ARRÊT N° 06-297/C Du 7 décembre 2006 MATIERE : Coutumière DEMANDEUR : Kiari Kelloumi Boulama Oumar Me Souleymane Abba DEFENDEUR : Wagani Abba Ganna PRESENTS : Dillé Rabo Président Hassane Hodi ; Moussa Idé Conseillers Ali Karmazi ; Mounkaila Dallou Assesseurs Abdou Aouta Aminou Ministère Public Me Gado Fati Founou Greffier RAPPORTEUR Hassane Hodi République du Niger
Cour Suprême Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi sept décembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE : Kiari Kelloumi Boulama Oumar, cultivateur demeurant à Gueskérou (Diffa), assisté de Maître Souleymane Abba, avocat à la Cour D'une part ET : Wagani Abba Ganna, cultivateur demeurant à Youwa (Diffa) ; D'autre part Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe de la Section de Tribunal de Diffa le 7 janvier 2005, par Kiari Kelloumi Boulama Oumar, contre le jugement n° 01 en date du 7 janvier 2005 du Tribunal de Diffa statuant en matière coutumière et en cause d’appel, qui a confirmé le jugement n° 15 du 31 mars 2004 du juge chargé des affaires civiles et coutumières de Diffa, en ce qu’il a donné acte à Wagani Abba Gana de sa prestation de serment coranique et dit que le domaine objet du litige est la propriété de sa famille ;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême ; Vu la loi 62-11 du 16 mars 1962 remplacée par la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger ; Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier ; Vu les conclusions du Procureur Général ;
Sur la recevabilité du pourvoi Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond Attendu que Maître Souleymane Abba, avocat à la Cour de Bordeaux (France) ayant élu domicile au cabinet de Maître Moussa Coulibaly avocat au barreau du Niger, conseil constitué de Kiari Kelloumi Boulama Oumar, a produit un mémoire dans lequel il soulève deux (2) moyens de cassation : Sur le premier moyen pris de la violation de l’article 36 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 fixant l’organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger pour irrégularité dans la composition du Tribunal dont les assesseurs ne représentent pas la coutume mobeur des parties ; Attendu qu’aux termes de l’article 36 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 susvisé « pour le jugement des affaires prévues à l’article 5, le juge de paix doit s’adjoindre deux assesseurs représentant la coutume des parties » ; que l’article 5 alinéa 4 de la même loi précise « qu’en matière coutumière, des assesseurs avec voix consultative complètent la Cour Suprême, le Tribunal de première instance et la justice de paix » ; Attendu que de l’examen du jugement attaqué il ressort que les deux parties en litige sont toutes de coutume mobeur ; que s’il n’est pas indiqué dans le préambule de ladite décision la coutume des deux assesseurs, cette précision a été apportée tant dans le relevé des notes d’audience que dans le dispositif du jugement où il a été énoncé « après avis des assesseurs coutumiers représentant la coutume des parties » ; qu’il s’ensuit que le moyen doit être écarté comme étant mal fondé ; Sur le deuxième moyen pris de la violation du double degré de juridiction en ce que un même assesseur a siégé en première instance et en appel ; Attendu qu’il est constant que l’exigence d’impartialité du Tribunal interdit au juge de statuer sur un recours formé contre sa propre décision ou contre une décision rendue par une formation collégiale dont il a fait partie ; qu’ainsi un magistrat qui a siégé en première instance ne peut plus statuer en appel au sein de la juridiction du second degré (cass 1 ère civ. 16 juil. 1991, Bull. civ I, N° 247 ; D. 1992, Somm. P 129) ; Que les règles ci-dessus énoncées doivent être observées concernant les assesseurs complétant les juridictions statuant en matière coutumière ; Attendu qu’en l’espèce, il ressort de l’examen de la décision attaquée que l’assesseur Ibrahim Adamou a siégé es qualité aussi bien en première instance qu’en appel ; que cette irrégularité qui méconnaît l’interdiction susvisée doit entraîner la nullité de la décision dont pourvoi ; qu’en conséquent le moyen doit être accueilli comme étant fondé ; Sur le premier moyen relevé d’office tiré de la violation de l’article 5 alinéa 4 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire en ce que le juge d’appel s’est fondé sur l’avis des assesseurs pour rendre sa décision ; Attendu qu’aux termes de l’article 5 alinéa 4 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 susvisée « en matière coutumière, des assesseurs avec voix consultative complètent la Cour de cassation, le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal d’Instance et le Tribunal du Foncier Rural » ; Attendu qu’en l’espèce, pour confirmer le jugement n° 15 du 31 mars 2004 du juge chargé des affaires civiles et coutumières de Diffa, le juge d’appel a énoncé entre autres motifs que « les assesseurs coutumiers sont d’avis pour la confirmation du jugement attaqué » ; qu’en statuant de la sorte il a violé le texte visé au moyen qui dispose que la voix des assesseurs n’est que consultative et non délibérative ; que de ce fait sa décision encourt cassation de ce chef ; Sur le deuxième moyen relevé d’office, tiré du défaut d’identité des assesseurs lors des débats et du délibéré : Attendu que les assesseurs qui participent au délibéré doivent être ceux devant lesquels l’affaire a été débattue ; qu’en effet, il est nécessaire que ceux qui prennent la décision soient ceux qui ont assisté aux débats, ce qui permet de vérifier qu’ils donnent leur avis au vu des éléments contradictoirement débattus et qu’ils ont pris une connaissance personnelle des prétentions et moyens des parties ; Attendu que le rapprochement des énonciations du jugement attaqué et celles du relevé des notes d’audience fait apparaître une composition différente à l’audience et lors du délibéré, les assesseurs Malam Oumara El Ari et Malam Salissou Adamou ayant siégé au cours des débats, alors que Salissou Ibrahim et Ibrahim Adamou ont plutôt délibéré pour la prise de la décision entreprise ; que ce défaut d’identité d’assesseurs lors des débats et du délibéré doit entraîner l’annulation de la décision attaquée ;
Par ces motifs
Déclare recevable le pourvoi de Kiari Kelloumi Boulama ;
Casse et annule le jugement n° 01 du 7-01-2005 de la Section de Tribunal de Diffa ;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
Dit qu’il n’y a pas lieu aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.