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10/07/2012 | MONACO | N°12073

Monaco | Tribunal correctionnel, 10 juillet 2012, Ministère public c/ c. VE., a. VE. et an. CA.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2009/000269

INF. J. I. N15/09

JUGEMENT DU 10 JUILLET 2012

___________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre les nommés :

1) c. VE., né le 19 janvier 1969 à GÊNES (Italie), de nationalité italienne, demeurant via San Giorgio n° 11 – 10010 VILLATE DI MERCENASCO (Province de Turin – Italie) ;

2) a. VE., née le 26 mai 1949 à ALESSANDRIA (Italie), de nationalité italienne, demeurant via San Giorgio n° 11 – 10010 VILLATE DI MERCENASCO (Province de Turin – Italie) ;

3) an.

CA., né le 15 février 1939 à SAVONE (Italie), de nationalité italienne, demeurant via San Giorgio n° 11 – 10010 VILLATE DI ME...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2009/000269

INF. J. I. N15/09

JUGEMENT DU 10 JUILLET 2012

___________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre les nommés :

1) c. VE., né le 19 janvier 1969 à GÊNES (Italie), de nationalité italienne, demeurant via San Giorgio n° 11 – 10010 VILLATE DI MERCENASCO (Province de Turin – Italie) ;

2) a. VE., née le 26 mai 1949 à ALESSANDRIA (Italie), de nationalité italienne, demeurant via San Giorgio n° 11 – 10010 VILLATE DI MERCENASCO (Province de Turin – Italie) ;

3) an. CA., né le 15 février 1939 à SAVONE (Italie), de nationalité italienne, demeurant via San Giorgio n° 11 – 10010 VILLATE DI MERCENASCO (Province de Turin – Italie),

Prévenus de :

BLANCHIMENT DU PRODUIT D'UNE INFRACTION

- ABSENTS, représentés par Maître Hervé CAMPANA, avocat près la Cour d'appel, chez lequel ils doivent être considérés comme ayant fait élection de domicile par application de l'article 377 du code de procédure pénale, et plaidant par ledit avocat ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 3 juillet 2012 ;

Vu l'ordonnance de requalification et de renvoi devant le Tribunal Correctionnel du Magistrat instructeur en date du 6 février 2012 ;

Vu les citations signifiées, suivant exploits, enregistrés, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date des 17 et 20 février 2012 ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat pour les prévenus, en ses moyens de défense, plaidoiries et conclusions en date du 2 juillet 2012, par lesquels il sollicite la relaxe de ses clients et la mainlevée du séquestre pratiqué sur les comptes des prévenus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Aux termes d'une ordonnance du Magistrat instructeur en date du 6 février 2012, Messieurs c. VE. et an. CA. et Madame a. VE. ont été renvoyés par devant le Tribunal Correctionnel, sous la même prévention :

« - D'avoir à Monaco, courant 2006 à 2009, en tout cas depuis » temps non couvert par la prescription, sciemment détenu des « capitaux d'origine illicite provenant de vols multiples,

» - D'avoir à Monaco, courant 2006 à 2009, en tout cas depuis « temps non couvert par la prescription, sciemment apporté » leur concours à toutes opérations de transfert de placement, « de dissimulation ou de conversion de biens et capitaux » d'origine illicite,

« DÉLITS prévus et réprimés par les articles 218, 218-1, » 218-2, 218-3, 219 du Code Pénal «.

Messieurs c. VE. et an. CA. et Madame a. VE. sollicitent du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Hervé CAMPANA, avocat. La présence de ces prévenus n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à leur égard, en conformité de l'article 377 du code de procédure pénale.

En janvier 1999, Monsieur c. VE., a ouvert un compte bancaire au Crédit Foncier de Monaco qu'il a crédité le même mois de deux versements en espèces d'un montant total de 129.114,22 euros.

Deux semaines plus tard, il a ouvert dans le même établissement un deuxième compte avec sa mère Madame a. VE., laquelle y a déposé dans les deux mois suivants 216.911,90 euros, toujours en espèces.

Du 30 mars au 21 avril 1999, Madame a. VE. a également versé 502.615,76 euros sur un compte qu'elle détenait à la S. A. M. EFG EUROFINANCIÈRE D'INVESTISSEMENTS (EFG Bank Monaco) avec son concubin, Monsieur an. CA..

En février 2001, Monsieur c. VE., a ouvert un compte dans la même banque et l'a alimenté par les dépôts suivants :

- 26 avril 2001 37.625,95 euros

- 10 avril 2002 9.000,00 euros

- 30 juin 2004 105.800,00 euros

- 28 mars 2006 47.000,00 euros

Au début de l'année 2009, les prévenus ont fait l'objet d'un signalement du S. I. C. C. F. I. N. adressé au Procureur Général. L'organisme venait de découvrir qu' a. et c. VE. étaient impliqués dans une vaste affaire de vols, recels et escroqueries diverses au préjudice de personnes âgées, mettant en cause dix-neuf personnes et recouvrant plus d'une centaine de faits distincts.

Les investigations menées dans le cadre de l'information judiciaire subséquente ont révélé qu'aucun des mis en cause ne jouissait d'une vie professionnelle stable : de 2004 à 2007, Monsieur c. VE. s'était lancé dans une activité artisanale de démolition d'édifices ; Madame a. VE. avait cessé, depuis 1992, son travail dans le commerce ambulant ; Monsieur an. CA. recueillait de vieux objets et du matériel recyclable, de manière sporadique.

De 1997 à 2009 les intéressés n'ont d'ailleurs pas déposé la moindre déclaration de revenus, si ce n'est Monsieur c. VE. à trois reprises, lorsqu'il exerçait comme démolisseur (0 euro en 2004, 3.000 euros en 2005 et 750 euros en 2006).

Les prévenus étaient en revanche parfaitement connus des autorités policières et judiciaires italiennes, pour être des délinquants d'habitude depuis de très nombreuses années.

Monsieur an. CA. a été condamné pour recel dès 1967, puis pour vol en participation en 1971, détention d'armes, simulation de délit et résistance à un officier de police en 1977, détention d'armes en récidive en 1996, port d'armes en 2000 et enfin, résistance à un officier de police et utilisation de faux en participation le 8 mars 2010. Arrêté deux fois en 1976 et 1979 pour tentative d'homicide et vol à main armé, il a à nouveau été dénoncé par les carabiniers en 1987, 1988 puis 1995 pour vol à main armée et vol aggravé en concours. Mis en examen pour vol domiciliaire en 2002, violence sur officier des forces de l'ordre et faux en 2003, vol aggravé et utilisation illicite de cartes de crédit en 2005, il a une nouvelle fois été visé par une procédure en 2007 pour recel, rixe et port illégal d'armes.

Madame a. VE. a également subi ses premières condamnations dans les années 1960 : mendicité, fausse déclaration d'identité, vol continu en participation, complicité de vol en participation …. En 1971, elle se voit infliger un an de réclusion pour vol en participation puis cinq mois et dix jours de réclusion en 1991 pour recel.

En 2004, elle fait l'objet d'un défèrement pour vol et enfin pour vol aggravé en concours et port d'armes en 2006.

La prévenue, arrêtée avec dix autres personnes pour vol dans un exercice commercial en 2008, se trouve enfin dénoncée par les carabiniers dès l'année suivante, pour vol à main armée.

Enfin, Monsieur c. VE., a notamment été condamné pour vol en participation en 1989, 1994 et 2003.

En 2001, il a également été prévenu de vol aggravé au préjudice d'une personne âgée.

Un an plus tard, une peine de huit mois et vingt jours de réclusion lui a été infligée pour » concours et faux de plaques minéralogiques «.

L'ensemble de ces éléments contredit les allégations de Messieurs an. CA. et c. VE. lesquels, interrogés en septembre 2009 à l'occasion d'un passage en Principauté, ont soutenu que les fonds présents sur les comptes litigieux provenaient de leur activité professionnelle et avaient été transférés depuis leur banque italienne pour échapper à l'administration fiscale de ce pays.

Entendue sur commission rogatoire internationale Madame a. VE. n'a quant à elle fournit aucune explication, préférant se prévaloir de son droit à garder le silence.

Il apparaît ainsi, en dernière analyse, que les prévenus détiennent en Principauté, depuis 1999, des fonds considérables dont l'origine ne peut être rapportée à un quelconque exercice professionnel, que les déclarations contraires des mis en cause faites auprès des banques lors de l'ouverture des différents comptes étaient exclusivement destinées à en dissimuler la provenance et, qu'en définitive, seule l'activité délinquantielle majeure et permanente des intéressés pendant plusieurs années, sanctionnée à de multiples reprises par les autorités italiennes, a pu générer de tels flux financiers.

Compte tenu de la gravité des faits au regard de l'importance des sommes en cause et de la nature des agissements qui les ont procurées, une peine de deux ans d'emprisonnement assortie d'un mandat d'arrêt sera prononcée.

La confiscation des fonds et titres présents sur les comptes n° 413599 aux noms de Monsieur an. CA. et de Madame a. VE. et n° 413930 au nom de Monsieur c. VE., ouverts dans les livres de l'EFG Bank (Monaco), sera également ordonnée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du code de procédure pénale,

Déclare Messieurs c. VE. et an. CA. et Madame a. VE. coupables des faits qui leur sont reprochés ;

En répression, faisant application des articles visés par la prévention, ainsi que de l'article 395 du code de procédure pénale,

Les condamne, chacun, à la peine de DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT;

Décerne MANDAT D'ARRET à leur encontre ;

Ordonne la confiscation des fonds et titres présents sur les comptes n° 413599 aux noms de Monsieur an. CA. et de Madame a. VE. et n° 413930 au nom de Monsieur c. VE., ouverts dans les livres de la S. A. M. EFG EUROFINANCIÈRE D'INVESTISSEMENTS (EFG Bank Monaco) ;

Condamne, en outre, Messieurs c. VE. et an. CA. et Madame a. VE. solidairement aux frais ;

Composition

Ainsi jugé après débats du trois juillet deux mille douze en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge, Monsieur Florestan BELLINZONA, Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du dix juillet deux mille douze par Monsieur Marcel TASTEVIN, en présence de Monsieur Michael BONNET, Substitut du Procureur Général, assistés de Mademoiselle Sandra PISTONO, Greffière.-

Note

Le jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel du 14 janvier 2013. Après avoir repris la motivation du tribunal, la Cour a ajouté que » les circonstances selon lesquelles aucune concordance précise n'apparaîtrait entre, d'une part, les dates des infractions préalables et celles des dépôts incriminés, d'autre part, entre le montant des sommes frauduleusement issues desdites infractions et celui des dépôts s'avèrent inopérantes ; qu'en effet, aux termes de l'article 218,1°, 6e alinéa du Code pénal, les seules circonstances factuelles objectives (…) suffisent à caractériser l'élément intentionnel du délit ".

Les pourvois formés contre cet arrêt ont été rejetés par arrêt de la Cour de Révision du 31 mai 2014.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12073
Date de la décision : 10/07/2012

Analyses

Les prévenus, délinquants d'habitude depuis de nombreuses années connus des autorités policières et judiciaires italiennes, détiennent depuis 1999 des fonds considérables dont l'origine ne peut être rapportée à aucun exercice professionnel, les déclarations contraires qu'ils ont faites auprès des banques lors de l'ouverture des différents comptes étaient uniquement destinées à en dissimuler la provenance et en définitive seule l'activité délinquantielle majeure et permanente des intéressés pendant plusieurs années a pu générer de tels flux financiers. Le délit est en conséquence constitué.

Pénal - Général  - Infractions économiques - fiscales et financières.

Blanchiment du produit d'une infraction - Origine des fonds détenus en Principauté.


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : c. VE., a. VE. et an. CA.

Références :

article 377 du code de procédure pénale
Code Pénal
article 395 du code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2012-07-10;12073 ?

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