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22/06/2021 | MONACO | N°19891

Monaco | Tribunal correctionnel, 22 juin 2021, Le Ministère public c/ m. W. et j. d. R.


Abstract

Crimes et Délits - Obtention indue de documents administratifs - Éléments constitutifs - Fausse déclaration - Obtention de cartes de séjour - Condamnation

Résumé

Le prévenu doit être condamné du chef d'obtention indue de cartes de séjour. Il s'est fait délivrer par la direction de la Sureté publique des cartes de séjour en déclarant faussement être séparé de son épouse et résider à Monaco avec une personne présentée faussement comme sa nouvelle compagne.

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2016/001501

JUGEMENT DU 22 JUI

N 2021

_____

* En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

* - m. W., né le 20 juillet 1971 à NEWARK...

Abstract

Crimes et Délits - Obtention indue de documents administratifs - Éléments constitutifs - Fausse déclaration - Obtention de cartes de séjour - Condamnation

Résumé

Le prévenu doit être condamné du chef d'obtention indue de cartes de séjour. Il s'est fait délivrer par la direction de la Sureté publique des cartes de séjour en déclarant faussement être séparé de son épouse et résider à Monaco avec une personne présentée faussement comme sa nouvelle compagne.

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2016/001501

JUGEMENT DU 22 JUIN 2021

_____

* En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

* - m. W., né le 20 juillet 1971 à NEWARK (Grande-Bretagne), de r. et de l. K. de nationalité britannique, sans profession, demeurant X1-98000 MONACO (Principauté de Monaco) et ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur près la Cour d'appel, y demeurant en cette qualité X2 - 98000 MONACO (Principauté de Monaco) ;

Prévenu de :

* - RECEL DE VOL

* - OBTENTION INDUE D'UN DOCUMENT ADMINISTRATIF

* - PRÉSENT aux débats, placé sous contrôle judiciaire par ordonnance du 5 janvier 2018, assisté de Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur près la Cour d'appel, et plaidant par Maître Dan SHEFET, avocat au barreau de Paris ;

En présence de :

* - j. d. R., né le 8 juin 1975 à LONDRES (Angleterre), de nationalité britannique, homme d'affaires, demeurant X3 LONDRES (Angleterre), et ayant élu domicile en l'étude de Maître r. MULLOT, avocat défenseur près la Cour d'appel, y demeurant en cette qualité X4 - 98000 MONACO (Principauté de Monaco), constitué partie civile, ABSENT, représenté par Maître r. MULLOT, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 25 mai 2021 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2020/001501 ;

Vu l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal correctionnel du magistrat instructeur en date du 18 décembre 2020 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 janvier 2021 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur pour m. W., en date du 25 mai 2021 ;

Ouï Maître Dan SHEFET, avocat pour le prévenu, lequel soulève in limine litis une exception de nullité ;

Ouï Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur pour le prévenu, en ses observations ;

Ouï Maître r. MULLOT, avocat défenseur pour la partie civile, en ses observations ;

Ouï le Ministère public, en ses observations ;

Le Président après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;

Ouï le prévenu en ses réponses et ce, avec l'assistance de Madame Laëtitia ZWAANS-NOYON, faisant fonction d'interprète en langue anglaise, serment préalablement prêté ;

Ouï Maître r. MULLOT, avocat défenseur, pour la partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date du 25 mai 2021 ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Dan SHEFET, avocat au barreau de PARIS, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

m. W. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, du 5 août 2013 au 5 août 2016, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

* - sciemment recelé des données et documents personnels qu'il savait provenir d'un vol commis au préjudice de j. R.

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 27, 309, 325, 339 et 340 du Code pénal ;

D'avoir, à MONACO, courant 2014 et 2017, en tout cas depuis temps non prescrit,

* - fait délivrer indûment des passeports, certificats, livrets, cartes, bulletins ou récépissés, laissez-passer ou autres documents délivrés par les administrations publiques, en vue de constater une identité ou une qualité, reconnaître un droit ou accorder une autorisation, en faisant de fausses déclarations, en prenant un faux nom ou une fausse qualité ou en fournissant de faux renseignements, certificats ou attestations, en l'espèce en se faisant délivrer des cartes de séjours en déclarant faussement être séparé de son épouse et résider à Monaco avec s. K. en la présentant faussement comme sa compagne,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 97 et 98 du Code pénal ».

À l'audience, j. d. R. s'est constitué partie civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu à lui payer les sommes de 300.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi et de 407.151,93 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériel et financier subis ;

Sur les faits

Le 5 août 2016, j. d. R. déposait plainte avec constitution de partie civile. Il exposait que sa famille, détentrice de la société A, avait mis en place un réseau informatique privé de gestion d'affaire bénéficiant du nom de domaine « y » et qu'il avait fait installer un accès informatique à ce réseau depuis son bureau à Monaco, en confiant les accès à son homme de confiance, m. W. .

À l'été 2013, j. R. quittait la Principauté de Monaco et fermait son bureau. Il déconnectait alors la plateforme « y » de Monaco pour la transférer en Angleterre. m. W. sollicitait, dans un premier temps, la possibilité de racheter l'ordinateur qu'il utilisait au sein des bureaux monégasques et sur lequel les accès à la plateforme étaient ouverts, ce qui lui était refusé, puis, dans un second temps, la possibilité de récupérer des photographies et documents personnels s'y trouvant, ce qui lui était accordé.

Cette mission était confiée à l'informaticien de la famille R. b. N. Il facturait sa prestation avec un nombre d'heures de travail important, éveillant les soupçons de j. R. quant aux réelles prestations effectuées compte tenu de la nature relativement simple de la mission.

En juin 2015, m. W. assignait la famille R. en justice en Angleterre, se réclamant bénéficiaire d'une option d'achat sur 5% des actions de la société A. À l'occasion de ce litige, la famille R. s'apercevait que m. W. avait enregistré, le 25 juin 2013, des conversations à l'insu de j. R. et qu'il se trouvait en possession de documents et données électroniques téléchargés sur la plateforme privée « y ». L'intégralité des demandes de m. W. seront rejetées par un jugement anglais du 9 octobre 2017.

j. R. estimait que m. W. aurait pu entrer en possession de ces données par l'intermédiaire de b. N. qui, au regard de ses factures, avait téléchargé beaucoup de données. Il déposait en conséquence plainte des chefs de vol, abus de confiance, recel, violation de la vie privée, chantage et menaces.

Par des pièces complémentaires, j. R. déplorait en outre que m. W. ait produit dans la procédure anglaise des emails lui appartenant.

Une information judiciaire était alors ouverte des chefs de recel de vol et recel d'abus de confiance commis à Monaco courant du 5 août 2013 au 5 août 2016.

Le conseil de j. R. adressait au Juge d'instruction différents courriers dénonçant le comportement de m. W. . Il indiquait que m. W. se prévalait auprès des autorités anglaises d'une fausse résidence monégasque. Il ajoutait subir des pressions de personnes influentes qui feraient état de menaces de divulgations d'informations confidentielles provenant de données qui n'ont pu qu'être dérobées par m. W. à Monaco. m. W. soutiendrait des positions mensongères dans le cadre de la procédure anglaise, indiquant que la copie des documents litigieux avait été faite par erreur, prétendant que l'ordinateur dans lequel les documents se trouvaient lui aurait été dérobé dans des conditions rocambolesques.

En tout état de cause, il aurait admis qu'il avait conscience qu'il s'agissait de documents personnels de j. R. et reconnu qu'il avait proposé la restitution desdites archives moyennant une contrepartie financière.

Sur commission rogatoire et dans un premier temps, les services de police ne parvenaient pas à découvrir m. W., l'occupante de l'appartement déclaré à titre de résidence, s. K. indiquant qu'il n'y habitait pas et la perquisition démontrant qu'aucun effet personnel ne s'y trouvait, et ce alors que lors du renouvellement de sa carte de séjour le 23 mars 2017, il avait déclaré être séparé de son épouse et vivre dorénavant dans un studio avec sa nouvelle compagne s. K.

b. N. était entendu sous le régime de la garde à vue. Il contestait avoir sauvegardé les données de j. R. s'étant contenté de transférer les données personnelles de m. W. tel que cela lui avait été demandé. Il précisait toutefois qu'en se rendant au domicile à Monaco de m. W. ce dernier lui avait alors remis une Time capsule en lui demandant de la déverrouiller. En s'exécutant, il s'apercevait alors qu'elle contenait des données personnelles de j. R. et s'en inquiétait. m. W. le rassurait en lui indiquant qu'il agissait à la demande de la femme de j. R.

Au regard des éléments nouveaux découverts au cours de l'enquête, des réquisitions supplétives étaient prises du chef d'obtention indue de documents administratifs commis à Monaco courant 2014 à 2017.

m. W. était finalement interpellé au sein des locaux de police, s'étant présenté au service des résidents pour effectuer un changement d'adresse. Lors des deux demandes de cartes de séjour de 2015 et 2017, il se présentait comme séparé de son épouse et demeurant en concubinage avec s. K. Lors de la perquisition à son nouveau domicile déclaré, il était constaté que l'appartement était entièrement vide.

Entendu sous le régime de la garde à vue, il s'expliquait dans un premier temps sur sa résidence. Il affirmait être séparé de son épouse depuis 2013 et vivre avec sa nouvelle « petite amie » s. K. à Monaco depuis deux ans. S'il admettait voyager beaucoup et n'être présent sur le territoire que de manière ponctuelle, il se considérait néanmoins comme résident monégasque. Alors que son épouse, entendue séparément, confirmait que son mari avait une résidence à Monaco avec une amie, elle contestait toutefois qu'ils ne se soient jamais séparés. m. W. ne s'expliquait pas sur la version de son épouse, continuant à maintenir qu'il demeurait en concubinage avec s. K.

Face à la nouvelle audition de s. K. qui confirmait qu'ils avaient trouvé un arrangement financier pour que m. W. dispose d'une adresse à Monaco, ce dernier payant la totalité du loyer pendant un temps, puis la moitié, à charge pour s. K. de lui envoyer ses courriers au Canada, m. W. finissait par admettre une partie des faits. Il indiquait qu'il ne vivait plus à Monaco depuis un an, étant retourné auprès de son épouse au Canada. Il avait besoin d'une résidence à Monaco pour des raisons fiscales car il n'avait pas de résidence officielle au Canada. Au cours de l'année 2017, il s'était rendu à Monaco moins de 30 jours et dormait alors à l'hôtel ou sur son bateau.

Il apportait sa version des faits concernant le litige avec la famille R. Suite à son congédiement par d. R. il avait souhaité récupérer ses données personnelles, raison pour laquelle b. N. avait été missionné pour s'en charger. Les deux ordinateurs, celui de j. R. et le sien, ayant une sauvegarde commune, la sauvegarde de ses données personnelles avait entraîné celle de tout ce que contenait l'ordinateur de j. R. Constatant qu'il se trouvait en possession de ces données, il les transférait à ses avocats anglais. Il reconnaissait avoir demandé à b. N. de transférer sur un DVD un enregistrement qu'il avait fait avec son téléphone d'une conversation avec d. R. Il confirmait ce qu'il avait déjà indiqué à l'occasion de la procédure anglaise, à savoir que le téléphone ayant servi à l'enregistrement de la conversation avait été égaré dans les locaux de son cabinet de conseil en Angleterre et que l'ordinateur contenant toutes les données provenant de l'ordinateur de j. R. lui avait été dérobé dans son véhicule à X5, en sorte qu'il ne détenait plus aucune archive de ces documents litigieux.

Il mettait en cause b. N. expliquant que ce dernier avait transféré toutes les données sur un disque dur externe avant de les transférer à son domicile dans son ordinateur personnel, un PC qu'il se faisait voler quelques mois plus tard. Il contestait que b. N. lui ait remis une clef USB contenant les données. Il confirmait la présence d'une time capsule à son domicile lors de la venue de b. N. mais ne se souvenait pas lui avoir demandé de l'ouvrir. Il affirmait que cette time capsule lui avait été confiée par la compagne de j. R. pour se garantir un appui contre lui en cas de besoin lors de leur séparation, mais maintenait n'avoir jamais cherché à y accéder. Il considérait que b. N. certainement touché par la manière injuste dont il était traité par la famille R. avait voulu l'aider en lui donnant accès à leurs informations personnelles.

b. N. était réentendu sous le régime de la garde à vue. Il expliquait dans un premier temps que les justifications de m. W. étaient techniquement impossibles. En effet, il n'y avait pas de partage de données automatique entre les deux ordinateurs. En revanche, les deux utilisateurs pouvaient faire du partage de données, en sorte qu'en tant qu'informaticien, il ne pouvait pas savoir ce qu'ils s'étaient volontairement partagés entre eux. Il précisait en revanche qu'une sauvegarde intégrale des données des ordinateurs était réalisée sur une « time capsule », remisée dans le coffre-fort. L'accès à ces données ne pouvait se faire qu'en ayant la « time capsule » en mains ou à distance par un code connu seulement de lui-même et de j. R. Il confirmait l'intégralité de ses précédentes déclarations. À la demande de s. S., agissant pour le compte de la famille R. il copiait les données personnelles de m. W. sur une clef USB qu'il lui remettait, puis copiait les emails de j. R. sur une autre clef USB qu'il adressait à s. S. Il maintenait que m. W. lui avait demandé d'ouvrir une time capsule et qu'il s'était exécuté en pensant qu'elle lui appartenait. Selon b. N. cette time capsule ne pouvait être celle conservée dans le coffre-fort de la banque, puisqu'elle avait été transférée à Londres par d. R. suite à l'accident de son fils.

Lors de la confrontation entre les deux mis en cause, leurs positions n'évoluaient pas. b. N. précisait toutefois avoir commis une erreur lors de son premier échange avec les conseils anglais de m. W. en évoquant une sauvegarde croisée entre les deux ordinateurs, ce qui n'était pas le cas et qu'il avait d'ailleurs rectifié. m. W. qui affirmait ne pas en avoir été informé, devait finalement en convenir, face à l'insistance de b. N. lui faisant remarquer que c'était lui-même qui avait répondu à l'email.

Ces échanges d'emails étaient ultérieurement produits à la procédure et leur exploitation faisait ressortir que b. N. après avoir évoqué un système de sauvegarde croisée, revenait sur ses explications et ne confirmait pas que la sauvegarde se fasse de manière croisée avec copie de toutes les données.

m. W. était inculpé le 5 janvier 2018 des chefs de :

* recel de vol commis à Monaco du 5 août 2013 au 5 août 2016,

* recel d'abus de confiance commis à Monaco du 5 août 2013 au 5 août 2016,

* abus de confiance commis à Monaco du 5 août 2013 au 5 août 2016,

* obtention indue d'un document administratif commis à Monaco courant 2014 à 2017,

Lors de son interrogatoire du 1er mars 2018, m. W. maintenait que sa résidence était bien à Monaco, puisqu'il n'avait pas le droit ni de vivre ni de travailler au Canada.

Il expliquait le contexte de brouille avec la famille R. qui, après avoir travaillé en confiance avec lui pendant de nombreuses années, avait refusé d'honorer ses engagements. Plus précisément, suite à l'accident subi par j. R. son père d. avait repris le contrôle des affaires et décidé de l'écarter sans lui payer ce qu'ils avaient convenu. Il décidait alors d'enregistrer une conversation avec lui, pressentant qu'il allait être floué. Malgré la production d'emails, il n'avait pu obtenir gain de cause devant les juridictions anglaises, leur accord n'ayant toujours été que verbal.

Par note de son avocat, m. W. apportait de nouveaux éléments. Il avançait que la compagne de j. R. avait confié à son épouse la time capsule familiale le 17 ou 18 mai 2013 pour la mettre en sécurité, puisqu'elle l'avait récupérée le 24. Il maintenait sa version quant à l'entrée en possession des emails litigieux, à savoir que b. N. s'était présenté à son domicile avec un disque dur et avait transféré ses photographies personnelles dans son iMac, puis le reste des données dans son ordinateur portable. Il pensait qu'il avait voulu l'aider mais qu'il ne pouvait pas l'admettre compte tenu des répercussions que ses agissements frauduleux pouvaient avoir. m. W. ne se serait rendu compte de la présence de ces emails qu'en juillet 2013 et aurait alors fait des recherches pour y trouver des éléments utiles pour son procès, qu'ils transmettaient à ses avocats. Il affirmait n'avoir transmis cela à personne d'autre et n'avoir aucunement tenté d'exercer des pressions. Il ne possédait plus ces archives, suite au vol de son ordinateur portable le 10 juillet 2016.

À nouveau interrogé le 5 avril 2018 par le Juge d'instruction, m. W. soutenait la même position, précisant que ses avocats ne l'avaient jamais mis en garde concernant les conditions d'obtention des documents. Il communiquait la facture émise par b. N. le 7 juillet 2013 pour sa mission du mois de juin, en indiquant qu'elle confirmait sa version des faits. Cette facture faisait apparaître les prestations suivantes :

* téléchargement et copie sur clef USB,

* transfert de données personnelles de IMac sur Drive USB

* (soit un disque dur),

* transfert de données personnelles de Drive USB sur iMac .

b. N. était inculpé le 19 avril 2018 des chefs de vol et d'abus de confiance commis à Monaco du 5 août 2013 au 5 août 2016.

Interrogé le 27 juin 2018, il réitérait les mêmes explications que celles données au service de police. Le réseau qu'il avait installé dans la société A permettait un partage de données volontaire entre j. R. et m. W. . À la demande de s. S., il n'avait copié les emails de j. R. qu'à son attention, les avait mis sur deux clefs USB puis les lui avait adressées par la poste. Il avait d'ailleurs travaillé sous la supervision de l'informaticien de la banque. Ces opérations réalisées le 15 juin 2013 correspondaient aux factures n° 4 et n° 5 du 6 août 2013. Il précisait que, comme les ordinateurs avaient déjà été transférés en Angleterre, il avait dû réaliser cette opération à distance, ce qui justifiait la longueur du travail. Une semaine après, il retournait à la banque pour récupérer les données personnelles de m. W. et les copier sur un disque dur, le volume étant trop important pour entrer dans une clef USB. Il les transférait ensuite sur l' iMac de m. W., et non pas un PC portable, ce qui n'était pas logique puisque les données provenaient d'un système d'exploitation Apple. Il précisait que la facture indiquait bien « transfer personnal data usb drive to personnal iMac », ce qui corroborait sa version. Il maintenait qu'au domicile de m. W. se trouvait une time capsule que ce dernier lui demandait d'ouvrir. Obtempérant, il constatait alors qu'elle ne lui appartenait pas. C'était m. W. qui lui avait indiqué qu'elle la lui avait été confiée.

r. D. ex compagne de j. R. contestait formellement avoir remis une quelconque time capsule à la famille W. Elle précisait que son domicile monégasque était accessible aisément à tout son entourage, qui savait que la clef du domicile était en permanence cachée à l'extérieur de manière accessible depuis le trottoir.

L'épouse de m. W. confirmait que r. lui avait confié une time capsule . En revanche, elle affirmait que b. N. ne l'avait jamais vue ni déverrouillée. Concernant le vol de l'ordinateur portable de son époux, elle relatait la même version que ce dernier.

Monsieur P. et Madame F. amis avec lesquels m. W. avait indiqué déjeuner à X5 le 10 juillet 2016, confirmaient par email qu'il avait bien été victime d'un vol ce jour-là dans son véhicule.

Suite à la demande du conseil de m. W. aux fins d'exploitation de la time capsule personnelle de j. R. pour vérification de son éventuelle ouverture dans les conditions décrites par la défense, il refusait de la remettre, disant craindre une nouvelle appropriation et exploitation de ses données personnelles.

En fin d'information, j. R. déplorait à nouveau l'utilisation d'informations personnelles à des fins calomnieuses, par la presse et par un certain k. S. qui ne pouvaient provenir que des emails qui lui avaient été dérobés en 2013.

La perquisition réalisée au domicile monégasque de m. W. le 24 juin 2020 ne permettait la découverte d'aucun élément intéressant l'enquête.

À l'issue de l'information judiciaire, v. dit b. N. bénéficiait d'un non-lieu alors que m. W. était renvoyé des suites de faits de recel de vol et d'obtention indue d'un document administratif.

À l'audience qui s'est déroulée par devant le Tribunal correctionnel, m. W. a reconnu le second délit susvisé pour lequel il a été renvoyé mais a contesté le recel de vol, et ce après avoir soulevé l'incompétence de la juridiction répressive monégasque s'agissant d'un litige opposant deux britanniques résidant à présent l'un en France et l'autre en Angleterre et concernant principalement des documents, à savoir des mails, dont le vol et le lieu où il aurait été commis n'ont pu être déterminés alors que leur utilisation a été faite en Angleterre.

SUR CE,

* Sur l'exception d'incompétence territoriale soulevée par m. W.

Attendu qu'il est constant que m. W. est poursuivi notamment pour avoir détenu sciemment des emails appartenant à j. R. et qui auraient été dérobés à ce dernier ;

Attendu qu'il ressort des éléments issus de l'information judiciaire que lesdits emails ont bien été en possession du prévenu alors qu'il résidait en Principauté de Monaco de sorte que la compétence de la juridiction monégasque pour statuer sur ces faits, ainsi que sur l'obtention indue d'un document administratif délivrée par une institution monégasque, à savoir la direction de la Sureté publique, est incontestable ;

Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter l'exception d'incompétence soulevée ;

* Sur l'action publique

Attendu qu'il est donc acquis que m. W. a détenu des documents et données personnelles, à savoir des emails, appartenant à j. R.;

Mais attendu que l'information judiciaire n'a aucunement permis de connaître, en l'état des déclarations divergentes de m. W., de b. N. ou encore de r. D. et de l'épouse du prévenu, les circonstances dans lesquelles ces emails se sont trouvés en possession de m. W. ;

Attendu que la mise hors de cause de b. N. dans la récupération des données et des documents numériques puis leur remise frauduleuses à m. W. ne permet pas d'exclure une erreur de manipulation dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée tendant à récupérer dans un premier temps les emails de j. R. et de les remettre sur une clé USB puis, dans un second temps, de télécharger les données personnelles de j. R. sur le disque dur externe avant de les copier ;

Que de même, la remise à m. W. ou à son épouse d'une time capsule contenant les emails litigieux par r. D. ex compagne de j. R. n'a pas davantage pu être établie ;

Qu'en tout état de cause, la possession par m. W. de ces données ne lui appartenant pas et leur production, par l'intermédiaire de ses conseils, dans une procédure judiciaire ne permettent pas, en l'absence de démonstration quant à une obtention et une remise frauduleuses de ces documents, de caractériser le délit de recel de vol qui lui est reproché et pour lequel il sera relaxé ;

Attendu, par ailleurs, que cette incertitude quant aux circonstances dans lesquelles m. W. s'est trouvé en possession de ces emails ne permet pas davantage une requalification de ces faits en une violation du secret des correspondances ;

Attendu, en revanche, que le second délit pour lequel m. W. a été renvoyé, à savoir de s'être fait délivrer par la direction de la Sureté publique des cartes de séjour en déclarant faussement être séparé de son épouse et résider à Monaco avec s. K. en la présentant à tort comme sa nouvelle compagne est parfaitement établi par les éléments issus de l'information judiciaire et n'est d'ailleurs aucunement contesté par le prévenu ;

Attendu que m. W. devra donc être déclaré coupable de ce délit et condamné à une peine d'amende à hauteur de 3.000 euros ;

* Sur l'action civile,

Attendu qu'il y a lieu de recevoir j. R. en sa constitution de partie civile mais de le débouter de ses demandes compte tenu de la relaxe des faits de recel de vol prononcée ci-dessus dont il déclare être victime ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par m. W. ;

Sur l'action publique,

Déclare m. W. coupable des faits d'obtention indue d'un document administratif ;

Le relaxe du surplus ;

En répression, faisant application des articles 26, 97 et 98 du Code pénal,

Le condamne à la peine de TROIS MILLE EUROS D'AMENDE ;

Sur l'action civile,

Reçoit j. R. en sa constitution de partie civile et le déboute de ses demandes ;

Condamne, enfin, m. W. aux frais ;

Composition

Ainsi jugé après débats du vingt-cinq mai deux-mille vingt-et-un, en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé de Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Vice-Président, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Premier Substitut du Procureur Général, et prononcé à l'audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-et-un, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, en présence de Julien PRONIER, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Christell PRADO, Greffier.

Jugement signé seulement par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Vice-Président, et Madame Christell PRADO, Greffier, en l'état de l'empêchement de Monsieur Adrian CANDAU, Juge, conformément à l'article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19891
Date de la décision : 22/06/2021

Analyses

Infractions contre la Nation, l'État et la paix publique


Parties
Demandeurs : Le Ministère public
Défendeurs : m. W. et j. d. R.

Références :

articles 26, 27, 309, 325, 339 et 340 du Code pénal
articles 26, 97 et 98 du Code pénal
article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2021-06-22;19891 ?

Source

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