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22/05/1996 | SéNéGAL | N°32

Sénégal | Sénégal, Cour de cassation, 22 mai 1996, 32


Texte (pseudonymisé)
BA Mady
C/
SENELEC

1) PERTE DE CONFIANCE; NE CONSTITUE PAS UNE SUBTITUTION DE MOTIFS LA PERTE DE CONFIANCE FONDEE SUR DES FAITS DETERMINES ET QUI FIGURE DANS LA LETTRE DE LICENCIEMENT NOTIFIEE AU TRAVAILLEUR.

2) CLASSEMENT DU TRAVAILLEUR - VIOLE LA LOI L'ARRET QUI DECLARE IRRECEVABLE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 40 ALINEA 1 DE LA CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE INTER PROFESSIONNELLE. LA DEMANDE DE CLASSEMENT DE SON EMPLOI DANS LA HIERARCHIE PROFESSIONNELLE D'UN TRAVAILLEUR AU MOTIF QUE LA SAISINE DE LA COMMISSION MIXTE PRIME A L'ARTICLE 40 EST OBLIGATOIRE AVANT TOUT

E SAISINE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL - CASSATION PARTIELLE.


Chambre...

BA Mady
C/
SENELEC

1) PERTE DE CONFIANCE; NE CONSTITUE PAS UNE SUBTITUTION DE MOTIFS LA PERTE DE CONFIANCE FONDEE SUR DES FAITS DETERMINES ET QUI FIGURE DANS LA LETTRE DE LICENCIEMENT NOTIFIEE AU TRAVAILLEUR.

2) CLASSEMENT DU TRAVAILLEUR - VIOLE LA LOI L'ARRET QUI DECLARE IRRECEVABLE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 40 ALINEA 1 DE LA CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE INTER PROFESSIONNELLE. LA DEMANDE DE CLASSEMENT DE SON EMPLOI DANS LA HIERARCHIE PROFESSIONNELLE D'UN TRAVAILLEUR AU MOTIF QUE LA SAISINE DE LA COMMISSION MIXTE PRIME A L'ARTICLE 40 EST OBLIGATOIRE AVANT TOUTE SAISINE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL - CASSATION PARTIELLE.

Chambre Sociale

ARRET N° 32 DU 22 Mai 1996

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

ATTENDU, selon la procédure, que Mady BA a été embauché par la Société Nationale d'Electricité dite SENELEC le 16 Novembre 1981 ; que le 30 Octobre 1989, alors qu'il était agent chargé de la gestion administrative et comptable de l'infrastructure hôtelière avec restaurant du Centre de Formation Professionnelle de la SENELEC sise au Cap des Biches où il a été muté, son employeur lui a notifié son licenciement pour faute lourde (détournement de fonds) - perte de confiance;
Que le sieur X qui, jusque-là était à la 3ième catégorie dans la hiérarchie professionnelle, contesta son classement estimant que c'est la 5ième catégorie qui correspond à l'emploi qu'il occupait au Centre et réclama le paiement de rappel de salaire, de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat de travail ainsi que diverses sommes d'argent à titre de manipulation de fonds, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et de congés payés sur le rappel de salaire; que par jugement n° 396 du 18 Juin 1992, le Tribunal du travail a fait droit à toutes ses demandes; que sur l'appel de la SENELEC, la Cour a infirmé partiellement la décision du premier juge par l'arrêt n° 203 du 23 Mars 1994 dont est pourvoi;
Sur le moyen tiré de la violation des articles 47 et 51 combinés du Code du Travail et l'interprétation restrictive de l'article 47 de ce Code:

ATTENDU que pour demander la cassation de l'arrêt n° 203 du 23 Mars 1994 par lequel, infirmant partiellement le jugement n° 396 en date du 18 Juin 1992, du Tribunal du Travail de Dakar, la Cour d'Appel a déclaré légitime le licenciement de Aa X, demandeur au pourvoi, et débouté celui-ci de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour congédiement abusif après avoir déclaré irrecevable sa demande de rappel de salaire, le requérant soutient que la Cour d'appel a, pour décider que son licenciement était légitime substitué au motif invoqué par l'employeur, à savoir le détournement de fonds, un autre motif fondé sur la perte de confiance qui n'est générée que par la suspicion ou le « simple doute » pesant sur lui;
que la Cour d'Appel, en procédant ainsi, a violé les articles 47 et 51 du Code du Travail: que l'article 47 fait obligation à l'employeur de formuler par écrit les motifs du licenciement du travailleur et que devant la juridiction de jugement, la partie dont émane la rupture est liée par les motifs invoqués dans la lettre de rupture et qu'il ne peut en invoquer d'autres; que ce même lien s'impose au juge social que; la SENELEC n'ayant pas rapporté par ailleurs comme l'article 51 du Code du Travail lui en fait obligation, la preuve du juste motif de son licenciement, la Cour d'Appel a violé ledit article, le motif fondé sur le détournement de fonds qui lui est reproché n'étant pas prouvé;

ATTENDU que par mémoire en défense du 7 Avril 1995, la SENELEC, en réponse au premier moyen soulevé par BA, conclut au rejet de ce moyen en faisant valoir que les articles 47 et 51 visés au moyen n'ont pas été violés par la Cour d'Appel qui n'a fait qu'apprécier, comme cela relève de son pouvoir, les faits reprochés à BA dans la manipulation des fonds par lui reçus au Centre de Formation Professionnelle pour en déduire, sans aucune substitution de motifs, que le licenciement du requérant est légitime;

ATTENDU que l'article 47 paragraphe 2 du Code du Travail dispose en ses alinéas 1,2 et 3 que : cela résiliation du contrat de travail à durée indéterminée est subordonnée à un préavis notifié par écrit par la partie qui prend l'initiative de la rupture;
Ce préavis ne doit être subordonné à aucune condition suspensive ou résolutoire;
Il commence à courir à compter de la date de la remise de la notification ;
Le motif de la rupture du contrat doit figurer dans cette notification; que l'article 51 du Code du Travail dit que: «En cas de contestation, (de motif de licenciement) la preuve de l'existence d'un motif légitime de licenciement incombe à l'employeur»;

ATTENDU que par le moyen soulevé, Mady BA tente de faire croire que l'unique motif de son licenciement se trouve dans le détournement de fonds, qualifié de faute lourde par l'employeur, qui lui est reproché et que, dès lors que ce détournement n'existe pas, la SENELEC ayant reconnu que les sommes inscrites en rubrique de détournement de fonds à sa charge ont été reversées avec retard certes, mais reversées quand même, à leur caisse d'affectation à Rufisque, la Cour d'Appel ne pouvait substituer à ce motif non prouvé qui lie la défenderesse au pourvoi et le juge social, un autre motif fondé sur la perte de confiance;

MAIS ATTENDU qu'il importe de souligner que la perte de confiance figure bel et bien comme motif dans la lettre de licenciement notifiée à Mady BA le 30 Octobre 1989 comme grief et que pour déclarer légitime ledit licenciement, la Cour d'Appel a relevé que le requérant a reconnu avoir reçu des fonds destinés à être reversés dans les caisses de la SENELEC à Rufisque des mains du caissier du Centre de Formation Professionnelle, le sieur C, et qu'il a reversé lesdits fonds avec retard ; que la Cour a relevé également qu'une première mise en garde avait été adressée à BA le 29 Décembre 1988 pour des fonds reçus et non reversés dans les délais raisonnables; que la Cour a constaté enfin, que le contrôle des documents justificatifs qui devaient accompagner les fonds lors de leur reversement dans les caisses de la SENELEC à Rufisque, allégué par BA pour expliquer ses retards dans les reversements des fonds reçus est démenti par l'existence d'une vérification contradictoire antérieure des documents jamais contestée par BA opérée entre celui-ci et le caissier C lorsque celui-ci lui remet des fonds; que c'est à bon droit, que la Cour d'Appel a pu considérer ces faits souverainement constatés comme des agissements suspects de nature à jeter un doute légitime sur l'honnêteté du demandeur au pourvoi dans la manipulation des fonds reçus et en déduire, sans violer les articles visés au moyen que le licenciement de Mady BA fondé sur la perte de confiance est légitime; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 40 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle du Sénégal:

ATTENDU qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, pour déclarer que la demande de rappel de salaire est irrecevable, dit qu'il appartenait à BA de saisir préalablement la Commission Professionnelle Paritaire de Classement en conformité des dispositions de l'article 40 alinéa 1ier de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle du Sénégal, alors que cet article, en son alinéa 1ier vise le travailleur encore en relation de travail avec son employeur et non un ex-travailleur aux prises avec un ex-employeur puisque, dans le cas de cessation des relations de travail, c'est le Tribunal qui est compétent pour statuer non pas sur le reclassement ou le maintien du travailleur dans le classement qu'il occupe mais pour allouer éventuellement ou non un rappel de salaire;

ATTENDU que dans son mémoire en défense du 7 Avril 1995, la SENELEC soutient que la distinction opérée par BA n'a aucun fondement légal et que la procédure de saisine préalable de la Commission Professionnelle Paritaire de Classement s'applique à tout travailleur qui demande son reclassement; que le deuxième moyen de BA tiré de la violation de l'article 40 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle doit être rejeté;

ATTENDU que l'article 40 alinéa 1er de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle dispose : «si le travailleur conteste auprès de son employeur le classement de son emploi dans la hiérarchie professionnelle et si une suite favorable n'est pas donnée à sa réclamation, le différend est porté devant une Commission Professionnelle Paritaire de Classement»;

ATTENDU que l'article 40 alinéa 1ier reproduit au paragraphe précédent ne fait aucune distinction entre un travailleur encore en relation de travail avec son employeur et un autre qui ne l'est pas; que l'expression, le travailleur et l'adverbe «auprès», sur le fondement desquels le requérant introduit une distinction entre les deux catégories de travailleurs visées en son moyen ne saurait avoir pour conséquence la distinction proposée; qu'en effet toute demande de reclassement, quelle que soit l'époque à laquelle elle est introduite, c'est-à-dire pendant ou après la cessation des relations de travail, concerne toujours une période pendant laquelle le demandeur au reclassement est ou était en relation de travail avec son employeur et que c'est dans cette période que le reclassement est demandé;

ATTENDU que la saisine obligatoire, à peine d'irrecevabilité, par le travailleur de la Commission Professionnelle Paritaire de Classement, avant toute saisine du Tribunal du Travail d'une demande de classement de son emploi dans la hiérarchie professionnelle n'est prévue par aucune disposition du Code du Travail; que la Cour en tirant une telle obligation défavorable au travailleur de l'article 40 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle, a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 79 alinéa 2 du Code du Travail selon lesquelles : « la Convention peut mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur»;
Elle ne peut déroger aux dispositions d'ordre public définies par ces lois et règlements ; qu'il s'ensuit que la Cour en subordonnant la recevabilité de la demande de BA à une saisine préalable obligatoire de la Commission Professionnelle Paritaire de Classement a fait une fausse application de l'article 40 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle; Que le moyen est fondé;

PAR CES MOTIFS

Casse et annule l'arrêt n° 203 du 23 Mars 1994 de la Cour d'Appel de Dakar en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de reclassement et de rappel de salaire;
Renvoie cause et parties devant la Cour d'Appel autrement composée pour y être statué à nouveau.

Président: Madame Renée BARO. Rapporteur: Monsieur Arona DIOUF. Avocat Général: Monsieur Mandiaye NIANG. Avocats: Maîtres Ab A et B B.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 32
Date de la décision : 22/05/1996
Chambre sociale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.cassation;arret;1996-05-22;32 ?
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