTENDU que si l'article 39 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle précise que le classement du travailleur est fonction de l'emploi qu'il occupe au sein de l'entreprise, la classification professionnelle est l'ouvre des Conventions Collectives et l'opération de classement à un base contractuelle déterminée au moment de l'embauche; que le classement qui est une question portant sur les relations de travail entre bien dans le cadre de la compétence de la juridiction du travail et relève de l'appréciation souveraine du juge du fond compte tenu des critères dégagés par les Conventions Collectives et les usages;
Qu'en l'absence de dispositions particulières sur ce point dans le contrat signé le 20 Juillet 1984, la Cour d'Appel en se fondant sur le montant du salaire perçu par le travailleur pour procéder à son classement dans la catégorie des Cadres, n'encourt aucun des reproches que lui fait le demandeur dont le moyen doit être rejeté;
Sur le 4ième moyen tiré d'une contradiction des motifs.
ATTENDU que le moyen reproche à la Cour d'Appel d'avoir rendu un arrêt entaché d'une contradiction des motifs en ce qu'après avoir déclaré d'une part, que le GIE était étranger au contrat de travail signé le 20 Juillet 1984 entre les Ad C et B et d'autre part, que le Mandat d'Intérêt Commun signé le 8 Janvier 1991 entre les parties litigeantes était inexistant, elle a quand même condamné le demandeur à payer des dommages et intérêts pour avoir rompu abusivement le premier contrat;

MAIS ATTENDU qu'en vertu de l'article 54 du Code du Travail, en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, lorsque le nouvel employeur ne respecte pas le principe du maintien des contrats en cours en mettant fin à ces contrats de manière abusive, il doit en supporter toutes les conséquences prévues par la loi et notamment la condamnation au paiement des dommages et intérêts au profit du travailleur ;
Qu'il échet donc de rejeter le moyen comme non fondé;

PAR CES MOTIFS

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt n° 291 rendu le 31 Mai 1994 par la Cour d'Appel;

Président: Madame Renée BARO. Rapporteur: Madame Renée BARO. Avocat Général: Monsieur Mandiaye NIANG. Avocats: Maîtres Aa A et Pierre Marie B.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 66
Date de la décision : 23/10/1996
Chambre sociale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.cassation;arret;1996-10-23;66 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award