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17/08/2021 | MALI | N°23

Mali | Mali, Cour suprême, 17 août 2021, 23


Texte (pseudonymisé)
Cour Suprême du Mali
Section Judiciaire
Chambre Commerciale
Pourvoi n°356 du 06/08/2020
Arrêt n°23 du 17/08/2021
Nature : Réparation de préjudice.

République du Mali
Un Peuple — Un But Une Foi

LA COUR SUPREME DU MALI
En son audience publique ordinaire du Mardi dix sept août deux mille vingt un, à laquelle siégeaient ;
Monsieur Mahamane Alassane MAÏGA, Président de la Chambre Commerciale, Président ;
Monsieur Taïcha MAÏGA, Conseiller à la Cour ; membre
Monsieur Amadou Abdoulaye SANGHO, Conseiller à la Cour ; membre
E

n présence de Monsieur Alou NAMPE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public ;
Avec...

Cour Suprême du Mali
Section Judiciaire
Chambre Commerciale
Pourvoi n°356 du 06/08/2020
Arrêt n°23 du 17/08/2021
Nature : Réparation de préjudice.

République du Mali
Un Peuple — Un But Une Foi

LA COUR SUPREME DU MALI
En son audience publique ordinaire du Mardi dix sept août deux mille vingt un, à laquelle siégeaient ;
Monsieur Mahamane Alassane MAÏGA, Président de la Chambre Commerciale, Président ;
Monsieur Taïcha MAÏGA, Conseiller à la Cour ; membre
Monsieur Amadou Abdoulaye SANGHO, Conseiller à la Cour ; membre
En présence de Monsieur Alou NAMPE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public ;
Avec l’assistance de Maître Diènèba FOFANA, Greffier ;
A Rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Sur le pourvoi: De la SCP Héra-Conseils, Avocat inscrit au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de l'Entreprise Ad Ah « EMOMAR » SARL, Société à responsabilité limitée, de droit malien, représentée par son gérant, ayant son siège social à Aa Ab, demanderesse ;
D’UNE PART :
Contre : L'arrêt n°08 du 29/01/2020 rendu par la chambre civile de la Cour d’Appel de Bamako et l’Entreprise Aj A B, représentée par son gérant, ayant son siège social a Ac Ab, ayant pour conseil Maître Souleymane SOUMOUNTERA, Avocat inscrit au Barreau du Mali, défenderesse,
D’AUTRE PART :
Sur le rapport de Monsieur Mahamane Alassane MAÏGA, Président de la Chambre Commerciale, les conclusions écrites de
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l’'Avocat Général Af Ag Ai C et orales de l’Avocat Général Alou NAMPE ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
I- En la forme :
Suivant déclaration en date du 29/07/2020, enregistré au greffe de la Cour d’Appel de Bamako, la SCPA Héra-Conseil, Avocats au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de l’Entreprise EMOMAR B, a formé pourvoi contre l’arrêt n°08 du 29/01/2020 de la Chambre Commerciale de la Cour d'Appel de Bamako dans une instance en réparation de préjudice qui l’oppose à l'Entreprise Aj A.
La demanderesse au pourvoi a acquitté la consignation et son conseil a produit un mémoire ampliatif, qui a été notifié a la défenderesse, qui y a répliqué en /le rejet du pourvoi.
Le pourvoi ayant ainsi satisfait aux exigences de la loi, la requête est donc recevable.
Il- Au fond :
Faits et procédure :
Statuant sur appel interjeté par EMK-SARL contre le jugement n°672 en date du 12/12/2018, rendu par le tribunal de commerce de Bamako dans le cadre d’une procédure en réparation de préjudice pour résiliation abusive de contrat de sous traitance l’opposant à EMOMAR-SARL, la Chambre Commerciale de la Cour d'Appel de Bamako, a rendu en son audience du 29 Janvier 2020 l’arrêt n°08 dont le dispositif est ainsi conçu :
«La Cour Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit l’appel interjeté ;
Au fond : Infirme le jugement querellé ;
Statuant à nouveau ;
Déboute l’Entreprise Ad Ah de ses prétentions
Met les dépens à sa charge.
En effet l'Entreprise EMOMAR SARL était liée à l'Entreprise EMK- SARL par un contrat de sous traitance signé à Bamako relatif à la
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réalisation par EMOMAR des travaux d'installation de courant fort, de courant faible et d'équipement de sécurité électronique dans les locaux de l'Ambassade du Royaume d'Arabie Saoudite au Mali, dont les travaux de construction sont confiés à EMK-SARL ;
La durée d’exécution du contrat était fixée à 19 mois à compter de la date de signature et avait pour objet de déterminer les conditions et les modalités de réalisation de la mission sus indiquée ;
Le montant du contrat avait été convenu et fixé à la somme de
224.015.243 FCFA (deux cent vingt quatre millions quinze mille deux cent quarante trois francs) CFA hors taxes , tel que stipulé à l’article 5 de la convention.
Au titre des conditions de paiement, les parties avaient convenu des modalités de règlement ci-après, fixées à l’article 9 du contrat ;
- 20% à l’avance dès notification du marché cautionné à 100% par CORIS BAMK ;
- 70% sur présentation de décompte par EMOMAR-SARL ;
- 10% de retenue de garantie et 5% libérable à la réception provisoire des travaux ;
C’est dans ce contexte que EMK-SARL a libéré en faveur de EMOMAR-SARL la somme de 44.803.049 FCFA au titre du
règlement de l'avance de démarrage correspondant à 20% du marché global ;
En contrepartie, de cette avance de démarrage, EMOMAR-SARL a constitué à la demande de EMK une caution à l’effet de garantir le remboursement de cette avance de démarrage à hauteur de 100% ;
Cette garantie a été constituée avec le concours de CORIS-BANK International, suivant acte de cautionnement N°2016/008 CBMAL I ; en date du 16/02/2016.
Attendu qu’à l’appui de ce pourvoi, la mémorante soulève un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi par fausse interprétation de l’article 262 de la loi portant Régime Général des Obligation en République du Mali.
IIl- Exposé des moyens de cassation :
La mémorante reproche à l’arrêt déféré un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi par fausse interprétation de l’article 262 de la loi portant Régime Général des Obligations en République du Mali.
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Du mémoire de la SCPA HERA-Conseils :
Attendu qu’il ressort clairement des lignes de l'alinéa 2 de l’article 262 du RGO que : « celui qui prétend être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a réduit l’extinction de son obligation » ;
Or, en faisant prévaloir les indices tirés de l’examen des pièces du dossier de la présente procédure, il est constant que c’est bien la défenderesse au pourvoi qui a pris l'initiative de la résiliation du contrat de sous traitance liant les parties à ses risques et périls, matérialisée par la correspondance en date du 09 Février 2018 dont copie est déjà versée au dossier de la présente procédure
Il s'ensuit que c’est bien EMK-SARL qui s’est unilatéralement libérée des obligations à charge vis-à-vis de la demanderesse au pourvoi sur la base de cette résiliation qui met définitivement fin au contrat de sous traitance sus rappelé liant les parties.
Dès lors, contrairement à la motivation contenue dans l'arrêt critiqué, sous la latitude des dispositions de l’article 262 al2 du RGO, la charge de la preuve incombe plutôt, et infailliblement à la défenderesse au pourvoi de justifier le fait qui a réduit l’extinction de ses obligations contractuelles en rapportant la preuve de la véracité de l’inexécution contractuelle reprochée à l'Entreprise EMOMAR SARL notamment les prétendus griefs de non-respect des engagements et des rendez-vous pris ;
D'ailleurs à ce jour, la défenderesse au pourvoi n’a jamais pu justifier une quelconque défaillance de l'Entreprise EMOMAR SARL dans le cadre de l'exécution du contrat de sous traitance objet du litige ;
Or, en pareille matière, il appartient à celui qui prend unilatéralement l’initiative de la rupture du lien contractuel sur le motif d’une faute contractuelle à la charge de son cocontractant, d'apporter justement, en cas de contestation, les preuves matérielles, en vue d’asseoir la conviction du juge sur la faute invoquée ;
Or, en l'espèce, depuis le début de cette affaire, la défenderesse au pourvoi est dans l'incapacité de préciser la nature des prétendus engagements contractuels inexécutés par l’Entreprise EMOMAR B, celle-ci se limitant seulement à réfuter par des affirmations gratuites ;
En réalité, tel qu’indiqué par la demanderesse au pourvoi dans ses écritures antérieures, la résiliation du contrat liant les parties par
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EMK SARL ne se justifie guère et elle est manifestement intervenue sur une saute d’humeur due certainement à l’énorme retard accusé par celle-ci dans le cadre de l’exécution des travaux de construction du chantier ;
Il s’en déduit qu’en retenant que la demanderesse au pourvoi n’est pas parvenue à justifier la faute de la défenderesse au pourvoi dans le cadre de cette affaire, la juridiction d’appel de Bamako s’est littéralement fourvoyée dans la mesure où c’est bien l'Entreprise EMK SARL qui reproche à la demanderesse au pourvoi une inexécution contractuelle ;
Au demeurant, la demanderesse au pourvoi est éminemment surprise de constater que le juge d’appel a retenu à tort que l'Entreprise EMOMAR SARL n’a pas rapporté également la preuve du retard accusé par la défenderesse au pourvoi dans le cadre des travaux de construction du bâtiment, dont les opérations de pose des gaines et de tirage des fils électriques confiées à la demanderesse sont largement tributaires ;
Or, contrairement à cette motivation, la preuve de ce retard notoire imputable à l’Entreprise EMK SARL a été bel et bien rapportée au dossier de la procédure puisse qu’elle est matérialisée par l’avenant n°1 au contrat de sous traitance liant les parties en date du 29 Janvier 2018, aux termes duquel d’ailleurs, les cocontractants ont décidé de ramener le délai d’exécution des travaux confiés à la demanderesse au pourvoi au 31 Décembre 2018 compte tenu de ce retard à la charge de la défenderesse au pourvoi ;
D'ailleurs ce retard n’a pas échappé à CORIS BANK INTERNAATIONAL qui est la relation commune des parties, lorsque celle-ci s’est rendue sur le site du chantier de l'Ambassade en vue de s'assurer de l'exécution correcte du contrat sus évoqué par EMOMAR B, nécessaire à la réclamation d’un avenant comme dans le cas de l’espèce ;
En effet, dans une correspondance en date du 20 Février 2018, adressée à EMK SARL, en réponse à la demande de restitution de cautions d’avance de démarrage de celle-ci, CORIS BANK a dument rappelé à la défenderesse au pourvoi que la signature de l'avenant sus évoqué était consécutive à un retard dans l’exécution des travaux de construction du chantier de l'Ambassade du Royaume d'Arabie Saoudite au Mali imputable à l'Entreprise EMK SARL ;
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C’est au bénéfice de tous ces arguments solides de droit que le tribunal de commerce de Bamako a retenu dans son appréciation des faits que l'Entreprise EMK SARL a abusivement résilié le contrat objet du litige, en ce que cette résiliation unilatérale est intervenue alors que le délai fixé pour la fin des travaux à savoir le 31 Décembre 2018 n’était pas arrivé à terme, et mieux, qu’elle est intervenue sans motif sérieux et valable, encore moins une mise en demeure adressée à la demanderesse au pourvoi ;
Le jugement n°672 en date du 12 Décembre 2018 procède manifestement d’une parfaite appréciation des faits de la cause et d’une parfaite application de la loi en l'espèce, ce qui est loin d’être le cas s'agissant de l’arrêt ainsi déféré par devant la cour de céans ;
Il convient donc pour la cour de céans de dire et juger que l’arrêt n°08 en date du 29 Janvier 2020 de la Cour d'Appel de Bamako a allègrement violé la loi applicable en l’espèce, notamment les dispositions ine fine de l’article 262 du RGO, toute chose qui l’'expose inéluctablement à la censure de la Cour Suprême du Mali ;
Il est donc demandé à la cour de céans, eu égard à tout ce qui précède d'annuler et de casser sans renvoi l’arrêt n°08 en date du 29 Janvier 2020 de la Cour d’Appel de Bamako pour violation de la loi ;
La défenderesse, sous la plume de son conseil, Maître Souleymane SOUMOUNTERA a conclu au rejet du pourvoi.
IV- Analyse du moyen unique de la violation de la loi : article 262 du RGO en République du Mali :
Attendu que la mémorante fait grief à l’arrêt d’avoir violé les dispositions de l’article 262 RGO ainsi libellé « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit en prouver l’existence ;
Celui qui prétend être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a réduit l’extinction de son obligation » ;
Attendu que EMK-SARL a sous traité avec l'Entreprise EMOMAR SARL les travaux d’installation électriques et électroniques du chantier de construction de l'Ambassade d'Arabie Saoudite, conformément au contrat dès le lendemain de la signature, EMK- SARL a payé à EMOMAR-SARL la somme de 44.803.049 FCFA à titre d'avance de démarrage ; que le 11 Août 2016 EMOMAR a présenté une autre facture d’un montant de 50.403.429 FCFA ;
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Après un entretien entre les gérants de EMK et de EMOMAR et un examen des chiffres par le bureau de contrôle ACES, les deux parties ont convenu de ramener la facture de 50.403.429 FCFA à 30.242.058 FCFA, facture attestée par une correspondance du Directeur Administratif de EMOMAR en date du 27 Novembre 2017 ; EMK SARL a reçu en outre de son cocontractant une facture n°45/MM/150317 EMK pour un montant forfaitaire de 22.401.525 FCFA, ramenée, elle aussi à 16.801.114 FCFA au titre du net à
payer ;
Attendu que l’arrêt de /a Chambre Commerciale de la Cour d'Appel de Bamako révèle que EMOMAR SARL n'avait acheté et posé que seulement 60% des gaines nonobstant les multiples relances, restées vaines. Il ressort du même arrêt que le juge des référés saisi a désigné un autre expert aux fins de résiliation des travaux réellement exécutés par EMOMAR SARL; Qu'’auparavant EMOMAR B avait saisi le tribunal de commerce d'une assignation aux fins de réparation de préjudice en sollicitant la condamnation de EMK SARL à 300 millions FCFA et à 500. OOO
FCFA par jour de retard d'exécution de la décision ;
Attendu qu’au regard des considérations ci-dessus, consistant pour les juges d'appel en une inexécution du contrat, EMK SARL a été obligée de rompre le contrat de sous traitance liant les parties, rupture fondée aux dires de l'arrêt sur des manquements contractuels graves rendant impossible le maintien de la relation contractuelle ;
Qu'en outre, les juges d'appel ont attesté que l'intmée EMOMAR SARL n’est jamais ainsi parvenue à démontrer que le retard accusé est l’œuvre de la partie appelante, EMK SARL ;
Que l’intimée s’est juste contentée d'affirmer que EMK SARL n’a pas fait de constructions devant recevoir les travaux de gainage et de tirage de fils électriques et enfin qu'aucun rapport ou témoignage, n’est venu corroborer cette thèse ;
Que donc, en l'espèce, contrairement à l’appelante, l’intimée n’est jamais parvenue à justifier la faute de l’appelante, se contentant d’affirmations simples, sans support ;
Attendu que contrairement aux motivations de l'arrêt querellé, il ressort éloquemment du dossier que de la signature du contrat du 14 Octobre 2016 soit près de 11 mois consécutifs, EMK SARL, n’a daigné mettre à la disposition de EMOMAR SA1RL les câbles de
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courant fort et faible pour les besoins du tirage des fils électriques, notamment ceux du sous sol et du rez de chaussez de l'immeuble ;
Que face, à un tel retard une lettre de relance a été adressée à EMK SARL par EMOMAR B demandant précisément à celle-ci de mettre à la disposition du sous traitant les câbles sus indiqués et ce « pour éviter toute surprise dans le cadre de l’exécution du contrat liant les parties (voir pièce n°4 en date du 14 Octobre 2016) sous la plume d’Ae X DAF de EMOMAR SARL ; c’est suite à cette lettre de relance que EMK SARL s’est finalement exécutée et a mis à la disposition de EMOMAR SARL
l’accomplissement des missions confiées à EMOMAR SARL ;
Qu’au surplus, les travaux de construction du bâtiment ont également accusé un retard notoire, or, les opérations de pose de gaines et de tirage de fils électriques ne peuvent intervenir en la matière, qu’à la fin des travaux de construction de l'immeuble ;
Attendu que les craintes, exprimées par la demanderesse au pourvoi se sont avérées fondées en ce que le retard imputable à la défenderesse EMK relativement à la mise à disposition des câbles électriques a eu un impact considérable sur le destin des travaux relevant de EMOMAR SARL ;
Attendu que ces manquements notoires, tous imputables à EMK SARL ont été si intenses, qu’elle a été obligée de signer avec la demanderesse au pourvoi, l'avenant n°1 en date du 29 Janvier 2018 étendant le délai d'exécution des travaux jusqu’au 31 Décembre 2018 (pièce n°5, versée au dossier sous la signature conjointe de Mr Aj A, gérant EMK SARL et de Ad Ah, gérant EMOMAR SARL) ;
Attendu que suite à la signature de cet avenant, EMOMAR SARL a sollicité et obtenu auprès de CORIS BANK, la prorogation de sa caution et de l'échéance de l'avance sur marché d’un montant total de 60.000.000 (soixante millions) FCFA (demande de prolongation en date du 30 Janvier 2018, pièce n°06).
Attendu que contre toute attente, et sans motif valable et sérieux, encore moins une mise en demeure ou préavis, l'Entreprise EMK, a notifié à la demanderesse, la résiliation du contrat sus rappelé suivant correspondance en date du 09 /02/2018 remise par voie extrajudiciaire (pièce n°7 signé du D.G de EMK, soit seulement 9 jours après l’avenant portant prolongation),
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Absolument curieux, l’unique motif invoqué et pour le moins léger, confus et non pertinent est « le non respect des engagements et des rendez-vous pris par la demanderesse », sans indication du moindre élément probant au soutien d’un tel grief, lancé, de façon incantatoire ;
Qu'en outre, après cette résiliation en date du 09 Février 2018, EMK SARL, a appelé la caution d'avance de démarrage du montant de 44.803.049 FCFA, d’entre les mains de CORIS BANK ;
Par une correspondance, datée du 12 Février 2018, CORIS BANK a informé EMOMAR SARL de cette demande de EMK en demandant à celle-ci de mettre à sa disposition, les informations relatives à l’état d'avancement du marché ; Toutes choses que la demanderesse a faite par voie de courrier ;
Attendu qu’en réponse à EMK SARL, CORIS BANK a accusé réception de cette correspondance, en attirant l'attention, du D.G Aj A sur les faits suivants et en espérant recevoir de lui, un courrier retour :
« Les appels à caution devront porter sur le montant total, tandis que, a expliqué CORIS BANK notre relation commune EMOMAR, à reçu un paiement de 30.242.058 FCFA à la date du 23/11/2017 sur lequel une retenue de 20% a été effectuée au titre de l’avance de démarrage, soit un montant de 8.0645.549 FCFA ; le montant appelé devait logiquement être réduit de ce montant. Par ailleurs, notre relation commune aurait des paiements en attente à votre niveau et le règlement de ses factures permettra également de réduire le montant de la caution appelée ;
Aussi, nous avons reçu l’avenant n°1 relatif à la prolongation du délai d’exécution du contrat de sous traitance, correspondance signée en date du 29/01/2018, l’Etablissement de cet avenant faisant suite à des retards d’exécution des travaux, nous sommes étonnés qu’il soit fait appel aux cautions d’avance de démarrage quelques jours après sa signature. Cet avenant a été réclamé par nos services après les visites de chantier du 24/01/2018 ;
Ainsi pour le bon ordre du dossier nous vous remercions donc par avance pour les informations sur les points évoqués ci- dessus que vous voudrez bien nous communiquer ; et ce dans les meilleurs délais.
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Nous espérons enfin qu’une issue heureuse sera trouvée pour permettre la reprise de la collaboration entre votre société et notre relation commune qu’est EMOMAR SARL. Nous sommes disposés à faciliter et à poursuivre cette collaboration sur la base de la prorogation du contrat et la confirmation des validités des cautions » (pièce n°8 du 20 Février 2018) signée du D.G de CORIS BANK INTERNATIONAL ».
Attendu qu’à l’exposé des faits ci-dessus relatés émanés de CORIS BANK et des pièces pertinentes produites sur le fondement des dispositions de l’article 9 CPCCS, il apparait clairement que le contrat liant les deux parties est un contrat synallagmatique à durée déterminée qui met à la charge des parties des obligations réciproques qui doivent être simultanément exécutées ;
Attendu qu'il est aussi indéniable que le délai d'exécution du contrat sur le fondement de la prorogation acceptée par tous est bel et bien fixé et doit arriver à terme le 31 Décembre 2018, tel que stipulé dans l'avenant en date du 30 Janvier 2018 ;
Qu'il s’en déduit que l'engagement intervenu entre les parties est absolument à durée déterminée et par conséquent, il ne peut être résilié que du consentement mutuel des deux parties contractantes, d'autant plus que les termes du contrat objet du litige n’ont pas aménagé une faculté de résiliation unilatérale par une clause expresse ;
Qu’à supposer même que EMK SARL puisse se prévaloir d’une quelconque faculté de résiliation unilatérale, il n’en demeure pas moins que la loi lui impose indéniablement le respect de certaines conditions de forme et de fond pour donner un caractère régulier à la résiliation unilatérale du contrat entre parties ;
Que dès lors, en l'absence d’un tel aménagement, EMK SARL, ne pouvait s'affranchir ni de notification d’une mise en demeure à la demanderesse, ni de préavis écrit assorti d’un délai raisonnable ;
Attendu qu’en outre, la résiliation d’un contrat fut il unilatéral, doit impérativement être faite de bonne foi, en ce qu'elle doit être obligatoirement justifiée par un motif réel et sérieux, notamment un manquement suffisamment grave et prouvé ;
Attendu que les observations et mises au point faites à la pièce n°8, par CORIS BANK INTERNATIONAL et adressées à EMK SARL, suffisent à elles seules, à caractériser le caractère brutal abusif et
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inopportun de la résiliation unilatérale du lien contractuel dont EMK SARL s’est rendue entièrement responsable ;
CORIS BANK INTERNATIONAL, banque partenaire et relation commune des deux parties qui a même été à l’origine de l’avenant n°1 relatif à la prolongation, a pratiquement sollicité la poursuite de la collaboration entre les deux sociétés en se tenant disponible pour faciliter et poursuivre cette collaboration sur la base de la prorogation du contrat et la confirmation de la validité des cautions ;
C’est en dépit de toutes ces démarches et en violation des règles élémentaires en la matière que EMK SARL s’est cru autorisée à entrer en voie de résiliation contre le lien contractuel ;
Attendu qu’aux termes de l’article 9 du CPCCS /; il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions pour prétendre au bénéfice de l'exercice d’un droit ;
Or, en pareille matière, il appartient à celui qui prend unilatéralement l'initiative de la rupture du lien contractuel au motif d’une faute contractuelle à la charge de son cocontractant d'apporter justement en cas de contestation, les preuves matérielles, en vue, assoir l'intime conviction du juge sur la faute invoquée ;
Attendu qu’à la lecture des observations de CORIS BANK, il ne subsiste aucun doute dans l’esprit de quiconque que c’est bien à la suite du retard accusé dans les travaux de construction du chantier, constat effectué par la banque elle-même que les parties ont signé le 29 Janvier 2018 un avenant au contrat les liant ;
Attendu qu’en s'affranchissant des formalités légales en la matière et des sages observations de la banque partenaire, après sa visite du chantier, EMK SARL tombe inexorablement dans l’abus de droit, abus de droit, ayant causé un préjudice certain à EMOMAR SARL, d’où la justification de l’assignation, demandant juste et valable réparation contre EMK SARL ;
Qu'il s’agit dans le cas d'espèce, ni plus, ni moins que d’une résiliation abusive et brutale qui a causé dommage à autrui et le dommage synonyme de préjudice au sens le plus courant, ouvre droit à réparation, alors qu’il est certain, direct et en matière contractuelle prévisible ;
Qu'’ainsi, en privant abusivement EMOMAR SARL de la contrepartie financière de ses prestations, EMK SARL a délibérément porté atteinte aux droits de la demanderesse au
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pourvoi, en la privant d’exécuter à terme une obligation qu’elle a contractée et en la privant surtout de l’économie du gain qui pouvait en résulter ;
Attendu qu’au surplus, la résiliation abusive du contrat imputable exclusivement à EMK SARL a profondément obéré la trésorerie de EMOMAR SARL qui s’est vue plonger dans des difficultés
engagements auprès de ses fournisseurs, mais aussi vis à vis de ses partenaires qui l'ont accompagné dans le projet ;
Attendu que le lien de causalité est suffisamment établi ; l'existence d’un lien certain et direct entre le fait générateur imputable à EMK SARL et le dommage subi par EMOMAR SARL ;
Que le dommage, en l'espèce est la suite immédiate et directe de la résiliation de la convention par EMK SARL ;
Attendu que l’article 124 RGO dispose que « sauf dispositions contraires particulières, les dommages- intérêts doivent être fixés de telle sorte qu’ils soient pour la victime la réparation du préjudice subi » ;
Que selon la jurisprudence constante «le propre de la responsabilité civile est d’établir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s'était pas produit » ; (cass.1°°,30 Mai 1995, JCP G1995, iv, 1810 ; Juris-Data N°001340, 4° Moyen) ;
Attendu qu'il est parfaitement clair, au regard de tout ce qui précède que l'équilibre du contrat a été rompu par EMK, sans raison valable ;
Qu'en l’espèce, EMK est donc débitrice vis-à-vis de l'Entreprise EMOMAR SAR ; la réparation lui incombe donc sans ambage ;
Au regard de l’abondante motivation sus rapportée, à l’analyse du moyen unique de cassation, la Cour d'Appel, en se déterminant ainsi n’a pas légalement justifié sa décision et a violé l’article 262 RGO par fausse interprétation ;
Attendu qu’en outre, il sied de dire que le jugement déféré devant la Cour d'Appel, sur appel de EMK SARL procède d’une parfaite analyse des faits et d’une saine application de la loi ;
Sur la Cassation sans renvoi :
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Attendu que la mémorante sollicite en outre une cassation sans renvoi de l'arrêt n°08 du 29 Janvier 2020 ;
Mais attendu que les conditions prévues et énumérées à l’article 164 de la loi organique n°046 du 23 Septembre 2016 sur l’organisation et les règles de fonctionnement de la Cour Suprême à cet effet ne sont pas réunies.
PAR CES MOTIFS:
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Casse et annule l’arrêt déféré ;
Renvoi la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessous.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 23
Date de la décision : 17/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2021-08-17;23 ?
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