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08/02/2023 | MONACO | N°20943

Monaco | Commission arbitrale des loyers commerciaux, 8 février 2023, f. A. c/ n. B.


COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX

n° C2021/000010

JUGEMENT DU 8 FÉVRIER 2023

En la cause de :

f. A., commerçant, né le xx à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X1 à Monaco ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Thomas BREZZO, avocat près la même cour ;

d'une part,

Contre :

n. B., née le xxx à Monaco, de nationalité italienne, demeurant X2 à Monaco ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude d

e Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et substituée par Maître Bernard BENSA, avocat-d...

COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX

n° C2021/000010

JUGEMENT DU 8 FÉVRIER 2023

En la cause de :

f. A., commerçant, né le xx à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X1 à Monaco ;

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Thomas BREZZO, avocat près la même cour ;

d'une part,

Contre :

n. B., née le xxx à Monaco, de nationalité italienne, demeurant X2 à Monaco ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et substituée par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la même cour ;

d'autre part,

Visa

LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,

Vu la requête de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour f. A. en date du 14 septembre 2021 enrôlée au Greffe sous le numéro C2021/000010 ;

Vu les lettres de convocation pour l'audience de conciliation du 13 octobre 2021, adressées en recommandé avec accusé de réception par le greffe le 20 septembre 2021 ;

Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 13 octobre 2021, autorisant le preneur à assigner le bailleur devant la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître AANOTARI, huissier, en date du 28 octobre 2021 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour f. A. en date du 9 février 2022 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur pour n. B. en date du 15 décembre 2022 ;

Ouï Maître Thomas BREZZO, avocat-défenseur pour f. A. ;

Ouï Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur pour la n. B. ;

Motifs

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Par courrier du 26 septembre 2018, n. B. notifiait à f. A. sa volonté de ne pas renouveler le bail à compter de son échéance du 28 février 2019.

Par exploit d'huissier du 12 mars 2019, n. B. a engagé une action devant le juge des référés à l'encontre de f. A. aux fins d'expulsion du locataire des lieux sis X à Monaco, demande fondée sur le congé délivré au locataire par acte du 26 septembre 2018. Le juge a, par ordonnance du 9 octobre 2019, a dit n'y avoir lieu à référé.

Par requête du 30 août 2019, f. A. a saisi la commission arbitrale des loyers commerciaux sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490.

Le 18 avril 2019, f. A. a assigné n. B. devant le Tribunal de première instance de Monaco en nullité du congé qui lui a été délivré à défaut de qualité à agir de n. B.

Par jugement du 16 janvier 2020, le Tribunal de première instance de Monaco a débouté f. A. de l'ensemble de ses demandes au motif que n. B. avait qualité pour délivrer ledit congé.

Par ordonnance du 25 mai 2020, le président de la commission arbitrale des loyers commerciaux avait sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure en nullité du congé engagée par f. A.

Par arrêt du 26 janvier 2021, la Cour d'appel de Monaco a confirmé le jugement précité.

Par ordonnance du 21 avril 2021, le président de la commission arbitrale des loyers commerciaux a fixé le montant de l'indemnité d'éviction provisionnelle à la somme de 300.000 euros et ordonné l'expulsion de f. A. dans un délai d'un mois à compter du paiement de ladite indemnité.

L'indemnité a été versée par n. B. et f. A. a quitté les lieux le 20 juillet 2021.

Par requête en date du 14 septembre 2021, f. A. exerçant une activité en nom personnel sous les enseignes « C. » et « D. » a saisi Madame le Président de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux afin que les parties soient convoquées aux fins de tentative de conciliation sur le versement de l'indemnité d'éviction qu'il est en droit d'obtenir et qu'il évalue à la somme de 1.656.590 euros.

Par procès-verbal du 13 octobre 2021, Madame le Président de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux a constaté la non-conciliation entre les parties, f. A. locataire et n. B. bailleresse.

Une opération de vente immobilière des lieux concernés par le présent litige a été réalisée entre n. B. et la E. le 25 octobre 2021.

Suivant conclusions récapitulatives et responsives en date du 9 février 2022, f. A. sollicite de :

* dire et juger qu'il est en droit de percevoir une indemnité d'éviction telle que prévue par l'article 9 de la loi n° 490,

* fixer à la somme de 1.656.590 euros la somme correspondant au préjudice que lui a causé n. B. du fait du non-renouvellement du bail,

* condamner n. B. à lui verser la somme de 1.656.590 euros à titre d'indemnité d'éviction,

* dire et juger que la somme de 300.000 euros déjà versée viendra en déduction du montant,

* débouter n. B. de ses demandes,

* Si la commission arbitrale des loyers commerciaux estimait ne pas disposer d'éléments suffisants pour déterminer l'indemnité d'éviction,

* nommer tel expert afin de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction à verser par n. B.,

* dire et juger que les frais d'expertise devront provisoirement être avancés par moitié par chaque partie,

* condamner n. B. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sur sa due affirmation.

Par conclusions récapitulatives du 6 avril 2022, la E. venant aux droits de n. B. demande à la commission de :

* débouter f. A. de l'ensemble de ses demandes,

* dire et juger que f. A. n'exploite pas un fonds de commerce dans les locaux litigieux,

* dire et juger que les dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ne sont pas applicables,

* débouter f. A. de sa demande de versement d'une indemnité d'éviction,

* débouter f. A. de sa demande de versement d'une indemnité d'éviction pour les prétendues sociétés sous-locataires,

* condamner f. A. à rembourser à n. B. la provision de 300.000 euros dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai fixé,

Subsidiairement,

* fixer à la somme de 180.000 euros l'indemnité d'éviction à verser à f. A.

* condamner f. A. à rembourser à n. B. une somme de 120.000 euros, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai fixé,

À défaut,

* désigner tel expert avec mission habituelle en la matière, visant à évaluer l'indemnité d'éviction,

* dire que les frais d'expertise seront avancés par f. A.,

* assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire,

* condamner f. A. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA avocat-défenseur sous sa due affirmation.

L'affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023.

SUR CE,

Sur la nature de l'activité exercée par f. A. dans les locaux objets du bail

L'article 1 de la loi 490 du 24 novembre 1948 dispose que le renouvellement des baux à loyers des locaux et immeubles où s'exploite un fonds depuis au moins trois ans consécutifs, en vertu d'une ou plusieurs conventions écrites ou verbales, que ce fonds appartienne à un commerçant, un industriel ou un artisan est régi par les dispositions de cette loi.

Aux termes de l'article 9 de la loi 490 sur les loyers commerciaux, « si le bailleur s'oppose au renouvellement du bail ou s'il refuse le renouvellement aux conditions déterminées par application des articles précédents et si les motifs allégués par lui ne sont pas jugés graves et légitimes à l'encontre du locataire sortant, celui-ci aura droit à une indemnité égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ».

La perte d'un fonds de commerce doit être indemnisée à la valeur du fonds de commerce et, le cas échéant des frais accessoires, alors que le transfert doit être évalué en fonction du coût de l'achat d'un nouveau droit au bail, des frais de déménagement et des frais accessoires, ainsi que, dans une certaine proportion de la perte d'exploitation et l'augmentation de loyers.

La Cour d'appel a jugé, par un arrêt du 18 mai 2004, que la commission arbitrale des loyers commerciaux, qui ne peut statuer que sur le différend dont elle a été saisie par le procès-verbal de non-conciliation, ne peut trancher les contestations relatives à l'existence ou à la nature du bail, lesquelles relèvent de la compétence des juridictions de droit commun.

La E. conteste le fait que f. A. exerce dans les lieux loués par contrat de bail en date du 21 février 1995, une activité relevant des dispositions précitées concluant ainsi à son débouté de toute indemnité d'éviction.

Monsieur A. considère pour sa part avoir loué un local à usage « commercial » et non à usage de bureau et pouvoir ainsi prétendre à une indemnité d'éviction.

Tant le Tribunal de première instance dans son jugement du 16 janvier 2020 que la Cour d'appel dans son arrêt du 26 janvier 2021 n'a pas eu à statuer sur la nature de l'activité exercée par f. A. au X3 à Monaco.

La question de savoir quel type d'activité exerce f. A. dans les locaux loués, à savoir activité commerciale, industriels ou artisanale relevant de la loi de 1948 ou une activité d'une autre nature juridique ne relevant pas de la loi de 1948 est une question de fond qui impacte la qualification du bail, objet du litige. Cette question préjudicielle n'est pas de la compétence de la commission arbitrale des loyers commerciaux.

En effet, le libellé « bail commercial » sur le contrat ne vaut pas preuve absolue de la nature commerciale du bail, tout comme l'inscription de f. A. au répertoire du commerce et de l'industrie.

Si f. A. n'exerçait pas dans les locaux une activité commerciale, industrielle ou artisanale, il n'est pas fondé à prétendre au versement de l'indemnité d'éviction.

Aussi, la commission constate le désaccord des parties sur la nature commerciale, industrielle ou artisanale de l'activité exercée par f. A. dans les locaux loués.

Il convient de sursoir à statuer sur les demandes présentées par les parties devant la commission arbitrale des loyers commerciaux et d'inviter la partie la plus diligente à saisir la juridiction au fond aux fins qu'elle statue sur la nature du bail liant les parties.

La commission réserve les dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Commission arbitrale des loyers commerciaux,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort

Constate le désaccord des parties sur la nature commerciale, industrielle ou artisanale de l'activité exercée par f. A. dans les locaux loués ;

Invite la partie la plus diligente à saisir la juridiction au fond aux fins qu'elle statue sur la nature du bail liant les parties ;

Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes présentées par les parties jusqu'à décision définitive du Tribunal de première instance de Monaco ;

Réserve les dépens ;

Composition

Après débats en audience de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation la composant,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 8 FÉVRIER 2023, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Monsieur Jean-Claude GUILLAUME, Monsieur Nicolas MATILE, Monsieur Jean-Luc CLAMOU et Madame Carol MILLO-DORFMANN, assesseurs, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Greffier.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20943
Date de la décision : 08/02/2023

Analyses

La question de savoir quel type d'activité exerce le preneur dans les locaux loués, à savoir activité commerciale, industriels ou artisanale relevant de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ou une activité d'une autre nature juridique ne relevant pas de la loi de 1948 est une question de fond qui impacte la qualification du bail, objet du litige. Cette question préjudicielle n'est pas de la compétence de la commission arbitrale des loyers commerciaux. En effet, le libellé « bail commercial » sur le contrat ne vaut pas preuve absolue de la nature commerciale du bail, tout comme l'inscription de f. A. au répertoire du commerce et de l'industrie. Si f. A. n'exerçait pas dans les locaux une activité commerciale, industrielle ou artisanale, il n'est pas fondé à prétendre au versement de l'indemnité d'éviction. Aussi, la commission constate le désaccord des parties sur la nature commerciale, industrielle ou artisanale de l'activité exercée par f. A. dans les locaux loués. Il convient de sursoir à statuer sur les demandes présentées par les parties devant la commission arbitrale des loyers commerciaux et d'inviter la partie la plus diligente à saisir la juridiction au fond aux fins qu'elle statue sur la nature du bail liant les parties.

Baux commerciaux.

Bail - Nature de l'activité - Qualification - Compétence (non) - Sursis à statuer (oui).


Parties
Demandeurs : f. A.
Défendeurs : n. B.

Références :

loi n° 490 du 24 novembre 1948


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;commission.arbitrale.loyers.commerciaux;arret;2023-02-08;20943 ?

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