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02/06/1988 | NIGER | N°1988 CS 10 (JN)

Niger | Niger, Cour suprême, 02 juin 1988, 1988 CS 10 (JN)


LA COUR d'état, statuant en matière judiciaire pour les affaires sociales, en son audience publique, tenue au Palais de ladite Cour le jeudi deux juin mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt dont la teneur suit : 
LA COUR 
Après la lecture du rapport de Monsieur le Président MAMADOU MALAM AOUAMI, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et en avoir délibéré conformément à la loi ; 
Statuant sur le pourvoi formé par requête en date du 6 octobre 1986, enregistrée au Greffe de la Cour d'appel de Niamey

, le 8 octobre suivant, de Me Gérard LORI, avocat à la Cour, conseil ...

LA COUR d'état, statuant en matière judiciaire pour les affaires sociales, en son audience publique, tenue au Palais de ladite Cour le jeudi deux juin mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt dont la teneur suit : 
LA COUR 
Après la lecture du rapport de Monsieur le Président MAMADOU MALAM AOUAMI, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et en avoir délibéré conformément à la loi ; 
Statuant sur le pourvoi formé par requête en date du 6 octobre 1986, enregistrée au Greffe de la Cour d'appel de Niamey, le 8 octobre suivant, de Me Gérard LORI, avocat à la Cour, conseil constitué de la Société d'équipement pour l'Afrique Niger dite SEAN, Maison Mercedes, BP. 885, Niamey, contre l'arrêt n 52 en date du 27 juin 1986 de la Cour d'appel de Niamey, ayant condamné la SEAN dans un procès qui l'opposait à ses ex-employés SANDA MAIWOUYA et autres ; 
Vu le mémoire produit par le demandeur ; 
Attendu que ce pourvoi intervenu dans les forme et délai de la loi doit être déclaré recevable ; 
Sur le premier moyen, pris de la violation par fausse interprétation de l'article 37 du Code du travail. 
En ce que l'arrêt déféré a déclaré le licenciement abusif, motif pris de ce que l'autorisation administrative fait partie de ce texte et en est la condition d'application ; 
Alors que ce texte est d'ordre public et ne fait aucune obligation de requérir une autorisation pour un licenciement collectif motivé par des raisons économiques ; 
Mais attendu qu'une simple lecture attentive de ce texte conduit au constat suivant : 
- que le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties, 
- que cette résiliation est subordonnée à un préavis notifié par écrit par la partie qui prend l'initiative de la rupture, 
- que le motif de la rupture doit être précisé dans cette notification ; 
Attendu qu'en cas d'absence de conventions collectives, un décret, après avis de la commission consultative du travail, détermine les conditions et la durée du préavis, compte tenu, notamment, de la durée du contrat et des catégories professionnelles ; 


Attendu que par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article 37 précité, tout licenciement, individuel ou collectif motivé par une diminution de l'activité de l'établissement ou une réorganisation intérieure, envisagé par l'employeur, est soumis à la procédure fixée ci-après ; 
Attendu que de cette lecture de l'art. 37, il convient de retenir que le moyen soumis à la censure de la Cour d'état ne peut pas s'apprécier uniquement sur la base du texte visé ; que dans le cas d'espèce, le moyen renvoie donc à la Convention collective interprofessionnelle du 15 décembre 1972, et notamment à son article 33 qui indique la procédure à suivre, et fait obligation à l'employeur qui prend l'initiative du licenciement de consulter les délégués du personnel et d'aviser les services de la main d'oeuvre des mesures de licenciement qu'il envisage dans un délai minimum de huit (8) jours avant notification des préavis de licenciement ; 
Attendu que si l'article 37 du Code du travail ne prévoit pas l'autorisation administrative comme le soutient le demandeur au pourvoi, il renvoie à la Convention collective interprofessionnelle qui place l'employeur qui prend l'initiative du licenciement dans l'obligation d'aviser le service de la main d'oeuvre avant la notification du préavis ; qu'ainsi donc l'art. 37 du Code du travail et l'art. 33 de la Convention Collective interprofessionnelle se complètent et soumettent le licenciement collectif motivé par des raisons économiques à autorisation administrative préalable ; 
Attendu que l'arrêt déféré n'a pas violé le texte visé au moyen qui doit être rejeté comme non fondé ; 
Sur le deuxième moyen, pris de la violation du principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil et de l'article 2, alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 : 
défaut de motifs, manque de base légale. 
En ce que le juge d'appel a déclaré que l'autorisation avait été obtenue par manoeuvres déloyales et frauduleuses alors d'une part, que ce grief n'avait jamais été articulé et que d'autre part, l'autorisation avait été validée par la juridiction pénale ; 
Attendu que le moyen soumis à l'appréciation de la Cour pose le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ; 
Attendu que le sieur Gérard POINTEL, directeur de la SEAN, demeurant à Maison Mercedes, BP. 885, Niamey, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Niamey pour résistance à l'exécution normale de la mission de l'inspecteur du travail M. DAN AZOUMI ISSA, en refusant de se conformer à la décision administrative annulant l'autorisation de compresser le personnel intervenue le 6 avril 1984 ; 
Attendu que le tribunal a relaxé le prévenu POINTEL en motivant sa décision " qu'en refusant de réintégrer ses employés licenciés, le prévenu n'a commis aucune faute pénale " ; 


Attendu que c'est cette décision de relaxe au pénal que le demandeur au pourvoi veut opposer à l'action en réclamation de dommages-intérêts des travailleurs licenciés ; 
Mais attendu que la jurisprudence et la doctrine sont unanimes, pour que le principe de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil joue, il faut qu'il y ait le même objet, et que les deux procédures mettent en cause les mêmes parties ; 
Attendu que dans le cas d'espèce, les parties dans la procédure pénale sont le Ministère Public et M. POINTEL, directeur de la SEAN ; que les parties dans l'action en réclamation des dommages-intérêts sont la SEAN, représentée par son directeur et ses anciens employés ; qu'il est ainsi démontré que le principe de la chose jugée au pénal sur le civil ne peut pas et ne doit pas jouer dans le cas d'espèce ; qu'il s'ensuit que ce moyen n'est pas fondé et doit être rejeté ; 
Moyen tiré des manoeuvres déloyales et frauduleuses n'ayant jamais été articulées devant la juridiction pénale et la juridiction sociale. 
Attendu que ce moyen tiré de l'argumentation selon laquelle ce grief de fraude apparaît pour la première fois dans l'arrêt déféré ne résiste pas à une analyse rigoureuse des éléments du dossier ; 
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier, notamment de la note explicative sur la compression du personnel de la Société d'équipement pour l'Afrique Niger en date du 11 décembre 1984, de l'inspecteur du travail que des irrégularités comme le dépôt d'un faux bilan d'activité et fausse déclaration à l'autorité administrative ont été relevées à l'encontre de la société ; 
Attendu que cette note explicative mentionne expressément que contrairement à la déclaration du directeur de la société relative à son incapacité de pouvoir faire face au paiement des salaires de son personnel, cette société avait procédé deux mois avant la demande de compression, à une augmentation des salaires du personnel ; qu'ainsi certains salaires ont passé de 150.000 F à 200.000 F ; que certains travailleurs se sont vus octroyer des primes allant jusqu'à 40.000 F afin de cumuler les fonctions d'autres agents compressés ; qu'en violation des textes en la matière, la SEAN fait effectuer des heures supplémentaires afin d'absorber le retard constaté dans l'exécution des tâches à cause du départ des titulaires des postes compressés ; 
Attendu que toutes ces constatations sont consignées dans la lettre n 00517/DTSS en date du 30 avril 1984 du directeur du travail et de la sécurité sociale au directeur de la SEAN, lettre qui notifie l'annulation de l'autorisation administrative de compresser le personnel, accordée le 9 mars 1984 ; que cette lettre mentionne en substance ; " cette compression intervenue en violation de nos textes réglementaires est donc nulle et de nul effet, et comporte de ce fait la réintégration de plein droit des salariés concernés " ; 
Attendu que contrairement à l'affirmation du demandeur au pourvoi, une note en cours de délibéré en date du 9 mai 1985 devant le tribunal du travail de Niamey, présentée par Me


ALI SIRFI, avocat stagiaire au Cabinet de Me KELESSI, conseil des travailleurs compressés de la SEAN, fait état des manoeuvres déloyales ayant conduit les pouvoirs publics à procéder à l'annulation de l'autorisation de la compression du personnel opérée ; 
Attendu qu'il est ainsi établi par les développements qui précèdent que la question des manoeuvres déloyales et frauduleuses était bien posée devant le tribunal du travail ; que cette question n'est donc pas posée pour la première fois devant la juridiction d'appel ; 
Attendu par ailleurs que ce grief de fraude ne pouvait pas être articulé devant la juridiction pénale, parce que la poursuite intentée par le Ministère public contre Gérard POINTEL, directeur général de la SEAN, était fondée sur la résistance du sieur POINTEL à l'exécution normale de la mission de l'inspecteur du travail ; 
Attendu que le juge pénal dans un de ses motifs a clairement affirmé qu'en tout état de cause, la réintégration ne peut intervenir que par l'accord de volonté des seules parties au contrat, qu'en refusant de réintégrer ses employés licenciés, le prévenu n'a commis aucune faute pénale ; 
Attendu que la question de fraude ne s'est donc pas posée devant le juge pénal, et partant, le juge pénal ne pouvait pas valider l'autorisation de compresser ; 
Attendu que la procédure pénale et le procès civil en réclamation de dommages-intérêts sont deux instances bien distinctes ayant des objets différents et n'ayant pas les mêmes parties, il ne peut donc y avoir autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ; que ce deuxième moyen dans ses deux branches n'est pas fondé, et doit être rejeté. 
PAR CES MOTIFS 
Vu l'article 52 de l'ordonnance n 74-13 du 13 août 1974 portant création, composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour d'état ; 
Rejette le pourvoi de la SEAN ; 
Dit n'y avoir lieu à perception de frais de justice s'agissant d'affaire sociale ; 
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d'état, formation judiciaire, les jour, mois et an que dessus ; 
Où étaient présents MM. : 
MAMADOU MALAM AOUAMI, Président ; HADJ NADJIR, Conseiller ; MAINASSARA MAIDAGI, Conseiller intérimaire ; ALI BANDIARE, Procureur Généralassisté de Maître MAIGA ALI, Greffier en Chef. 


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1988 CS 10 (JN)
Date de la décision : 02/06/1988

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2011
Fonds documentaire ?: JuriNiger
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;1988-06-02;1988.cs.10..jn. ?
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