COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple-Un But-Une Foi
2ème CHAMBRE CIVILE ==========
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POURVOI N°235 du 30 Janvier 2020
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ARRET N°230 du 29 Juin 2021.
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NATURE : Annulation d’actes administratifs de cession.
La Cour Suprême du Mali a, en son audience publique ordinaire du Vingt-Neuf Juin Deux Mille Vingt et Un à laquelle siégeaient :
Monsieur Fatoma THERA, Président de la Section Judiciaire de la Cour Suprême, Président ;
Monsieur Amadou Abdoulaye SANGHO, Conseiller à la Cour, membre ;
Monsieur Moussa DIARRA, Conseiller à la Cour, membre ;
En présence de Monsieur Karamoko DIAKITE, Avocat Général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public ;
Avec l’assistance de Maître Souleymane SAMAKE, Greffier ;
Rendu l’arrêt dont la teneur suit
Sur le Pourvoi de la SCP YATTARA-SANGARE, Cabinet d’Avocats inscrits au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de Ac B, né le … … … à …, Déclarant en Douane de nationalité malienne, domicilié à Ab, Cité UNICEF, rue 70, porte 478 Bamako, demandeur d’une part ;
Contre : l’Arrêt n°465 du 22 Mai 2019 de la Chambre civile de la Cour d’Appel de Bamako, la Société Nema et Frères (SONEF-SARL) et Ad A, né le … … … à …, Commerçant de nationalité malienne, domicilié à Ae, rue 361, porte 77 Bamako ayant pour Conseils Maîtres Moussa MAIGA, et Ousmane BOCOUM, Avocats inscrits au Barreau du Mali, défendeurs d’autre part ;
Sur le rapport de Monsieur Amadou Abdoulaye SANGHO, Conseiller à la Cour Suprême et les conclusions écrites et orales de l’Avocat Général Karamoko DIAKITE.
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Par acte au Greffe, en date du 30 Janvier 2020, la SCP YATTARA-SANGARE, Cabinet d’Avocats, agissant, au nom et pour le compte de Monsieur Ac B déclare former pourvoi contre l’arrêt n°465, rendu, le 22 Mai 2019 par la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako, dans une instance, en annulation d’actes administratifs de cession, l’opposant à la Société Nema et frères (SONEF) et Ad A, ayant pour conseils Maître Moussa MAIGA et Maître Ousmane BOCOUM.
Monsieur Ousmane TOURE a acquitté la consignation, prévue, par la loi.
Ses conseils Maître Boly KONE, Maître Bôh CISSE et la SCP YATTASSAYE-SANGARE ont produit un mémoire ampliatif.
Le pourvoi est recevable, en la forme.
II- Au fond :
a°)- Faits et procédure :
Ac B, courant 1998 acquit de l’entreprise Aa Af, à titre onéreux une parcelle de terre, d’une dimension de 53a 23ca sise à Ab et formant le titre foncier n°1621 de la ville Bamako ; plus tard, il bénéficia de deux autres, objet des titres fonciers n°82 44 et 22 551, issus du morcellement du titre foncier n°11239.
En 2006, il donna tout l’espace constitué des titres fonciers n°1621, n°82 44 et n°11 239, en bail à la Société Nema et frères pour servir de gare routière.
Ad A, après plusieurs procédures contre Ac B obtient l’annulation de la vente, conclue entre celui-ci et l’Entreprise Aa Af, portant sur le titre foncier n°1621, et de suite revendit la parcelle à la Société Nema et frères qui l’occupaient déjà.
Cette dernière, devenue propriétaire du titre mit fin au bail le liant à Ac B, croyant que le titre foncier n°1621 couvrait l’intégralité de la surface qu’elle occupe, en vertu de ce bail ;
Elle finit par saisir le Tribunal de la Commune VI du District d’une demande d’annulation d’actes de cession, concernant les titres fonciers n°82 44 et n°11 239 ;
Le Tribunal, suivant jugement n°136 du 23 Mars 2016 fit droit à sa demande.
Le 1er Mai 2017, la Chambre Civile de la Cour d’Appel, suivant arrêt n°46, en date de ce jour infirma ce jugement ; cet arrêt fut, à son tour cassé par la Chambre Civile de la Cour Suprême, suivant arrêt n°256 du 09 Octobre 2017, laquelle renvoya la cause et les parties devant la Cour d’Appel, autrement composée, d’où l’arrêt n°465 du 22 Mai 2019 rendu par cette dernière, et qui confirma le jugement entrepris ; c’est cet arrêt qui est l’objet d présent pourvoi.
B- Exposé des moyens de cassation :
Le demandeur au pourvoi invoque deux moyens de cassation : le défaut de base légale et la violation de la loi.
Premier moyen : Le défaut de base légale
D’abord, en ce que l’arrêt n’est pas conforme aux résultats de l’expertise, qui avait été ordonnée, suivant arrêt avant dire droit n°697/18 ADD du 25 Juillet 2018, selon lesquels les titres fonciers n°22551 et n°8244 n’ont aucun lien avec la parcelle de terrain mesurant les 53a 23ca, devenue la propriété de SONEF, et qu’il n’y a donc pas d’empiètement sur le titre foncier n°1621.
Ensuite, en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir, tirée du défaut de qualité de la SONEF, et de ses auteurs, en l’occurrence les héritiers de feu Ad C, à introduire une action en annulation contre les actes de cession n°0054/MLAFU-DNIC du 23 Février 2013 et 00446/MDEAF-DNDC du 23 Juillet 2003, portant respectivement les titres fonciers n°82 44 et n°22 551, propriétés de Ac B ;
Deuxième moyen : La violation de la loi, en deux branches
Première branche : Violation de la loi par fausse application des dispositions de l’article 171 nouveau de la loi n°2016/025 du 14 Juin 2016, portant modification de l’ordonnance n°00-027/P-RM du 22 Mars 2000 portant code domanial et foncier, modifiée et ratifiée par la loi n°2012-001 du 10 Janvier 2012.
En ce que les juges du fond ont procédé à l’annulation des actes administratifs de cession, par application des dispositions de l’article 171 nouveau de la loi n°2016/025 du 14 Juin 2016, alors que les actes, en question remontent au 23 Juillet 2003, concernant le titre foncier n°22 551, et au 27 Février 2013, s’agissant du titre foncier 2013, au mépris de l’article 2 du code civil, disposant que « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif » ;
Deuxième moyen : Violation de la loi par fausse application de l’article 486 du code de procédure civile, commerciale et sociale, et refus d’application de l’article 9 du même code :
En ce qu’il a retenu que les jugements n°386 du 30 Août 2010 et n°177 du 07 Avril 2011 du Tribunal Administratif de Bamako ont, sur la base de l’article 486 du CPCCS acquis l’autorité de la chose jugée, alors que pour qu’il y ait autorité de chose jugée, il faudrait, forcément, d’une part une identité d’objet, de cause et de parties, et d’autre part que les jugements n’aient pas été attaqués, par les voies de droit ; Or, en l’espèce Ac B n’a été partie dans aucune de ces deux procédures, et de plus les jugements, dont s’agit sont, tous deux frappés d’appel ;
Les conseils de la Société Nema et frères, Maître Moussa MAIGA et Maître Boulkassoum SIDALY ont produit un mémoire en réplique ; ils concluent au rejet du pourvoi comme étant mal fondé ;
III- Analyse des moyens de cassation :
Le demandeur au pourvoi, sous la plume de ses conseils Maître Boly KONE, Maître Boh CISSE et la SCP YATTARA-SANGARE invoque deux moyens de cassation le défaut de base légale et la violation de la loi.
Premier moyen tiré du défaut de base légale :
Attendu que le demandeur fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement n°136 du 23 Mars 2016, ayant déclaré nul et de nuls effets les actes administratifs de cession n°0054/MLAFU-DNDC du 27 Février 2013 et n°00446/MDEAF-DNDC du 23 Juillet 2003, afférents respectivement aux titres fonciers n°82 44 et 22 551, au mépris des conclusions de l’expertise, à laquelle il a été procédé, suivant arrêt avant dire de la même juridiction, lesquelles attestent qu’il n’y a pas d’empiètement, entre le titre foncier n°16 21 DB, appartenant aux héritiers de feu Ad B et le titre foncier n°11 239, issu du morcellement du titre foncier n°44 79 appartenant l’Etat du Mali.
Attendu, cependant que l’arrêt n’a pas, pour motivation l’empiètement des différents titres fonciers, mais plutôt les jugements n°386 du 30 Août 2010 et n°177 du 07 Avril 2011 du Tribunal Administratif de Bamako ;
Attendu que ces jugements avaient déjà prononcé l’annulation des actes administratifs de cession n°0054/MDEAF du 27 Février 2013 et n°00446/MDEAF-DNDC du 23 Juillet 2003 ; que Ac B, en raison de ce fait devient sans droits sur les deux parcelles en question ;
Qu’il en découle que l’arrêt n’est point dépourvu de base légale.
Deuxième moyen tiré de la violation de la loi en deux branches :
Sur la première branche : Violation de la loi par fausse application de l’article 171 nouveau de la loi n°2016/025 du 14 Juin 2016, portant modification de l’ordonnance n°00 027/P-RM du 22 Mars 2000, portant code domanial et foncier modifiée et ratifiée par la loi n°2012/001 du 10 Janvier 2012.
Attendu que les conseils du demandeur rappellent que les actes administratifs de cession, dont l’annulation est sollicitée remontent aux années 2003, pour l’un et 2013 pour l’autre et que texte de loi appliqué ne date que de l’année 2016 ; ce qui se traduit par une violation de l’article 2 du code civil selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’à point d’effet rétroactif. » ;
Qu’ils soutiennent que l’article 171 nouveau de la loi n°2016/025 du 14 Juin 2016, ne peut en vertu du principe de la non rétroactivité de la loi régir des faits antérieurs à sa publication, donc n’est pas d’application ;
Mais, attendu que l’arrêt n’est pas uniquement motivé par les dispositions bienveillantes de l’article 171 bis nouveau de la loi n°2016/025 du 14 Juin 2016.
Qu’il est, en plus motivé par l’annulation, suivant décisions de justice, des actes administratifs de cession, qui sous-tendent les droits de Ac B.
Qu’il est plus motivé par l’absence de droit de propriété du Directeur de la propriété foncière duquel Ac B tient ses droits, par le biais des actes administratifs de cession, n°00446/MDFAF-DUDC du 27 Février 2013 et n°0054/MLAFU-DNDC du 23 Juillet 2003, que par l’application des dispositions de l’article 171 nouveau, en question ; qu’en effet il est incontestable que la Direction de la propriété foncière ne peut céder plus de droit qu’elle en a, elle-même ;
Que dès lors le motif tiré de la fausse application de l’article 171 nouveau de la loi n°2016/025 du 14 Juin 2016 est surabondant ;
Qu’il en résulte que cette branche du moyen est inopérante.
Sur la deuxième branche tirée de la violation de la loi par fausse application de l’article 486 du code de procédure civile, commerciale et sociale :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les jugements n°386 du 30 Août 2010 et n°177 du 07 Avril 2011 ont acquis l’autorité de la chose jugée, à l’égard d’Ac B.
Attendu que le jugement n°386 du 30 Août 2010 avait opposé les héritiers de feu Ad B au Gouverneur du District et le Maire de la Commune VI.
Que le jugement n°177 du 07 Avril 2011 a, lui opposé Ad A au chef de bureau des domaines et du cadastre de Bamako.
Qu’Ac B n’a été, personnellement partie à aucune des procédures qui ont abouti à ces jugements.
Attendu, cependant que les parcelles, objet des différends, ayant opposé les susnommés, sont les mêmes, que celles opposant présentement Ac B à la SONEF et à Ad A, par substitution de Ac B au Gouverneur du District et Directeur des Domaines, desquels celui-ci tient tous ses droits et dont il devient un ayant cause.
Attendu qu’il y a autorité de la chose jugée, une fois qu’il est établi que la chose demandée est la même, que la demande est formée sur la même cause, et que la demande est entre les mêmes parties ;
Attendu que, par parties il faut entendre « les personnes qui ont figuré à l’instance, en qualité de partie, et le cas échéant les personnes qui y ont été représentées, ainsi que les ayants cause universels ou à titre universel » Cass. 3e Civ, 21 Juillet 1998, Lerat ; Procédures 1999, n°28 Obs, Junillon (parties différentes).
Attendu que le Gouverneur du District, le Maire de la Commune VI, le Directeur des Domaines et Ac B ; en la cause représentent la même partie ;
Qu’il s’ensuit que les jugements n°386 du 30 Août 2010, et n°177 du 07 Avril 2011 du Tribunal Administratif de Bamako sont opposables à Ac B et ont à son égard l’autorité de la chose jugée ;
D’où il suit que cette seconde branche du moyen n’est pas non plus pertinente.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Le rejette comme mal fondé ;
Ordonne la confiscation de l’amende de consignation ;
Met les dépens à la charge du demandeur.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.