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13/08/2012 | MONACO | N°9299

Monaco | Tribunal correctionnel, 13 août 2012, Ministère public c/ j-c. FO.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/001697

JUGEMENT DU 13 AOÛT 2012

___________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- j-c. FO., né le 17 février 1969 à MARSEILLE (13005), de Gilbert et de Monique FE., de nationalité française, plongeur, demeurant 2 allée des Vergers à CANNES (06400) ;

Prévenu de :

INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention aux fins d'usage personnel et usage)

- PRÉSENT aux débats, DETENU (mandat d'arrêt du 11 août 2012), assisté de Maître Christoph

e BALLERIO, avocat- stagiaire, commis d'office, et plaidant par ledit avocat-stagiaire ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnelleme...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/001697

JUGEMENT DU 13 AOÛT 2012

___________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- j-c. FO., né le 17 février 1969 à MARSEILLE (13005), de Gilbert et de Monique FE., de nationalité française, plongeur, demeurant 2 allée des Vergers à CANNES (06400) ;

Prévenu de :

INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention aux fins d'usage personnel et usage)

- PRÉSENT aux débats, DETENU (mandat d'arrêt du 11 août 2012), assisté de Maître Christophe BALLERIO, avocat- stagiaire, commis d'office, et plaidant par ledit avocat-stagiaire ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2012/001697 ;

Vu le procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit en date du 11 août 2012 ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat-stagiaire pour le prévenu, lequel soulève in limine litis des exceptions de nullités ;

Ouï le Ministère Public en réponse ;

Ouï Monsieur le Président, qui après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;

Ouï le prévenu en ses réponses lequel déclare accepter d'être jugé immédiatement et renoncer à la faculté conférée par l'article 400 du Code de procédure pénale ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat-stagiaire pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

j-c. FO. comparaît devant le Tribunal correctionnel, selon la procédure de flagrant délit, sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, le 11 août 2012, illicitement détenu aux fins d'usage personnel des stupéfiants, en l'espèce 2,53 grammes de cocaïne et d'en avoir fait usage,

» DÉLIT prévu et réprimé par l'article 5 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970. «

Le 12 août 2012 à 7 heures 20, les services de la Sûreté Publique, avertis par une femme ayant donné le signalement d'un homme au comportement agressif, procédaient à l'interpellation de j-c. FO. dans les toilettes de l'Hôtel de Paris où il était retrouvé en possession notamment d'un couteau de marque Opinel, d'un carnet portant des traces de poudre blanche, d'une paille portant des traces de poudre blanche et d'une petite bonbonne contenant 2,53 grammes d'une poudre qui allait se révéler être de la cocaïne.

Il était placé en garde à vue et au cours de son audition indiquait que la drogue trouvée en sa possession était destinée à son usage personnel. Il refusait d'indiquer les circonstances de son achat.

À l'audience, Maître Christophe BALLERIO a sollicité à la fois l'annulation du mandat d'arrêt décerné par Monsieur le Procureur Général ainsi que la nullité de toute la procédure au regard d'une violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, dans la mesure où le Tribunal ne pourrait pas statuer de manière contraignante sur la mise en liberté du prévenu, du fait des dispositions de l'article 409 du Code de procédure pénale.

Le Ministère Public a requis le rejet des exceptions de nullité.

Le Tribunal a joint l'incident au fond.

SUR QUOI

Sur les exceptions de nullité

Attendu qu'aux termes de l'article 5 paragraphe 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, » toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires « ;

Qu'il est de principe en droit international monégasque que dès lors qu'une convention internationale a été incorporée dans l'ordre juridique interne de la Principauté (en l'espèce, pour ladite convention par l'Ordonnance Souveraine n° 408 du 15 février 2006 rendant exécutoire la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, ouverte à la signature le 4 novembre 1950 et telle qu'amendée par le Protocole n° 1) celle-ci a un effet direct dont une des conséquences est que les juridictions internes de l'État contractant sont juges de droit commun de la Convention ;

Qu'en parallèle, l'article 32 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales assigne à la Cour Européenne des Droits de l'Homme la tâche de l'interprétation de la Convention ;

Qu'en conséquence, une lecture des dispositions de la Convention, telles qu'interprétées par la Cour Européenne des Droits de l'Homme s'impose au juge national, dans la mesure où lui seraient soumises des affaires soulevant des questions similaires au regard de la Convention (arrêts CEDH, VA. c/ France, 22 février 1994, GR. c/ Royaume Uni, 23 mai 2006) ;

Que d'une part, s'agissant de la notion de traduire le prévenu » aussitôt « (ou » promptly « dans la version anglaise, les deux textes faisant foi aux termes de l'article 59 de la Convention), devant un juge ou un magistrat au sens de la Convention, la Cour de Strasbourg a indiqué qu'un délai de 4 jours et 6 heures ne peut être admissible, même dans un contexte spécial d'enquêtes sur des infractions terroristes (BR. et autres c/ Royaume Uni, 29 novembre 1988) mais a pu indiquer qu'un délai de 3 jours après l'arrestation répondait au terme » aussitôt « (VA. c/ Roumanie, 1er avril 2008) ;

Que, d'autre part, selon une appréciation constante depuis la fin des années 1970 (Irlande c/ Royaume Uni, 18 janvier 1978, paragraphe 199, SC. c/ Suisse, 4 décembre 1979, paragraphe 31, ME. et autres c/France, 29 mars 2010), la Cour Européenne des Droits de l'Homme précise que le » juge ou magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires « doit être indépendant de l'exécutif et des parties et doit avoir le pouvoir d'ordonner de manière contraignante l'élargissement de la personne détenue, en l'absence de raisons fondées sur des critères juridiques et justifiant la détention (à ce dernier titre plus précisément AS. et autres c/ Bulgarie, 28 octobre 1998, paragraphe 144) ;

Attendu qu'en l'espèce, j-c. FO. a été interpellé et placé en garde à vue le 11 août 2012 à 7 heures 20 avant d'être déféré le même jour à 17 heures 15 devant le Procureur Général qui lui a notifié l'acte de poursuite et a décerné mandat d'arrêt à son encontre ; qu'enfin il a comparu le 13 août 2012 devant le présent Tribunal correctionnel ;

Que le Procureur Général, par nature partie poursuivante au procès pénal, ne peut intrinsèquement présenter une indépendance vis-à-vis des parties, autrement dit une impartialité objective, si bien qu'il ne peut être considéré comme le » magistrat «, (au sens de la Convention, avec ses concepts autonomes pouvant différer du droit interne) visé par l'article 5 paragraphe 3 de la CESDH ;

Que le Tribunal correctionnel est quant à lui composé de magistrats présentant aux termes de la loi des garanties d'indépendance et d'impartialité ;

Que s'agissant de la possibilité d'ordonner l'élargissement de manière contraignante, le Tribunal correctionnel peut relaxer le prévenu, le condamner à une amende ou à une peine d'emprisonnement avec sursis ou encore à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à la détention provisoire subie, ce qui a pour effet, aux termes de l'article 409 du Code de procédure pénale, sa mise en liberté ;

Attendu cependant qu'aux termes de ce même article 409, le ministère public, outre l'exercice de son droit d'appel dans les 10 jours prévu par l'article 406 du Code de procédure pénale, peut dans les 24 heures du prononcé du jugement interjeter un appel qui aura pour effet, même dans ces cas, le maintien en détention du prévenu ;

Qu'alors et seulement dans cette circonstance, le Tribunal correctionnel ne pourrait plus, a posteriori, être considéré comme le » magistrat « visé par l'article 5 paragraphe 3 de la Convention, puisque sa décision sur la liberté serait privée d'effet, même pendant le seul temps du recours, par une autorité qui n'est elle-même pas un magistrat au sens de la Convention ;

Que dans ce cas seulement, la première formation remplissant les critères de l'article 5 paragraphe 3 devant laquelle serait présenté le prévenu serait la Cour d'appel présentant les garanties d'indépendance et d'impartialité et pouvant statuer de manière contraignante sur la détention puisque le droit monégasque prévoit que le pourvoi est suspensif en matière pénale, mais, aux termes de l'article 473 du Code de procédure pénale, que le pourvoi du ministère public ne pourra faire obstacle à l'exécution de la décision qui serait susceptible d'entraîner la mise en liberté du condamné ou accusé ;

Qu'il serait alors probable que le délai entre l'arrestation et la comparution devant la Cour d'appel excèderait la notion de comparution » aussitôt ", devant le juge ou le magistrat au sens de la Convention, la sanction étant alors, non pas la nullité du mandat d'arrêt, mais la nullité de la poursuite elle-même (Cour de révision Ministère Public c/ M, 14 octobre 2011) ;

Que s'il appartiendrait alors à la Cour d'appel de prononcer cette sanction, il ne peut, au présent stade, a priori, être présumé de l'exercice de ce recours, étant rappelé que le recours de l'article 406 du Code de procédure pénale ne fait pas obstacle à une éventuelle mise en liberté ;

Que la Cour Européenne des Droits de l'Homme rappelle souvent qu'elle ne juge pas la conformité potentielle des règles de droit interne à la Convention, mais qu'elle procède à une analyse in concreto pour déterminer s'il y a eu violation de la Convention ;

Qu'ainsi, le Tribunal correctionnel ne peut constater de violation in abstracto, du fait d'une législation contenant en son sein des dispositions dont l'usage potentiel pourrait créer une situation contrevenante de la Convention, seule une violation effective pouvant dans le schéma de l'espèce être constatée, mais alors par la seule Cour d'appel ;

Attendu en conséquence que les exceptions de nullités seront donc rejetées ;

Sur le fond

Attendu que les faits reprochés au prévenu sont établis par l'enquête et ses aveux, réitérés lors de l'audience ;

Que l'intéressé a déjà été condamné à 3 reprises par le Tribunal correctionnel de Grasse, à des peines d'emprisonnement ferme et avec sursis notamment pour port d'arme et violences ;

Que compte tenu de ces éléments de personnalité, ainsi que de la nature et de la quantité de produit stupéfiant découvert, une peine d'emprisonnement de 15 jours sera prononcée, outre confiscation des scellés 1 à 4 de la procédure ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Rejette les exceptions de nullité soulevées ;

Déclare j-c. FO. coupable des faits qui lui sont reprochés ;

En répression, faisant application de l'article visé par la prévention,

Le condamne à la peine de QUINZE JOURS D'EMPRISONNEMENT ;

Ordonne la confiscation du contenu des fiches n° 1 à 4 faisant l'objet du scellé n° 2012/468 placé au greffe général (procédure de la direction de la sûreté publique n° 12/1644) ;

Condamne, en outre, j-c. FO. aux frais.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le treize août deux mille douze, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge faisant fonction de Président, Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Joëlle JEZ-ANDRIEU, Greffier.-

Note

Note : La loi n° 1.399 du 25 juin 2013 a modifié l'article 409 du Code de procédure pénale et abrogé l'effet suspensif de l'appel du Ministère Public en matière correctionnelle, en sorte qu'en cas de relaxe ou de condamnation avec sursis, la mise en liberté du prévenu est immédiate. Cette loi a également modifié l'article 399 du Code de procédure pénale qui édicte désormais que la personne arrêtée en flagrant délit doit être conduite devant le Procureur Général dans les 48 heures et être traduite devant le tribunal correctionnel aussitôt que possible sans que le délai puisse dépasser deux jours francs.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 9299
Date de la décision : 13/08/2012

Analyses

L'article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales impose que toute personne arrêtée ou détenue soit aussitôt traduite devant un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires.Une convention incorporée dans l'ordre interne a un effet direct. Une lecture de la Convention telle qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'Homme s'impose donc au juge national.La Cour européenne a jugé qu'un délai de 4 jours et 6 heures était excessif mais considéré qu'un délai de trois jours après l'arrestation répondait à l'exigence de promptitude.La Cour européenne exige que le juge ou la magistrat habilité par la loi soit indépendant de l'exécutif et des parties et ait le pouvoir d'ordonner de manière contraignante l'élargissement de la personne détenue.En l'espèce, le prévenu a été interpellé et placé en garde à vue le 11 août 2012 à 7 heures 20, déféré devant le Procureur Général le même jour à 17 heures 15 qui lui a notifié l'acte de poursuite et a décerné mandat d'arrêt, il a comparu devant le tribunal correctionnel le 13 août 2012.Le Procureur Général partie poursuivante au procès pénal ne peut présenter une indépendance vis-à-vis des parties, autrement dit une impartialité objective et ne peut donc être considéré comme le magistrat au sens de cet article.Le tribunal est composé de magistrats présentant aux termes de la loi des garanties d'indépendance et d'impartialité.Le tribunal peut relaxer le prévenu ou le condamner à une peine en nécessitant un maintien en détention, ce qui conduit à la mise en liberté du prévenu, sauf appel dans les 24 heures du ministère public aux termes de l'article 409 du Code de procédure pénale. Ce n'est donc qu'a posteriori si cet appel est formalisé que le tribunal pourrait ne pas être considéré comme remplissant les exigences européennes. Il serait probable que le délai de comparution devant la Cour d'appel excéderait l'exigence européenne et il appartiendrait à cette juridiction de prononcer la nullité de la poursuite.(À rapprocher de l'arrêt de la Cour d'appel du 11 mai 2012 MP/ST)La Cour européenne ne jugeant pas la conformité potentielle des règles de droit interne à la Convention mais procédant à une analyse in concreto pour déterminer s'il y a eu violation de la Convention, le tribunal ne peut constater une violation in abstracto du fait d'une législation dont l'usage potentiel pourrait créer une situation contrevenante à la Convention, seule une violation effective pouvant être dans le schéma de l'espèce être constatée mais par la Cour d'appel. Les exceptions de nullité sont donc rejetées.

Procédure pénale - Général  - Droit des personnes.

Article 5 § 3 de la Convention européenne - Présentation à un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires - Article 409 du Code de procédure pénale - Appréciation in concreto.


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : j-c. FO.

Références :

Article 409 du Code de procédure pénale
Ordonnance Souveraine n° 408 du 15 février 2006
Cour de révision Ministère Public c/ M, 14 octobre 2011
article 399 du Code de procédure pénale
article 473 du Code de procédure pénale
article 406 du Code de procédure pénale
loi n° 1.399 du 25 juin 2013
article 400 du Code de procédure pénale
article 5 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2012-08-13;9299 ?

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