La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2008 | MONACO | N°27342

Monaco | Tribunal correctionnel, 16 décembre 2008, Consorts A. c/ Ministère Public


Abstract

Procédure pénale

Action publique

- Recevabilité

- Principe « Non Bis in Idem » inapplicable : poursuites en Italie pour escroquerie et à Monaco pour recel d'escroquerie

Réquisitions de la police à une banque aux fins d'avoir communication de documents bancaires

- Secret bancaire invoqué inopposable à l'autorité judiciaire : article 57 de la loi française du 24 juin 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit applicable à Monaco en vertu de l'Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945 (art. 1 et 4) pr

omulguant la Convention relative au contrôle des changes

Réquisitoire introductif

- Invocation de sa n...

Abstract

Procédure pénale

Action publique

- Recevabilité

- Principe « Non Bis in Idem » inapplicable : poursuites en Italie pour escroquerie et à Monaco pour recel d'escroquerie

Réquisitions de la police à une banque aux fins d'avoir communication de documents bancaires

- Secret bancaire invoqué inopposable à l'autorité judiciaire : article 57 de la loi française du 24 juin 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit applicable à Monaco en vertu de l'Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945 (art. 1 et 4) promulguant la Convention relative au contrôle des changes

Réquisitoire introductif

- Invocation de sa nullité au motif qu'il vise le délit de blanchiment d'une infraction sans préciser celle-ci

- Régularité du réquisitoire, rejet de la demande de nullité, le SICCFIN ayant communiqué des informations au PG portant sur des faits relevant d'activités criminelles organisées en application de l'article 28 de la loi n° 1.162 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Confrontation

- Entre deux co-inculpés, après leurs interrogatoires de première comparution, art. 176 CPP

- Régularité de cette mesure : l'interrogatoire de première comparution constituant un interrogatoire à part entière

Banque

Blocage d'un compte bancaire

- Ordonné par le juge d'instruction après que le MP ait recommandé à la banque de refuser tout retrait

- Régularité de cette mesure : rejet de la nullité soulevée

Secret bancaire

- Inopposabilité à l'autorité judiciaire (voir plus haut)

Résumé

Sur la recevabilité de l'action publique

Le conseil des prévenus soutient qu'en vertu du principe « non bis in idem » Madame E. M. et Monsieur C.A . ne sauraient être poursuivis à Monaco pour un recel de fonds provenant d'escroqueries commises en Italie, dès lors qu'ils ont déjà été jugés puis condamnés dans ce pays pour la commission de ces escroqueries, leurs peines ayant été à ce jour exécutées.

Cette analyse ne saurait être retenue dès lors que le principe invoqué s'oppose seulement à ce que des mêmes faits, fussent-ils autrement qualifiés, donnent lieu à une double poursuite. Des délits distincts dans leurs éléments constitutifs, commis de surcroît dans deux États différents, ne relèvent pas de cette règle. Or tel est bien le cas en l'espèce s'agissant, d'une part, d'escroqueries commises en Italie et, d'autre part, d'un recel perpétré à Monaco.

Sur la nullité des réquisitions faites par la police à la Banque du Gothard.

Selon réquisition du 4 septembre 2000, l'inspecteur principal F. F. a demandé au Directeur de la Banque du Gothard la communication de divers documents bancaires relatifs au compte de Monsieur C. A. ainsi qu'aux comptes BABOOM et SCI BALZA IMMOBILIER.

Par une deuxième réquisition du 2 novembre 2000, ce même inspecteur a sollicité les pièces justificatives de plusieurs opérations ayant affecté ces comptes.

Le conseil des prévenus soutient que ces actes sont entachés de nullité dès lors que les éléments ainsi transmis par la banque étaient couverts par le secret bancaire, lequel ne pouvait être levé dans le cadre d'une simple enquête préliminaire.

Le Tribunal rappelle toutefois qu'une application des articles 1 et 4 de l'Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945 promulguant la convention relative au contrôle des changes, les textes français qui concernent la réglementation et l'organisation bancaires sont applicables en Principauté.

Or, à la date des réquisitions contestées, l'article 57 de la loi française du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, énonçait que le secret bancaire n'était pas opposable à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale.

Ainsi, l'inspecteur F., agissant sur instructions du Procureur Général du 23 août 2000 demandant une enquête sur les faits que lui dénonçait le SICCFIN dans sa note du 18 août 2000, comme cela est expressément indiqué sur les réquisitions contestées, pouvait valablement solliciter auprès de la Banque du Gothard les documents précédemment évoqués sans que pût lui être opposé le secret professionnel.

Sur la nullité du procès-verbal de confrontation des époux A.

Cette nullité est fondée sur une violation prétendue de l'article 176 du Code de procédure pénale selon lequel « s'il y a plusieurs inculpés, ils sont interrogés séparément. Le Juge d'instruction peut ensuite les confronter ».

Ainsi, il est fait grief au magistrat instructeur d'avoir inculpé Madame E. M. épouse A. le 16 décembre 2005, puis de l'avoir directement confrontée à Monsieur C. A. le 5 octobre 2006.

Il résulte cependant des termes même de l'article 166 du Code de procédure pénale que la première comparution de l'inculpé devant le Juge d'instruction constitue un interrogatoire à part entière. Les prescriptions de l'article 176 du même code ne sont par ailleurs pas édictées à peine de nullité. Enfin, lors de la confrontation, Madame E. M. épouse A. a eu la possibilité de s'expliquer longuement sur les faits qui lui étaient reprochés et il n'a été porté, dans ces conditions, aucune atteinte aux droits de la défense.

L'exception sera donc rejetée.

Sur la nullité de la mesure de blocage des comptes bancaires ouverts par les époux A.

Sur délégation du Juge d'instruction du 19 février 2001, les comptes bancaires ouverts par les époux A. à la Banque du Gothard ont fait l'objet d'une mesure de blocage le 21 février 2001.

La circonstance que des opérations de retrait auraient été préalablement refusées à Madame E. M. épouse A. sur simples recommandations verbales du ministère public n'est pas de nature à entacher de nullité cet acte conservatoire.

En conséquence il n'y a pas lieu de l'annuler.

Motifs

Le Tribunal,

Jugeant correctionnellement,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'ordonnance de disqualification, de requalification et de renvoi devant le Tribunal correctionnel de Monsieur le magistrat instructeur en date du 31 juillet 2007 ;

Vu les citations signifiées, suivant exploits, enregistrés, de Maître Marie-Thérèse Escaut-Marquet, huissier, en date du 9 avril 2008 ;

Ouï Maître Gaston Carrasco, avocat au Barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à plaider pour les prévenus, lequel soulève in limine litis, par conclusions du 17 juin 2008, des moyens de nullité et d'irrecevabilité de l'action publique ;

Ouï le Ministère Public en réponse sur les moyens de nullité soulevées ;

Le Tribunal, après délibération, décide de joindre les incidents au fond ;

Ouï les prévenus en leurs réponses, et ce, avec l'assistance de Madame Mikaela Ferraro, demeurant [...] à Monaco, faisant fonction d'interprète en langue italienne, serment préalablement prêté ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Gaston Carrasco, avocat pour les prévenus, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de ses clients et la condamnation de l'État monégasque à payer à chacun d'eux la somme de 200 000 euros ;

Ouï les prévenus, en dernier, en leurs moyens de défense ;

Aux termes d'une ordonnance de Monsieur le magistrat instructeur en date du 31 juillet 2007, Monsieur C. A. et Madame E. M. épouse A ont été renvoyés par devant le Tribunal correctionnel, sous les préventions :

Monsieur C. A.

« D'avoir à Monaco, courant 1999 et 2000, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, sciemment recélé des fonds qu'il savait provenir d'une escroquerie au préjudice du Trésor Public italien, commise par l'utilisation de manœuvres frauduleuses constituées, notamment, par l'emploi de factures fictives relatives à l'activité des sociétés GSM LINE SRL et WAVE SPA,

Délit prévu et réprimé par les articles 339, 325 et 330 du Code pénal » ;

Madame E. M. épouse A.

« D'avoir à Monaco, courant 1999 et 2000, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, sciemment recélé des fonds qu'elle savait provenir d'une escroquerie au préjudice du Trésor Public italien, commise par l'utilisation de manœuvres frauduleuses constituées, notamment, par l'emploi de factures fictives relatives à l'activité des sociétés GSM LINE SRL et WAVE SPA,

Délit prévu et réprimé par les articles 339, 325 et 330 du Code pénal » ;

Par jugement du 8 novembre 2004, le Juge chargé des enquêtes préliminaires près le Tribunal de Monza a condamné Monsieur C. A. à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement pour diverses escroqueries à la TVA commises à l'aide de factures portant sur des cessions fictives d'appareils téléphoniques, émises par la société GSM LINE SRL dont il était le gérant de fait.

Selon jugement du 14 juillet 2005 rendu cette fois-ci par le Juge chargé des enquêtes préliminaires près le Tribunal ordinaire de Milan, Madame E. M. épouse A. et Monsieur C. A. ont été respectivement condamnés à 14 mois d'emprisonnement avec sursis et 18 mois d'emprisonnement ferme pour utilisation de factures fictives en vue d'obtenir des remboursements indus de TVA au profit des sociétés GSM LINE SRL puis WAVE COMMUNICATIONS SPA, dont Madame E. M. était la gérante de droit.

Monsieur C. A. a en outre abandonné au profit de l'État italien, à l'occasion de la première procédure, la somme de 1 794 279,80 euros.

La période de prévention visée par ces décisions couvrait essentiellement l'année 1999 et le début de l'année 2000. Or en février 1999, Monsieur C. A. a ouvert dans les livres de la Banque du Gothard un compte personnel qui a été exclusivement alimenté, jusqu'au mois de septembre de la même année, par 11 dépôts en espèces d'un montant total de 1 306 576,22 euros. Madame E. M., pour sa part, a ouvert un autre compte dans la même banque au nom de la société BABOOM SECURITIES LIMITED de droit BVA, dont les prévenus se trouvaient être les ayants droit économiques. Il a été alimenté par un virement unique de 390 000 euros du 22 mars 2000 libellé « un client BLFLL12X ». Une seule opération au débit a été enregistrée, s'agissant d'un virement de 126 295,66 euros opéré au profit d'un troisième compte ouvert au nom de la SCI BALZA IMMOBILIER, dont les prévenus étaient les associés indirects par le biais de deux autres SCI.

À la même époque, Monsieur C. A. se trouvait au cœur d'une déclaration de soupçon déposée auprès du SICCFIN. Cet organisme relevait, au terme de son enquête transmise au Parquet du Tribunal de Première Instance le 18 octobre 2000, que l'intéressé avait fait l'objet en Italie, entre 1985 et 1999, de nombreuses procédures pour extorsion de fonds, escroqueries et faux monnayage, qu'il était connu de son homologue français, TRACFIN, pour un dossier d'escroquerie à la TVA qui impliquait des sociétés italiennes, luxembourgeoises et françaises et qu'il était enfin suspecté de commettre des escroqueries à la TVA en Italie, sous couvert des sociétés GSM LINE SRIL et WAVE COMMUNICATION SPA.

Interpellé le 8 septembre 2000 alors qu'elle tentait de retire près de 150 000 euros du compte BABOOM, Madame E. M. épouse A a indiqué aux enquêteurs « je pense que cet argent provenait d'A. N. S., un représentant indépendant de téléphone... il s'agit du paiement de commissions sur la vente des cartes téléphoniques prépayées ». Au sujet des fonds ayant alimenté le compte de Monsieur A. son époux, dont elle se disait séparée, elle a déclaré « je pense que l'origine est commerciale ». Dès la fin de son audition, l'intéressée s'est rendue à la Banque du Gothard pour retirer la totalité des avoirs des deux comptes, mais s'est heurtée au refus opposé par l'établissement bancaire.

L'information ouverte pour blanchiment du produit d'une infraction a permis d'établir, grâce aux relevés d'opérations versés à la procédure ainsi qu'à l'audition de Monsieur T. L., administrateur de la Banque du Gothard, que le virement de 390 000 euros reçu par le compte BABOOM correspondait en réalité à des fonds versés par Monsieur C. A. sur un compte relais de la Banque du Gothard située au Liechtenstein, dénommée PAMELA Ltd, ce montage ayant été dicté par la banque qui refusait une alimentation directe du compte BABOOM en espèces.

Selon ordre de virement du 4 avril 2000 signé par Madame E. M. épouse A., 126 295,66 euros ont ensuite été transférés sur compte de la SCI BALZA IMMOBILIER, toujours par l'intermédiaire du compte PAMELA.

Malgré ces éléments Madame E. M. épouse A. a persisté dans ses affirmations antérieures au sujet de ce compte.

La Banque du Gothard était la seule initiatrice, selon elle, de l'alimentation en espèces et non par virements du compte de Monsieur C. A., de la création de la société offshore BABOOM et des transferts indirects réalisés par le compte PAMELA Ltd dont elle a prétendu ignorer l'existence, pour des raisons qu'elle ne s'expliquait pas même si elle avait toujours avalisé les opérations correspondantes.

Au sujet du compte de son époux elle s'est montrée plus précise. Elle a avancé que l'argent provenait de « commissions sur la vente de téléphones cellulaires et de cartes téléphoniques ainsi que de la vente de biens immobiliers » bien que les gains en matière de téléphonie fussent normalement destinés à GSM LINE.

Monsieur C. A. a reconnu pour sa part qu'il alimentait son compte grâce à des valises d'espèces convoyées d'Italie par lui-même ou un tiers, dans le cadre d'une évasion fiscale. Il s'agissait, selon lui, de commissions occultes perçues à l'occasion d'opérations immobilières menées dans le cadre d'une activité non déclarée.

Confronté aux conclusions de la commission rogatoire internationale diligentée en Italie, selon lesquelles ces opérations remontaient aux années 1994/1995 et 1996 et correspondaient, dans la quasi-totalité des cas, à des transactions menées officiellement par des proches ou des membres de la famille de Madame E. M. épouse A., lesquels avaient déclaré avoir accepté à sa demande d'apparaître au sein des actes dans le seul but d'obtenir des prêts qu'ils lui avaient immédiatement reversés, Monsieur C. A. s'est dit étonné. Il a soutenu que des commissions occultes sur ces ventes continuaient de lui être payées, malgré l'ancienneté des cessions.

Sur la recevabilité de l'action publique

Le conseil des prévenus soutient qu'en vertu du principe « non bis in idem » Madame E. M. et Monsieur C. A. ne sauraient être poursuivis à Monaco pour un recel de fonds provenant d'escroqueries commises en Italie, dès lors qu'ils ont déjà été jugés puis condamnés dans ce pays pour la commission de ces escroqueries, leurs peines ayant été à ce jour exécutées.

Cette analyse ne saurait être retenue dès lors que le principe invoqué s'oppose seulement à ce que des mêmes faits, fussent-ils autrement qualifiés, donnent lieu à une double poursuite. Des délits distincts dans leurs éléments constitutifs, commis de surcroît dans deux États différents, ne relèvent pas de cette règle. Or tel est bien le cas en l'espèce s'agissant, d'une part, d'escroqueries commises en Italie et, d'autre part, d'un recel perpétré à Monaco.

Sur la nullité des réquisitions faites par la police à la Banque du Gothard

Selon réquisition du 4 septembre 2000, l'inspecteur principal F. F. a demandé au directeur de la Banque du Gothard la communication de divers documents bancaires relatifs au compte de Monsieur C. A. ainsi qu'aux comptes BABOOM et SCI BALZA IMMOBILIER.

Par une deuxième réquisition du 2 novembre 2000, ce même inspecteur a sollicité les pièces justificatives de plusieurs opérations ayant affecté ces comptes.

Le conseil des prévenus soutient que ces actes sont entachés de nullité dès lors que les éléments ainsi transmis par la banque étaient couverts par le secret bancaire, lequel ne pouvait être levé dans le cadre d'une simple enquête préliminaire.

Le Tribunal rappelle toutefois qu'une application des articles 1 et 4 de l'ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945 promulguant la convention relative au contrôle des changes, les textes français qui concernent la réglementation et l'organisation bancaires sont applicables en Principauté.

Or, à la date des réquisitions contestées, l'article 57 de la loi française du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, énonçait que le secret bancaire n'était pas opposable à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale.

Ainsi l'inspecteur F., agissant sur instructions du Procureur Général du 23 août 2000 demandant une enquête sur les faits que lui dénonçait le SICCFIN dans sa note du 18 août 2000, comme cela est expressément indiqué sur les réquisitions contestées, pouvait valablement solliciter auprès de la Banque du Gothard les documents précédemment évoqués sans que pût lui être opposé le secret professionnel.

Sur la nullité de réquisitoire aux fins d'informer du 2 octobre 2000 et des inculpations notifiées aux prévenus

Ce réquisitoire est contesté pour trois motifs :

– il vise le délit de blanchiment de produit d'une infraction sans préciser la ou les infractions dont il s'agirait,

– il aurait été pris sur la base d'une fiche du SICCFIN contenant de faux renseignements sur Monsieur C. A.,

– aucun élément de la procédure ne permettait de présumer, à ce stade, que les fonds en espèces déposés par Monsieur C. A. sur son compte provenaient d'une activité frauduleuse,

Il convient toutefois de rappeler qu'une application de l'article 28 de la loi n° 1.162 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le SICCFIN peut recevoir toutes informations utiles des services de l'État et les communiquer au Procureur Général lorsque celles-ci portent sur des faits relevant d'activités criminelles organisées.

En l'espèce, le SICCFIN pouvait donc valablement être détenteur de renseignements en provenance de la Sûreté Publique au sujet des procédures judiciaires dont Monsieur C. A. avait fait ou faisait l'objet pour association de malfaiteurs, extorsion de fonds, escroqueries, faux monnayage ou escroqueries à la TVA, puis communiquer à toutes fins utiles ces renseignements au Parquet Général en signalant que l'intéressé faisait par ailleurs l'objet d'une déclaration de soupçon pour avoir ouvert divers comptes en Principauté, à son nom ou au nom de sociétés dont il était l'ayant droit économique, sur lesquels de fortes sommes en espèces étaient enregistrées.

Cette coïncidence, qui laissait présumer l'existence d'une infraction de blanchiment, a légitimement conduit le Procureur Général à ouvrir une information de ce chef, laissant au Juge d'instruction le soin de vérifier l'origine des fonds litigieux et de déterminer, le cas échéant, l'activité criminelle qui en constituait la source. C'est pourquoi, fort logiquement, aucune disposition légale n'exige que cette activité soit d'ores et déjà visée précisément par le réquisitoire introductif, soit à un stade où les investigations n'ont pas encore commencé, ni notifiée au prévenu au moment de son interrogatoire de première comparution.

Sur la nullité du procès-verbal de confrontation des époux A.

Cette nullité est fondée sur une violation prétendue de l'article 176 du Code de procédure pénale selon lequel « s'il y a plusieurs inculpés, ils sont interrogés séparément. Le Juge d'instruction peut ensuite les confronter ».

Ainsi, il est fait grief au magistrat instructeur d'avoir inculpé Madame E. M. épouse A. le 16 décembre 2005, puis de l'avoir directement confrontée à Monsieur C. A. le 5 octobre 2006.

Il résulte cependant des termes même de l'article 166 du Code de procédure pénale que la première comparution de l'inculpé devant le Juge d'instruction constitue un interrogatoire à part entière. Les prescriptions de l'article 176 du même code ne sont par ailleurs pas édictées à peine de nullité. Enfin, lors de la confrontation, Madame E. M. épouse A. a eu la possibilité de s'expliquer longuement sur les faits qui lui étaient reprochés et il n'a été porté, dans ces conditions, aucune atteinte aux droits de la défense.

L'exception sera donc rejetée.

Sur la nullité de la mesure de blocage des comptes bancaires ouverts par les époux A.

Sur délégation du Juge d'instruction du 19 février 2001, les comptes bancaires ouverts par les époux A. à la Banque du Gothard ont fait l'objet d'une mesure de blocage le 21 février 2001.

La circonstance que des opérations de retraits auraient été préalablement refusées à Madame E. M. épouse A. sur simples recommandations verbales du ministère public n'est pas de nature à entacher de nullité cet acte conservatoire.

En conséquence il n'y a pas lieu de l'annuler.

Sur le fond,

Les dépôts d'espèces importants qui ont crédité de 1 300 000 euros le compte de Monsieur C. A. à la Banque du Gothard, de même que le virement de 390 000 euros opéré à partir d'un autre compte de Monsieur A. sis à Pavie au profit du compte BABOOM, puis du compte de la SCI BALZA IMMOBILIER à hauteur de 126 295,66 euros selon ordre de virement du 4 avril 2000 signé par Madame E. M., sont intervenus au moment où leurs seules ressources avérées des prévenus provenaient des escroqueries de la TVA qu'ils commettaient en Italie sous couvert de la société GSM LINE puis WAVE SRL.

Les dénégations des intéressés sur ce point et leur tentative de justifier ces revenus par des activités immobilières occultes se sont révélées vaines au terme de la commission rogatoire internationale diligentée en Italie.

Madame E. M. et Monsieur C. A. ont au demeurant avancé à l'audience des explications nouvelles, en affirmant pêle-mêle que les fonds provenaient d'un héritage, de la vente de titres ou d'opérations boursières fructueuses.

Ces déclarations inédites après 6 ans d'information ne sont étayées par aucune pièce justificative. Elles se révèlent aussi fantaisistes que leurs dépositions antérieures consistant à accuser la banque d'être seule à l'origine de tous les procédés mis en œuvre pour occulter la provenance de l'argent litigieux : utilisation exclusive d'espèces, création d'un compte offshore ou transferts opérés par des comptes-relais situés à l'étranger.

La culpabilité de Monsieur C. A. et Madame E. M. épouse A ne fait ainsi aucun doute.

Le casier judiciaire de Monsieur C. A. est émaillé de trois condamnations des 15 avril 2002, 8 novembre 2004 et 14 juillet 2005 pour recel, émissions de factures pour des opérations inexistantes et banqueroute frauduleuse.

Celui de Madame E. M. comporte des mentions anciennes mais également la condamnation du 14 juillet 2005 du Tribunal de Milan.

Compte tenu de ces éléments de personnalité défavorables et du montant des sommes recelées, une peine d'emprisonnement de deux ans sera prononcée. Elle sera toutefois assortie du sursis au regard de l'absence d'antécédent judiciaire des mis en cause à Monaco.

La confiscation des sommes saisies à la Banque du Gothard sur les différents comptes sera par ailleurs ordonnée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

statuant contradictoirement,

Rejette les exceptions d'irrecevabilité de l'action pénale et de nullité des actes de la procédure ;

Déclare Monsieur C. A. et Madame E. M. épouse A. coupables des faits qui leur sont reprochés ;

En répression, faisant application des articles 325, 330, 339 et 393 du Code pénal,

Les condamne chacun à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé aux condamnés, absents lors du prononcé de la décision ;

Ordonne la confiscation des avoirs détenus sur les comptes suivants ouverts dans les livres de la Banque du Gothard :

– compte n° 015060 au nom de Monsieur C. A.,

– compte n° 017001 au nom de BABOOM HOLDING Ltd,

– compte n° 017305 au nom de la SCI BALZA IMMOBILIER ;

Condamne, en outre, Monsieur C. A. et Madame E. M. épouse A. solidairement aux frais ;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition

M. Tastevin, v.-prés. ; Mme Dollman, subst. proc. gén. ; Me Carrasco, av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27342
Date de la décision : 16/12/2008

Analyses

Infractions contre les personnes ; Infractions économiques, fiscales et financières ; Lutte contre le financement du terrorisme, la corruption et le blanchiment ; Comptes bancaires ; Procédure pénale - Général


Parties
Demandeurs : Consorts A.
Défendeurs : Ministère Public

Références :

articles 339, 325 et 330 du Code pénal
article 176 du Code de procédure pénale
CPP
articles 325, 330, 339 et 393 du Code pénal
article 166 du Code de procédure pénale
article 395 du Code pénal
articles 1 et 4 de l'Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945
Ordonnance n° 3.066 du 25 juillet 1945


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.correctionnel;arret;2008-12-16;27342 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award