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17/11/2004 | ROUMANIE | N°6429/CCPI/2004

Roumanie | Roumanie, Haute cour de cassation et de justice, 17 novembre 2004, 6429/CCPI/2004


On a examiné, le 17 novembre 2004 les recours déclarés par les défendeurs N.L.A., N.A., T.I. (celui-ci décédé le 11 mars 2004, ayant comme successeur G.O.E.) et T.V. E.L. et E.M. contre l'arrêt civil no. 430 du 4 novembre 2002 de la Cour d'Appel Bucarest, Chambre III civile.
Les débats ont été consignés dans la minute du 2 novembre 2004 et la rendue a été chancelée pour le 17 novembre 2004.
LA COUR,
Vu le recours présent:
Vu les documents du dossier, constate :
Par l'action formulée le 14 mars 1997, la demanderesse R.I. a sollicité à l'instance, en contrad

iction avec S.C. «A.» SARL et le Conseil Général de la Ville de Bucarest, l'oblig...

On a examiné, le 17 novembre 2004 les recours déclarés par les défendeurs N.L.A., N.A., T.I. (celui-ci décédé le 11 mars 2004, ayant comme successeur G.O.E.) et T.V. E.L. et E.M. contre l'arrêt civil no. 430 du 4 novembre 2002 de la Cour d'Appel Bucarest, Chambre III civile.
Les débats ont été consignés dans la minute du 2 novembre 2004 et la rendue a été chancelée pour le 17 novembre 2004.
LA COUR,
Vu le recours présent:
Vu les documents du dossier, constate :
Par l'action formulée le 14 mars 1997, la demanderesse R.I. a sollicité à l'instance, en contradiction avec S.C. «A.» SARL et le Conseil Général de la Ville de Bucarest, l'obligation des défendeurs de lui laisser en pleine propriété et possession l'immeuble (Rue P.), pris sans titre dans la propriété de l'Etat.
Ultérieurement, le 24 juin 1998, la demanderesse a précisé l'action sollicitant l'annulation des contrats de vente achat conclus par S.C. «A.» SARL avec T.I., T.V., N.V., N.A., E.M., et E.L., qui ont été appelés en jugement en qualité de défendeurs pour être obligés de laisser à la demanderesse, en pleine propriété et tranquille possession, l'immeuble en litige.
Investie avec la solution de la cause, la première instance du secteur 2 Bucarest, par l'arrêt civil no. 4577 du 24 mars 1999, rejetant les exceptions de manque de la qualité processuelle active et de l'inadmissibilité de l'action, a admis l'action, a constaté l'application erronée du Décret no. 92/1950 à l'égard de l'immeuble de Bucarest, le fait que la demanderesse est la propriétaire de l'immeuble, ainsi que la nullité absolue partielle des contrats de vente achat no. 2154 du 17 janvier 1997, no. 1356 du 10 décembre 1996, no. 1783 du 24 décembre 1996 et no. 972/1996, à l'égard du point 5 de ceux-ci.
Par la décision no. 789/A du 15 mars 2000, le Tribunal Bucarest Chambre III civile, a admis l'appel déclaré par les défendeurs personnes physiques, a annulé l'arrêt et a retenu la cause pour être solutionnée, par rapport aux dispositions de l'art. 2 point 1 lettre b du Code de procédure civile, ayant en vue la valeur de l'immeuble.
Le même tribunal, par l'arrêt no. 681 du 7 juin 2000, a rejeté les exceptions de l'inadmissibilité de l'action et de la prescription du droit a l'action, a admis l'action telle qu'elle a été complétée et a constaté que la demanderesse est la propriétaire de l'immeuble de Bucarest
En même temps, le tribunal a constaté aussi la nullité des contrats de vente achat conclus par S.C.«A.» SARL avec les défendeurs personnes physiques qu'il a obligé de laisser à la demanderesse, en pleine propriété et tranquille possession, l'immeuble revendiqué.
Pour décider ainsi, la première instance a retenu que l'immeuble en litige, la propriété des grands-parents de la demanderesse, a été pris par l'Etat sans titre valable, par l'application erronée du Décret no. 92/1950, dans les conditions ou ceux-ci étaient exceptés de la nationalisation, étant des intellectuels professionnels.
Par la suite, l'Etat n'étant pas le propriétaire de l'immeuble, il ne pouvait pas le prendre pour le donner aux défendeurs personnes physiques, d'autant plus que, antérieurement à la conclusion des contrats, la demanderesse a notifié l'intention de la restitution en nature de l'immeuble.
Par la décision no. 698A du 13 novembre 2000, la Cour d'Appel Bucarest, Chambre III civile - prenant en examen seulement la critique visant le non respect des dispositions se referant à la citation de la défenderesse T.V. - a admis les appels des défendeurs personnes physiques et a annulé l'arrêt, renvoyant la cause pour remise en jugement à la même instance de fond.
Par la même décision on a rejeté comme inadmissible l'appel déclaré par le M.B., représenté par le Maire Général, avec la motivation qu'il a été formulé par une personne sans qualité processuelle parce qu'au fond, c'est le Conseil Général de la ville B. qui a eu la qualité de défendeur.
La Cour Suprême de Justice, Chambre civile, par la décision no. 42 du 16 janvier 2002, a admis les recours déclarés par les défendeurs le M.B. représentée par le Maire Général et N.V. - continuée par N.L.A., N.A. et T.I. - ainsi que par T.V., E.M. et E.L. contre la décision rendue en appel, qu'elle a cassée et a disposé le renvoi de la cause à la même instance pour la remise en jugement des appels.
On a retenu en essence que, de manière erronée, l'appel déclaré par le M.B. par le Maire Général a été rejeté comme inadmissible dans les conditions où, conformément à l'art. 42 (2) de la Loi no. 69/1991 et l'art. 12 (5) de la Loi no. 213/1998, celui-ci pouvait exercer les voies d'attaque.
Dans le jugement après la cassation avec remise en jugement, la Cour d'Appel Bucarest, Chambre III civile, par la décision no. 430 A du 4 novembre 2002, a rejeté comme non fondés les appels déclarés par les défendeurs N.L., N.A., T.I., E.M., E.L. et le M.B. - par le Maire Général.
Pour se prononcer ainsi, l'instance de contrôle judiciaire a retenu en essence que la prise de l'immeuble en litige a été faite d'une manière abusive, en violant le Décret no. 92/1950, puisque C.A. et C.C., les auteurs de la demanderesse, étaient exceptés de la nationalisation, prise en rapport avec laquelle n'est fondée ni la critique visant la constatation erronée de la nullité des contrats de vente achat, de plus que la demanderesse a notifié la commission, dans les conditions de la Loi no. 112/1995, l'intention de lui restituer l'immeuble en nature.
Contre cet arret ont déclaré recours, dans le terme prévu par l'art. 301 du Code de procédure civil, les défendeurs N.L.A., N.A. et T.I. (la voie d'attaque exercée par le dernier étant ultérieurement adoptée par l'héritier G.O.E.) ainsi que les défendeurs T.V., E.M. et E.L.
Les demandeurs, invoquant les motifs de cassation prévues par l'art. 304 points 2, 5, 7, 8 et 9 du Code de procédure civile, soutiennent en essence que la décision de l'instance d'appel comprend des motifs étrangers de la nature de la cause et est rendue avec l'application et l'interprétation erronée de la loi, comme il suit:
- on a violé les dispositions légales concernant la citation et la communication des actes de procédure en ce qui concerne la défenderesse T.V.
- la décision a été rendue par un autre juge que celui qui a pris part aux débats en fond de la cause.
- d'une manière erronée on retenu que la nationalisation de l'immeuble a été abusive, parce que les grands parents de la demanderesse ne faisaient part des catégories socio- professionnelles exceptées par la loi, étant des grands propriétaires.
- la vente des appartements de l'immeuble revendiqué, dans lequel les défendeurs, personnes physiques, habitaient comme locataires par bail, a été faite avec le respect des dispositions de la Loi no. 112/1995 ne pouvant être mise en doute la bonne foi des acquérants dans les conditions ou tant la demande adressée à la Commission que l'action en justice ont été formulées après la conclusion des contrats de vente achat.
Les recours vont être admis dans les limites et pour les considérations qui succèdent.
Vu le motif de cassation qui vise la constatation erronée de la nullité des contrats de vente achat conclus par les demandeurs avec S.C. «A.»SARL;
Dans le conflit d'intérêts légitimes entre le vrai propriétaire et le sous acquérants de bonne foi de son bien - immeuble, la pratique et la doctrine n'ont pas entendu de reconnaître, dans tous les cas, l'efficience du principe «nemo plus iuris ad allium transferre potest quam ipse habet».
Ainsi, la reconnaissance de la prévalence de l'intérêt du sous acquérants de bonne foi, a été imposée, dans la base de certaines raisons avec application plus large et qui ont créé un véritable principe, de préoccupation pour l'assurance de la sécurité du circuit civil et de l'établissement des rapports juridiques.
On a considéré, à juste titre, que la loi, qui protège la propriété, va s'incliner devant un principe supérieur d'équité et de justice: la bonne foi de l'acheteur.
Du point de vue juridique la solution a trouvé son support dans des raisons d'ordre pragmatique concrétisées dans le principe de la validité de l'apparence de droit, dont l'essence est exprimée dans les mots «error communis facit jus».
En cause, quoi qu'on a correctement retenu que l'immeuble a été abusivement pris par l'Etat, les instances n'ont pas donnée efficience a ce principe qui aurait du être appliqué dans la faveur des défendeurs possesseurs qui ont obtenu à titre onéreux les appartements en litige, de la part d'un propriétaire apparent, étant de bonne foi et partageant une erreur commune et invincible à l'égard de la qualité de propriétaire du vendeur.
Vu que l'action en revendication a été formulée par la demanderesse le 14 mars 1997, à la date de la conclusion des quatre contrats de vente achat (10.XII.1996, 24.XII.1996 et respectivement le 17 janvier 1997) l'Etat avait l'apparence d'être le propriétaire du bien qui figurait dans l'annexe du Décret no. 92/1950.
De même, une loi spéciale permettait l'achat par les locataires par bail des appartements dans les conditions strictement réglementées par l'art. 9 de la Loi no. 112/1995 et aucune décision contraire à cette apparence de légalité du titre de l'Etat n'avait pas été rendue, l'action de la demanderesse en contradiction avec S.C. "A." SARL et le C.G. du M.B. étant promue ultérieurement à la conclusion de ces contrats.
En conséquence, par aucune preuve la demanderesse n'a réussi de combattre la présomption de bonne foi des possesseurs défendeurs.
En ce qui concerne la demande adressée par la demanderesse à la commission instituée selon la Loi no. 112/1995, formulée le 18 juin 1996, à laquelle l'instance d'appel fait envoi, celle-ci est explicite dans le sens de solliciter des dédommagements pour l'immeuble situé dans la ville Bucarest, en faisant la précision de la communication ultérieure du compte dans lequel seront virées les sommes reçues avec ce titre (p. 114-dossier 4156/1995 Première Instance du secteur 2 Bucarest).
En conclusion, la théorie du propriétaire apparent étant accomplie, l'effet immédiat doit être celui de rejeter l'action en revendication formulée par l'héritier des vrais propriétaires contre les possesseurs acquérants de la part du propriétaire apparent.
Les autres soutiens des demandeurs ne sont pas fondés.
Ainsi, comme on a déjà montré, d'une manière correcte les instances ont retenu que l'immeuble a été abusivement passé dans la propriété de l'Etat, dans les conditions où C.C. et son époux C.A., faisaient part des catégories socioprofessionnelles exceptées de la nationalisation, conformément aux dispositions de l'art. II du Décret no. 92/1950, étant femme au foyer et respectivement rédacteur, comme il résulte pleinement des preuves qui se trouvent dans la cause (p. 7-13 - dossier fond).
De même ne sont fondées ni les critiques se referant au manque de procédure avec la défenderesse T.V. parce que les citations qu'on lui a données ont été correctement complétées et communiquées conformément a l'art. 92 (2) du Code de procédure civile, ainsi que celles se referant au fait que la décision est rendue par un juge, autre que celui qui a pris part aux débats de fond de la cause, dans les conditions où, l'affaire a été remise en jugement pour la discussion de certaines exceptions de fond, respectivement l'exception de l'irrecevabilité de l'action en revendication par rapport aux dispositions de l'art. 2 de la Loi no. 213/1998 et de l'art. 1890 du Code civil.
Vis-à-vis de ce qui précède, on va admettre les deux recours et casser la décision attaquée, ainsi que l'arrêt du tribunal, avec la conséquence de la rejection de l'action.
PAR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Admet les recours déclarés par les défendeurs N.L.A., N.A., T.I. (continuée, pour le dernier par G.O.E) et T.V., E.M. et E.L., contre la décision civile no. 430 du 4 novembre 2002 de la Cour d'Appel Bucarest, Chambre III civile.
Casse la décision mentionnée ainsi que l'arrêt civil no. 681 du 7 juin 2000 du Tribunal Bucarest et sur le fond
Rejette l'action formulée par la demanderesse R.I.
Irrévocable.
Rendue en séance publique, aujourd'hui le 17 novembre 2004.
Action en revendication de l'immeuble pris par l'Etat par nationalisation et demande d'annulation du contrat par lequel on a vendu la maison au locataire par bail. Action enregistrée antérieurement à la Loi no. 10/2001.
Code civil, art. 480, 481,1890, 1898, 1899
Loi no. 112/1995, art. 9
L'action en revendication et d'annulation du contrat par lequel, selon la Loi no. 112/1995, l'Etat a vendu au locataire par bail la maison abusivement nationalisée, ne doit pas être admise si l'acheteur a été de bonne foi, opérant - conformément à l'adage«error communis facit jus» - une erreur commune et invincible à l'égard de la qualité de propriétaire du vendeur.
Le fait qu'antérieurement à la vente de la maison le propriétaire dépossédé par l'Etat a notifié la commission constituée pour l'application de la Loi no. 112/1995 avec la demande de lui accorder des «dédommagements» - et non pas la sollicitation de la restitution en nature de la maison - consolide la conviction, pour le locataire acheteur, que l'Etat vendeur était propriétaire, de la part duquel il était en droit d'acheter l'immeuble.
(Chambre civile et de propriété intellectuelle,
arrêt no. 6429 du 17 novembre 2004)


Synthèse
Formation : Chambre 1 Civile
Numéro d'arrêt : 6429/CCPI/2004
Date de la décision : 17/11/2004
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

Action en revendication de l'immeuble pris par l'Etat par nationalisation et demande d'annulation du contrat par lequel on a vendu la maison au locataire par bail. Action enregistrée antérieurement à la Loi no. 10/2001.

L'action en revendication et d'annulation du contrat par lequel, selon la Loi no. 112/1995, l'Etat a vendu au locataire par bail la maison abusivement nationalisée, ne doit pas être admise si l'acheteur a été de bonne foi, opérant - conformément à l'adage « error communis facit jus » - une erreur commune et invincible à l'égard de la qualité de propriétaire du vendeur.Le fait qu'antérieurement à la vente de la maison le propriétaire dépossédé par l'Etat a notifié la commission constituée pour l'application de la Loi no. 112/1995 avec la demande de lui accorder des « dédommagements » - et non pas la sollicitation de la restitution en nature de la maison - consolide la conviction, pour le locataire acheteur, que l'Etat vendeur était propriétaire, de la part duquel il était en droit d'acheter l'immeuble.


Parties
Demandeurs : RI
Défendeurs : NLA, NA, TI et autres

Références :

Décisions attaquées :


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ro;haute.cour.cassation.justice;arret;2004-11-17;6429.ccpi.2004 ?
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