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21/05/2013 | MONACO | N°12038

Monaco | Tribunal correctionnel, 21 mai 2013, Ministère public c/ j. IA., m. RU. et r. BO.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/002032

JUGEMENT DU 21 MAI 2013

_____________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

Contre les nommés :

1 - j. IA., né le 28 janvier 1979 à GRENOBLE (38), de Giacomo et de Sylvia PE., de nationalité franco-italienne, agent incendie, demeurant X à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

2 - m. RU., né le 30 octobre 1985 à CAGNES-SUR-MER (06), de Alain et Michèle SP., de nationalité française, agent de sécurité, demeurant X à SAINT-LAURENT DU VAR (06700) ;

3 - r. BO., né le 3 novembre 1963

à MENTON (06), de Francis et de Thérèse TR., de nationalité française, directeur de société, demeurant X à LA TURBIE...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/002032

JUGEMENT DU 21 MAI 2013

_____________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

Contre les nommés :

1 - j. IA., né le 28 janvier 1979 à GRENOBLE (38), de Giacomo et de Sylvia PE., de nationalité franco-italienne, agent incendie, demeurant X à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

2 - m. RU., né le 30 octobre 1985 à CAGNES-SUR-MER (06), de Alain et Michèle SP., de nationalité française, agent de sécurité, demeurant X à SAINT-LAURENT DU VAR (06700) ;

3 - r. BO., né le 3 novembre 1963 à MENTON (06), de Francis et de Thérèse TR., de nationalité française, directeur de société, demeurant X à LA TURBIE (06320) ;

- PRÉSENTS aux débats, assistés de Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat défenseur ;

Prévenus de :

NON ASSISTANCE PERSONNE EN PÉRIL

En présence de :

- Monsieur s. TE., né le 2 janvier 1994 à PONTE SAN PIETRO (I), de nationalité italienne, étudiant, demeurant X à MONACO, constitué partie civile, ABSENT, représenté par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat défenseur ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement après débats à l'audience du 30 avril 2013 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2012/002032 ;

Vu les citations signifiées, suivant exploits, enregistrés, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 27 novembre 2012 ;

Ouï j. IA., m. RU. et r. BO., prévenus, en leurs réponses ;

Vu le visionnage des images de télésurveillance prises le jour des faits ;

Oui Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur pour la partie civile, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour les prévenus, en ses moyens de défense, plaidoiries et conclusions en date du 30 avril 2013, par lesquels il sollicite la relaxe de ses clients ;

Ouï j. IA., m. RU. et r. BO., en dernier, en leurs moyens de défense ;

Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

j. IA., m. RU. et r. BO. sont poursuivis correctionnellement sous la même prévention :

« Pour s'être à Monaco, dans la nuit du 8 au 9 septembre 2012,

* abstenu volontairement de porter assistance à s. TE. qui se trouvait en péril alors qu'il pouvait le faire par son action personnelle ou en provoquant un secours, sans risque pour lui ou pour les tiers,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 279 3° du Code pénal ».

À l'audience s. TE., s'est constitué partie civile et a sollicité par l'intermédiaire de son avocat la condamnation des prévenus à lui payer chacun la somme symbolique de 1 euro.

Le 11 septembre 2012 s. TE. déposait plainte contre tout membre du personnel de l'établissement de nuit «  LIFE » quant à leur comportement dans la nuit du 8 au 9 septembre 2012 estimant qu'il n'avait pas été traité de façon normale et correcte.

Il exposait avoir été victime de violences dans la boîte de nuit au cours de la nuit, saignant abondamment du visage et de sa blessure sur le flanc, sa chemise bleue claire étant imbibée de sang. Alors qu'il retournait du couloir des toilettes vers la salle, ayant mal mais pouvant marcher, un videur l'avait agrippé par le bras gauche et traîné sur 15 ou 20 mètres tandis qu'il lui disait d'arrêter, qu'il avait mal. Il exposait avoir ensuite été agrippé par un second videur, à qui il disait qu'il avait mal et qu'il pouvait sortir seul, puis tiré dans les escaliers de sortie. Il précisait avoir eu de moins en moins d'équilibre et que les videurs l'avaient lâché au milieu de l'escalier, n'arrivant plus à le traîner, puis l'avait relevé lui désignant la porte de sortie, l'un lui disant «  dégage ». Il avait alors terminé de monter les escaliers, était passé devant trois autres videurs ainsi que le directeur puis était sorti, sans que personne ne lui demande s'il avait besoin d'aide ou de quoi que ce soit.

Étaient jointes à la procédure les pièces de l'information judiciaire ouverte des chefs de violences volontaires contre g. DU. et notamment le certificat médical initial du 9 septembre 2012 du Docteur FE. aux urgences du CHPG relevant « plaie 10 cm sous omoplate gauche avec lésion musculaire minime, plaie 2 cm av bras droit, plaie 1 cm coude gauche, plaie 2 cm joue gauche, plaie 1 cm cuir chevelu niveau frontal gauche au total 26 points suture…radio OPN : fractures des OPN non déplacée, pas d'épistaxis. Ces lésions entraînent une ITT de 0 jours sauf complications », les rapports de police, les photos de s. TE. lorsque les services de police l'ont trouvé avenue de Grande Bretagne vers les toilettes publiques (D17), un nouveau certificat médical du même médecin notant une ITT de 2 jours, une expertise médico-légale retenant une ITT médico-légale de plus de 8 jours et une ITT de droit commun de 15 jours, la vidéo de la sortie de l'établissement, des photos d'exploitation de cette vidéo et la description de celle-ci, ainsi que l'audition de différentes personnes présentes sur les lieux, dont les protagonistes.

Sur l'action publique,

L'abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril, infraction reprochée aux prévenus, suppose, selon la jurisprudence, que soient démontrés l'existence d'un péril imminent, soit une situation critique avec risque de perdre la vie ou d'atteintes corporelles graves, nécessitant une intervention immédiate de la personne poursuivie et d'autre part le refus volontaire d'intervenir supposant la conscience de l'état de péril.

Ces deux éléments constitutifs font ici défaut.

En effet, si les photographies du plaignant, prises lorsque la police a croisé ce dernier boulevard de Grande Bretagne alors qu'il était allé aux toilettes publiques, montrent le sang présent abondamment sur le visage et la plaie béante au flanc, les certificats médicaux et l'expertise médico-légale retenant une ITT médico-légale de plus de 8 jours et une ITT de droit commun de 15 jours ne relèvent pas de risque de perdre la vie ou d'atteintes corporelles graves et aucun élément médical n'est rapporté quant aux conséquences éventuelles de la non prise en charge des blessures.

D'autre part il n'est pas contesté, ainsi que le révèle la vidéo de la sortie de l'établissement et les déplacements et auditions du plaignant, qu'il était en mesure de se déplacer seul, de parler sans difficulté et de téléphoner et que l'intervention de tiers pour le secourir ou avertir les secours, si elle pouvait s'avérer utile, ne constituait pas une nécessité.

S'agissant de la conscience de l'état de péril, j. IA., présent dans la boîte de nuit et ayant raccompagné s. TE. vers la sortie, conteste l'avoir entendu se plaindre de blessures et indique n'avoir vu que du sang séché sur le visage. m. RU., qui se trouvait à la sortie de l'établissement et sur la gauche du plaignant expose la même chose. r. BO. qui se trouvait à la sortie de l'établissement et sur la droite du plaignant, où il ne présente aucune blessure, indique n'avoir vu aucune blessure.

D'autre part f. VA., témoin et connaissance de s. TE., expose avoir croisé ce dernier dans les escaliers lors de sa sortie et indique que celui-ci n'est ni tombé ni ne s'est affaissé, qu'il avait sa chemise déchirée et des taches de sang au milieu du flanc mais qu'il n'a pas vu de sang couler, et qu'enfin, alors qu'il est sorti peu après lui, il l'a vu qui marchait vite au niveau de la voie rapide. Il n'a pas jugé utile de le rattraper précisant qu'il pensait qu'il rentrait chez lui puisqu'il habite à côté.

Les images vidéo montrent quant à elle que s. TE. est passé entre m. RU. et r. BO. sans s'arrêter et qu'il est parti immédiatement, marchant normalement à bonne allure. Une tache sombre est visible sur son flanc gauche.

Enfin il convient de rappeler que contrairement à sa déposition lors de sa plainte s. TE. a indiqué dans son audition du 30 octobre 2012 qu'il «  n'avait rien demandé à personne » en sortant car il «  habite tout à côté » et qu'«  en fait ce n'est qu'après, en [se] touchant sur le chemin » qu'il s'est dit qu'il «  ne pouvait pas rentrer comme ça » et qu'il est « allé aux toilettes du parking ».

Ainsi, il est démontré que malgré la tâche de sang et la chemise déchirée, ni f. VA., connaissance du plaignant, ni même le plaignant lui-même n'ont, au cours de l'intervalle de temps où il a été à portée de vue des prévenus, considéré son état comme nécessitant l'intervention de tiers et encore moins de secours. Aussi, et alors que les prévenus n'ont pu voir le plaignant que quelques secondes, et du côté sans blessures pour r. BO., ils ne peuvent pas plus avoir eu conscience de l'existence d'un péril imminent.

Dès lors les prévenus seront renvoyés des fins de la poursuite.

Sur l'action civile,

Au regard du renvoi des fins de la poursuite s. TE. sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Sur l'action publique,

Renvoie j. IA., m. RU. et r. BO., des fins de la poursuite ;

Sur l'action civile,

Déboute s. TE. de sa demande de dommages et intérêts ;

Laisse les frais à la charge du Trésor.

Composition

Ainsi jugé après débats du trente avril deux mille treize en audience publique tenue devant le Tribunal correctionnel, composé par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Madame Sophie LEONARDI, Juge, Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt et un mai deux mille treize, par Monsieur Cyril BOUSSERON, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Christell BIANCHERI, Greffier.-

Jugement signé seulement par le Premier Juge Monsieur Cyril BOUSSERON et Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire, en l'état de l'empêchement de signer de Madame Sophie LEONARDI, Juge, empêchée (article 94-2 de la loi n°783 du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire)

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12038
Date de la décision : 21/05/2013

Analyses

En vertu de l'article 219 3° du Code pénal : « sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26 [de 9 000 à 18 000 euros] (…) Celui qui s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». La partie civile a été victime de violences dans d'une boîte de nuit et a été sortie violemment par deux videurs. Pour que le délit de non-assistance à personne en péril soit caractérisé, doit être établi l'existence d'une situation critique nécessitant une intervention immédiate et le refus volontaire d'intervenir. Le Tribunal ne retient pas cette qualification à l'encontre des défenseurs. Les certificats médicaux et l'expertise médico-légale démontrent que la victime n'était pas dans une situation où elle pouvait perdre sa vie. Les images démontrent qu'elle était en mesure de se déplacer, les défenseurs ne l'ont vu que quelques secondes et pour l'un des trois du côté sans blessures. Le Tribunal déboute la partie civile de sa demande de dommages et intérêts.

Pénal - Général  - Responsabilité pénale.

Non-assistance à personne en péril - Eléments constitutifs (non) - Dommages et intérêts (non).


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : j. IA., m. RU. et r. BO.

Références :

articles 26 et 279 3° du Code pénal
article 219 3° du Code pénal
article 94-2 de la loi n°783 du 15 juillet 1965


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2013-05-21;12038 ?

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