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06/04/2006 | NIGER | N°2006 CS 142 (JN)

Niger | Niger, Cour suprême, 06 avril 2006, 2006 CS 142 (JN)


ARRÊT N° 06-098 Du 6 avril 2006 MATIERE : Sociale DEMANDEUR : SOCIETE NIGERIENNE DE CHARBON D'ANOU ARAREN dite SONICHAR représentée par son directeur général Me Mounkaila Yayé DEFENDEUR : MAMADOU SAIDOU NOUHOU SCPA Mandéla PRESENTS : Issaka Dan Déla Président Nouhou Hamani Mounkaila ; Albachir Nouhou Diallo Conseillers Mahamadou Aminou Aouta MinistÃ

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ARRÊT N° 06-098 Du 6 avril 2006 MATIERE : Sociale DEMANDEUR : SOCIETE NIGERIENNE DE CHARBON D'ANOU ARAREN dite SONICHAR représentée par son directeur général Me Mounkaila Yayé DEFENDEUR : MAMADOU SAIDOU NOUHOU SCPA Mandéla PRESENTS : Issaka Dan Déla Président Nouhou Hamani Mounkaila ; Albachir Nouhou Diallo Conseillers Mahamadou Aminou Aouta Ministère Public Me Illiassou Amadou Greffier RAPPORTEUR Nouhou Hamani Mounkaila République du Niger

Cour Suprême Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires sociales en son audience publique ordinaire du jeudi six avril deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE : SOCIETE NIGERIENNE DE CHARBON D'ANOU ARAREN dite SONICHAR représentée par son directeur général, assisté de Maître Mounkaila Yayé, Avocat à la Cour D'une part ET : MAMADOU SAIDOU NOUHOU, ex-agent de la Sonichar, assisté de la SCPA Mandéla , Avocats associés à la cour ; D'autre part Après lecture du rapport de Monsieur Nouhou Hamani Mounkaila, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur le pourvoi formé par requête en date du 19/8/2004 de Maître Mounkaila Yayé avocat à la cour, conseil constitué de SONICHAR contre l’arrêt n°101 du 20/10/2003 rendu par la Cour d’Appel de Niamey statuant en matière sociale dans l’affaire opposant Mamadou Saidou Nouhou à Sonichar qui a statué en ces termes :  Reçoit l’appel principal de Mamadou Saidou Nouhou et l’appel incident de SONICHAR réguliers en la forme ;  Infirme la décision attaquée en ce qu’elle a déclaré le licenciement légitime ;  Déclare abusif le licenciement dont Mamadou Saidou Nouhou a été l’objet ;  Condamne SONICHAR à lui payer l’équivalent de six (6) mois de salaire à titre de dommages-intérêts ;  Confirme la décision attaquée sur les autres dispositions ;  Dit qu’il n’y a pas lieu à dépens s’agissant d’une matière sociale ;
Vu la loi n°2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême ; Vu la requête de pourvoi ; Vu l’ensemble des autres pièces du dossier ; Vu le code du travail ; Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général ;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi de SONICHAR est intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il doit être déclaré recevable ;

AU FOND
Attendu que SONICHAR invoque trois (3) moyens de cassation à l’appui de son pourvoi :
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 89 de l’Ordonnance n°96-039 du 29/6/96 portant Code du Travail en ce que les juges d’appel tout comme le premier juge se sont déclarés compétents pour connaître de l’affaire alors même que le licenciement à l’occasion duquel le contrat de Mamadou Saidou Nouhou a été rompu était un licenciement pour motif économique qui a fait l’objet de négociations régulières sanctionnées par un protocole conclu entre l’employeur et les délégués du personnel en bonne et due forme ; Attendu que pour SONICHAR, du moment où l’article 89 al.2 dit que « …les parties ont la faculté de convenir de ruptures négociées du contrat de travail qui, sous réserve des dispositions de l’alinéa ci-dessous, ne peuvent être remises en cause que dans les conditions du droit civil », les juridictions du travail perdent leur compétence au profit des juridictions civiles ; Attendu que l’arrêt querellé après avoir relevé que l’article 89 al.2 a exclu de son champ d’application les ruptures négociées relatives à une réduction des effectifs pour motif économique, a décidé que dans tous les cas la compétence des juridictions du travail pour connaître de tout conflit entre employeurs et employés à propos du contrat de travail est fixée par l’article 278 du Code du Travail ; Attendu que l’article 89 de l’Ordonnance n°96-039 du 29 juin1996 portant code du travail dispose que : « les parties ne peuvent renoncer à l’avance au droit éventuel de demander des dommages-intérêts en vertu des dispositions ci-dessus. Néanmoins, les parties ont la faculté de convenir de ruptures négociées du contrat de travail qui sous réserve des dispositions de l’alinéa ci-dessous ne peuvent être remises en cause que dans les conditions du droit civil ; Lorsque ces ruptures font partie d’une opération de réduction des effectifs pour motif économique elles doivent être, au même titre que les licenciements annoncés et discutés dans les conditions prévues aux articles 75 et 76 ci-dessus » ;

Attendu que l’interprétation qu’il convient de donner à ce texte est qu’en cas de ruptures négociées du contrat de travail intervenues pour motif économique si la procédure prévue aux articles 75 et 76 a été respectée, l’accord commun des parties ne peut être remis en cause que sur la base du droit civil, qu’il s’agit alors pour le juge de voir si les conditions essentielles prévues aux articles 1108 et suivants du code civil pour la validité des conventions ont été respectées notamment les questions liées à la notion de consentement valable, le tribunal compétent restant le tribunal du travail car non seulement il s’agit d’un litige entre employeur et employé (compétence dévolue par l’article 278 du code du travail) mais aussi avant de recourir au code civil il aura fallu examiner et décider que les conditions du licenciement pour motif économique ont été respectées ce qui n’est pas du ressort du juge civil ; qu’il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant mal fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation des articles 1134 et 2052 du code civil en ce que les juges d’appel bien que reconnaissant la transaction intervenue entre les parties l’ont déclarée cependant non avenue parce que contraire aux dispositions d’ordre public du code du travail alors que, même s’ils sont souverains pour interpréter la volonté des parties, il ne leur est pas permis lorsque les termes sont clairs et précis de dénaturer les conventions des parties ; Attendu que la requérante soutient qu’aucune lésion, qu’aucune erreur n’a été prouvée dans le protocole d’accord du 25 mai 2001 ; que la prétendue irrégularité de forme, support de la décision querellée n’est point établie parce que le critère de la sureffectivité a bel et bien été discuté pendant la réunion au cours de laquelle le défendeur Mamadou Saidou Nouhou a proposé et soutenu qu’en ce qui concerne les cadres leur licenciement soit laissé à la discrétion de la direction ; Attendu que le défendeur rétorque qu’il s’agit d’un licenciement pour motif économique ; que le protocole d’accord a juste posé le cadre conventionnel où doit se dérouler la mise en œuvre des départs négociés, les modalités pratiques devant être arrêtées de façon consensuelle, à travers la consultation, la participation effective des parties prenantes et la concertation ; que la réunion du 20 juin 2001 n’a concerné que les agents dont la situation répond aux critères d’absence et d’incapacité ; que l’article 74 du code de travail et l’article 33 de la convention collective imposent à l’employeur d’établir la liste prévisionnelle des agents concernés en tenant compte des critères de qualification, d’aptitude et d’ancienneté ; que le départ de Saidou Mamadou Nouhou n’a pas été discuté et convenu lors des négociations du 20/6/01 car il ne ressort pas du procès-verbal et la notification de licenciement qui lui a été faite a retenu le motif de la suppression de son poste ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que le critère retenu pour le licenciement de Mamadou Saidou Nouhou à savoir la sureffectivité n’a été débattue à aucune des rencontres et à preuve aucun des procès-verbaux n’en a fait mention contrairement aux exigences des articles 74 et 75 du code du travail ; Attendu que de tout ce qui précède, il y a lieu de retenir que le problème juridique à trancher en l’espèce est de savoir si le licenciement de Mamadou Saidou Nouhou qui est un licenciement pour motif économique a respecté les conditions de forme prévues aux articles 73, 74, 75 et 76 du code du travail ; Attendu que de la substance de ces textes il ressort qu’une série de rencontres multipartites doivent être organisées ; que les critères retenus pour le licenciement doivent être connus ainsi que la liste prévisionnelle des salariés susceptibles d’être concernés ; Attendu qu’à l’évidence Mamadou Saidou Nouhou n’est pas sur la liste prévisionnelle ; Attendu que l’employeur qui ne prouve pas qu’il a rempli les conditions de forme de licenciement est mal fondé à soutenir la validité de la convention de rupture en s’appuyant sur les articles 1134 et 2052 du code civil ; qu’il y a donc lieu de rejeter ce moyen comme étant mal fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré du défaut de base légale, mauvaise appréciation du préjudice, absence de motif : violation de l’article 2 al.2 de la loi n°62-11 du 16 mars 1962 ; en ce que pour allouer 6 mois de salaire à Mamadou Saidou Nouhou en réparation de son préjudice, la Cour ne prouve pas la faute et encore moins le lien de cause à effet pouvant autoriser une telle réparation qui serait due à un non respect des prescriptions formelles ; Attendu que la requérante soutient qu’il y a non seulement défaut de base légale mais aussi absence de motifs ; Attendu que le défendeur rétorque que le droit à réparation est fondé sur les articles 76, 84 et 85 du code du travail qui disent que le licenciement pour motif économique qui viole les dispositions du code est abusif ; qu’il peut donner lieu à des dommages et intérêts dont le montant est fixé compte tenu de tous les éléments qui peuvent justifier l’existence et l’étendue du préjudice causé ; Attendu que le défendeur soutient en outre que l’évaluation du préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui échappe du coup à l’examen de la Cour de céans ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que : « de tout ce qui précède, il y a lieu d’infirmer la décision attaquée en ce qu’elle a déclaré le licenciement légitime et de déclarer abusif le licenciement de Mamadou Saidou Nouhou… que l’octroi à ce dernier d’une somme équivalente à 6 mois de salaire constitue une juste et intégrale indemnisation s’agissant d’un licenciement entaché d’irrégularités formelles ; Qu’il convient de condamner SONICHAR à lui payer l’équivalent de 6 mois de salaire à titre de dommages et intérêts » ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le défendeur Mamadou Saidou Nouhou a été employé de SONICHAR du 22 août 1984 au 29 juin 2001 soit un peu moins de 17 ans et qu’il a été licencié pour motif économique et a perçu une indemnité de 30.394.228 Frs et des avantages matériels ; que l’arrêt attaqué a constaté que les formes légales n’avaient pas été respectées ; Attendu qu’il ressort par ailleurs des textes du code du travail notamment les articles 84 et 85 que le licenciement prononcé sans motif légitime peut donner lieu à des dommages-intérêts et que « le montant des dommages et intérêts est fixé compte tenu de tous les éléments qui peuvent justifier l’existence et déterminer l’étendu du préjudice causé, en tenant compte lorsque la responsabilité incombe à l’employeur des usages, de la nature des services engagés, de l’ancienneté des services, de l’âge du travailleur et des droits acquis à quelque titre que ce soit » ; Attendu que de tout ce qui précède il y a lieu de relever que si le juge du fond dispose de la faculté d’accorder ou non des dommages et intérêts, il doit cependant le cas échéant déterminer l’existence et l’étendue du préjudice en se servant des critères visés à l’article 85 al.1-b ; Qu’ainsi viole la loi la décision qui fixe de manière péremptoire et lapidaire des dommages et intérêts sans faire l’effort d’analyse et d’appréciation prévue à l’article 85 du code du travail d’une manière spécifique et à l’article 2 al.2 de la loi n°62-11 du 16 mars 1962 sur l’organisation des juridictions concernant l’obligation générale de motiver les décisions de justice ; Qu’il y a lieu de déclarer ce moyen fondé, casser et annuler la décision attaquée, renvoyer la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Niamey autrement composée ;
Par ces motifs
 Déclare le pourvoi recevable en la forme ;  Au fond, casse et annule l’arrêt n°101 du 20/10/2003 de la Cour d’Appel de Niamey ;  Renvoie la cause et les parties devant la même cour autrement composée pour y être statué conformément à la loi ;  Dit qu’il n’y a pas lieu aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2006 CS 142 (JN)
Date de la décision : 06/04/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2011
Fonds documentaire ?: JuriNiger
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-04-06;2006.cs.142..jn. ?
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