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19/02/1971 | SéNéGAL | N°42

Sénégal | Sénégal, Cour d'appel de dakar, 19 février 1971, 42


Texte (pseudonymisé)
Les mentions portées sur l’attestation d’assurance doivent être présumées être celles convenues entre l’assureur et l’assuré ; dans le cas contraire il appartient à l’assureur de prouver que les parties avaient convenues d’autres termes. Il en résulta que tant que la preuve contraire n’est pas rapportée, le contrat d’assurance doit sortir ses pleins effets.
Cour d’Appel de Dakar n° 42 du 19 février 1971, C.G.A. c/ Birame NIANG.- Code CIMA, Les textes annotés / EDJA/ 2007, p. 83.
LA COUR,
Attendu que la CGA soutient qu’au moment de l’accident, il nâ

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Les mentions portées sur l’attestation d’assurance doivent être présumées être celles convenues entre l’assureur et l’assuré ; dans le cas contraire il appartient à l’assureur de prouver que les parties avaient convenues d’autres termes. Il en résulta que tant que la preuve contraire n’est pas rapportée, le contrat d’assurance doit sortir ses pleins effets.
Cour d’Appel de Dakar n° 42 du 19 février 1971, C.G.A. c/ Birame NIANG.- Code CIMA, Les textes annotés / EDJA/ 2007, p. 83.
LA COUR,
Attendu que la CGA soutient qu’au moment de l’accident, il n’y avait pas d’assurance ou de possibilité de prise en charge du risque, en vertu d’une police qui était venue à expiration depuis le 2 août 1968 ;
Attendu que N’DIAYE rétorque que l’assurance existait bien, ce que corrobore A qui, toutefois, s’abstient de prendre parti sur le problème de la déchéance, lequel, à la vérité, ne l’intéresse guère ;
Attendu que M. N’DIAYE verse aux débats :
1°) deux attestations d’assurances relatives à une police n° 6.002.188, la première attestation couvrant la période du 3 mai au 2 août 1968 ;
2°) un reçu extrait d’un carnet à souche établi par la SORARAF, qui est à Dakar, l’agent de la CGA, reçu daté du 14 août 1968 portant sur une somme de 31.440 francs ;
3°) une autre quittance sur un imprimé, non daté, indiquant que la même somme de 31.440 francs est la prime se rapportant à la période du directeur général de la compagnie et dans le corps de l’imprimé, il est indiqué que la garantie prendra effet, conformément aux dispositions de l’article 19 des conditions générales, le lendemain à midi du paiement de la prime ;
Attendu que cet article 19 visant la première prime, M. N’DIAYE rétorque que tel n’est pas le cas en l’espèce, mais il peut lui être répliqué que conventionnellement, cette disposition est susceptible d’être transposée à une autre échéance ;
Attendu que sur le plan juridique, un contrat peut être parfait sans entrer immédiatement en application, et est licite la clause subordonnant la prise d’effet du contrat d’assurance au paiement de la prime ;
Attendu qu’en principe, cette clause entraîne le report intégral de l’effet du contrat : jusqu’au jour du paiement, aucun risque n’est pris en charge et réciproquement, la prime s’applique à partir de ce jour, ce qui ne va pas sans soulever des difficultés à propos des échéances ultérieures qui doivent être déterminées d’après le jour du paiement de la première prime, et, partant, quant à la date d’expiration de l’assurance ;
Attendu, toutefois, qu’il est loisible aux parties de renoncer, fût-ce implicitement, à l’effet de cette clause, et cette renonciation existe lorsque la clause insérée aux conditions générales est contredite par une date spéciale de prise d’effet mentionnée aux conditions particulières, et ce en vertu de la règle que celles-ci prévalent sur les conditions générales ;
Attendu que tel est le cas en l’espèce où, par ailleurs, il n’est pas établi ni même allégué que le paiement de la prime était une condition de la formation du contrat, ou bien que le report d’effet du contrat ne concernait que la seule garantie due par l’assureur ;
Attendu, de surcroît, que la date de prise d’effet de l’assurance doit d’autant plus être fixée au 3 août 1968 que l’assureur a délivré à M. N’DIAYE, une attestation d’assurance valable du 3 août au 2 novembre 1968 ;
Attendu que cette pratique, vraisemblablement inspirée du système français, fait qu’en droit sénégalais, les parties doivent être considérées comme s’étant conventionnellement référées à ce système, qui n’a pas encore reçu une totale consécration dans la législation du Sénégal ;
Attendu que le document remis à l’assuré ne prouve pas certes, l’existence du contrat d’assurance, mais en certaines hypothèses, il constitue une note de couverture, et en tout cas, comme il le mentionne, l’attestation implique une présomption de garantie à la charge de l’assureur ;
Attendu qu’en principe, c’est à l’assuré ou à la victime à faire la preuve de l’obligation pesant sur l’assureur, et ce principe a été méconnu par le premier juge dans sa brève motivation au soutien du rejet des prétentions de l’assureur, puisqu’il s’est borné à énoncer qu’il y a lieu de dire que la responsabilité de N’DIAYE est couverte, en l’absence de la police qui permettrait d’établir le contraire de ce qui est allégué par la CGA, mais la situation se modifie en présence de l’attestation d’assurance qui vaut présomption de garantie ;
Attendu qu’alors, et alors seulement, c’est à l’assureur qu’incombe de prouver l’absence de garantie ;
Attendu que cette preuve se heurte non seulement, comme déjà exposé, à la contradiction existant entre les conditions générales et les conditions particulières, mais en outre, à l’inexactitude qui entacherait la durée de la garantie mentionnée sur l’attestation d’assurance ;
Attendu, en bref, que si la CGA, ou plus précisément la SORARAF, son agent à Dakar, avait entendu contracter une assurance limitée à trois mois pour compter du paiement de la prime, il lui appartenait de l’énoncer clairement, au lieu de délivrer des documents obscurs et contradictoires ;
Attendu, il est vrai, que la CGA, d’ailleurs uniquement dans la motivation de ses conclusions d’appel, fait état de ce que M. N’DIAYE s’est présenté chez la SORARAF dans le courant de la journée du 14 août 1968, alors que l’accident s’était produit le même jour vers 8 h 30, et elle voit là, une manœuvre frauduleuse qui entache de nullité l’assurance ;
Attendu que c’est à l’assureur à prouver que l’assuré a, de mauvaise foi, commis une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle, étant précisé que l’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré, dont la mauvaise foi n’est pas établie, n’entraîne pas la nullité de l’assurance (article 692 du Code des Obligations), mais notamment réduction proportionnelle de l’indemnisation, si l’omission est constatée après la survenance du sinistre ;
Attendu qu’en l’espèce, la preuve de la mauvaise foi de M. N’DIAYE n’est nullement apportée, d’autant que les parties ont fixé la prise d’effet de l’assurance au 3 septembre 1968,
date à laquelle, incontestablement, le sinistre n’avait pas eu lieu ;
Attendu, par ailleurs, que la réduction proportionnelle de l’indemnisation n’est pas demandée, ce qui ne présente d’ailleurs aucune incidence pratique ;
Attendu, en effet, et par contre, que la CGA, qui avait, comme antérieurement remarqué, critiqué à tort le jugement déféré, en ce qu’il avait prononcé la déchéance de M. N’DIAYE pour titre subsidiaire, mais là encore, uniquement dans la motivation de ses conclusions, ce moyen ;
Attendu qu’il y a lieu d’accueillir celui-ci, car il n’est nullement établi que N’DIAYE ait régulièrement déclaré le sinistre dans le délai de cinq jours spécifié à la police et à l’article 685 du Code des Obligations ;
Attendu qu’il s’agit là d’une déchéance postérieure à la réalisation du sinistre, et comme telle, inopposable à la victime ;
Attendu, en résumé, que par cette motivation substituée à celle insuffisante du premier juge, il convient de confirmer le jugement en son dispositif traitant de la garantie de l’assureur ;
Attendu que chacune des parties succombant en instance d’appel, il échet de partager les dépens entre chacune d’elles, ceux de première instance restant à la charge exclusive de M. N’DIAYE, comme en a décidé le premier juge ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
- Reçoit l’appel principal de la Compagnie Générale d’Assurance et celui de M. N’DIAYE ;
- Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré celui-ci entièrement responsable du dommage éprouvé par Aa A et l’a condamné à lui payer cent vingt quatre mille huit cent dix (124.810) francs ;
- Dit et juge M. N’DIAYE responsable seulement dans la proportion des deux tiers et le condamne à payer à Aa A, la somme de quatre vingt trois mille deux cent sept (83.207) francs ;
- Confirme le jugement déféré pour le surplus, notamment en ce qu’il a décidé que vis-à-vis de Aa A, l’assureur était tenu de fournir sa garantie, tandis que dans les rapports entre celui-ci et son assuré, ce dernier sera tenu de lui rembourser toutes les sommes payées pour son compte, à la victime ;
- Fait masse des dépens d’appel pour, sous distraction d’usage, être supportés dans la proportion d’un tiers par chacune des trois parties.
__________


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de dakar
Numéro d'arrêt : 42
Date de la décision : 19/02/1971

Analyses

ASSURANCE - CODE CIMA - PRIME - PRISE D'EFFET DE L'ASSURANCE - DÉCLARATION DE SINISTRE - SANCTION


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.appel.dakar;arret;1971-02-19;42 ?
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