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24/09/2012 | MONACO | N°9409

Monaco | Tribunal correctionnel, 24 septembre 2012, Ministère public c/ e. CH-ME.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/002052

JUGEMENT DU 24 SEPTEMBRE 2012

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- e. CH-ME. ME., né le 15 juillet 1964 à MONACO, de François et de Nina HA., de nationalité monégasque, commerçant, demeurant X1, X à MONACO ;

Prévenu de :

VIOLENCES VOLONTAIRES ( - de 8 jours)

- PRÉSENT aux débats, DÉTENU (mandat d'arrêt du 21 septembre 2012), assisté de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défense

ur ;

En présence de :

- Monsieur p. FE., né le 20 janvier 1964 à MESSANCY (Belgique), de nationalité belge, administrateur d...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/002052

JUGEMENT DU 24 SEPTEMBRE 2012

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- e. CH-ME. ME., né le 15 juillet 1964 à MONACO, de François et de Nina HA., de nationalité monégasque, commerçant, demeurant X1, X à MONACO ;

Prévenu de :

VIOLENCES VOLONTAIRES ( - de 8 jours)

- PRÉSENT aux débats, DÉTENU (mandat d'arrêt du 21 septembre 2012), assisté de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

En présence de :

- Monsieur p. FE., né le 20 janvier 1964 à MESSANCY (Belgique), de nationalité belge, administrateur délégué de société, demeurant X1 à MONACO, constitué partie civile, ABSENT, représenté par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2012/002052 ;

Vu le procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit dressé le 21 septembre 2012 ;

Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour le prévenu qui soulève, in limine litis, une exception de nullité ;

Ouï le Ministère Public en réponse ;

Ouï Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur pour la partie civile, en ses observations ;

Ouï Monsieur le Président qui, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;

Ouï le prévenu en ses réponses, lequel déclare accepter d'être jugé immédiatement et renoncer à la faculté conférée par l'article 400 du Code de procédure pénale ;

Ouï Maître Richard MULLOT, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Frank MICHEL, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite, à titre principal, la relaxe de son client ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

e. CH-ME. comparaît devant le Tribunal Correctionnel, selon la procédure de flagrant délit, sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, le 20 septembre 2012, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

» - volontairement commis des violences ou voies de fait sur la personne de p. FE., desquelles il n'est pas résulté « une ITT de plus de 8 jours,

» DÉLIT prévu et réprimé par les articles 236, 238 et 26 chiffre 3 du Code Pénal « ;

À l'audience, p. FE. s'est constitué partie civile et a fait demander, par l'intermédiaire de son conseil, d'obtenir la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur l'action publique,

Sur la nullité :

Pour solliciter le prononcé de la nullité des procès-verbaux de garde à vue et consécutivement de la procédure, le conseil du prévenu expose n'avoir pu assister effectivement son client durant la garde à vue en l'absence d'accès au dossier et ce en non-respect de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme sur l'article 6 § 3 de la CESDH.

Cependant, la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme sur l'article 6 § 3 de la CESDH n'exige nullement l'accès total au dossier pour l'avocat dès le stade de la garde à vue et prévoit au contraire, dans un contrôle in concreto de la procédure, si celui-ci a pu avoir, au cours de la procédure dans son entier, la possibilité de contester les preuves recueillies de manière effective. En l'espèce le conseil du prévenu a eu accès à la procédure dès la saisine du Tribunal, très rapprochée du temps d'enquête, et il ne conteste aucune preuve ou élément recueilli et ne sollicite aucune investigation. Dès lors l'exception de nullité sera rejetée.

Sur le fond :

Il résulte de la procédure les faits suivants :

Le 21 septembre 2012 à 11 heures p. FE., se disant victime de coups, déposait plainte à l'égard d'e. CH-ME.. Il exposait que la veille dans l'après-midi il s'était interposé entre le patron de » La Sp. «, identifié ensuite comme e. CH-ME., et un de ses collaborateurs, qui se faisait insulter, et lui avait dit de quitter leurs locaux professionnels, ce à quoi il avait procédé. Il indiquait que vers 18 heures, quittant son bureau, il s'était rendu au parking du Larvotto pour récupérer son véhicule et, dans un premier temps, s'était fait insulter dans les escaliers du parking par le même individu. Il précisait que dans un second temps, ayant regagné son véhicule, celui-ci en haut de la rampe d'accès entre le -2 et le -1 avait donné un coup sur son véhicule pour qu'il s'arrête, ce sans dégât apparent, et que, alors qu'il avait ouvert sa vitre, il avait reçu une énorme gifle ou un coup de poing avec la main droite qui l'avait touché au niveau de l'œil gauche et du nez, faisant voler ses lunettes. Il exposait qu'il avait voulu sortir de sa voiture mais que l'individu l'en avait empêché puis que celui-ci s'était éloigné de la voiture pour se placer devant le champ des caméras lui demandant d'y venir. Il ajoutait être alors parti et avoir croisé l'un des gardiens qui lui avait demandé s'il avait été agressé et lui avait dit alors de déposer plainte auprès de la police, ce qu'il avait fait se rendant au poste de police du Larvotto où les fonctionnaires lui avaient conseillé de se rendre à la direction de la sûreté publique, démarche à laquelle il procéda le lendemain matin exposant un empêchement professionnel.

Consécutivement à la plainte le Dr P. BU. était requis pour examiner le plaignant et constatait : un discret hématome 015x015 au niveau de l'aile nasale à gauche » au niveau de la base des lunettes (0,5 CMx0,5 CM) « et une plainte de céphalées, mais sans vertiges ou vomissements et indiquait une ITT de 0 jour. Le même jour à 15 heures 15 p. FE. se présentait à la sûreté publique avec un certificat médical d'un médecin qu'il était allé consulter, certificat médical daté du 21 septembre 2012 du Dr S. LE. qui notait » à l'examen : hématome au niveau de l'aile du nez à gauche, céphalées. ITT = 1 jour ".

L'enquête permettait de confirmer que le gardien du parking avait vu et parlé aux deux protagonistes, mais sans avoir assisté aux faits, et que p. FE. s'était présenté au poste de police du Larvotto immédiatement après, sur conseil du gardien, devant déposer plainte le lendemain. Aucune caméra ne couvrait le lieu précis des faits et seule la fin de la scène, l'arrivée d'e. CH-ME. devant la caméra se dirigeant vers l'allée centrale en direction du poste de sécurité, tenant dans sa main droite un cartable, et faisant des signes à un autre homme situé plusieurs mètres derrière lui, était observable.

Il était également relevé que p. FE. avait déposé plainte en même temps que son collaborateur, pour injures publiques et diffamation, contre e. CH-ME.

Entendu au cours de sa garde à vue, ordonnée le 21 septembre 2012 après qu'il se fût rendu dans les locaux de la police pour déposer une plainte pour des faits de violence en lien avec la première altercation, e. CH-ME. contestait les faits reprochés. Il reconnaissait les insultes, en réponse à d'autres insultes, mais réfutait toute violence. Il expliquait que p. FE., dans la rampe d'accès que lui-même empruntait pour se rendre à sa voiture, avait voulu sortir de sa voiture de façon agressive mais avait oublié de mettre le frein à main entraînant son recul de façon rapide et sa projection en arrière. Il exposait s'être ensuite positionné dans le champ des caméras.

Déféré le 21 septembre 2012 e. CH-ME. était renvoyé devant le Tribunal selon la procédure de flagrant délit et placé sous mandat d'arrêt.

À l'audience de ce jour e. CH-ME. a confirmé ses déclarations, a indiqué qu'aucune trace n'avait été trouvée sur le véhicule et a imputé les éléments constatés sur le certificat médical à la manœuvre du plaignant dans la rampe d'accès, heurtant la portière.

Liminairement, il convient de relever que les certificats médicaux versés aux débats diffèrent quant à la fixation de l'ITT alors qu'ils sont du même jour et constatent les mêmes éléments. L'incapacité totale de travail, dont la définition est distincte de la notion d'arrêt de travail, oblige à apprécier et à voir fixer, par le Juge après avis du médecin, l'existence et la durée de l'incapacité à réaliser les actes de la vie courante. En l'espèce la simple description des blessures, minimes, démontre l'absence d'incapacité totale de travail. Les faits, à les supposer établis, devraient donc être requalifiés en contravention de l'article 421 1° du Code pénal.

Quant aux violences, dont la charge de la preuve incombe au Ministère Public, celles-ci sont contestées et il n'existe aucun témoin direct des faits. Les éventuelles constatations matérielles sont absentes du véhicule du plaignant relativement au geste indiqué pour stopper le véhicule et, s'agissant des blessures constatées sur le plaignant, peuvent résulter tant d'un geste violent, mais d'une force limitée au regard du simple hématome minime constaté, que d'un choc avec la portière, involontaire et réalisé par le plaignant, tel que décrit par le prévenu. Enfin les faits constatés avant et après cet événement ne sont nullement univoques. Dès lors, le doute devant bénéficier au prévenu, il convient d'ordonner la relaxe de ce dernier.

Sur l'action civile,

Le prévenu étant relaxé des faits reprochés la demande de dommages et intérêts formée par p. FE. en réparation de l'infraction doit être déclarée irrecevable.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Sur l'action publique,

Rejette l'exception de nullité soulevée.

Relaxe e. CH-ME. des fins de la poursuite sans peine ni dépens.

Sur l'action civile,

Déclare la demande en dommages et intérêts de p. FE. irrecevable.

Laisse les frais à la charge du Trésor.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt-quatre septembre deux mille douze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, Juge faisant fonction de Président, Monsieur Morgan RAYMOND, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Mademoiselle Sandra PISTONO, Greffière.-

4

PRINCIPAUTE DE MONACO

Note

Note : Le jugement a été confirmé sur l'action publique par arrêt de la Cour d'appel du 11 février 2013.

La procédure de garde à vue a été modifiée par la loi n° 1.399 du 25 juin 2013. Aux termes des articles 60-9 et 60-9 bis l'avocat peut désormais s'entretenir jusqu'à une heure avec la personne gardée à vue dès le début de la mesure puis tout au long des auditions et consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste ainsi que le procès-verbal de notification des droits. L'avocat peut solliciter copie de ce procès-verbal de notification.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 9409
Date de la décision : 24/09/2012

Analyses

La jurisprudence sur l'article 6 § 3 de la Convention européenne n'exige nullement l'accès total au dossier pour l'avocat dès le stade de la garde à vue mais prévoit au contraire, un contrôle in concreto de la procédure dans son entier et de la possibilité de contester les preuves recueillies de manière effective. En l'espèce, l'avocat du prévenu a eu accès à la procédure dès la saisine du tribunal très rapprochée du temps de l'enquête. Il ne conteste aucune preuve ou élément recueilli et ne sollicite aucune investigation. L'exception doit donc être rejetée.L'incapacité totale de travail dont la définition est distincte de la notion d'arrêt de travail oblige à apprécier et à voir fixer, par le juge après avis du médecin, l'existence et la durée de l'incapacité à réaliser les actes de la vie courante. En l'espèce, la simple description des blessures, minimes, démontre l'absence d'incapacité totale de travail. Les faits à les supposer établis devraient donc être requalifiés en contravention de l'article 421-1° du Code pénal.(À rapprocher du jugement de ce tribunal du 4 décembre 2012 sur l'ITT et la requalification)

Procédure pénale - Enquête  - Sécurité au travail  - Protection sociale  - Chômage et reclassement.

Garde à vue - Accès au dossier par l'avocat Article 6 § 3 de la Convention européenne Coups et blessures volontaires ( - 8 jours) - Incapacité totale de travail - Définition - Absence d'interruption totale de travail - Requalification en contravention.


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : e. CH-ME.

Références :

article 400 du Code de procédure pénale
article 421 1° du Code pénal
Code Pénal
article 421-1° du Code pénal
loi n° 1.399 du 25 juin 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2012-09-24;9409 ?

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