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22/03/2021 | MALI | N°85

Mali | Mali, Cour suprême, 22 mars 2021, 85


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI

SECTION JUDICIAIRE Un Peuple-Un But-Une Foi

2ème CHAMBRE CIVILE ==========

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POURVOI N°212 du 11 Mai 2020

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ARRET N°85 du 22 Mars 2021.

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NATUREÂ

 : Tierce opposition avec abréviation de délai.



La Cour Suprême du Mali a, en son audience publ...

COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI

SECTION JUDICIAIRE Un Peuple-Un But-Une Foi

2ème CHAMBRE CIVILE ==========

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POURVOI N°212 du 11 Mai 2020

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ARRET N°85 du 22 Mars 2021.

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NATURE : Tierce opposition avec abréviation de délai.

La Cour Suprême du Mali a, en son audience publique ordinaire du Vingt Deux Mars Deux Mille Vingt et Un à laquelle siégeaient :

Monsieur Fatoma THERA, Président de la Section Judiciaire de la Cour Suprême, Président ;

Monsieur Moussa DIARRA, Conseiller à la Cour, membre ;

Monsieur Yacouba KONE, Conseiller à la Cour, membre ;

En présence de Monsieur Cheick Mohamed Chérif KONE, Avocat Général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public ;

Avec l’assistance de Maître Souleymane, Greffier ;

Rendu l’arrêt dont la teneur suit 

Sur le pourvoi de la SCP YATTARA-SANGARE, Cabinet d’Avocats inscrits au Barreau du Mali, agissant au nom et pour des Familles de feu Ae C, feu Aj Y et feu Ab B représentées par Ac C, né le … … … à …, Commerçant de nationalité malienne, domicilié à Quinzambougou rue 528, porte 227 Bamako, demanderesse d’une part ;

Contre : l’Arrêt N°31 du 10 Janvier 2018 de la chambre civile de la Cour d’Appel de Bamako, et l’Agence de Cession Immobilière (ACI) ayant son siège à Ah AG 2000, représentée par son Directeur Général, et ayant pour Conseils, Maîtres Moussa MAIGA, Abdramane MAIGA et Bakary DEMBELE, Avocats inscrits au Barreau du Mali, défenderesse d’autre part ;

Sur le rapport de Monsieur Fatoma THERA, Président de la Section Judiciaire de la Cour Suprême et les conclusions écrites du Procureur Général Ae Z et orales de l’Avocat Général Cheick Mohamed Chérif KONE.

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme

Par acte n°212 en date du 11 Mai 2020 du greffe de la Cour d’Appel de Bamako, la famille feu Ae C et autres R / Ac C se sont pourvus en cassation contre l’arrêt n°31 du 10 Janvier 2018 de la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako dans une instance en tierce opposition avec abréviation de délai qui les oppose à l’Agence de Cession Immobilière (ACI) ; arrêt signifié le 07 Mai 2020 par le ministère de Maître Ogopema KASSOGUE, Huissier- commissaire de Justice à Bamako.

Le certificat de dépôt n° 491 en date du 25 Juin 2020 délivré par le Greffier en chef de la Cour Suprême atteste du paiement de la consignation. Les demandeurs au pourvoi sous la plume de la SCP YATTARA - SANGARE ont produit un mémoire ampliatif enregistré sous le n°2058 à la date du 25 Juin 2020 par le Greffe de ce siège ; ledit mémoire a été notifié aux conseils de l’Agence de Cession Immobilière (ACI) défenderesse et a fait l’objet de réplique.

Il résulte de ce qui suit que le recours (pourvoi) a satisfait aux exigences de la loi et doit être déclaré recevable en la forme.

II-AU FOND : Rappel succinct des faits et de la procédure

Il résulte des pièces du dossier que les familles de feu Ae C, feu Aj Y, feu Ab B et feue Aa Y, toutes représentées par Ac C ont attrait le Ministère des Domaines devant le Tribunal civil de Kati dans une instance en réclamation de parcelles ; que les familles demanderesses estiment qu’elles sont propriétaires coutumiers d’un champ de 09 ha 79 a 98 ca sis à Ag sur lequel elles ont une emprise évidente et permanente et détiennent des certificats administratifs. Le Tribunal civil de Kati a rendu en la cause deux jugements : le jugement n°18 du 11 janvier 2016 qui a confirmé le droit de propriété coutumier des demandeurs sur le champ de 09 ha 79 a 98 ca sis à Ag et le jugement n° 298 du 18 avril 2016 qui a rétracté le jugement n° 256 du 04 avril 2016 en ordonnant à l’Administration des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières de restituer aux demandeurs les parcelles N° 27, 28, 29, 30, 31 et 32 sur le titre foncier n° 8153 et les parcelles N° 33 à 106 inclues sur le titre foncier N°8154, issues du morcellement des champs réclamés par les demandeurs.

Il faut relever au passage, que le Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières, propriétaire des titres N° 8153 et 8154 a donné mandat à L’ACI d’aménager et de vendre des terrains issus du morcellement desdits titres fonciers moyennant une rémunération, suivant mandat N°005/2002/MDEAFC-ACI du 12 janvier 2002 complété par avenant N°1 du 07 mai 2002 ; par requête en date du 17 Octobre 2016, l’Agence de cession Immobilière (ACI) saisissait le Tribunal de Grande Instance de KATI d’une action en tierce opposition contre les décisions judiciaires sus visées et par voie de conséquence contre les familles de Feu Ae C et autres représentées par le sieur Ac C ;

Le tribunal de Grande Instance de Kati par jugement n°166 du 08 Mai 2017 a statué ainsi qu’il suit :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;

Déclare l’action de la requérante irrecevable pour défaut de qualité ;

Met les dépens à sa charge.

Que l’Agence de Cession Immobilière ayant relevé appel de cette décision, la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako Par arrêt n°31 du 10 Janvier 2018 a statué ainsi qu’il suit :

En la forme : Reçoit l’appel interjeté ;

Au fond : Annule le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et par évocation :

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de l’ACI-SA ;

Reçoit en conséquence son recours en tierce opposition contre les jugements n°18 du 11 Janvier 2016 et n°298 du 18 Avril 2016 ;

Rétracte lesdits jugements ;

Déclare irrecevables les actions en confirmation de propriété coutumière et en restitution de titres des familles C, Y, SAMAKE et TRAORE ;

Les condamne aux dépens ;

Que c’est cet arrêt qui nous préoccupe.

III Présentation des moyens du pourvoi

La demanderesse au pourvoi invoque au soutien de son recours deux moyens tirés respectivement de la violation de la loi prise en deux branches et de la dénaturation de la convention des parties.

Premier moyen tiré de la violation de la loi

Première branche tirée de la violation des obligations conventionnelles

S’agissant de ce moyen, les demanderesses au pourvoi soulignent qu’aux termes de l’article 1989 du code civil « le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre » ; qu’en recevant la tierce opposition et en soutenant que l’ACI a intérêt à former tierce opposition en ce que dans le cadre de l’exécution de son mandat, elle a procédé au morcellement du titre foncier..., la cour a violé les dispositions de l’article précité en ce sens que nulle part dans le mandat à elle confié, il n’est fait mention de la possibilité pour l’ACI d’ester en justice, surtout qu’elle avait elle-même affirmé qu’elle n’est que mandataire et que le mandat se limitait seulement au morcellement et à la vente des parcelles ;

Que selon une jurisprudence constante, le mandat doit être interprété restrictivement (orléans15Fév.1973 : JCP73.IV254) ;

Que le mandat de passer un acte fut ce après la procédure, n’implique pas nécessairement celui d’ester en justice (soc 3 Fév.1955 : Bull. IV, N°94, p.66) ;

Que par ailleurs aux termes de l’article 1991 « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé... » ;

Qu’en l’espèce, suite aux différentes décisions de justice rendues par le tribunal et suivant différentes correspondances de l’Administration des Domaines, celle-ci a entendu décharger l’ACI des différentes missions à elle confiées ;

Qu’en outre en soutenant que l’ACI court le risque de nombreux contentieux juridiques et judiciaires si les ventes étaient remises en cause alors qu’elle a mis d’importantes sommes en prenant des engagements auprès de la BDM-SA dont le paiement est garanti par une hypothèque sur les titres fonciers et en recevant sa requête en tierce opposition, l’arrêt entrepris viole les dispositions de l’article 1998 ainsi libellé : « le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné... » ;

Qu’il ressort de l’analyse de cette disposition que l’exécution des obligations contractuelles par un mandataire au nom et pour le compte de son mandant incombe à ce dernier et que le mandant doit assurer toutes les obligations résultant des actes conclus par le mandataire au nom du mandant avant la prise d’effet de la révocation du mandat comme c’est le cas en espèce ;

Que l’article 1999 du Code civil ajoute que le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais pour l’exécution du mandat ;

Que les engagements pris par l’ACI doivent être exécutés par le Ministère de l’Administration des Domaines et des Affaires foncières au regard de la disposition précitée ;

Qu’il s’en suit qu’en statuant comme elle a fait, la cour a violé la loi et l’arrêt mérite la censure de la Haute Cour ;

Qu’il convient d’accueillir ce moyen et casser l’arrêt entrepris ;

Deuxième branche tirée de la violation du mandat

En ce qu’aux termes de l’article 1984 du Code civil : « Le mandat ou la procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire » ;

Qu’en l’espèce, il a été suffisamment démontré que la mission confiée à l’ACI est aux termes du mandat n°005 du 12 janvier 2002 de procéder au morcellement et à la vente aux enchères des titres fonciers et non de chercher à se substituer au mandant ; que l’ACI se mêle en sa qualité de mandataire chargée de viabiliser et de vendre pour le compte de l’Administration des Domaines et des Affaires Foncières en contrepartie d’une commission ; que cette administration a volontairement accepté d’exécuter les décisions rendues dans une procédure qui oppose le mandant à des tierces personnes ; qu’en voulant ester en justice en lieu et place du Ministère des Domaines, alors que le mandat à lui confié ne le prévoit pas, l’ACI viole le mandat et outrepasse ses pouvoirs;

Que le mandataire est tenu de se limiter aux actes pour lesquels il est habilité ;

A cet égard, l’article 1156 du code civil dispose que « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté » ; qu’il a été jugé que le mandant n’est pas tenu d’exécuter les actes faits par son mandataire au-delà du pouvoir qui lui a été donné (cour de cassation, première chambre commerciale, 26 Mars 2008, n°04-11.554) ;

Ainsi, à titre d’exemple, la cour de cassation a pu juger que le mandataire excède ses pouvoirs et engage sa responsabilité s’il signe une promesse de vente qui diffère des conditions de vente énoncées dans le mandat qui lui a été donné (Cour de cassation, première chambre civile, 2 Décembre 2008 n°91.594) ;

Qu’en engageant une procédure judicaire en tierce opposition pour des parcelles que l’Administration a volontairement accepté de restituer aux véritables bénéficiaires en exécution des décisions de justice, l’ACI a outre passé son mandat ;

Que l’arrêt en rejetant le défaut de qualité soulevé par les demanderesses au pourvoi et en recevant la tierce opposition dans ces conditions, viole la loi et mérite la censure de la haute cour ;

Qu’il échet d’accueillir ce moyen et casser l’arrêt entrepris ;

Deuxième moyen tiré de la dénaturation de l’écrit :

En ce qu’aux termes de l’article 1192 du Code civil : « On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation » ; que cette disposition doit être comprise comme posant une limite au pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond en matière contractuelle ;

Que cette limite se résume à l’exercice du contrôle de la dénaturation effectuée par la Cour Suprême ;

Que si l’interprétation des contrats est, en principe une question de fait laissée à l’appréciation des juges du fond, la Cour de cassation s’est reconnue le droit de censurer les décisions qui modifient le sens et la portée des clauses claires et précises suivant un arrêt des chambres réunies en date du 2 février 1808 ; qu’ainsi, il est fait défense aux juges du fond d’altérer le sens du mandat, sous couvert d’interprétation, pour des considérations d’équité, dès lors que les stipulations sont suffisamment claires et précises, comme c’est le cas en l’espèce, puisqu’il ressort clairement du mandat n°005/2002/ MDEAFC donné par le Ministère des Domaines de l’Etat et Affaires foncières à l’Agence de Cessions Immobilières que la mission confiée se résume seulement à :

Faire réaliser un plan d’aménagement du titre foncier et à le faire approuver par les services techniques compétents ;

Viabiliser toutes les parcelles restantes qui seront issues du morcellement des superficies sur ledit titre ;

Procéder à la vente aux enchères des parcelles issues de ce morcellement ;

Qu’il ne ressort nulle part du contrat liant le Ministère des Domaines et Affaires foncières à l’Agence de Cessions Immobilières que cette dernière dispose des pouvoirs d’ester en justice en se substituant à l’Administration, sous prétexte qu’elle encourt le risque des contentieux d’ordre juridique et judiciaire tels que le retiennent les juges de la Cour d’appel dans leur motivation pour recevoir l’ACI dans sa requête en tierce opposition suite au défaut de qualité à elle opposé au regard du contrat qui la lie à l’Administration des domaines en raison de la clarté et de la précision des missions confiées et de l’obligation faite au mandant d’assurer l’exécution des obligations résultant des actes posés par le mandataire ;

Qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel a dans son arrêt procédé par des interprétations dites « dénaturantes » qui méconnaissent la lettre claire et précise du mandat confié à l’ACI ;

Que le grief de la dénaturation sera retenu, la cour d’appel ayant pour se prononcer, fait d’un écrit (mandat) une lecture contraire aux termes clairs et précis qu’il contient en ce sens que ce sont les écritures des parties qui ont été dénaturées puisque la détermination de l’objet du mandat est en cause ;

Que selon donc une jurisprudence constante, la dénaturation retenue comme cas d’ouverture de cassation est analysée comme une contradiction ou une insuffisance de motivation et est sanctionnée comme telle (Crim, 24 Mai 1945, Bull, Crim.1945, n°58, p.80) ;

Qu’il convient d’accueillir ce moyen et de casser l’arrêt entrepris ;

Qu’enfin en application de l’article 651 du CPCCS, la Cour Suprême peut mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constaté et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée ou lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond ; qu’en l’espèce, il est demandé à la haute juridiction de faire application des dispositions de l’article cité en référence ;

Que Maîtres Ak X, Ad X, Ai M. A (SCP FFT) et la SCP Camara-Traoré, tous Avocats inscrits au Barreau du Mali, assurant la défense des intérêts de l’ACI, dans leur mémoire en réplique ont conclu au rejet du pourvoi comme étant mal fondé ;

SUR QUOI,

IV Analyse des moyens

Attendu que la violation de la loi et la dénaturation de l’écrit dont se prévaut le conseil des familles demanderesses au pourvoi sont des cas d’ouverture à pourvoi aux termes de l’article 88 de la Loi n°2016-046/ du 23 Septembre 2016 Portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle ;

A°) Sur le moyen tiré de la violation de la loi en deux branches

Attendu que de l’examen des pièces du dossier, il apparait que les deux branches du moyen tiré de la violation de la loi développées par les demanderesses au pourvoi présentent de nombreux points de convergence ; qu’il y a donc lieu de les analyser ensemble ;

Attendu que par lesdites branches il est reproché aux juges de la chambre civile de la Cour d’appel de Bamako d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de l’ACI-SA , de l’avoir reçu dans sa tierce opposition et d’avoir soutenu qu’elle avait intérêt à exercer ce recours contre les décisions judiciaires définitives intervenues entre les demanderesses au pourvoi et l’Etat du Mali à travers le Ministère des Affaires Foncières et des Domaines de l’Etat ; le tout en violation des stipulations conventionnelles issues du mandat n°005/2002/MDEAFC-ACI et des prescriptions légales principales qui sous-tendent le régime du mandat de droit commun à savoir les articles 1984, 1989 ; 1911, 1998 et 1999 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt de l’ACI-SA à agir en tierce opposition contre les jugements cités en référence, l’arrêt déféré a retenu ce qui suit :

« Considérant que l’article 603 dispose : «   est recevable à faire tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque… » ;

Considérant que dans le cas de figure, l’ACI-SA n’a été ni partie, ni représentée dans les jugements n°18 et 298 susvisés, en tout cas la preuve contraire de cela n’est pas rapportée ; qu’elle a intérêt à former tierce opposition, en ce que dans le cadre de l’exécution de son mandat, elle a procédé au morcellement du titre foncier objet du mandat pour créer les titres fonciers n°8153 et 8154 et au morcellement de ces deux titres fonciers pour créer les titres fonciers n°5173 à 51686 et n° 511673 à 51756 dont une bonne partie a déjà été vendue à des particuliers et le prix de vente ..versé au Trésor public ; que pour les opérations de viabilisation, de morcellement et de création des titres fonciers individuels et de vente, elle a mis d’importantes sommes en prenant des engagements auprès de la BDM-SA dont le paiement est garantie par une hypothèque sur les titres fonciers, mais aussi, elle court le risque de nombreux contentieux juridiques et judiciaires si les ventes étaient remises en cause ;qu’elle a donc qualité et intérêt à obtenir la rétractation des jugement attaqués pour éviter…la remise en cause de sa propre existence ; qu’au regard de tout ce qui précède, le défaut de qualité et d’intérêt… n’est pas fondé et doit être rejeté… » ;

Mais attendu que de l’examen du dossier de l’affaire, il ressort que les décisions judiciaires définitives dont la rétractation a été décidée par l’arrêt déféré suite à la tierce opposition exercée par l’ACI SA sont intervenues dans le cadre d’une action en réclamation de bien immobilier qui s’apparente à une action en revendication (rei vindicatio) laquelle vise à administrer devant le juge la preuve de sa propriété sur un bien qui se trouve en d’autres mains et dans le but de se le faire restituer ( Obligations Af P. 1297-n°1627) ;

Qu’une telle action comme c’est le cas en l’espèce, ne peut être intentée ou exercée que par une personne titulaire de droit de propriété ; que dans cette dynamique, on comprend dès lors pourquoi il n’était pas possible pour l’ACI-SA qui n’est pas propriétaire des parcelles litigieuses en cause d’être partie aux instances ayant consacrées les décisions objet de son recours ;

Que de même, l’examen du mandat n° 005/2002/MDAFC-ACI du 12 janvier 2002 atteste que cette convention ne contient aucune stipulation donnant pouvoir à l’ACI-SA de se substituer à son mandant pour ester en justice contre des tiers ;

Que dès lors, en se déterminant comme ils l’ont fait les juges d’appel ont violé les dispositions légales qui régissent le contrat de mandat par refus d’application, des articles suivants du Code civil ainsi libellés 1989 « le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre », 1998 « le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné… » ; 1999 « Le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat et lui payer ses salaires lorsqu’il en a été promis… ».

Que c’est pourquoi l’arrêt déféré qui ne prend pas de surcroît en compte les stipulations du contrat de mandat sus visé, s’expose à la censure de la haute juridiction ;

Attendu que dans la même veine et s’agissant de l’intérêt pour l’ACI d’agir au titre de la tierce –opposition dans le cas de l’espèce, la doctrine et la jurisprudence s’accordent pour retenir que pour être utile « l’intérêt doit être distinct de l’une des parties ayant participé au procès… Il faut selon l’expression de la Cour de cassation « un intérêt propre à agir, distinct de celui de la partie ayant déjà agi » (Droit et Pratique de la procédure civile DALLOZ éd. 2017-2018 , p.1790 n° 551.53) ; que dans le cas de l’espèce, et au regard des stipulations du contrat de mandat qui lie l’ACI SA au Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières, l’intérêt de l’ACI tierce opposant n’est pas distinct de celui de son mandant au point que les juges d’appel ont justifié le dit intérêt par les obligations contractuelles qui pèsent sur elle au titre du mandat encore que le mandant à savoir, le Ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières s’est engagé à faire face aux avances et aux frais engagés par son mandataire au titre de l’exécution du mandat ; qu’il y a donc lieu d’accueillir le moyen en ses deux branches ;

B°) Sur le deuxième moyen tiré de la dénaturation de l’écrit

Attendu que l’analyse de ce moyen tel que présenté par les demanderesses au pourvoi, révèle l’existence d’une forte interférence avec le premier moyen tiré de la violation de la loi, que dans le cas de l’espèce il s’apparente plutôt à une violation du contrat de mandat par refus d’observer strictement ses clauses alors même qu’il est et demeure la loi des parties ; que c’est pourquoi l’arrêt sera censuré pour violation de la loi et non pour dénaturation de l’écrit.

Sur la cassation sans renvoi

Attendu que par application de l’article 164 de la loi n° 2016/046 du 23 Septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation des règles de fonctionnement de la Cour suprême et de la procédure suivie devant elle, la Cour Suprême peut casser sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond. Elle peut aussi en cassant sans renvoi mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit approprié ;

Attendu qu’en l’espèce les questions de droit relatives à la tierce opposition en cause ont été épuisées par application des règles de droit appropriées ; qu’il y a lieu d’ordonner la cassation sans renvoi en mettant les dépens à la charge du Trésor public ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

En la forme : Reçoit le pourvoi ;

Au fond : Le déclare bien fondé ;

Ordonne la cassation sans renvoi ;

Ordonne la restitution de l’amende de consignation ;

Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER

Suivent les Signatures ;

Signés illisibles ;

DF : Gratis,

Enregistré au Service des Impôts du District de Bamako le 02 // 04 // 2021 ;

Vol 45, Fol 34, N°02 Bordereau 561 ;

Reçu : Gratis ;

Signé illisible.

L’inspecteur de l’Enregistrement ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 85
Date de la décision : 22/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2021-03-22;85 ?
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