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15/05/2024 | MONACO | N°30484

Monaco | Commission arbitrale des loyers commerciaux, 15 mai 2024, j. A. c/ i. B.


Abstract

Baux commerciaux - Commission arbitrale - Recevabilité de la demande de fixation du loyer du bail commercial renouvelé (oui) - Eléments d'appréciation de la valeur locative

Résumé

Les dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 n'imposent pas aux parties de délai maximum pour saisir la commission arbitrale des loyers commerciaux, la seule limite étant le délai de prescription. La saisine par le bailleur moins de trois ans après la date d'effet du congé avec offre de renouvellement est donc recevable. Compte tenu des pièces produites quant à la

valeur locative du local litigieux et aux prix pratiqués pour des locaux simila...

Abstract

Baux commerciaux - Commission arbitrale - Recevabilité de la demande de fixation du loyer du bail commercial renouvelé (oui) - Eléments d'appréciation de la valeur locative

Résumé

Les dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 n'imposent pas aux parties de délai maximum pour saisir la commission arbitrale des loyers commerciaux, la seule limite étant le délai de prescription. La saisine par le bailleur moins de trois ans après la date d'effet du congé avec offre de renouvellement est donc recevable. Compte tenu des pièces produites quant à la valeur locative du local litigieux et aux prix pratiqués pour des locaux similaires dans le quartier, outre les informations relatives à l'étendue, la situation, le confort, les aménagements et les facilités d'exploitation du local, le montant annuel du loyer sera fixé à 18 000 euros par an, à compter du 1er mars 2020, date de renouvellement du bail, conformément aux dispositions des articles 4 et 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948.

COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX

n° C2023/000005

JUGEMENT DU 15 MAI 2024

En la cause de :

* j. A., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, retraité, demeurant x1 à Monaco ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part,

Contre :

* i. B., demeurant x2 à Monaco ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Thomas BREZZO, avocat près ladite Cour ;

d'autre part ;

Visa

LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,

Vu la requête de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur pour j. A., en date du 23 février 2023 et reçue le 24 février 2023, enrôlée au Greffe sous le numéro C2023/000005 ;

Vu les lettres de convocation pour l'audience de conciliation du 8 mars 2023, adressées en recommandé avec accusé de réception par le greffe le 27 février 2023 ;

Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 9 mars 2023 renvoyant les parties à l'audience de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux du 10 mai 2023 ;

Vu les lettres de convocation adressées en recommandé avec accusé de réception par le Greffe le 24 avril 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur pour j. A., demandeur, en date du 8 novembre 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour i. B., défendeur, en date du 14 février 2024 ;

À l'audience publique du 13 mars 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et l'affaire a été mise en délibéré au 15 mai 2024.

Motifs

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Suivant contrat en date du 2 mars 1981, d. A. et s. C., aux droits desquels vient désormais j. A., ont donné à bail à m. D., aux droits duquel vient désormais i. B., un local situé au rez-de-chaussée d'un immeuble situé x3 à Monaco-Ville, pour l'exercice d'une activité de snack-bar, pour une durée de 3, 6, 9 années à compter du 1er mars 1981, moyennant un loyer de 26.400 francs payable par trimestre anticipé.

Suivant exploit d'huissier en date du 26 août 2019, j. A. a fait délivrer à i. B. un congé avec offre de renouvellement pour l'échéance du 29 février 2020, moyennant une augmentation du loyer mensuel à la somme de 2.080 euros hors taxe et hors charge.

Malgré plusieurs échanges entre les parties quant au montant du loyer durant plusieurs années, celles-ci ne parvenaient pas à un accord.

Le 24 février 2023, j. A. a déposé une requête en vue de voir convoquer i. B. aux fins de tentative de conciliation sur le montant du loyer révisé à la somme mensuelle de 2.080 euros hors taxe et hors charge à compter de la date de renouvellement du bail, soit au 1er mars 2020.

Lors de l'audience de conciliation tenue le 9 mars 2023, le magistrat conciliateur a constaté l'absence de conciliation possible entre les parties et renvoyé l'affaire aux fins d'échanges des conclusions entre les parties.

Dans ses conclusions en date du 8 novembre 2023, j. A. sollicite de voir :

* Fixer le montant du loyer à la somme annuelle de 24.960 € HT (2.080 euros/mois) hors taxes et hors charges rétroactivement à compter de la date de renouvellement du bail, soit au 1er mars 2020 ;

* Condamner rétroactivement i. B. au paiement du loyer ainsi renouvelé à compter du 1er mars 2020 ;

* Rejeter toutes les demandes, fins, conclusions, et prétentions d'i. B. ;

* Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

* Condamner i. B. à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 238-l du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens à distraire au profit de Maître Sophie-Charlotte MARQUET.

Sur la recevabilité de sa demande, il soutient qu'aucune disposition de l'article 4 de la loi n° 490 ne prévoit une quelconque prescription ou forclusion en cas de saisine après la date d'effet du congé, la saisine de la Commission pouvant être faite à tout moment, à la requête de la partie la plus diligente, une fois l'absence d'accord constatée.

Il précise qu'en l'espèce, la Commission a bien été saisie avant l'échéance suivante du 28 février 2023, la requête ayant été régularisée le 24 février 2023 tandis que le bail avait été́ dénoncé six mois avant son échéance puisque le congé avait été donné le 26 août 2019 pour la date du 29 février 2020.

j. A. ajoute que le laps de temps entre la notification du congé et la saisine de la présente commission s'explique par les tentatives entreprises par ses soins afin de parvenir à un accord amiable, i. B. étant seul responsable du temps écoulé pendant les négociations, de sorte qu'il ne peut former aucun grief à cet égard.

Selon le demandeur, une renonciation à un acte unilatéral tel qu'un congé ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et sans équivoque, qui ne peut être déduite d'une simple attitude passive alors qu'il existe en l'espèce une manifestation réitérée de sa volonté de se prévaloir des effets du congé et de solliciter une augmentation du loyer à effet au 1er mars 2020.

Il considère même que le défendeur serait irrecevable à formuler une contestation à cet égard, en vertu du principe de loyauté des débats, dans la mesure où il avait lui-même admis le principe d'une augmentation de loyer.

Sur le fond, j. A. fait valoir que :

* Les locaux présentent une étendue, un confort, des aménagements et des facilités d'exploitation parfaitement en adéquation avec l'activité exercée,

* Les locaux sont nantis d'une terrasse, qui certes ne fait pas partie de l'assiette du bail mais constitue conformément aux usages monégasques une facilité d'exploitation renforçant la valorisation du local,

* Il y a lieu de tenir compte de la redevance d'un montant de 2.750 € HT par mois significativement plus élevée qui est appliquée par i. B. dans le cadre de la location-gérance du local, démontrant la rentabilité de l'exploitation,

* La situation du local, sur le Rocher, à quelques pas du palais Princier et du Musée Océanographique, est rarissime et contribue indéniablement à sa valorisation,

* Il justifie le montant sollicité par l'étude de marché réalisée le 7 août 2019 par l'Agence immobilière des Ambassadeurs, considérant que le loyer alors en cours (1.142,34 €/mois) n'était pas en adéquation avec les prix pratiqués dans le secteur pour le même type d'activité, tel que le démontrent plusieurs annonces immobilières produites aux débats permettant de retenir une moyenne de 722,12 euros par mètre carré annuel pour la valeur locative lors de la délivrance du congé,

* Les longs développements relatifs à la crise du Covid sont inopérants dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 6 de la loi n° 490, alors qu'au 1er mars 2020, date de renouvellement du bail, aucune restriction n'était encore en place et que le commerce était exploité sans contrainte ni perturbation quelconque,

* Il n'y a pas lieu de tenir compte de l'indexation récente du loyer, qui constitue en réalité un rattrapage puisque l'indexation est automatique,

* Sa demande visant à voir fixer le loyer du bail renouvelé à 24.960 € hors taxe par an (2.080 € hors taxe par mois), soit 624 € par mètre carré annuel, est parfaitement fondée et corrélée aux prix du marché, tant au moment du renouvellement qu'à ce jour.

Dans ses dernières conclusions en date du 14 février 2024, i. B. sollicite de voir :

À titre principal :

* Déclarer j. A. irrecevable en sa demande d'augmentation de loyer ;

À titre subsidiaire :

* Débouter j. A. de sa demande d'augmentation de loyer ;

À titre infiniment subsidiaire :

* Débouter j. A. de sa demande de voir fixer le nouveau loyer rétroactivement à la date du 1er mars 2020 ;

* Dire et juger que le nouveau loyer devra être fixé au jour du jugement à intervenir ;

En tout état de cause :

* Condamner j. A. à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

* Condamner j. A. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI.

Sur l'irrecevabilité de la demande, le défendeur fait valoir que, j. A. n'ayant pas saisi cette Commission sur le fondement de l'article 4 de la loi n° 490, le bail s'est poursuivi sur la base du montant du loyer payé avant son renouvellement, cette situation ayant perduré durant toute la durée du bail renouvelé, du 1er mars 2020 au 28 février 2023.

Il soutient que, dans le cadre de l'article 4 de la loi n° 490, les parties doivent saisir le Commission arbitrale des loyers commerciaux à la date d'expiration du contrat si aucun accord n'est trouvé par les parties.

Selon i. B., le fait de maintenir le locataire dans les lieux après l'expiration du contrat aux mêmes conditions, jusqu'à l'échéance suivante du bail, doit être analysé comme une renonciation à son congé comportant demande d'augmentation du loyer pour la période concernée.

Il considère ainsi que, le bail ayant été renouvelé le 1er mars 2023 pour une nouvelle période triennale, le congé donné pour l'échéance du 29 février 2020 est devenu caduc de sorte que j. A. ne peut solliciter une augmentation de loyer rétroactive pour le renouvellement du bail le 1er mars 2020 alors que le bail est venu à échéance le 28 février 2023.

Le défendeur ajoute que la demande d'augmentation formée le 23 février 2023 ne peut davantage prospérer pour la période locative du 1er mars 2023 au 28 février 2026 dans la mesure où le bail doit être dénoncé 6 mois avant son échéance alors qu'elle a été faite en l'espèce 6 jours avant l'échéance du 28 février 2023.

Sur le fond de la demande d'augmentation de loyer, i. B. rappelle la crise sanitaire engendrée par la pandémie de COVID-19 ayant contraint les commerces à fermer jusqu'au 4 mai 2020, les effets ayant perduré de façon importante également en 2021 de sorte qu'aucune augmentation de loyer n'est selon lui justifiée à compter du mois de mars 2020.

Il précise que cette crise a modifié la facilité d'exploitation des locaux à usage de restauration de sorte qu'elle a eu un impact sur les critères posés par l'article 6 de la loi n° 490 et qu'il convient d'en tenir compte.

i. B. fait en outre valoir que, du fait du jeu de la clause d'indexation et de l'inflation, le montant du loyer a subi une hausse de 13.708 euros à 16.112 euros entre le 1er mars 2020 et le 1er mars 2023, l'indexation permettant de maintenir le montant du loyer à la valeur locative actuelle des locaux qui peut être évaluée à 1.200 euros par mois.

Le défendeur soutient par ailleurs que la demande d'augmentation est injustifiée et disproportionnée, l'étendue, la situation, le confort, les aménagements et les facilités d'exploitation que présentent les locaux loués n'ayant subi aucune modification qui justifierait le doublement du montant du loyer, plusieurs agences immobilières ayant permis de confirmer que le loyer actuel est conforme à la valeur locative du local. Il précise que la terrasse, existant depuis la signature du bail, ne fait pas partie du bail en ce qu'elle se situe sur le domaine public et qu'il paie une redevance au titre de son occupation.

i. B. ajoute enfin que, si la Commission faisait droit à la demande d'augmentation du loyer, le nouveau loyer devrait s'appliquer à compter du jugement et non de manière rétroactive dans la mesure où l'effet rétroactif de la hausse serait une charge beaucoup trop importante pour le locataire.

L'affaire a été plaidée lors de l'audience du 13 mars 2024 et mise en délibéré au 15 mai 2024.

SUR CE

* Sur la recevabilité de la demande de j. A.

L'article 4 de la loi n° 490 concernant les baux à usage commercial, industriel ou artisanal dispose que « si, à la date d'expiration du contrat de location, aucun accord n'est intervenu, ou si, antérieurement à cette date, le bailleur a manifesté son intention de s'opposer au renouvellement, les parties comparaîtront, à la requête de la plus diligente d'entre elles, devant le président du tribunal de première instance.

Ce magistrat aura pour mission de concilier les parties en vue du renouvellement, de faire consigner leur accord, ou, le cas échéant, leurs prétentions respectives et, notamment, les motifs de la contestation soulevée par le bailleur.

Le président sera saisi par une déclaration faite au greffe général et signée, par le requérant, sur un registre spécial tenu à cet effet.

Le président convoquera les parties à son audience, huit jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception ».

En l'espèce, j. A. a donné congé avec offre de renouvellement à i. B. pour le 29 février 2020, sollicitant que le loyer mensuel soit fixé à 2.080 euros hors taxe et hors charge à compter du 1er mars 2020.

Par courrier du 29 août 2019, le preneur s'est opposé au montant de loyer sollicité, proposant que le loyer trimestriel soit fixé à 4.413,50 euros.

Par courrier du 18 juin 2021, j. A. a réitéré sa proposition d'augmentation de loyer, proposant une mise en oeuvre progressive de celle-ci à 1.611,17 euros par mois au 1er mars 2020, 1.845,59 euros par mois au 1er mars 2021 et 2.080 euros par mois au 1er mars 2022.

Le 5 janvier 2023, le conseil du bailleur a adressé un nouveau courrier au conseil du preneur afin de « finaliser les discussions relatives à l'augmentation du loyer appliqué ». Par courrier du 20 février 2023, le conseil d'i. B. a fait état de l'opposition de ce dernier à toute augmentation de loyer.

j. A. a déposé une requête en conciliation devant cette Commission le 24 février 2023.

Selon i. B., le fait de maintenir le locataire dans les lieux après l'expiration du contrat aux mêmes conditions, jusqu'à l'échéance suivante du bail, doit être analysé comme une renonciation à son congé comportant demande d'augmentation du loyer pour la période concernée.

Il considère ainsi que, le bail ayant été renouvelé le 1er mars 2023 pour une nouvelle période triennale, le congé donné pour l'échéance du 29 février 2020 est devenu caduc de sorte que j. A. ne peut solliciter une augmentation de loyer rétroactive pour le renouvellement du bail le 1er mars 2020 alors que le bail est venu à échéance le 28 février 2023.

Toutefois, il est établi par les courriers versés aux débats que les parties ne sont jamais parvenues à un accord sur le montant du loyer pour la période commençant à courir au 1er mars 2020.

Les dispositions de la loi n° 490 applicables n'imposent pas aux parties de délai maximum pour saisir la présente Commission, la seule limite étant le délai de prescription.

Le seul fait que la première période triennale du bail soit parvenue à échéance ne saurait suffire à caractériser une renonciation expresse et non équivoque du bailleur au congé délivré alors qu'il avait clairement notifié sa volonté d'augmenter le montant du loyer et qu'aucun accord amiable n'est intervenu depuis lors, sa requête aux fins de saisine de la présente Commission étant en outre intervenue avant l'échéance du 28 février 2023.

Le défendeur ajoute par ailleurs que la demande d'augmentation formée le 23 février 2023 ne peut davantage prospérer pour la période locative du 1er mars 2023 au 28 février 2026 dans la mesure où le bail doit être dénoncé 6 mois avant son échéance alors qu'elle a été faite en l'espèce 6 jours avant l'échéance du 28 février 2023.

Or, cet argument est sans objet dans la mesure où la demande de j. A. porte expressément sur la fixation du montant du loyer au 1er mars 2020 et non au 1er mars 2023.

La demande de j. A. est donc déclarée recevable.

* Sur la demande de fixation de la valeur locative

Aux termes de l'article 6 de la loi n° 490, « la commission arbitrale a toute compétence pour statuer sur le différend dont elle a été saisie par le procès-verbal de non-conciliation visé aux articles précédents.

Après avoir entendu les parties ou leurs représentants, elle fixera le prix de location qui ne pourra, en aucun cas, être inférieur à la valeur des locaux évalués en fonction de l'étendue, de la situation, du confort, des aménagements et des facilités d'exploitation qu'ils présentent ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que le local, situé dans le quartier touristique de Monaco-Ville, dans lequel se situent en outre plusieurs bâtiments institutionnels, soit d'une surface de 40 mètres carrés et dispose d'une terrasse, laquelle, si elle ne fait pas partie du bail litigieux, représente une facilité d'exploitation. Il est par ailleurs constant que le local est en bon état général et dispose d'une capacité d'accueil de 20 convives à l'intérieur et 12 sur la terrasse.

Le montant du loyer avant le 1er mars 2020 était de 3.427 euros par trimestre, soit 1.142 euros par mois, soit un prix au mètre carré annuel de 342,7 euros.

Le loyer devant être fixé à compter de la date de renouvellement du bail, soit au 1er mars 2020, sur le fondement de l'article 4 de la loi n° 490, il n'y a pas lieu de prendre en compte les arguments liés à la crise sanitaire liée à la COVID-19, le défendeur versant à cet égard une décision ministérielle du 4 novembre 2020 relative aux restrictions imposées aux établissements de bouche ainsi que des éléments relatifs à la situation économique de la Principauté durant l'été 2020 et le 1er semestre 2021, cette crise ne pouvant être retenue comme constitutive d'une modification des facilités d'exploitation du local.

Le demandeur produit aux débats une étude comparative des prix des loyers pratiqués à Monaco-Ville, établie par l'Agence des Ambassadeurs, faisant état de biens ayant une valeur locative entre 535 euros et 853 euros par mètre carré annuel et retenant que le loyer de 1.142 euros par mois n'est pas en adéquation avec les prix pratiqués dans le même quartier et dans ce secteur d'activité.

j. A. verse également aux débats une estimation de valeur locative établie par l'agence H., évaluant le montant du loyer annuel du local litigieux à 20.000 euros le 10 décembre 2020, soit une valeur au mètre carré annuel de 500 euros puis à 24.000 euros (soit 600 euros par mètre carré annuel) selon une estimation ultérieure du 5 septembre 2022.

Il produit par ailleurs des annonces de ventes de fonds de commerce de bouche sur le Rocher faisant état de loyers entre 382 et 1.400 euros par mètre carré annuel, étant précisé qu'il s'agit d'annonces affichant des prix de loyers sans mention du fait qu'il s'agisse d'un loyer en cours ou du loyer sollicité.

i. B. produit quant à lui une estimation locative établie par l'agence E. en date du 27 septembre 2023 retenant que le loyer actuel de 1.142,33 euros « est en accord avec les tarifs pratiqués dans le quartier ». L'agent joint en outre un tableau comparatif des locaux disponibles dans le quartier avec les loyers demandés, d'un montant au mètre carré annuel entre 250 et 463 euros.

Le défendeur verse également aux débats une estimation locative réalisée par F., estimant le prix au mètre carré sur le marché autour de 25 euros mensuel et la valeur locative du local à environ 1.200 euros par mois, soit 360 euros par mètre carré annuel.

Il fournit par ailleurs trois annonces publiées par l'agence immobilière G. relatives à des fonds de commerces en vente à Monaco-Ville, dont le prix moyen de location affiché au mètre carré annuel est de 330 euros, outre deux autres annonces faisant figurer un montant de location de 382,5 euros par mètre carré annuel pour l'un et de 250 euros par mètre carré annuel pour l'autre.

En l'état des différentes pièces produites quant à la valeur locative du local litigieux et quant aux prix pratiqués pour des locaux similaires dans le quartier, outre les informations relatives à l'étendue, la situation, le confort, les aménagements et les facilités d'exploitation du local, le montant annuel du loyer sera fixé à la somme de 18.000 euros par an, à compter du 1er mars 2020, date de renouvellement du bail, conformément aux dispositions des articles 4 et 6 précités de la loi n° 490.

Si l'article 7 de la loi n° 490 dispose que « sur la demande du propriétaire ou, le cas échéant, du locataire principal, la commission arbitrale pourra prononcer condamnation au paiement du loyer dû », j. A. ne motive ni ne justifie à suffisance de sa demande de condamnation du défendeur au paiement rétroactif du loyer judiciairement fixé de sorte que cette demande sera rejetée.

* Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 202 du Code de procédure civile, « hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203.

Sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l'instance, et celles qui ordonnent des mesures conservatoires.

L'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut aussi être accordée pour le paiement de l'amende civile, de l'indemnité de l'article 238 et des dépens et des frais non compris dans les dépens ».

En l'espèce, l'exécution provisoire n'apparaît pas nécessaire.

* Sur les frais irrépétibles et les dépens

Aux termes de l'article 231 du Code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens.

Il y a donc lieu de condamner i. B. aux dépens dont distraction au profit de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Selon l'article 238-1 du Code de procédure civile :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

* 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

* 2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. ».

En l'espèce, l'équité commande de condamner i. B. à payer à ce titre à j. A. la somme de 2.000 euros.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,

Statuant contradictoirement et en premier ressort, par jugement prononcé par mise à disposition au greffe,

Déclare la demande de j. A. recevable ;

Constate que les parties s'accordent sur le renouvellement du bail ;

Fixe la valeur locative du local commercial loué par i. B. à j. A., situé x3 à Monaco, à 18.000 euros annuels à compter du 1er mars 2020 ;

Condamne i. B. à payer la somme de 2.000 euros à j. A. au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne i. B. aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef au vu du tarif applicable ;

Composition

Après débats en audience de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation la composant,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 15 MAI 2024, par Madame Alexia BRIANTI, Président, Monsieur Roland MELAN, Monsieur Marc COSTA, Madame Alexandra GASTALDI et Madame Carol MILLO-DORFMAN, assesseurs, assistés de Madame Clémence COTTA, Greffier stagiaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30484
Date de la décision : 15/05/2024

Analyses

Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : j. A.
Défendeurs : i. B.

Références :

article 4 de la loi n° 490
article 6 de la loi n° 490
articles 4 et 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 7 de la loi n° 490
article 231 du Code de procédure civile
loi n° 490 du 24 novembre 1948
Code de procédure civile
article 202 du Code de procédure civile
article 238-1 du Code de procédure civile
loi n° 490


Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;commission.arbitrale.loyers.commerciaux;arret;2024-05-15;30484 ?

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