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22/05/1996 | SéNéGAL | N°032

Sénégal | Sénégal, Cour de cassation, 22 mai 1996, 032


Texte (pseudonymisé)
A l'audience publique ordinaire du mercredi vingt deux mai mil neuf cent quatre vingt seize ;ENTETE
Ad B, Agent Administratif et comptable demeurant à Guédiawaye quartier
MBodji 2 Plie n°1120 Dakar , mais ayant élu domicile en l'étude de Me Guédel NDiaye,
avocat à la Cour, 73 bis, rue Ab Ag A, Dakar ;
LA SENELEC, 28, rue Vincens à Dakar, ayant élu domicile en l'étude de Mes MBaye et NDiaye, Avocats à la Cour, 47 Bd de la République, Immeuble SORANO, Dakar ;
VU la déclaration de pourvoi présentée par Me Guédel NDiaye avocat à la Cour,
pour le compte de Ad B;r>LADITE déclaration enregistrée au greffe de la troisième chambre de la Cour de Cass...

A l'audience publique ordinaire du mercredi vingt deux mai mil neuf cent quatre vingt seize ;ENTETE
Ad B, Agent Administratif et comptable demeurant à Guédiawaye quartier
MBodji 2 Plie n°1120 Dakar , mais ayant élu domicile en l'étude de Me Guédel NDiaye,
avocat à la Cour, 73 bis, rue Ab Ag A, Dakar ;
LA SENELEC, 28, rue Vincens à Dakar, ayant élu domicile en l'étude de Mes MBaye et NDiaye, Avocats à la Cour, 47 Bd de la République, Immeuble SORANO, Dakar ;
VU la déclaration de pourvoi présentée par Me Guédel NDiaye avocat à la Cour,
pour le compte de Ad B;
LADITE déclaration enregistrée au greffe de la troisième chambre de la Cour de Cassation le ler Mars 1995 et tendant à ce qu'il plaise à la Cour casser l'arrêt n° 203 en date du 23 Mars
1994 par lequel la Cour d'Appel a légitimé le licenciement de Ad B ;
CE FAISANT, attendu que l'arrêt attaqué a été pris en violation des articles 47 et 51 combinés du Code du Travail et de l'interprétation restrictive des dispositions de cet article ;
- et 40 de la C.C.N.I. du Sénégal ;
VU l'arrêt attaqué ;
VU la lettre du Greffe en date du 8 Mars 1995 portant notification de la déclaration de
pourvoi au défendeur ;
VU le mémoire en défense présenté pour le compte de la SENELEC ;
ledit mémoire enregistré au greffe de la Cour de Cassation le 18 Avril 1995 et tendant au rejet du pourvoi ;
VU le Code du travail ;
VU la loi organique n°92-25 du 30 Mai 1992 sur la Cour de Cassation ;

OUI Monsieur Arona DIOUF, Conseiller, en son rapport ;
OUI Monsieur Ac Af, Auditeur; représentant le Ministère Public en ses
conclusions;
APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI ;
ATTENDU, selon la procédure, que Ad B a été embauché par la Société Nationale
d'Electricité dite SENELEC le 16 Novembre 1981 ; que le 30 Octobre 1989, alors qu'il était
agent chargé de la gestion administrative et comptable de l'infrastructure hôtelière avec
restaurant du Centre de Formation Professionnelle de la SENELEC sise au Cap des Biches où il a été muté, son employeur lui a notifié son licenciement pour faute lourde (détournement de fonds) - perte de confiance - que le sieur B qui, jusque là était classé à la 3é catégorie dans la hiérarchie professionnelle, conteste son classement estimant que c'est la 5é catégorie qui

correspond à l'emploi qu'il occupait au Centre et réclame le paiement de rappel de salaire, de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat de travail ainsi que diverses sommes
d'argent à titre de manipulation de fonds, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et de congés payés sur le rappel de salaire ; que par jugement n°396 du 18 Juin 1992, le
Tribunal du Travail a fait droit à toutes ses demandes ; que sur l'appel de la SENELEC la
Cour a infirmé partiellement la décision du premier juge par l'arrêt n°203 du 23 Mars 1994
dont est pourvoi ;
Sur le moyen tiré de la violation des articles 47 et 51 combinés du Code du Travail et
l'interprétation restrictive de l'article 47 de ce Code -
Attendu que pour demander la cassation de l'arrêt du 23 Mars 1994 par lequel infirmant
partiellement le jugement n°396 en date du 18 Juin 1992, du tribunal du travail de Dakar, la
Cour d'Appel a déclaré légitime le licenciement de Ad B, demandeur au pourvoi, et
débouté celui-ci de sa demande en paiement de D.I. pour congédiement abusif après avoir
déclaré irrecevable sa demande de rappel de salaire, le requérant soutient que la Cour d'Appel a, pour décider que son licenciement était légitime substitué au motif invoqué par l'
employeur, à savoir le détournement de fonds, un autre motif fondé sur la perte de confiance qui n'est générée que par la suspicion ou le "simple doute" pesant sur lui ;
que la Cour d'Appel, en procédant ainsi, a violé les articles 47 et 51 du Code du Travail ; que l'article 47 fait obligation à l'employeur de formuler par écrit les motifs du licenciement du
travailleur et que devant la juridiction de jugement, la partie dont émane la rupture est liée par les motifs invoqués dans la lettre de rupture et qu'il ne peut en invoquer d'autres ; que ce
même lien s'impose au juge social ; que la SENELEC n'ayant pas rapporté par ailleurs comme l'article 51 du Code du Travail lui en fait obligation, la preuve du juste motif de son
licenciement, la Cour Appel a violé ledit article, le motif fondé sur le détournement de fonds qui lui est reproché n'étant pas prouvé ;
ATTENDU que par mémoire en défense du 7 Avril 1995, la SENELEC, en réponse au
premier moyen soulevé par B, conclut au rejet de ce moyen en faisant valoir que les articles 47 et 51 visés au moyen n'ont pas été violés par la Cour d'Appel qui n'a fait qu'apprécier,
comme cela relève de son pouvoir, les faits reprochés à B dans la manipulation des fonds
par lui reçus au Centre de Formation Professionnelle pour en déduire, sans aucune
substitution de motifs, que le licenciement du requérant est légitime ;
ATTENDU que l'article 47 paragraphe 2 du Code du Travail dispose en ses alinéas 1, 2, et 3 que ; "la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée est subordonnée à un préavis
notifié " par écrit par la partie qui prend l'initiative de la rupture ;
Ce préavis ne doit être subordonné à aucune condition suspensive ou résolutoire ;
Il commence à courir à compter de la date de la remise de la notification ;
Le motif de la rupture du contrat doit figurer dans cette notification " ; que l'article 51 du
Code du "Travail dit que : " En cas de contestation, (de motif de licenciement) la preuve de
l'existence d1QD motif légitime de licenciement incombe à l'employeur" ;
Attendu que par le moyen soulevé, Ad B tente de faire croire que l'unique motif de son
licenciement se trouve dans le détournement de fonds, qualifié de faute lourde par
l'employeur, qui lui est reproché et que , dés lors que ce détournement n'existe pas , la
SENELEC ayant reconnu que les sommes inscrites en rubrique de détournement de fonds à sa charge ont été reversées avec retard certes, mais reversées quand même, à leur caisse
d'affectation à Rufisque, la Cour d'Appel ne pouvait substituer à ce motif non prouvé qui lie la défenderesse au pourvoi et le juge social, un autre motif fondé sur la perte de confiance ;
Mais attendu qu'il importe de souligner que la perte de confiance figure bel et bien comme
motif dans la lettre de licenciement notifiée à Ad B le 30 Octobre 1989 comme grief et
que pour déclarer légitime ledit licenciement, la Cour d'Appel a relevé que le requérant a
reconnu avoir reçu des fonds destinés à être reversés dans les caisses de la SENEELEC à

Rufisque des mains du caissier du Centre de Formation Professionnelle, le sieur Ae, et qu'il a reversé lesdits fonds avec retard ; que la Cour a relevé également qu'une première mise en garde avait été adressée à B le 29 décembre 1988 pour des fonds reçus et non reversés
dans les délais raisonnables ; que la Cour a constaté enfin, que le contrôle des documents
justificatifs qui devaient accompagner les fonds lors de leur reversement dans les caisses de la SENELEC à Rufisque, allégué par B pour expliquer ses retards dans les reversements des
fonds reçus est démenti par l'existence d'une vérification contradictoire antérieure des
documents jamais contestée par B opérée entre celui-ci et le caissier Ae lorsque celui- ci lui remet des fonds ; que c'est donc à bon droit, que la Cour d'Appel a pu considérer ces
faits souverainement constatés comme des agissements suspects de nature à jeter un doute
légitime sur l'honnêteté du demandeur au pourvoi dans la manipulation des fonds reçus et en déduire, sans violer les articles visés au moyen que le licenciement de Ad B fondé sur la perte de confiance est légitime
que le moyen n'est pas fondé
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 40 de la Convention Collective
Nationale Interprofessionnelle du Sénégal ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, pour déclarer que la demande de rappel de salaire est irrecevable, dit qu'il appartenait à B de saisir préalablement la Commission
Professionnelle Paritaire de Classement en conformité des dispositions de l'article 40 alinéa
ler de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle du Sénégal, alors que cet
article, en son alinéa 1er vise le travailleur encore en relation de travail avec son employeur et non un ex-travailleur aux prises avec un ex-employeur puisque, dans le cas de cessation des
relations de travail, c'est le tribunal qui est compétent pour statuer non pas sur le reclassement ou le maintien du travailleur dans le classement qu'il occupe mais pour allouer éventuellement ou non un rappel de salaire ;
Attendu que dans son mémoire en défense du 7 Avril 1995, la SENELEC soutient que la
distinction opérée par B n'a aucun fondement légal et que la procédure de saisine préalable
de la Commission professionnelle Paritaire de Classement s'applique à tout travailleur qui
demande son reclassement ;
que le deuxième moyen de B tiré de la violation de l'article 40 de la Convention Collective
Nationale Interprofessionnelle doit être rejeté ;
Attendu que l'article 40 alinéa 1er de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle dispose : "si le travailleur conteste auprès de son employeur le classement de son emploi dans la hiérarchie professionnelle et si une suite favorable n'est pas donnée à sa réclamation, le
différend est porté devant une Commisssion Professionnelle Paritaire de Classement " ;
Attendu que l'article 40 alinéa 1er reproduit au paragraphe précédent ne fait aucune
distinction entre un travailleur encore en relation de travail avec son employeur et un autre qui ne l'est pas ;
que l'expression, le travailleur et l'adverbe "auprès", sur le fondement desquels le requérant
introduit une distinction entre les deux catégories de travailleurs visées en son moyen ne
saurait avoir pour conséquence la distinction proposée; qu'en effet toute demande de
reclassement, quelle que soit l'époque à laquelle elle est introduite, c'est-à-dire pendant ou
après la cessation des relations de travail, concerne toujours une période pendant laquelle le
demandeur au reclassement est ou était en relation de travail avec son employeur et que c'est dans cette période que le reclassement est demandé ;
Attendu que la saisine obligatoire, à peine d'irrecevabilité, par le travailleur de la Commission Professionnelle Paritaire de Classement, avant toute saisine du tribunal du travail d'une
demande de classement de son emploi dans la hiérarchie professionnelle n'est prévue par
aucune disposition du Code du travail ; que la Cour en tirant une telle obligation défavorable au travailleur de l'article 40 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle, a

méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 79 alinéa 2 du Code du travail selon
lesquelles : " la Convention peut mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur.
Elle ne peut déroger aux dispositions d'ordre public définies par ces lois et règlements " qu'il s'ensuit que la Cour en subordonnant la recevabilité de la demande de B à une saisine
préalable obligatoire de la Commission Professionnelle Paritaire de Classement a fait une
fausse application de l'article 40 de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle ; QUE le moyen est fondé ;
Casse et annule l'arrêt n° 203 du 23 Mars 1994 de la Cour d'Appel de Dakar en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de reclassement et de rappel de salaire -
Renvoie cause et parties devant la Cour d'Appel autrement composée pour y être statué à
nouveau ;
DIT qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général prés la Cour de Cassation le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la Cour d'Appel en marge ou à la suite de l'arrêt
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre
sociale, en son audience publique ordinaire des jour, mais et an que dessus, à laquelle
siégeaient :
Mme Renée Baro, Président de Chambre, Président ; M. Maïssa Diouf, Conseiller ; Arona
Diouf, Conseiller-Rapporteur ;
En présence de Monsieur Ac Af, Auditeur représentant le Ministère Public et avec l'assistance de Me Abdou Razakh Dabo, Greffier ;
Et ont signé le Présent arrêt, le Président, le Conseiller, le Conseiller-Rapporteur et le
Greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 032
Date de la décision : 22/05/1996

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.cassation;arret;1996-05-22;032 ?
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