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08/03/2011 | MONACO | N°5754

Monaco | Tribunal correctionnel, 8 mars 2011, r. DE LA CR c/ Ministère public


Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2005/002273

JUGEMENT DU 8 MARS 2011

__________________

En la cause du nommé :

- r. DE LA CR., né le 22 février 1970 à NIMES (30), de Gérard et de Madeleine ME., de nationalité française, ouvrier dans le batîment, demeurant X à CAVAILLON (84300) ;

Prévenu de :

- ABUS DE CONFIANCE - INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES

CHÈQUES (falsification de chèque et émission de

chèques sans provision)

- présent aux débats, DÉTENU (en exécution d'un mandat d'arrêt décerné par le T

ribunal correctionnel de Monaco en date du 19 décembre 2006), assisté de Maître Pascal ROUBAUD, avocat au barreau de Marseille et plaida...

Motifs

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2005/002273

JUGEMENT DU 8 MARS 2011

__________________

En la cause du nommé :

- r. DE LA CR., né le 22 février 1970 à NIMES (30), de Gérard et de Madeleine ME., de nationalité française, ouvrier dans le batîment, demeurant X à CAVAILLON (84300) ;

Prévenu de :

- ABUS DE CONFIANCE - INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES

CHÈQUES (falsification de chèque et émission de

chèques sans provision)

- présent aux débats, DÉTENU (en exécution d'un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal correctionnel de Monaco en date du 19 décembre 2006), assisté de Maître Pascal ROUBAUD, avocat au barreau de Marseille et plaidant par ledit avocat ; - opposant à l'encontre d'un jugement rendu par défaut par le Tribunal de céans en date du 19 décembre 2006, signifié à Parquet le 10 janvier 2007 et notifié à personne ; CONTRE : LE MINISTÈRE PUBLIC ; En présence de : - Monsieur e-j HI., né le 11 février 1982 à MONACO, de nationalité monégasque, propriétaire exploitant, demeurant X à MONACO, constitué partie civile, comparaissant en personne ; LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ; Vu le jugement rendu par défaut par le Tribunal de céans en date du 19 décembre 2006, signifié à Parquet le 10 janvier 2007 et notifié à personne ; Vu le procès-verbal d'interrogatoire en date du 22 février 2011 par lequel Monsieur r. DE LA CR. a reçu notification du mandat d'arrêt décerné le 19 décembre 2006 par le Tribunal Correctionnel de Monaco ; Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de céans en date du 22 février 2011 ayant ordonné sa mise en liberté et renvoyé l'affaire à l'audience de ce jour ; Vu l'appel interjeté par le Ministère Public suivant acte de greffe en date du 22 février 2011 ; Vu l'arrêt contradictoirement rendu par la Cour d'appel en date du 28 février 2011 ayant réformé le jugement du Tribunal correctionnel en date du 22 février 2011 et maintenu les effets du mandat d'arrêt ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 24 février 2011 et tendant à ce qu'il soit statué sur l'opposition formée par Monsieur r. DE LA CR. ; Vu les conclusions in limine litis et celles de relaxe de Maître Pascal ROUBAUD, avocat au barreau de Marseille, adressés en télécopie le 7 mars 2011 ; Ouï le prévenu en ses réponses ; Ouï Monsieur e-j HI., partie civile, en ses demandes et déclarations ; Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ; Ouï Maître Pascal ROUBAUD, avocat au barreau de Marseille, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister le prévenu, en ses exceptions de nullité, moyens de défense et plaidoiries ; Ouï le prévenu en dernier en ses moyens de défense ;

Par procès-verbal de notification dressé le 22 février 2011, Monsieur r. DE LA CR. a déclaré former opposition à l'encontre d'un jugement rendu par défaut par le Tribunal de première instance, jugeant correctionnellement, le 19 décembre 2006, lequel l'a condamné, sur l'action publique, à la peine de DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT avec MANDAT D'ARRÊT décerné à son encontre, sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, courant mai 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé au préjudice de k. SA. la somme de 500 € qui ne lui avait été remise qu'à titre de mandat, à charge de la rendre ou représenter, d'en faire un usage ou un emploi déterminé, en l'espèce qui lui avait été remise en vue de l'acquisition de pneus,

» DÉLIT prévu et réprimé par l'article 337 du Code pénal ;

« D'avoir à MONACO, le 5 juin 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé au préjudice de b. PR. un véhicule Rolls Royce qui ne lui » avait été remis qu'à titre de mandat, à charge de le rendre ou représenter, d'en faire un usage ou un emploi déterminé, en l'espèce en vue de sa vente,

« DÉLIT prévu et réprimé par l'article 337 du Code pénal ;

» D'avoir à MONACO, courant juin 2005, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé au préjudice de d. NO. divers documents bancaires et d'identité qui ne lui avaient été remis qu'à titre de mandat, à charge de les rendre ou représenter, d'en faire un usage ou un emploi déterminé, en l'espèce qui lui avaient été confiés en vue de l'acquisition d'un véhicule à crédit,

« DÉLIT prévu et réprimé par l'article 337 du Code pénal ;

» D'avoir à MONACO, le 14 juin 2005, en tout cas depuis temps « non couvert par la prescription, falsifié un chèque bancaire au préjudice de e-j HI. pour un montant de 4.000 €,

» DÉLIT prévu et réprimé par l'article 332-1° du Code pénal ;

« D'avoir à MONACO, les 30 décembre 2004 et 12 mai 2005, en » tout cas depuis temps non couvert par la prescription, émis de « mauvaise foi, au préjudice de la S.A.R.L. RIVIERA RENT, deux chèques bancaires tirés sur les comptes de la banque MARTIN MAUREL et du CRÉDIT FONCIER DE MONACO sans provision préalable, suffisante et disponible :

» - chèque du 30 décembre 2004 d'un montant de 6.800 € « (Banque MARTIN MAUREL),

» - chèque du 12 mai 2005 d'un montant de 10.000 € (CRÉDIT « FONCIER DE MONACO),

» DÉLITS prévus et réprimés par les articles 331 et 330 du Code pénal ;

« D'avoir à MONACO, courant novembre et décembre 2004, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, émis de » mauvaise foi, au préjudice de p. DR., trois chèques « bancaires, respectivement de 12.000 €, 19.000 €, 28.000 €, tirés » sur le compte n° 011240000009 du CRÉDIT FONCIER DE « MONACO, sans provision préalable, suffisante et disponible,

» DÉLITS prévus et réprimés par les articles 331 et 330 du Code pénal ", et, sur l'action civile, a reçu Monsieur e-j HI. et la société à responsabilité limitée RIVIERA RENT en leur constitution de partie civile et a condamné Monsieur r. DE LA CR. à leur payer les sommes respectives de 5.000 euros et 6.800 euros à titre de dommages-intérêts.

À l'audience seul Monsieur e-j HI. s'est à nouveau constitué partie civile et a demandé au Tribunal de condamner Monsieur r. DE LA CR. à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur l'action publique,

L'opposition formée par Monsieur r. DE LA CR. est régulière en la forme et il y a lieu de l'accueillir ;

Le 23 juin 2005, Monsieur b. PR. déposait plainte contre Monsieur r. DE LA CR., exposant lui avoir confié la vente de son véhicule Rolls Royce pour un prix de 18.000 euros, puisqu'il se disait courtier en automobile, et avoir ensuite été informé par un garage de Cannes que sa voiture avait en réalité été échangée contre un véhicule 4 x 4 et deux chèques d'un montant total de 15.000 euros. Depuis ajoutait-il, il ne parvenait à rencontrer le mis en cause.

Monsieur e-j HI., ami du fils de Monsieur b. PR. auquel il avait présenté Monsieur r. DE LA CR. pour cette transaction, déposait également plainte. Il expliquait avoir accepté d'encaisser un chèque de 4.000 euros que le mis en cause prétendait ne pas vouloir déposer sur le compte commun qu'il détenait avec sa concubine compte tenu de leurs relations difficiles et lui avoir remis les fonds en espèces, déduction faite d'une commission convenue de 250 euros.

Ce chèque précisait-il, avait initialement un bénéficiaire désigné par les initiales R.H., que le prévenu avait transformé en e-j HI. Cette falsification avait entraîné le rejet du chèque et sa contre passation au débit du compte du plaignant, qui se trouvait désormais à découvert et s'estimait victime de l'intéressé.

L'enquête permettait de retrouver rapidement plusieurs autres victimes de Monsieur r. DE LA CR., la plupart d'entre elles travaillant ou fréquentant le Café Grand Prix où il se rendait régulièrement depuis quelques semaines.

Monsieur k. SA. déclarait ainsi avoir remis à Monsieur r. DE LA CR. 700 euros pour qu'il effectue diverses réparations sur son véhicule Mercedes et lui change les pneus, somme qui ne lui avait jamais été remboursée bien qu'une partie à peine des travaux furent réalisés.

Monsieur d. NO., pour sa part, lui confiait des documents bancaires et administratifs en vue de la souscription d'un crédit destiné à l'achat d'un véhicule Mini Cooper, pièces qui ne lui avaient pas été restituées après que l'opération fût annulée.

Monsieur g. TR., gérant de la société RIVIERA RENT, déplorait la remise de deux chèques sans provision de 10.000 euros et 6.800 euros au titre de la location d'un véhicule Maserati qu'il avait toutefois pu récupérer grâce au double des clefs.

Monsieur p. DR., enfin, dénonçait à son tour la remise de trois chèques sans provision, d'un montant cumulé de 59.000 euros, en paiement de divers véhicules achetés dans son établissement. À titre de compensation, Monsieur r. DE LA CR. avait ensuite déposé dans son garage quatre véhicules qu'il avait dû restituer, ceux-ci provenant en réalité de détournements commis au préjudice d'un autre professionnel situé à Avignon, le garage 3 C Automobile.

Entendu par les policiers monégasques en cours d'enquête puis par les policiers français à la Maison d'arrêt de Nîmes, où il purgeait une peine d'emprisonnement, Monsieur r. DE LA CR. ne contestait pas la matérialité des faits.

Il s'engageait à rembourser Monsieur e-j HI. du montant du chèque de 4.000 euros qu'il reconnaissait avoir falsifié pour en modifier le bénéficiaire et concédait qu'il avait acquis une Jeep grâce à la Rolls Royce de Monsieur b. PR. sans prévenir son mandant.

Pour le reste, il mettait en cause des tiers voire les victimes elles-mêmes.

Il prétendait que les documents de Monsieur d. NO. étaient restés dans une maison de crédit, dont il ne précisait pas le nom, alors qu'il les avait abandonnés chez un concessionnaire automobile et soutenait avoir été victime de Monsieur g. TR. qui n'aurait pas dû encaisser les chèques remis, bien qu'ayant lui-même bénéficié de la Maserati pendant quatre mois.

Monsieur p. DR., enfin, était à ses yeux un individu peu recommandable, qui avait en réalité revendu les véhicules du garage 3 C Automobile.

L'audition de la concubine du prévenu révélait que celui-ci vivait d'escroqueries au quotidien, fût-ce au préjudice de ses proches.

Le casier judiciaire français de l'intéressé confirmait cette appréciation. Treize condamnations y figurent et se rapportent toutes à des infractions de nature financière. La dernière date du 14 mai 2009 et a été prononcée par le Tribunal correctionnel de Nîmes : un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l'épreuve pour une durée de deux ans pour abus de confiance.

SUR CE,

La circonstance que Monsieur r. DE LA CR. a été condamné en France pour le détournement de véhicules au préjudice du Garage ELLIT AUTOMOBILE ne saurait rendre irrecevable, sur le fondement de la règle non bis in idem, les poursuites engagées à Monaco par l'émission des chèques sans provision qui ont permis au prévenu de s'en emparer. Il s'agit en effet d'infractions parfaitement distinctes dans leurs éléments constitutifs, commises de surcroît dans des États différents.

La culpabilité du prévenu apparaît amplement établie au regard des éléments ci-dessus rapportés, qu'il s'agisse des délits en matière de chèques ou des détournements, par le prévenu, des voitures, documents ou sommes d'argent qui lui ont été confiées. Il n'apparaît donc pas utile d'ordonner un quelconque supplément d'information.

Compte tenu de la multiplicité des infractions commises, de l'importance du préjudice causé et de l'existence de nombreux antécédents judiciaires de même nature, une peine d'emprisonnement sera infligée au prévenu. Toutefois, au regard de l'ancienneté des faits et du désir de resocialisation dont semble vouloir faire preuve l'intéressé depuis la fin de sa dernière incarcération, la peine initialement prononcée sera ramenée à huit mois.

Sur l'action civile,

Il y a lieu de recevoir Monsieur e-j HI. en sa constitution de partie civile et faire partiellement droit à sa demande en condamnant Monsieur r. DE LA CR. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices subis, compte tenu des éléments suffisants d'appréciation dont le Tribunal dispose.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant contradictoirement,

Accueille Monsieur r. DE LA CR. en son opposition, régulière en la forme ;

Et jugeant à nouveau,

Sur l'action publique,

Déclare Monsieur r. DE LA CR. coupable des délits qui lui sont reprochés ;

En répression, faisant application des articles 330, 331, 332-1°, 337 du Code pénal.

Le condamne à la peine de HUIT MOIS D'EMPRISONNEMENT ;

Sur l'action civile,

Accueille Monsieur e-j HI. en sa constitution de partie civile et le déclarant partiellement fondé en sa demande, condamne Monsieur r. DE LA CR. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Le condamne, en outre, aux frais.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le huit mars deux mille onze, par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Juge, Madame Sophie LEONARDI-FLEURICHAMP, Juge, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Christell BIANCHERI, Greffier.-

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PRINCIPAUTE DE MONACO

Note

NOTE : Par arrêt du 21 janvier 2010 (C.A/ C/MP) la Cour de révision a affirmé que l'interdiction de nouvelles poursuites édictée par l'article 393 du Code de procédure pénale ne concerne que les personnes poursuivies ou condamnées à Monaco. La règle non bis in idem ne fait pas obstacle à des poursuites pour recel perpétré à Monaco, après une condamnation en Italie du chef d'escroqueries.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5754
Date de la décision : 08/03/2011

Analyses

La condamnation en France du prévenu pour détournement de véhicule ne rend pas irrecevable sur le fondement de la règle non bis in idem des poursuites à Monaco pour l'émission de chèques sans provision qui ont permis de s'en emparer. Il s'agit d'infractions distinctes dans leurs éléments constitutifs et commises dans des États différents.

Procédure pénale - Jugement  - Contentieux et coopération judiciaire.

Règle non bis in idem - Infractions distinctes - Poursuites dans des États différents.


Parties
Demandeurs : r. DE LA CR
Défendeurs : Ministère public

Références :

article 393 du Code de procédure pénale
articles 330, 331, 332-1°, 337 du Code pénal
articles 331 et 330 du Code pénal
article 337 du Code pénal
article 332-1° du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2011-03-08;5754 ?

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