La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2012 | MONACO | N°12070

Monaco | Tribunal correctionnel, 7 mai 2012, Ministère public c/ S. TR.


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/000840

JUGEMENT DU 7 MAI 2012

___________________

En la cause du MINISTERE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- s. TR., né le 26 février 1982 à NICE (06), de Hamadi et de Malika LIOUI, de nationalité française, commis de cuisine, demeurant X à NICE (06200) ;

Prévenu de :

INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention, transport et importation)

- PRÉSENT aux débats, DETENU (mandat d'arrêt du 4 mai 2012), assisté de Maître Régis BERGONZI, avocat près la Cour d'appel, c

ommis d'office, et plaidant par ledit avocat ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2012/000840

JUGEMENT DU 7 MAI 2012

___________________

En la cause du MINISTERE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- s. TR., né le 26 février 1982 à NICE (06), de Hamadi et de Malika LIOUI, de nationalité française, commis de cuisine, demeurant X à NICE (06200) ;

Prévenu de :

INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention, transport et importation)

- PRÉSENT aux débats, DETENU (mandat d'arrêt du 4 mai 2012), assisté de Maître Régis BERGONZI, avocat près la Cour d'appel, commis d'office, et plaidant par ledit avocat ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2012/000840 ;

Vu le procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit dressé le 4 mai 2012 ;

Ouï Maître Régis BERGONZI, avocat commis d'office pour le prévenu, lequel soulève avant toute défense au fond des moyens de nullité ;

Ouï le Ministère Public en réponse ;

Ouï le prévenu en ses réponses lequel déclare accepter d'être jugé immédiatement et renoncer à la faculté conférée par l'article 400 du Code de procédure pénale ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Régis BERGONZI, avocat pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Monsieur s. TR. comparaît devant le Tribunal Correctionnel, selon la procédure de flagrant délit, sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, le 3 mai 2012, détenu, transporté et importé des produits stupéfiants, en l'espèce 82,95 grammes de résine de cannabis,

» FAITS prévus et réprimés par les articles 1, 2, 2-1, 5-3, 6, 7 et 9 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970, par les articles 26, 27 du Code Pénal, par Arrêté ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991 fixant la liste des substances "

Le 3 mai 2012 à 16 heures 15, Monsieur s. TR. a été interpellé sur les quais de la gare SNCF et conduit dans les locaux de la Sûreté Publique en vue d'une vérification d'identité approfondie.

Les policiers ont alors découvert qu'il dissimulait dans son caleçon une plaquette de résine de cannabis d'un poids de 82,95 grammes et qu'il détenait une somme de 700 euros en espèces.

Lors de son audition, l'intéressé a affirmé avoir acquis le stupéfiant la veille, à Nice, pour un montant de 400 euros (ramené à 350 lors de son deuxième interrogatoire). Au sujet de l'argent, il s'agissait selon lui d'une somme provenant d'un retrait de 1.800 euros opéré sur son compte bancaire quinze jours plus tôt, ce qu'ont confirmé les réquisitions bancaires des enquêteurs.

Sur la violation de l'article 563 de la Convention européenne des Droits de l'Homme

Monsieur s. TR. a été déféré devant le Substitut du Procureur Général le lendemain de son interpellation. Conformément à la procédure de flagrant délit prévue par les articles 399 à 402 du Code de procédure pénale, ce magistrat l'a traduit devant le Tribunal à cette audience et a décerné un mandat d'arrêt à son encontre, afin de le maintenir en détention jusqu'à sa comparution.

Faisant valoir, qu'en violation de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, cette privation de liberté n'avait pas été décidée par un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires, qu'elle durait déjà depuis près de 4 jours et que le Tribunal ne pouvait toujours pas, légalement, ordonner la remise en liberté de l'intéressé par une décision immédiatement exécutoire, le conseil du prévenu a excipé de la nullité de la procédure ainsi engagée.

Le Tribunal relève en effet qu'aux termes de cet l'article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires.

Or, depuis plus de 10 ans et selon une jurisprudence constante (voir par exemple AS. et autres c/Bulgarie, arrêt du 28 octobre 1998 et, plus récemment, ME. et autres, arrêt du 29 avril 2010) la Cour européenne des Droits de l'Homme précise que le magistrat visé par cet article doit présenter des qualités d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, seules garanties réelles contre l'arbitraire ou la privation injustifiée de liberté.

Il doit également avoir le pouvoir d'ordonner de manière contraignante l'élargissement de la personne détenue, en l'absence de raisons fondées sur des critères juridiques et justifiant sa détention.

De toute évidence, ces prescriptions ne sont pas respectées en l'espèce.

Ainsi, Monsieur s. TR. a d'abord été déféré devant le Procureur Général qui ne présente pas les qualités d'indépendance requises puisque, statutairement, il se trouve placé sous l'autorité du Directeur des Services Judiciaires (article 8 de la loi 1364 du 16 novembre 2009 portant statut de la magistrature) et que, procéduralement, il exerce l'action publique à l'encontre du prévenu.

Le prévenu comparaît désormais devant une juridiction composée de Magistrats statutairement indépendants mais qui, faute d'être légalement saisis du contentieux de la détention, n'ont pas le pouvoir d'ordonner, de manière contraignante, son élargissement (voir sur cette exigence arrêt AS. précité) fût-ce au bénéfice d'une relaxe ou d'une condamnation avec sursis puisque une décision en ce sens pourrait être privée de tout effet par le Ministère Public, s'il en interjetait appel dans les 24 heures (article 409 du Code de procédure pénale).

Le Tribunal observe en définitive que la procédure de flagrant délit menée à l'encontre de Monsieur s. TR. depuis son arrestation ne satisfait pas aux exigences posées par l'article 5 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Aussi, pour rétablir le prévenu dans ses droits il convient d'ordonner sa remise en liberté et de prononcer, pour ce faire, la nullité du mandat d'arrêt délivré le 4 mai 2012 par le Procureur Général, seul titre qui fonde à ce jour sa détention.

Sur le fond

Les faits reprochés au prévenu sont parfaitement établis par les éléments factuels ci-dessus rappelés.

L'intéressé a déjà été condamné à 6 reprises par les juridictions françaises, notamment le 5 février 2001 pour cession et offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle.

Compte tenu de ces renseignements de personnalité défavorables et de la quantité de stupéfiants découverte en l'espèce, une peine d'un mois d'emprisonnement sera prononcée, outre la confiscation de la résine de cannabis saisie.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Annule le mandat d'arrêt décerné par le Procureur Général le 4 mai 2012 ;

Déclare Monsieur s. TR. coupable des faits poursuivis ;

En répression faisant application des articles visés par la prévention,

Le condamne à la peine d'UN MOIS D'EMPRISONNEMENT ;

Ordonne sa remise en liberté ;

Ordonne la confiscation de la substance stupéfiante faisant l'objet du contenu de la fiche n° 1 constituant le scellé n° 2012/000304 placé au greffe général (procès-verbal de la direction de la sûreté publique n° 12/DPJ/0789) ;

Condamne, en outre, Monsieur s. TR. aux frais.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le sept mai deux mille douze, par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Mademoiselle Cyrielle COLLE, Magistrat référendaire, en présence de Monsieur Michaël BONNET, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Joëlle JEZ-ANDRIEU, Greffier.-

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12070
Date de la décision : 07/05/2012

Analyses

L'article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales exige que toute personne arrêtée ou détenue soit aussitôt traduite devant un juge ou devant un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Aux termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, ce magistrat doit présenter des garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties et avoir le pouvoir de manière contraignante d'ordonner l'élargissement de la personne détenue si la détention n'est pas justifiée. Tel n'est pas le cas lorsque la personne détenue depuis près de 4 jours a été présentée au Procureur Général qui n'a pas les qualités d'indépendance statutaire requises puisque placé sous l'autorité du Directeur des Services Judiciaires et exerçant l'action publique contre le prévenu. Le prévenu a ensuite comparu devant le Tribunal correctionnel composé de magistrats statutairement indépendants mais qui faute d'être légalement saisis du contentieux de la détention n'ont pas le pouvoir d'ordonner de manière contraignante la libération du prévenu du fait que même en cas de relaxe ou de condamnation avec sursis, l'appel du ministère public effectué dans les 24 heures fait obstacle à la mise en liberté. Il y a dès lors violation des prescriptions de l'article 5 §3 de la Convention. La remise en liberté immédiate est ordonnée et la nullité du mandat d'arrêt décerné par le Procureur Général, seul titre de détention, est prononcée.

Procédure pénale - Général.

Procédure de flagrant délit - Article 5 § 3 de la Convention européenne - Présentation à un juge ou magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires - Effet de l'appel du Ministère Public prévu par l'article 409 du Code de procédure pénale.


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : S. TR.

Références :

articles 399 à 402 du Code de procédure pénale
Arrêté ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991
article 409 du Code de procédure pénale
articles 26, 27 du Code Pénal
articles 1, 2, 2-1, 5-3, 6, 7 et 9 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970
article 400 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2012-05-07;12070 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award