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18/03/2014 | MONACO | N°11993

Monaco | Tribunal correctionnel, 18 mars 2014, Ministère public c/ d. VE.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2014/000069

P

JUGEMENT DU 18 MARS 2014

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

Contre le nommé :

- d. VE. né le 15 mai 1966 à MONACO, d'Édouard et de Nadine CH., de nationalité monégasque, administrateur de société, demeurant X à MONACO (98000) ;

Prévenu de :

ABANDON DE FAMILLE

- PRÉSENT aux débats, comparaissant en personne ;

En présence de :

- I. DA divorcée VE., née le 10 avril 1968 à BOULOGNE-BILLANCOURT (92), de nationalité monégasque, dem

eurant X à VALBONNE (06560), constituée partie civile, comparaissant en personne ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'a...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2014/000069

P

JUGEMENT DU 18 MARS 2014

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

Contre le nommé :

- d. VE. né le 15 mai 1966 à MONACO, d'Édouard et de Nadine CH., de nationalité monégasque, administrateur de société, demeurant X à MONACO (98000) ;

Prévenu de :

ABANDON DE FAMILLE

- PRÉSENT aux débats, comparaissant en personne ;

En présence de :

- I. DA divorcée VE., née le 10 avril 1968 à BOULOGNE-BILLANCOURT (92), de nationalité monégasque, demeurant X à VALBONNE (06560), constituée partie civile, comparaissant en personne ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 4 mars 2014 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2014/000069 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 23 janvier 2014 ;

Ouï le prévenu en ses réponses ;

OuÏ I. DA divorcée VE., partie civile, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de réponses ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

d. VE. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'être à MONACO, du 1er septembre au 31 décembre 2013, en tout cas depuis temps non prescrit,

* en méconnaissance d'un jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance de Monaco, le 25 octobre 2012, l'ayant condamné à verser une pension alimentaire de 1750 euros mensuels pour sa part contributive à l'entretien de ses enfants Anaïs et Antoine, soit 875 euros par enfant, volontairement demeuré plus de deux mois sans acquitter le montant intégral de la pension,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 296 du Code pénal ».

À l'audience, I. DA divorcée VE. s'est constituée partie civile et a sollicité la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 5.900 euros au titres des sommes impayées.

Par ordonnance de non conciliation du 31 mars 2010 d. VE. a été condamné à payer à I. DA épouse VE. le premier de chaque mois et d'avance au domicile d I. DA la somme de 875 euros par enfant, soit 1750 €, au titre de sa contribution à leur entretien et leur éducation et la somme de 3.800 euros à titre de pension alimentaire.

Par décision du 15 mars 2011 la Cour d'appel a diminué le montant de la pension alimentaire fixée à la somme de 3.000 € mensuels.

Par décisions des 5 janvier 2012 et 8 janvier 2013 le tribunal et la Cour d'appel ont rejeté les demandes en modification de la pension.

Le 25 octobre 2012 le tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux et a fixé la part contributive de d. VE. à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 875 euros par enfant et ce jusqu'à leur indépendance financière et dit que cette contribution sera révisée annuellement en fonction des variations de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains (série France entière) par l'I.N.S.E.E. et pour la première fois le 1er octobre 2013, le cours de l'indice au mois du jugement étant pris pour base.

Appel, suspensif, a été formé contre ce jugement, néanmoins confirmé par la Cour d'appel le 30 septembre 2013. Signification a été faite à la requête d I. DA le 8 octobre 2013 (certificat de non pourvoi du 21 novembre 2013) et l'arrêt a été transcrit sur les registres de l'état civil de Monaco le 28 novembre 2013.

Parallèlement I. DA a déposé plainte le 7 novembre 2013 auprès de la sûreté publique en exposant que d. VE., qui ne payait jamais à la même date ni les mêmes montants, n'avait pas payé les contributions et pensions des mois de septembre, octobre et novembre 2013.

Entendu par les services de police d. VE. a indiqué avoir payé les sommes mises à sa charge, effectivement de façon fractionnée, en réglant en septembre et octobre 2013 une partie par le paiement direct du loyer. Il a confirmé ces déclarations à l'audience et remis un tableau et des pièces justificatives. I. DA en a fait de même exposant que restaient dus 1.700 euros du mois de septembre, 1.700 euros du mois d'octobre et 3.000 euros du mois de novembre 2013 outre les contributions du mois courant.

SUR CE,

Sur l'action publique,

Liminairement il convient de préciser que la prévention ne vise pas le non-paiement de pension alimentaire due à l'épouse et que seule la question du non-paiement des contributions à l'entretien et l'éducation des enfants doit être analysée. Cependant il est nécessaire, pour procéder aux imputations des paiements, d'analyser les décisions applicables dans le temps pour déterminer les sommes qui devaient être réglées par le prévenu.

Ainsi, en raison du caractère suspensif de l'appel du jugement de divorce et du pourvoi en cette matière, l'ordonnance de non conciliation du 31 mars 2010 a trouvé à s'appliquer jusqu'à l'expiration du délai de 30 jours après la signification du 8 octobre 2013 de l'arrêt de la Cour d'appel sur le divorce soit le 7 novembre 2013, jour où les dispositions sur le divorce et ses conséquences sont devenues exécutoires.

S'agissant de la période de prévention d. VE. devait donc régler le premier du mois et d'avance la somme de 1750 euros en septembre, octobre et novembre 2013, au titre de l'ordonnance de non conciliation, puis la même somme en décembre mais avec application de la clause d'indexation à compter du 1er octobre 2013 (mais exécutoire à compter du 7 novembre 2013), au titre du jugement et de l'arrêt de divorce, et la pension alimentaire pour son épouse de 3.000 euros par mois en septembre, octobre et novembre 2013, au titre de l'ordonnance de non conciliation.

Il affirme avoir réglé les montants, en omettant cependant la pension alimentaire de novembre, bien qu'il précise que les dates de paiement ont pu être fractionnées. Il résulte cependant de l'exploitation des pièces versées, corroborées par celles de son ex épouse quant aux paiements intervenus, mais précisées par la copie des enveloppes d'envoi des chèques à son épouse, qu'il est cependant demeuré plus de deux mois consécutifs sans acquitter le montant intégral des contributions.

En effet, il convient de rappeler d'une part que seules les dettes liquides et exigibles peuvent se compenser (article 1139 du Code civil) et qu'on ne peut compenser des dettes avec des dettes alimentaires selon l'article 1141 alinéa 3 du Code civil. Dès lors, les règlements directs du loyer en septembre et octobre 2013, de deux fois 1.700 euros, qu'il a estimé devoir faire unilatéralement, qui ne sont pas des dettes liquides et exigibles et en tout état de cause ne peuvent se compenser avec des dettes alimentaires, ne valent pas paiement et doivent être écartés.

D'autre part d. VE. avait plusieurs dettes alimentaires d'égale nature et de même ancienneté à payer en septembre, octobre et novembre 2013 et, en l'absence de désignation de celle qu'il comptait régler pour septembre et octobre (en novembre il considérait n'avoir à payer que les contributions et n'a payé que ce montant exact, entraînant une volonté implicite d'imputation), les paiements partiels doivent être imputés proportionnellement conformément à l'article 1111 alinéa 2 du Code civil (soit 36,84 % pour les contributions et 63,16 % pour la pension alimentaire de l'épouse).

Enfin, les dettes d'aliments sont portables selon l'article 1102 du Code civil et il appartenait donc à d. VE. de payer les sommes dues par paiement au domicile d I. DA divorcée VE., le paiement n'étant réalisé en outre s'agissant d'un chèque que par l'encaissement de celui-ci.

Au regard de ces règles d'imputation et de paiement d. VE. a réglé les contributions de septembre 2013 de 1.750 euros (le chèque du 2 septembre de 3.750 euros concernant la fin de règlement des contributions et pension d'août 2013 selon son propre tableau) par plusieurs paiements partiels :

* 368,42 euros le 26 septembre 2013 (date de valeur banque de d. VE.) par un chèque de 1.000 euros daté du 6 septembre 2013,

* 755,26 euros le 8 octobre 2013 (date de valeur banque de d. VE.) par un chèque de 2.050 € daté du 25 ou 23 (lecture difficile) septembre 2013,

* 368,42 euros le 17 octobre 2013 (date de valeur banque de d. VE.) par un chèque de 1.000 € daté du 7 octobre 2013,

* 257,90 euros, par un paiement de 755, 26 euros (s'imputant sur septembre pour 257,90 euros et sur octobre pour 497,36 euros) le 21 novembre 2013 par un chèque daté du 26 octobre 2013 et envoyé à I. DA divorcée VE. par lettre du 7 novembre 2013.

Ainsi, avant le paiement du 21 novembre 2013 (avec un chèque qu'il n'a envoyé d'ailleurs que le 7 novembre 2013 et à une adresse qu'il savait ne plus être la bonne) d. VE. ne s'était pas acquitté entièrement des contributions de septembre 2013 et n'avait pas réglé du tout celles d'octobre 2013 payables le 1er du mois, constituant l'élément matériel de l'infraction.

Il convient de relever que les paiements de 1750 € intervenus ensuite les 29 novembre 2013 et 30 décembre 2013 ont maintenu partiellement ce décalage d'autant que d. VE. n'a jamais payé les montants avec l'indexation, pourtant exécutoire, faisant s'exécuter successivement l'infraction par l'absence de paiement intégral.

D'autre part l'absence de paiement est présumée volontaire selon l'article 296 alinéa 2 du Code pénal et il n'est pas allégué d'impossibilité absolue de payer.

Ainsi d. VE. sera reconnu coupable des faits reprochés.

Au regard des circonstances de l'infraction, manifestement intervenue en raison de la volonté de d. VE. d'adapter ses paiements à ses propres rentrées et priorités et ce en relation avec le conflit qui perdure autour des enfants, mais aussi d'une dette de 3.400 euros outre les sommes dues au titre des intérêts pour le retard dans les paiements et l'application de la clause d'indexation, il convient de condamner d. VE., jamais condamné antérieurement, à la peine de 500 euros d'amende.

Sur l'action civile,

La constitution de partie civile est recevable.

Bénéficiaire de titres exécutoires I. DA divorcée VE. ne peut cependant réclamer devant ce tribunal les contributions et pensions impayées, qu'elle peut recouvrer par les voies d'exécution, mais uniquement le préjudice directement lié à l'infraction. d. VE. sera donc condamné à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement

Sur l'action publique,

Déclare d. VE. coupable du délit qui lui est reproché.

En répression, faisant application des articles visés par la prévention,

Le condamne à la peine de CINQ CENTS EUROS D'AMENDE.

Sur l'action civile,

Reçoit I. DA divorcée VE. en sa constitution de partie civile.

La déclarant partiellement fondée en sa demande, condamne d. VE. à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Condamne, en outre, d. VE. aux frais.

Composition

Ainsi jugé après débats du quatre mars deux mille quatorze en audience publique tenue devant le Tribunal correctionnel composé par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, Monsieur Morgan RAYMOND, Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du dix-huit mars deux mille quatorze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Marina MILLIAND, Greffier stagiaire.-

Note

Le jugement a été infirmé en toutes ses dispositions pénales et civiles par arrêt de la Cour d'appel du 30 juin 2014 et le prévenu renvoyé des fins de la poursuite. Pour ce faire, la Cour a estimé qu'au vu des documents produits, le prévenu s'était acquitté des sommes mises à sa charge, les sommes réglées comprenant nécessairement le paiement total de la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11993
Date de la décision : 18/03/2014

Analyses

Seules les dettes liquides et exigibles peuvent se compenser et on ne peut compenser toutes dettes avec des dettes alimentaires. Les règlements de loyers que le prévenu a estimé devoir faire unilatéralement ne sont pas des dettes liquides et exigibles et en tout état de cause ne peuvent se compenser avec des dettes alimentaires. Ils ne valent pas paiement et doivent être écartés.Le prévenu avait contracté plusieurs dettes d'égale nature et de même ancienneté et en l'absence de désignation de celle qu'il comptait régler, les paiements partiels doivent être imputés proportionnellement conformément à l'article 1111, alinéa 2 du Code civil.Les dettes d'aliments sont portables selon l'article 1102 du Code civil et il appartenait au prévenu de payer les sommes dues par paiement au domicile de la partie civile, le paiement n'étant réalisé, en outre, s'agissant d'un chèque que par l'encaissement de celui-ci.

Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant  - Droit des obligations - Régime général.

Abandon de famille - Compensation - Imputation des paiements.


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : d. VE.

Références :

article 1111, alinéa 2 du Code civil
article 1102 du Code civil
article 1139 du Code civil
articles 26 et 296 du Code pénal
article 1141 alinéa 3 du Code civil
article 296 alinéa 2 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2014-03-18;11993 ?

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